Dictionnaire de la Bible J.-A. Bost 1849-D


septembre 3, 2010


Préface A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z


D


DABBÉSETH,


Josué 19:11, ville inconnue, de la tribu de Zabulon.


DABRATH,


ville située sur la frontière des tribus d'Issacar et de Zabulon, Josué 19:12, et qui fut donnée aux lévites, Josué 21:28; 1 Chroniques 6:72. Elle est quelquefois appelée Dobrath. Reland la place, avec assez de vraisemblance, au pied méridional du mont Thabor, où Burckhardt a trouvé un village nommé Dabury: on pense que c'est le Dabeïra d'Eusèbe.


DAGON,


divinité nationale des Philistins d'Asdod et de Gaza, non sans rapports avec Hastaroth et Derceto, Juges 16:23; 1 Samuel 5:1,4; sq. De ce dernier passage on peut conclure qu'elle avait une tête, des bras et des mains d'hommes; d'un autre côté, l'étymologie de ce nom (dag, poisson) permet de croire que la partie postérieure de son corps se terminait en poisson, comme les tritons et les syrènes des autres païens. Pour la plupart de ces peuples, voisins de la mer, les poissons étaient un objet de culte (Hérodote 2, 72. Xénophon Anab. 1:4,9; etc.); et les Babyloniens eux-mêmes avaient une divinité toute semblable, Odakon, mi-homme, mi-poisson, l'un des quatre bienfaiteurs de l'humanité connus sous le nom d'Oannès, et qui remontaient jusqu'aux temps du déluge (Creuzer's Symb. II, 74; 78).

— D'après un système tout différent, Philon de Byblos fait dériver le nom de Dagon de l'hébreu dagan, qui signifie froment, blé; il en ferait une espèce de Dieu des récoltes et des moissons. Cette opinion, partagée entre autres par Bochart, n'a guère d'autre appui que l'étymologie; mais sous ce rapport la première se justifie également, et de plus elle a pour elle des raisons historiques d'un grand poids. Le temple de Dagon, mentionné Juges 16, et qui fut renversé par Samson, devait être construit dans le genre des kiosques de la Turquie; c'était une vaste place entourée de colonnes, et couverte d'un toit plat sur lequel un grand nombre de personnes pouvaient se réunir dans des circonstances solennelles et pour des réjouissances communes.


DAIM,


Proverbes 6:5;

Voir: Gazelle.


DALMANUTHA,


Marc 8:10. La comparaison de ce passage avec Matthieu 15:39, montre que cette bourgade devait être située dans le voisinage de Magdala; mais c'est tout ce que l'on en sait. D'autres (Calmet, etc.), lisent au lieu de Magdala Magedan, et comparent la ville de Médan près du lac Phiala et des sources du Jourdain, où les Arabes tiennent chaque année une grande foire (medan en arabe), qui a donné son nom à l'endroit: c'est à la fois faux et forcé.


DALMATIE.


La province de ce nom, indiquée dans la Bible, 2 Timothée 4:10, comme ayant été évangélisée par Tite, était, selon Pline III, 28, située dans l'ancienne Illyrie, au bord de la mer Adriatique, entre les fleuves Titius et Drinus.


DAMARIS.


Actes 17:34. Cette femme que l'on peut supposer avoir été d'un rang élevé, et que quelques-uns font femme de Denys l'aréopagite, fut du petit nombre de personnes qui se convertirent à Athènes par suite de la prédication de saint Paul.


DAMAS.


  1. Au milieu d'une vaste plaine de la Syrie qui s'étend vers le nord jusqu'aux chaînes de l'Antiliban, et dont le Chrysorrhoas qui la traverse, se divisant en plusieurs bras, fait une des contrées de la terre les plus fertiles et les plus riantes, s'élève de nos jours encore l'antique et célèbre ville de Damas; le fleuve la sépare en deux parties. Sa position comme point central entre l'Asie Mineure et l'Asie intérieure, lui donna, dès les temps les plus reculés, une grande importance sous le rapport commercial et politique. Maintes fois détruite par des tremblements de terre ou par les chances des combats, elle a toujours été rebâtie, grâce à la beauté de sa position, à la douceur de son climat, à la variété de ses productions en tous genres; ses habitants y voient le paradis terrestre. Maintenant elle est encore le chef-lieu d'un pachalik turc et ne compte pas moins de 200,000 âmes, dont 25,000 chrétiens.

    Elle est déjà nommée comme existant à l'époque d'Abraham, et quelques auteurs font de ce patriarche le premier roi de Damas, après que son fondateur Dammésec eut été détrôné par lui. Élihézer, l'intendant de la maison d'Abraham, était Damascénien, Genèse 15:2; Abraham poursuivit Kédor-Lahomer et les cinq rois alliés jusqu'à Hobar qui est plus au nord et à la gauche de Damas (14:15). Depuis ce moment il n'en est plus reparlé jusqu'au temps de David qui s'en empara, 2 Samuel 8:5-6. Elle fut reprise déjà sous Salomon, par Rézon fils d'Eljadab, 1 Rois 11:24. Parmi les rois qui la gouvernèrent depuis cette époque, nous remarquerons surtout les suivants, dont l'histoire fut plus ou moins liée à celle du peuple d'Israël:

    Ben-Hadad I, fils de Tabrimon, fils de Hezjon; il fit alliance avec Asa roi de Juda, contre Bahasa roi d'Israël, et remporta sur ce dernier une importante victoire, 1 Rois 15:18.

    Ben-Hadad II, fils du précédent; il marcha contre Achab roi d'Israël, et fit le siège de Samarie, aidé de trente-deux rois, mais il fut obligé de quitter la place. L'année suivante il fut de nouveau battu par Achab, et comprit que le Dieu d'Israël était un Dieu de la plaine comme un Dieu des montagnes; il dut faire la paix, et rendre les villes que ses ancêtres avaient prises sur Israël, 1 Rois 20. Il se releva cependant contre Joram, fils d'Achab.

    Hazael, un de ses officiers, lui succéda après l'avoir étouffé dans son lit; il fut dans la main de Dieu un instrument pour châtier à la fois son prédécesseur qui avait combattu contre le peuple de l'alliance, et ce royaume des dix tribus qui avait abandonné le culte du vrai Dieu: il ravagea en particulier les provinces situées à l'est du Jourdain, et s'avança jusque sous les murs de Jérusalem, 1 Rois 19:14-15; 2 Rois 8:28; 10:32; 12:17.

    Ben-Hadad III, fils de l'usurpateur se para du nom de l'ancienne dynastie. Trois fois il fut battu par le roi d'Israël Joas, et finalement fut obligé de rendre toutes les conquêtes de son père, 2 Rois 13:25; on peut même conclure de 2 Rois 14:28, qu'il perdit momentanément sa capitale.

    Retsin. Ce qui causa la ruine du petit royaume de Damas, c'est que ce malheureux prince s'étant ligué avec Pékach roi d'Israël, contre Achaz roi de Juda, celui-ci se vit obligé de solliciter l'alliance et l'intervention de Tiglath-Piléser. L'Assyrien, pour faire une diversion utile à son allié, entra sur les terres de Retsin, prit Damas, tua Retsin lui-même, emmena une partie de ses sujets en captivité, et réunit ce territoire à l'empire d'Assyrie, 2 Rois 16:9; Ésaïe 17.

    Damas continua cependant de subsister, mais soumise; elle passa successivement sous la domination des Babyloniens, des Perses, des Séleucides, et enfin depuis Pompée sous celle des Romains, (cf. Ésaïe 7:4,8; 8:4; 10:9; 17:1; Amos 1:3,5; Ézéchiel 27:18; Jérémie 25:9; 49:23-24; Zacharie 9:1). Elle compta toujours parmi ses habitants, surtout sous les Séleucides, un grand nombre de Juifs (Flavius Josèphe, Guerre des Juifs I, 2, 25; II, 20, 2; Actes 9:2). Elle marqua encore, dans l'histoire du christianisme, comme le lieu de la conversion et de la première prédication de saint Paul, Actes 9:3,19; Galates 1:17.

    On montre encore, à cinq cents pas de Damas, l'endroit ou Paul fut renversé par la voix du ciel, et dans la ville, la rue et la maison où Ananias le baptisa. Cette maison fut d'abord changée en église, les Turcs en ont fait une mosquée. C'est également avec les mêmes garanties qu'on montre dans les environs de Damas le tombeau d'Abel, long d'environ 14 mètres, eu égard à la grandeur des premiers hommes. Quelques écrivains, traduisant le nom de Damas (Dammésec) un sac de sang, pensent que ce fut dans ses environs que se commit le premier meurtre.
     

  2. La Syrie de Damas, ou Aram Damas, est le nom qu'on donnait à la partie de la Syrie qui formait le territoire de la ville de Damas, au nord-est de la Palestine, 2 Samuel 8:6; cf. Ésaïe 7:8; 17:3; Amos 1:5.


DAN


était fils de Jacob et de Bilha, Genèse 30:3. On avait assigné à la tribu qui porta son nom un territoire entre les tribus de Juda, de Benjamin et d'Éphraïm, Josué 19:40; mais, outre que ces limites étaient passablement restreintes, il paraît qu'il se passa un temps assez long avant qu'elle pût en chasser les Cananéens et en prendre entièrement possession: c'est ainsi qu'il faut entendre les passages, Juges 1:34; 18:2. Ce fut là sans doute la cause de l'expédition contre la ville de Laïs, qui eut lieu déjà du temps de Josué, Josué 19:47, mais que nous ne trouvons racontée avec détails que Juges 18. La nouvelle ville qui fut construite sur l'emplacement de Laïs, reçut aussi le nom de Daniel Ils possédèrent ainsi tout le cours supérieur du Jourdain, et la partie septentrionale du pays, de sorte que pour dire d'une extrémité à l'autre de Canaan, on finit par dire proverbialement de Dan à Béersébah, 1 Samuel 3:20; etc.

Voir: Béersébah.

Quant à l'ancien territoire de la tribu, il avait pour voisins et pour ennemis les Philistins, sous l'oppression desquels les Danites gémirent pendant quarante ans, jusqu'à ce qu'enfin un homme de cette tribu, Samson, les en eut délivrés, Juges 13:1-2. Les Danites avaient des vaisseaux, Juges 5:17, et l'on croit qu'ils possédaient la ville de Joppe au bord de la mer.

Jacob, à son lit de mort, annonce que Dan jugera son peuple, aussi bien qu'une autre des tribus d'Israël (Samson); qu'il sera un serpent sur le chemin, et une couleuvre dans le sentier, mordant les cornes du cheval, et celui qui le monte tombe à la renverse», ce qui signifie que ses conquêtes et ses victoires seront dues à la ruse plutôt qu'à la force (Genèse 49:16-17). Moïse au contraire dit de cette tribu: «Dan est comme un jeune lion», montrant ainsi que, si la ruse est son partage, la force cependant ne lui manquera pas.

Quant aux raisons pour lesquelles cette tribu ne se trouve pas mentionnée avec les autres Apocalypse 7:5-8, les commentateurs sont partagés: on pourrait penser que c'est parce qu'elle fut dès le commencement le principal siège de l'idolâtrie, Juges 18; 1 Rois 12:30;

Voir: Tribus.


DANIEL.


  1. Troisième fils de David, par Abigaïl, 1 Chroniques 3:1.
     

  2. Descendant d'Ithamar, nommé parmi ceux qui revinrent de la captivité de Babylone, Esdras 8:2.
     

  3. Prophète hébreu.

Daniel le prophète était d'une naissance illustre, et même, selon Flavius Josèphe (Antiquités Judaïques 10, 10), il appartenait à la famille royale et descendait directement d'Ézéchias; cf. 2 Rois 20:18. Fort jeune encore, âgé peut-être de 12 à 15 ans, il fut emmené captif en Caldée, après la prise de Jérusalem par Nébucadnetsar, la quatrième année de Jéhojakim (avant J.-C. 606). Il fut élevé avec trois autres de ses compatriotes et compagnons d'âge pour le service de la cour, et reçut le nom de Beltesatsar, Daniel 1:7; 2:26. Il se distingua par ses abstinences et sa fidélité, refusa de se souiller en goûtant des mets qui lui étaient défendus par la loi de Moïse, et commença, au bout de trois années de préparation, son service auprès du monarque. Les quatre jeunes gens ne tardèrent pas à gagner la confiance de leur maître par leur sagesse et leur science admirables; Daniel, en particulier, ayant su rappeler au roi un songe remarquable que celui-ci avait fait et qu'il avait entièrement oublié, et lui en ayant en même temps donné l'interprétation, devint l'objet d'une haute considération et fut élevé à la dignité d'inspecteur de la caste des mages, 2:46, charge qu'il paraît avoir perdue cependant sous l'un des successeurs de Nébucadnetsar, et qu'il n'exerçait plus sous Belsatsar, 5:10-16. C'est revêtu de ce titre nouveau qu'il fut appelé auprès du roi pour lui expliquer un second songe, mais personnel à Nébucadnetsar, et plus terrible que le premier; il lui annonça qu'il serait, pendant un certain nombre d'années, réduit à l'état de bête sauvage. Puis, pendant deux ou trois règnes, ceux d'Évil-Mérodac, de Nériglissor et de Laboroso-Archod, Daniel disparaît de la scène: les armes de Cyrus remplissent déjà l'Asie, sa renommée est portée sur toutes les bouches, ici la crainte, là l'espérance. Daniel, qui sait la succession des monarchies et le renversement de Babylone par la puissance médo-perse, Daniel qui sait que la fin de la captivité, que le terme des soixante et dix années approche, Daniel enfin qui se rappelle que c'est un guerrier du nom de Cyrus qui doit présider au retour des Juifs dans leur pays, dire à Jérusalem: sois rebâtie, et à son temple: sois refondé, Daniel attend dans le silence le développement et l'accomplissement de ces faits dont aucun autre peut-être n'a la clef. Puis, une nuit, pendant que Belsatsar est dans la salle du festin, Cyrus marche dans le lit du fleuve mis à sec, et l'ange écrit sur la muraille du festin des mots mystérieux et redoutables. Après avoir inutilement consulté les mages et les devins, Belsatsar mande le prophète hébreu. Daniel apparaît: ses paroles sont sévères; il parle à un roi puissant, mais qui n'a plus que peu d'heures à vivre; il lui reproche ses crimes et lui déclare que le moment de la vengeance est arrivé: bien loin de profiter de l'expérience de ses pères, il a résisté au vrai Dieu, il s'en est détourné, il a foulé aux pieds les choses saintes; les coupes et les vases sacrés du temple de Jérusalem sont encore là, sur la table, pleins de vin, destinés à passer par les lèvres des courtisans et des concubines royales. Frappé de terreur, et voulant essayer peut-être de parer le coup fatal en s'amendant à la hâte, Belsatsar fait revêtir Daniel d'écarlate, lui met un collier d'or au cou, et le déclare le troisième du royaume. C'était trop tard. Darius le Mède, grand oncle de Belsatsar, et pour qui Cyrus avait fait cette conquête, s'empara du royaume à l'âge d'environ soixante et douze ans; il continua d'avoir pour Daniel le même respect et la même considération que lui avaient témoignée ses prédécesseurs; il établit cent vingt satrapes dans le pays, au-dessus d'eux trois gouverneurs, et Daniel comme leur chef. Darius fut le sixième roi que Daniel fut appelé à servir d'une manière ou de l'autre dans l'administration; il servit encore plus tard sous Cyrus, Daniel 6:28. Cependant l'envie et la malveillance ne dormaient pas; la religion fut le moyen que l'on mit en avant pour perdre Daniel; on arracha à Darius un édit par lequel tout homme qui, pendant trente jours, adresserait des prières à une autre divinité qu'au roi lui-même, serait jeté aux lions. Daniel, qui n'a jamais fait étalage de piété, ne craint point non plus de montrer sa foi; il doit l'exemple à ses coreligionnaires, il doit les soutenir dans ce combat entre les dieux de Darius et Jéhova: sa position l'y oblige; s'il cède, tous céderont; s;il persévère dans le bien, tous y persévéreront. Aussi, trois fois le jour il ouvre sa fenêtre du côté de Jérusalem, se met à genoux, prie et célèbre son Dieu comme il faisait auparavant. Découvert, accusé, condamné malgré le roi que sa parole engage, on le descend dans la fosse aux lions; mais ces animaux affamés respectent l'oint de l'Éternel, et quand, au jour suivant, Darius, qui croit au Dieu de Daniel, s'approche avec une vague et faible espérance de trouver son ami vivant, Daniel lui répond: O roi, vis éternellement. Mon Dieu a envoyé son ange, et a fermé la gueule des lions, tellement qu'ils ne m'ont fait aucun mal, parce que j'ai été trouvé innocent devant lui; et même à ton égard, ô roi, je n'ai commis aucune faute. Daniel sort du tombeau triomphant; ses ennemis, qu'on y jette avec leurs femmes et leurs enfants, sont dévorés «avant même qu'ils soient parvenus au bas de la fosse.» Le prophète reprend dans l'empire son rang et son autorité, Daniel 6:11; c'est en grande partie à son influence qu'il faut attribuer la permission donnée aux Juifs de retourner dans leur patrie. Lui-même resta à la cour, surveillant jusqu'à sa mort les intérêts du règne de son divin maître, et mourut, à ce que l'on peut croire, âgé d'au moins quatre-vingt-dix ans, quelques années après l'avènement de Cyrus.

Dieu n'avait envoyé Daniel à Babylone, et ne l'avait revêtu du ministère public qu'en vue du peuple d'Israël, dont la régénération morale devait s'opérer pendant l'exil. Or, quoi de plus propre à atteindre ce but que la mission de Daniel? Tous les Israélites pouvaient attacher leurs regards sur lui comme sur un modèle de fidélité: ils voyaient se déployer en lui, même au milieu des idoles, toute la puissance du vrai Dieu; jeune, il les encourage par sa fermeté; plus tard, il les soutient de son crédit et par les révélations de sa sagesse surhumaine; vieillard, il affronte les lions, et, par sa haute position, s'expose aux premiers coups, aux premiers châtiments, comme le sapin de la montagne qui détourne la foudre des arbustes qui l'environnent, en l'attirant sur lui-même. Enfin ses prophéties consolantes devaient relever leur courage abattu, et leur montrer dans un avenir peu éloigné le moment que les fidèles appelaient de leurs vœux les plus chers.

Deux passages d'Ézéchiel, 14:14; 28:3, nous montrent que sa destinée providentielle fut comprise au moins par quelques-uns de ses compatriotes; ils nous font voir en même temps combien Daniel devait être un homme de prière, puisque de son vivant, un de ses contemporains, mû par l'esprit de Dieu, ne craint pas de le citer avec Job et Noé, comme un des hommes dont l'intercession eût pu avoir le plus de succès auprès du trône des miséricordes et de la justice. Sa sagesse y est également exaltée.

On s'est étonné quelquefois que Daniel n'ait pas été enveloppé dans une même condamnation avec ses trois amis qui furent jetés dans la fournaise ardente pour avoir refusé d'adorer la statue de Nébucadnetsar, Daniel 3; mais outre que Daniel pouvait se trouver accidentellement éloigné, il faut remarquer que la fête de cette dédicace se fit dans la province de Babylone où les trois autres jeunes gens étaient établis, tandis que Daniel qui avait un autre poste dans la ville même de Babylone, à la porte du roi, 2:49, était peut-être retenu par sa charge même, loin d'une scène d'idolâtrie dans laquelle il aurait certainement participé à la conduite, au supplice et à la délivrance de ses amis, s'il eût été appelé à y assister.

Quoique le prophète ait été un homme pécheur comme nous, et qu'il le reconnaisse avec tant d'humilité dans la belle prière du chapitre neuvième, on a fait la remarque que sa vie telle qu'elle est racontée ne présente aucune espèce de taches, de même que celle de Joseph en Égypte: ce sont deux figures qui nous offrent la plus grande pureté de caractère, nobles, droits, fidèles dans tout ce que nous en connaissons.

Livre de Daniel. Les six premiers chapitres se rapportent à la biographie du prophète; les six autres contiennent les prophéties proprement dites, qui ont essentiellement pour objet l'histoire des principaux peuples aux destinées desquels le peuple de Dieu fut mêlé et enchaîné. Ce devait être pour les Israélites pieux une grande consolation de pouvoir ainsi discerner clairement, au milieu des révolutions politiques, la main de celui qui fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l'aiment. Le sujet du chapitre 7e est le même que celui du songe expliqué au chapitre 2e, la succession des quatre monarchies, chaldéenne, médo-perse, macédonienne et romaine. Le chapitre 8e annonce avec plus de détail l'histoire de la deuxième et troisième de ces monarchies. Le 9e détermine de la manière la plus remarquable et la plus précise l'époque des bénédictions messianiques, il renferme le passage des septante semaines. Les chapitres 10e et 11e prédisent les destinées du peuple Juif sous la domination égyptienne et sous la domination syrienne. Enfin, le 12e s'étend de nouveau jusqu'aux temps du Messie. Ces douze premiers chapitres sont écrits partie en caldéen, partie en hébreu; les catholiques en ajoutent deux autres écrits en grec, et renfermant les histoires de Susanne, de Bel et du Dragon; on les compte ordinairement à part.

Voir: Apocryphes.

Le livre de Daniel contient des vérités tellement précises, les miracles qu'il rapporte sont si inexplicables, qu'il devait être une pierre d'achoppement pour tous les ennemis de la révélation: aussi les voyons-nous se liguer dans leurs attaques contre son authenticité, depuis le païen Porphyre jusqu'aux rationalistes modernes inclusivement. Cette authenticité, cependant, repose sur des preuves assez solides et assez nombreuses pour que sous ce rapport Daniel puisse se mesurer avec tout autre livre de l'antiquité hébraïque. Il existait déjà en collection du temps des Maccabées, 1 Maccabées 2:59-60, et Flavius Josèphe nous apprend, Antiquités Judaïques 11, 85, qu'il fut présenté à Alexandre-le-Grand, fait dont nous n'avons aucune raison de douter. L'auteur montre aussi une connaissance si approfondie des mœurs et des événements de l'époque dont il parle, qu'il serait difficile d'admettre que ce livre ait été écrit à une époque postérieure. Enfin et surtout, nous avons en faveur de son authenticité le témoignage solennel de notre Sauveur, qui ajoute: que celui qui lit ce prophète y fasse attention, Matthieu 24:15.

Pour l'étude de ce livre difficile nous indiquerons parmi les meilleurs ouvrages à consulter, le Commentaire de Calvin, l'Apologétique de Sack, Hengstenberg's Beitræge zur Einl. in das Alte Test., le commentaire de Hævernick, en anglais Tregelles, et en français les Leçons sur le prophète Daniel, données dans une école du dimanche, par M. Gaussen.


DANNA,


Josué 15:49, ville de Juda située dans les montagnes.


DANSE.


De tout temps les Hébreux paraissent avoir été grands amateurs de la danse, Proverbes 26:7; Ecclésiaste 3:4. C'étaient principalement les femmes et les jeunes filles qui s'adonnaient à cet exercice, Jérémie 31:4; Juges 21:21, et les enfants les imitaient dans leurs jeux au milieu des rues, Matthieu 11:17; Luc 7:32; plus ordinairement, les danses se composaient de chœurs et de groupes; on voit cependant aussi quelques exemples de solos de danse, 2 Samuel 6:14,16; Matthieu 14:6. Elles faisaient partie des réjouissances particulières, Luc 15:25; on les trouve aussi pratiquées dans les réjouissances publiques, accompagnant les récoltes, Juges 9:27, les fêtes politiques, 1 Samuel 18:6; 21:11; 30:16, et même les fêtes religieuses, Exode 15:20; Juges 21:19-21; 2 Samuel 6:5,14. Les femmes s'accompagnaient du tambourin, Jérémie 31:4, quelquefois on y joignait le chant, 1 Samuel 18:7; 21:11, et des instruments de musique, cymbales et autres, 2 Samuel 6:5. Ces danses, en général d'un caractère religieux, se justifiaient par le besoin naturel à l'homme d'exprimer sa joie, sa reconnaissance pour son Dieu, aussi bien par les mouvements de ses membres, que par les sons de sa voix; mais elles n'avaient aucun rapport avec les dissipations et les danses toutes charnelles, habituellement voluptueuses, des bals et ballets modernes. On peut conjecturer d'ailleurs qu'elles ressemblaient à quelques égards aux danses à la fois énergiques et gracieuses de l'Orient actuel.

— Plus tard seulement on vit paraître dans le voisinage de la Palestine, et peut-être en Palestine même, des danseuses étrangères, prostituées et musiciennes, vraies bayadères, parcourant les villes, et les amusant de leurs chants et de leurs danses, Ésaïe 23:16.


DARDAH,


1 Rois 4:31,

Voir: Éthan.


DARIUS.


Trois rois de ce nom sont mentionnés dans l'Écriture, et le nom même de Darius qui signifie en persan un roi, semble indiquer que c'était une espèce de titre dynastique commun à tous les rois de ce pays, mais plus particulièrement porté par quelques-uns.

  1. Le premier dont la Bible nous parle est Darius le Mède fils d'Assuérus (Astyage) et connu dans les historiens grecs sous le nom de Cyaxare II (Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques X, 11, 1), d'Astyage dans l'apocryphe Daniel 14:1. Ce fut lui qui avec le secours de Cyrus son neveu réunit à ses états l'empire babylonien (538 avant J.-C.), et commença la seconde monarchie annoncée par Daniel. Sur la fin de son règne, il se livra à la mollesse et aux plaisirs, et abandonna l'exercice de l'autorité royale à Cyrus dont il avait fait son gendre, et qui bientôt fut son successeur dans les empires réunis. Le trait principal de son règne est, à côté de son affection et de son estime pour Daniel, la faiblesse avec laquelle il signa le fol édit qui défendait à tous ses sujets d'adresser des vœux à un autre qu'à lui pendant l'espace de trente jours; cette impie mesure qui flattait son orgueil, et qu'il n'avait pas examinée davantage, eut pour conséquence (comme elle avait eu pour motif chez les ambitieux ennemis du prophète) l'arrestation de Daniel et sa condamnation. Darius, esclave de sa parole et le jouet de ses courtisans, crut devoir livrer celui qu'il avait établi naguère gouverneur de toutes les satrapies du royaume, et le fidèle fut jeté aux lions. Au milieu de ces bêtes féroces et affamées, le vieillard passa une nuit plus tranquille que le malheureux monarque dans son palais et sur sa couche royale. Darius avait cependant quelque faible espérance; un miracle ne lui paraissait pas impossible: Ton Dieu, lequel tu sers incessamment, sera celui qui te délivrera, avait-il dit à Daniel; mais avec cette faible foi de païen, chargé d'ailleurs, dans sa conscience, d'un meurtre qu'il se reprochait à lui-même, parce qu'il eût pu le prévenir et l'empêcher, fatigué peut-être aussi de se voir la victime de ses insolents serviteurs, Darius ne put fermer l'oeil de toute la nuit; il se rendit à l'aube du jour, et en grande hâte, vers la fosse des lions, pour voir si Dieu avait, dans sa bonté, réparé le mal que lui, dans sa folie, avait ordonné ou laissé faire. Daniel était sauvé; on ne trouva en lui aucune blessure, parce qu'il avait cru en son Dieu. Alors Darius, comme tous les esprits faibles qui passent promptement d'un extrême à l'autre, fit jeter aux lions les accusateurs du prophète et leurs familles, pensant, par sa cruauté, racheter sa faute et expier sa faiblesse. Il réintégra Daniel dans ses fonctions, et publia un édit remarquable qui semble prouver que la délivrance miraculeuse de son ministre favori avait produit une profonde impression sur son âme, Daniel 6.
     

  2. Darius fils d'Hystaspe, qui, à l'aide du hennissement frauduleusement obtenu de son cheval, monta sur le trône après le mage Smerdis, vers l'an 522 avant J.-C. La 2e année de son règne, et à la parole d'Aggée et de Zacharie, il confirma, malgré les nombreux ennemis des Juifs, la permission que Cyrus avait donnée de reconstruire le temple de Jérusalem, et qui avait été momentanément retirée sous le règne d'Artaxercès, Esdras 6:1-15; cf. 4:5,24; 6:1; Aggée 1:1; 2:1; Zacharie 1:1. Son royaume s'agrandit par plusieurs conquêtes: ce fut sous lui que se révolta Babylone, désireuse de retrouver son indépendance première, mais après un siège et des horreurs sans pareilles, et à la tête de toutes ses troupes, il fit rentrer cette ville dans la soumission, ayant accompli, sans le savoir, les prophéties juives d'Ésaïe 47:1; 48:14, et de Jérémie 50:8-9; 51:1,6,9,43, cf. Zacharie 2:7. On peut remarquer aussi que dans ces passages Dieu donna aux Juifs renfermés dans Babylone, le conseil pressant de quitter cette ville avant le siège redoutable dont elle est menacée.

    — Bossuet croît reconnaître en lui l'Assuérus du livre d'Ester; mais,

    Voir: cet article.
     

  3. Darius de Perse. Le roi ainsi nommé, Néhémie 12:22, est très probablement Darius Nothus fils d'Artaxercès Longuemain, dont le règne très agité dura dix-neuf ans, et qui mourut vers l'an 406 avant J.-C. Flavius Josèphe, Grotius et Leclerc ont cru qu'il s'agissait plutôt du règne de Darius Codoman, parce que le souverain sacrificateur Jadduah, qui semble indiqué dans ce verset comme contemporain de Darius, était à Jérusalem lorsque Alexandre le Grand s'approcha de cette ville, et l'on connaît le rôle qu'il joua dans cette circonstance. Mais on peut très bien admettre que son père Johanan ait seul été contemporain de Darius, et Néhémie peut avoir encore vu, avant de mourir, le jeune Jadduah commencer à exercer la charge de sacrificateur.


DATHAN,


frère d'Abiram, q.v.


DATTES.


Le dattier, maintenant assez rare en Palestine, y était autrefois très abondant, surtout dans les environs de Jéricho, de Hen-Guédi, et du lac de Génézareth. C'est l'arbre que nos versions ont traduit par palme ou palmier, indiquant le genre sans désigner l'espèce, Juges 4:5; Joël 1:12, cf. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 15, 4; 2. Pline 13, 6. On retrouve le dattier sur des monnaies romaines comme symbole de la Palestine, et la ville de Jéricho avait reçu le nom de ville des dattes, à cause de la quantité de ces arbres qui se trouvaient dans son voisinage. Il y en avait aussi en Égypte, en Perse et en Arabie, Exode 15:27, et ils étaient regardés dans ces contrées comme des arbres utiles et des plus précieux. Le dattier recherche les terrains chauds et sablonneux, mais sans craindre l'humidité. Il s'élève souvent jusqu'à la hauteur de 30 mètres, et atteint l'âge de deux siècles. Son tronc droit et élancé porte à son sommet un bouquet de branches feuillées, élégamment recourbées vers la terre, assez longues d'abord, mais se raccourcissant de beaucoup vers le haut de l'arbre. Ses fruits sont ramassés en grappes nombreuses; ils ont la forme de glands, mais sont plus grands et recouverts d'une peau rougeâtre: ils offrent un manger délicat, très goûté en Orient, soit frais et tels qu'ils sont cueillis sur l'arbre, soit pressés en petits gâteaux. On en fait aussi une espèce de liqueur connue sous le nom de vin de dattes, et fort estimée;

Voir: Cervoise.

Après que le premier jus a été exprimé, on verse de l'eau sur les dattes qu'on laisse ainsi macérer quelques jours, et l'on en fait une nouvelle liqueur, un petit vin peu agréable, mais dont on se sert volontiers comme rafraîchissement. Avec les branches de l'arbre, on fabrique des paniers, avec leurs fibres des cordes, avec les feuilles des nattes, et le tronc même, quoique assez mou intérieurement, comme celui des monocotylédones en général, est assez solide au dehors pour qu'on puisse l'employer comme bois de charpente (Xénophon Cyrop. 7, 5; 11)

— Genèse 43:11,

Voir: Pistaches.


DAVID,


fils d'Isaï, de la tribu de Juda, comptait parmi ses ancêtres Ruth la Moabite, Rachab l'hôtelière de Jéricho, et Tamar la Cananéenne. Il fut le chef de la dynastie des rois de Juda, et le Christ, qu'il avait préfiguré dans sa royauté, est sorti de sa race, et a porté, comme l'héritier de son trône, le nom caractéristique de fils de David. David naquit à Bethléhem, 1085 ans avant J.-C. Samuel avait alors cinquante-quatre ans. L'heureuse influence du dernier des juges répandait la piété et la prospérité chez les Israélites. Le septième et dernier fils d'Isaï, occupé dans sa jeunesse à paître les troupeaux, avait dix-neuf ans lorsqu'il fut désigné, par l'onction sainte répandue sur sa tête, pour succéder, sur le trône d'Israël, à Saül, désobéissant et rejeté. Néanmoins sa destinée ne devait se dérouler que successivement, et Dieu, pour le préparer au trône, le lit passer à travers bien des vicissitudes et des dangers. Peu après son sacre, il fut appelé auprès de Saül pour distraire, par le charme de la musique, la mélancolie du roi que possédait un mauvais esprit. Rentré chez son père, après le succès de ses soins, il ne tarda pas à se faire connaître de nouveau du roi et du peuple par sa victoire sur Goliath, le géant Philistin. Il est beau de voir un jeune homme de vingt-trois ans, soutenu par sa foi, s'avancer avec une fronde et cinq pierres du torrent, contre un ennemi colossal armé de toutes pièces. Il remporta la victoire parce que Goliath s'était confié dans sa force et avait défié le Dieu d'Israël, au nom duquel David se présentait pour le combattre. Dès ce moment, David entra définitivement au service du roi, qu'il ne quitta plus. Mais la jalousie de Saül, excitée par les louanges du peuple, s'alluma bientôt contre David et, sauf quelques intermittences, ne cessa de le poursuivre avec un acharnement toujours croissant. La protection divine, qui reposait sur David, fit tourner à sa gloire, à sa popularité, à l'affermissement de son royal avenir, les missions périlleuses confiées à sa jeunesse par le mauvais vouloir de Saül, et consacrées par l'enthousiasme et la confiance de l'armée. Saül, après avoir, dans le mariage de sa fille aînée, manqué à la promesse qu'il avait faite au vainqueur du Philistin, voulut faire servir à l'assouvissement de sa haine l'amour que Mical, sa seconde fille, éprouvait pour le jeune capitaine. La prudence et la vaillance de David déjouèrent ces perfides manoeuvres; Saül dut l'accepter pour gendre, et sensible aux remontrances de Jonathan son fils, l'ami de David, il imposa pour un moment silence à son injuste animosité. Cène fut qu'une trêve. Les succès du héros d'Israël, dans la guerre qui venait de recommencer contre les Philistins, rallumèrent les flambeaux de la jalousie et de la haine dans le cœur de son puissant ennemi. Deux fois, lorsque la harpe de David cherchait à soulager les souffrances morales de Saül, souffrances d'envie et de rage qui s'irritaient peut-être de leur injustice même, deux fois, joignant l'ingratitude à h folie, Saül avait cherché à clouer contre la paroi, d'un coup de javeline, son chantre fidèle et dévoué. Parvenue à son comble, la fureur de Saül force David à s'enfuir. Délivré une première fois par la puissance de l'esprit de Dieu qui, en se répandant sur les émissaires de Saül, et en gagnant Saül lui-même, les contraint d'oublier, aux pieds de Samuel, leurs mauvais desseins, et de glorifier le Seigneur, David est bientôt contraint de fuir de nouveau. Il est secouru par Ahimélec et l'enveloppe dans sa disgrâce. Puis, après avoir tenté de se réfugier auprès d'Akis, roi de Gath, et après avoir placé son père et sa mère en lieu de sûreté, il se met à parcourir le pays à la tête de gens malheureux comme lui, vivant dans les lieux écartés et mettant sa troupe, forte d'environ 400 hommes, au service de ses concitoyens, pour les protéger contre les incursions des peuples environnants. Dans les montagnes, trahi par ceux-là même qu'il avait aidés et délivrés, il n'échappe à la mort que grâce aux merveilles réitérées de la protection divine, et, par deux fois, il épargne Saül qu'il avait l'occasion de frapper à coup sûr. L'ingratitude et la persévérance de son ennemi lassent enfin sa constance et sa foi, il se retire chez les Philistins, et reçoit Tsiklag pour refuge et habitation. Cette faute grave fut punie par la position fausse et difficile où il se trouva placé chez les ennemis de son peuple, obligé de vivre pendant deux ans environ dans la dissimulation, le mensonge et la cruauté. À la bataille de Guilboah, conduit par Akis dans les rangs des Philistins, il se trouve dans l'alternative inévitable ou de faire la guerre à son peuple, ou de tirer perfidement l'épée contre un bienfaiteur trop confiant, dont il avait accepté l'hospitalité. La méfiance des Philistins, en le faisant renvoyer, lui épargna un crime; la prise de Tsiklag, qu'il trouva brûlée et pillée par les Hamalécites, paraît avoir été le châtiment dont Dieu se servit pour le faire rentrer en lui-même. Près de périr par la main des siens, que l'enlèvement de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs biens avait exaspérés, il se fortifia en son Dieu, apaisa ses gens, poursuivit et atteignit les pillards, reprit tout ce qu'il avait perdu, et fit en outre un immense butin. C'est ce butin qui lui servit à regagner, par des présents faits à propos, la bienveillance des principaux Israélites.

Sur ces entrefaites, la mort de Saül lui ouvrit les avenues du trône, et la tribu de Juda le reconnut pour son roi. Il avait trente ans alors; il choisit pour résidence l'antique ville d'Hébron. Is-Boseth, fils de Saül, fut mis à la tête d'Israël par les légitimistes de l'époque, et une longue guerre s'en suivit. La défection et la mort d'Abner, la trahison de Bahana et de Récab, qui assassinèrent Is-Boseth, y mirent un terme. David, en punissant de mort les meurtriers de Saül d'abord, puis les lâches assassins du fils de Saül, se montra juste et récompensa dignement les traîtres. On regrette qu'il n'ait pas montré la même fermeté envers Joab, son neveu, meurtrier d'Abner. Le crédit et l'influence de ce vaillant homme de guerre auprès de l'armée le sauvèrent; David n'osa pas en le punissant compromettre une autorité faible encore et précaire.

Maître de tout Israël, à l'âge d'environ quarante ans, David prend Jérusalem sur les Jébusiens, et y fixe sa résidence. Il abaisse et humilie les Philistins, ces ennemis constants du peuple de Dieu. L'arche, qui depuis la mort d'Héli, était restée séparée du sanctuaire, est conduite avec pompe et aux acclamations unanimes du peuple, dans un tabernacle dressé pour elle en Sion. David projette la construction du temple; Dieu réserve cette gloire à Salomon, mais prononce dans cette occasion solennelle l'oracle qui fixe dans la famille de David la succession de la royauté qui devait aboutir au Messie. La prospérité de David parvient à son comble, ses ennemis sont subjugués tout alentour, leurs insultes et leurs efforts ne servent qu'à étendre la domination d'Israël, et les limites annoncées par Moïse sont atteintes pour la première fois.

Cette prospérité, le succès de ses armes et la gloire de son règne exercèrent sur l'âme de David une funeste influence. Ses mœurs s'amollirent; son âme s'endormit dans les délices. Pendant qu'il savourait à Jérusalem les douceurs et le luxe d'une royauté orientale, et que son armée, sous la conduite de Joab, faisait le siège de Rabbath-Hammon, David se laissait séduire par la beauté de Bath-Séba, femme d'Urie, et tombait dans l'adultère; après avoir échoué dans les odieuses intrigues qu'il tenta pour cacher les traces de son crime, il fut conduit de péché en péché, à faire périr, par la main des Hammonites, Urie et plusieurs de ses plus vaillants et de ses plus fidèles serviteurs. Enfin réveillé de son sommeil de péché, et rappelé à lui-même par la voix fidèle de Nathan, David montra, par sa sincère et profonde repentance, les dispositions saintes qui l'animaient et qui, après une funeste et trop longue interruption, avaient repris possession de son âme. Il avait alors 52 ans.

Mais, dès ce moment, la prospérité qui lui avait été si fatale se retira de lui, et depuis cette époque jusqu'à la fin de son règne, son âme fut maintenue dans l'humilité, la défiance d'elle-même et la soumission au Seigneur, par une suite de calamités publiques ou particulières. Les désordres domestiques qui souillèrent et ensanglantèrent sa maison, la violence exercée par Amnon contre sa sœur Tamar, la vengeance sanglante qu'Absalon tira de cette offense, l'exil de ce fils bien-aimé qui en fut la suite, le retour toléré d'abord, puis la grâce complète de ce jeune homme dont le crime n'était pas sans excuse, l'ingratitude de celui-ci, ses menées, la guerre civile qu'il alluma pour enlever à son père le royaume et la vie, révolte qui fut bien près d'être couronnée par la victoire; tous ces événements trouvèrent David, souvent faible peut-être dans le gouvernement de sa famille, mais humble, mais fort, mais grand dans sa foi et dans sa piété, sous la puissante main du Dieu qui le châtiait dans son amour. Le succès presque complet de la tentative d'Absalon semblerait indiquer que, depuis son crime, David, soit influence de l'âge, soit surtout conscience de son humiliation, et souvenir de ses fautes, avait perdu cette force de volonté, cette présence d'esprit et cette fermeté de décision qui l'avaient porté, de vicissitudes en vicissitudes, jusque sur le trône de Juda et d'Israël. Toutefois la fidélité et le dévouement de ceux qui entourèrent et sauvèrent David dans cette circonstance, montrent que, s'il avait perdu sous quelques rapports, il était cependant toujours le vrai roi de ce peuple un moment égaré, mais qui n'avait pas cessé d'avoir pour lui confiance et affection: c'est ce que prouvent encore l'insuccès de la révolte de Scéba, fils de Bicri, qui succéda à celle d'Absalon, et la fin sanglante de ce rebelle.

À peine le fléau de la guerre civile eut-il fini de troubler le pays, qu'une autre calamité, la famine, se fit sentir en Israël. C'était un châtiment du massacre des Gabaonites, que Saül avait fait mourir, au mépris de la foi jurée. Ce crime avait été inspiré à Saül par un faux semblant de zèle, et par le besoin de conserver ou d'augmenter sa popularité. Si le châtiment tomba sur le peuple, c'est que celui qui sonde les cœurs avait découvert dans l'esprit du peuple le germe et la vraie source de cette iniquité. De même la vengeance qui, à la demande des Gabaonites, tomba sur la famille de Saül, se justifie aux yeux de quiconque connaît l'unité d'esprit qui, à ce degré de civilisation, caractérise les grandes familles, ou, pour employer un mot de nos langues modernes, les clans: chacun de leurs membres adopte comme siennes les intentions du chef; il s'y associe de cœur, et les exécute de point en point avec l'apparence, au moins, de la plus entière spontanéité. On peut donc dire que le crime de Saül était celui de sa famille, et que le châtiment qui frappa ses enfants atteignit certainement des coupables. La famine fut pour les Israélites une leçon haute et importante. Ils apprirent par là que le Dieu d'Israël, bien que leur protecteur suprême, ne faisait aucune acception des personnes; Dieu recherchait sur son peuple, même en faveur de profanes Cananéens, les iniquités commises contre ceux-ci; le châtiment leur rappelait que le seul titre personnel à la faveur divine se trouve dans la justice et dans l'obéissance.

Les dernières années de David furent consacrées aux immenses préparatifs de la construction du temple, réservée à Salomon, mais que David eut toujours devant les yeux. Moins agitées que les précédentes, elles furent cependant troublées par le péché du dénombrement, et par la conspiration d'Adonija. L'orgueil présida au dénombrement du peuple. Il fallait que ce péché fut bien évident, puisque Joab même, le sanguinaire et mondain Joab, reprit David à ce sujet. Toutefois le cœur du roi se montre encore dans sa piété généreuse, dans sa confiance pleine et entière en son Dieu, lorsque, appelé à faire le choix douloureux d'un châtiment, il préfère tomber dans les mains de celui dont les compassions sont en grand nombre. La mortalité qui punit l'orgueil de David et décima son peuple, est une preuve de plus que le droit de Dieu sur les hommes pécheurs est de les faire périr quand et comme il le veut, et en même temps, que le dernier mot de sa justice distributive est réservé pour une autre dispensation. À cet événement se rattache le choix de l'emplacement du temple; ce choix, marqué par un sacrifice en dehors du rite lévitique, et par une expiation efficace, puisque c'est là que l'ange apparut et que la plaie s'arrêta, avait ainsi une valeur typique, et recevait d'en haut une consécration indispensable sous l'économie mosaïque.

Comme un flambeau consumé jette un dernier éclat avant de s'éteindre, nous retrouvons la fermeté, la décision, l'humilité, la piété, tous les beaux traits du caractère de David, dans sa conduite au sujet de la tentative d'Adonija. Et comme le soleil couchant, avant de disparaître, se dégage des nuages pour embraser la terre et les cieux de l'éclat de ses derniers rayons, ainsi les derniers actes publics de David, relatifs à la construction du temple, ont une grandeur et une beauté de foi toute particulière, et couronnent dignement la vie de ce grand serviteur de Dieu. Il mourut âgé de 71 ans, en laissant, suivant une dispensation divine, le trône à un fils de Bath-Séba.

Le testament de David, les ordres qu'il donna à Salomon, concernant Joab et Simhi, se justifient clairement aux yeux de quiconque les examine avec foi et avec impartialité. David, par diverses causes, au font desquelles se trouvait une coupable faiblesse, avait laissé vivre ce neveu qui, chéri de l'armée, était «trop puissant pour lui.» Joab avait d'ailleurs mis le comble à ses crimes, en participant à l'entreprise d'Adonija. David ordonne à Salomon de faire justice.

— David, comme homme, avait pardonné à Simhi, et l'avait laissé vivre en paix tout le temps que lui-même avait vécu; maintenant qu'il va mourir, qu'il n'a plus rien à faire avec les passions de la terre, qu'il a entièrement et jusque au bout donné la preuve de la sincérité de son cœur en pardonnant, il peut laisser venir le tour de la justice, et faire châtier par le roi son fils un crime contre la royauté. Sa conduite envers les meurtriers de Saül et d'Is-Boseth montre la droiture de son caractère dans les affaires de ce genre, et prouve que son unique préoccupation était le châtiment d'un sujet rebelle, sans qu'il s'y mêlât aucun sentiment de rancune personnelle.

Le rôle de David, dans l'histoire du peuple d'Israël, a été capital. Il est le fondateur de la royauté théocratique. Il a été ce que Saül aurait pu, mais n'a pas voulu être. La fondation de la royauté était une déviation du principe de la théocratie; cette déviation devait trouver son correctif dans le caractère personnel du roi et dans l'esprit de la royauté. Saül, demandé par le peuple, s'est trop souvenu de l'origine de sa puissance; il a tout sacrifié à la popularité. Ce fut la source de ses désobéissances et la cause de sa réjection. David a été l'homme selon le cœur de Dieu; il a été roi de la part de Dieu, pour diriger le peuple dans les voies divines, non pour complaire au peuple, et par une fatale complaisance l'égarer loin de Dieu. C'est là le trait saillant qui distingue les deux rois et les deux royautés. Celle de Saül (q.v.) a été mondaine, celle de David a été sainte. À ce titre il a été type du Messie, et il a eu l'honneur d'être le dernier des patriarches, ancêtres désignés du Sauveur.

L'œuvre de David, comme prophète, n'a pas été moins importante. Sans parler des prédictions nombreuses et détaillées relatives au Christ, qui sont répandues dans les psaumes; sans parler de cet admirable recueil auquel son nom se rattache, et dont il a écrit la plus grande partie (— Voir: Psaumes), il fut l'auteur d'une révolution importante dans le culte mosaïque, révolution correspondante à la construction du temple qui a été son œuvre, autant et plus peut-être que celle de Salomon. Depuis la mort d'Héli, l'arche ne se trouvait plus dans le sanctuaire, et le culte n'était plus qu'imparfaitement célébré. Il n'a même pu l'être de nouveau d'une manière complète que dans le temple où il a été restauré avec une splendeur inconnue jusqu'alors: David a d'avance organisé le service et les fonctions des lévites, qui, n'étant plus chargés du transport d'un tabernacle longtemps errant, désormais fixé, devenaient disponibles pour d'autres fonctions. Celles de gardiens et de chantres leur furent dévolues. Cette fonction de chantres qui coïncide avec la première formation du Psautier signale l'introduction de l'élément de l'édification directe, qui d'abord se mêle au culte typique, pour le remplacer presque entièrement plus tard. Le symbole, à peu près la seule forme du culte sous Moïse, fut aux différents âges de l'église judaïque, successivement mélangé avec la parole qui, sous le christianisme, occupe le culte presque entier, et n'a laissé au symbole qu'une place, éminente il est vrai, mais restreinte dans ce qu'on appelle d'ordinaire les sacrements.

Tel a été David, homme d'une haute intelligence, d'un noble caractère, d'un cœur chaud et dévoué. Sur tous les trônes et dans tous les temps, il eût été un monarque distingué, le héros de son peuple. L'histoire profane, étrangère à l'austère simplicité du style biblique, n'eût pas manqué d'exalter ses rares vertus, sa gloire et ses triomphes; elle eût caché ou pallié ses chutes. Il ne pouvait en être de même dans le récit inspiré, car c'est à Dieu seul qu'appartient la gloire; la Bible a été écrite pour nous donner des exemples à suivre et non des hommes à idolâtrer. Mais, pour qui sait apprécier les choses, pour qui accompagne David d'un œil clairvoyant au milieu des vicissitudes si diverses d'une carrière longue et remplie, pour qui lit dans les mouvements de cette âme si droite, si chaleureuse, souvent si grande dans ses premiers élans, si habituellement dirigée par la pensée et l'amour du Seigneur, l'éloge biblique si remarquable qui lui a été décerné à tant de reprises, malgré les côtés sombres de sa conduite, n'aura rien qui étonne, et l'on répétera avec une conviction croissante, que c'était bien là «l'homme selon le cœur de Dieu.»

L'histoire de David embrasse le premier livre de Samuel, depuis le chapitre 16; tout le second livre de Samuel, et 1 Rois 1-2. Elle est reproduite avec plus ou moins de détails, 1 Chroniques 11-29. Son nom, qui signifie bien aimé, reparaît continuellement dans l'Ancien Testament, et une quarantaine de fois dans le Nouveau.


DÉBIR.


Deux villes de ce nom.

  1. Une dans la tribu de Gad, Josué 13:26.
     

  2. Une autre qui paraît avoir été située dans le voisinage d'Hébron, Josué 10:38; elle s'appelait auparavant Kiriath-Sépher, Josué 15:15; lors de la conquête les enfants d'Israël l'enlevèrent aux Cananéens, Josué 10:38. Elle fut d'abord incorporée à la tribu de Juda, 15:49, puis plus tard cédée aux sacrificateurs, 21:15; 1 Chroniques 6:58.


DÉBORA.


  1. Nourrice de Rébecca: elle accompagna en Canaan la jeune fiancée d'Isaac, et paraît avoir été dès lors traitée avec beaucoup d'affection et de respect par la famille du patriarche, Genèse 24:59; 35:8. Elle fut ensevelie au-dessous de Béthel, sous un chêne.
     

  2. Femme pleine de foi et douée de dons prophétiques, le quatrième des juges d'Israël, qui fut dans la main de Dieu un instrument pour délivrer le peuple d'Israël, opprimé depuis longtemps par le roi cananéen Jabin, Juges 4:4; 5:1-31. Nous avons donné dans nos Juges d'Israël à côté de l'histoire de cette femme remarquable, une traduction nouvelle et annotée de l'hymne sublime qu'elle composa pour bénir Dieu de la victoire qu'il avait accordée à son peuple (p. 39-48).

    Voir: aussi Herder, De la poésie des Hébreux.


DÉCAPOLIS, ou la Décapote


(les dix villes), nom d'un district situé au nord-est de la Palestine, touchant à la frontière de Syrie. Il était ainsi nommé à cause des dix villes principales qui se trouvaient sur son territoire, mais on ne peut plus en déterminer les noms avec certitude, les différents auteurs qui nous en parlent n'étant pas d'accord entre eux; Pline cite les suivantes: Damas, Philadelphie, Raphana, Scythopolis, Gadara, Hippon, Dion, Pella, Galasa et Canatha; elles étaient presque toutes habitées par des païens; Jésus y prêcha souvent, Matthieu 4:25; Marc 5:20; 7:31.


DÉDAN.


Il y avait deux peuplades de ce nom.

  1. Celle qui descendait d'Abraham par Kétura, Genèse 25:3, et qui habitait la partie septentrionale de l'Arabie, près de l'Idumée, Jérémie 25:23; 49:8; Ézéchiel 25:13.
     

  2. Celle qui descendait de Cus, Genèse 10:7, et qui habitait la partie orientale de l'Arabie, près du golfe persique. C'était une peuplade fort commerçante, Ésaïe 21:13; Ézéchiel 27:15,20; 23:13. Il y a encore dans le golfe persique une île de ce nom, Daden.


DÉDICACE


(fête de la), Jean 10:22. Fête qui fut établie par Judas Maccabée (1 Maccabées 4:56; 2 Maccabées 10:6), et qui se célébrait en hiver pendant huit jours à dater du 25 kisleu (décembre), par une riche illumination des maisons à Jérusalem, et dans les autres villes. Cette illumination était le symbole de la joie, comme aussi de l'espérance. La fête fut instituée après le retour de la captivité, en souvenir de la purification du temple qui avait été souillé et profané par Antiochus Épiphanes.

D'autres dédicaces solennelles sont encore mentionnées dans l'Ancien Testament, celle du temple de Salomon, 1 Rois 8, celle des nouveaux murs de Jérusalem après l'exil, Néhémie 12:27, celle du nouveau temple, Esdras 6:16;

Voir: encore Exode 40, Nombres 7.

C'était aussi une coutume des Hébreux, coutume bien naturelle et commune à bien des peuples, de dédier à Dieu leurs maisons nouvellement construites, Deutéronome 20:5: cette dédicace n'était dans les cas ordinaires qu'une simple bénédiction prononcée, et l'inscription de quelques passages de la Loi au-dessus de la porte.


DÉHAVIENS.


Cette peuplade mentionnée Esdras 4:9, comme une de celles d'où des colons furent transportés à Samarie, est sans doute la même que celle dont les auteurs profanes nous parlent sous le nom de Dahi ou Dahæ, et qui se trouvait à l'est de la mer Caspienne, soumise à la domination persane, (Hérodote 1, 125. Strabon 11, 508; 511)


DÉLAÏA,


fils de Sémahia et officier de Jéhojakim, fut un de ceux qui, ayant entendu par Michée que Baruc avait lu des prophéties sévères de Jérémie contre leur roi, prièrent Baruc de leur en faire une lecture particulière. Effrayés des menaces contenues dans cet écrit, ils résolurent d'en donner connaissance à Jéhojakim, après avoir pourvu d'abord à la sûreté des deux prophètes. Le roi irrité à la lecture à peine commencée de ces lignes, ayant déchiré le rouleau et voulant le jeter dans le feu, Délaïa et les autres officiers s'opposèrent, mais en vain, à cette impie résolution.


DÉLILA,


courtisane de la vallée de Sorek, probablement, philistine, sut par ses charmes séduire Samson, juge d'Israël, s'en fit aimer sans l'aimer, profita de son amour pour le trahir, et spécula sur la confiance du héros. Gagnée par les Philistins, elle fatigua Samson de ses importunités pour lui arracher le secret de sa force; trois fois il lui répondit d'une manière évasive, s'approchant plus ou moins de la vérité, trois fois elle revint à la charge, et Samson que Dieu abandonnait en punition de son impure passion, finit par s'abandonner lui-même, et se livra à cette femme qui le livra aux ennemis d'Israël, Juges 16.


DÉLUGE,


inondation extraordinaire et universelle arrivée l'an du monde 1656 (2348 avant J.-C.), par laquelle Dieu détruisit entièrement toutes les créatures vivantes qui se trouvaient sur la terre ferme, à l'exception de celles qui furent enfermées dans l'arche. Les eaux qui, au commencement de la création, couvraient toute la surface du globe, et qui s'étaient retirées partiellement au troisième jour,

Voir: Création,

couvrirent encore une fois la terre; puis elle se retirèrent à l'ordre du Tout-Puissant, le sec parut, la terre poussa son jet comme au troisième jour, et fut de nouveau peuplée d'hommes et d'animaux.

On peut lire, Genèse 6:12-21; 7:11-24, la narration à la fois concise et riche en détails que fait l'historien sacré de la première partie de ce cataclysme.

Basnage (Antiquités Judaïques II, p. 309) donne un calendrier de cette triste année; Calmet l'a copié; mais comme ce calendrier ne nous paraît pas s'accorder toujours avec le texte, nous essaierons de le rectifier. On doit placer le commencement de l'année diluvienne à la même époque que celui de l'année civile des Juifs, c'est-à-dire vers l'équinoxe d'automne, au mois de Tisri; car l'année ecclésiastique n'ayant été introduite qu'en vue des fêtes religieuses des Juifs, il n'est pas probable que Moïse y ait voulu rattacher la chronologie du déluge. La computation des années de douze mois ordinaires du calendrier juif ne pouvant suffire aux périodes d'accroissement, de décroissement et de séjour des eaux, nous avons été conduits à supposer que l'année du déluge doit avoir été une de celles où se trouvait le mois intercalaire de Beadar. Voici ce calendrier:

AN DU MONDE 1656. — 601e DE NOÉ.
 

1er mois, Tisri, de 30 jours.
 

Méthusélah meurt, âgé de 969 ans; son fils, le pieux patriarche Lémec, père de Noé,, l'avait précédé de cinq ans dans la tombe, Genèse 5:27; cf. Ésaïe 57:1.
 

2e mois, Marchesvan, de 29 jours.
 

10e jour.

— Dieu ordonne à Noé d'entrer dans l'arche avec sa famille et les animaux, Genèse 7:1,4.

17e jour.

— Noé entre dans l'arche un jour de sabbat, et immédiatement la pluie de 40 jours commence, 7:13; 4:10-12.
 

3e mois, Kisleu, de 30 jours.
 

28e jour.

— La pluie s'arrête. Il paraît en effet, d'après les versets 17 et 12 comparés entre eux, et avec les versets 11 et 13, que les 40 jours doivent se compter de celui où Noé entra dans l'arche.
 

4e mois, Tébeth, de 29 jours.
 

Les eaux se renforcent sur la terre; l'arche flotte à leur surface, verset 18.
 

5e mois, Sébat, de 30 jours.
 

Les eaux se renforcent prodigieusement, et couvrent les montagnes les plus élevées, «sous tous les cieux», verset 19, c'est-à-dire, évidemment, sur toute la terre, ce qui donne le démenti le plus formel à ceux qui ne veulent voir dans le déluge qu'une inondation locale et partielle.
 

6e mois, Adar, de 29 jours.
 

Les eaux s'élèvent de 15 coudées au-dessus des plus hautes montagnes, verset 20. Il n'est cependant pas possible de déterminer le temps qui s'est écoulé entre les divers degrés ou étages de cette effrayante progression; le texte sacré nous dit seulement que les eaux du déluge furent sur la terre 150 jours, versets 10 et 24, avant de décroître.
 

Mois intercalaire, Beadar, de 29 jours.
 

20e jour.

— Dernier jour de la permanence des hautes eaux, et fin des 150 jours.

21e jour.

— Les eaux commencent à diminuer. Les sources de l'abîme et les bondes des cieux sont fermées, et le vent souffle. Peut-être est-ce ce vent qui poussa l'arche jusque sur le lieu où elle devait s'arrêter, 8:1-3. Il semble aussi que 7:18, indique un mouvement dans les eaux, comme celui d'un courant qui aurait déjà pu déplacer l'arche, diriger son inertie flottante, et la pousser loin du lieu où elle avait été bâtie. La traduction littérale est: «L'arche allait sur les eaux.»
 

7e mois, Nisan, de 30 jours.
 

Les eaux se retirent de plus en plus, 8:3.

17e jour.

— L'arche s'arrête sur les montagnes d'Ararat, verset 4.
 

8e mois, Ziph, de 29 jours.
 

Les eaux continuent à baisser, 8:5.
 

9e mois, Sivan, de 30 jours.
 

Les eaux décroissent encore jusqu'à la fin du mois.

Ainsi, depuis le 20e jour de Beadar, que commence la baisse, jusqu'à ce que l'arche s'arrête, il s'écoule 26 jours: depuis que l'arche s'arrête jusqu'à ce que le sommet des montagnes soit découvert, 72 jours; et depuis ce moment jusqu'à l'entière retraite des eaux, 88 jours; ce qui ferait donc 26 + 72 + 88 = 186 jours pour la décroissance du déluge.
 

10e mois, Thammuz, de 29 jours.
 

1er jour.

— Le sommet des montagnes paraît au dessus de l'eau, 8:5. Noé attend encore 40 jours, verset 6.
 

11e mois, Ab, de 30 jours.
 

12e jour.

— Noé lâche un corbeau qui va et vient, 8:6-7, se nourrissant probablement des poissons morts que les eaux en se retirant pouvaient avoir laissés autour de l'arche sur les rochers qui la soutenaient, et revenant se poser sur l'arche lorsqu'il était fatigué, car il n'est point dit qu'il y soit rentré, et il n'est pas probable qu'il ait trouvé plus de facilité à se percher sur des arbres que la colombe qui sortit après lui.

19e jour.

— Noé lâche une colombe, verset 8. Quelques interprètes croient qu'elle sortit en même temps que le corbeau, mais au verset 10 nous voyons qu'avant de la lâcher une seconde fois, Noé attendit «encore sept autres jours», ce qui indique évidemment qu'il s'était écoulé une semaine entre la sortie du corbeau et la première sortie de la colombe.

26e jour.

— La colombe sort une seconde fois et rapporte dans son bec une branche d'olivier, verset 11.
 

12e mois, Élut, de 29 jours.
 

2e jour.

— Noé lâche la colombe pour la troisième fois, et elle ne revient plus, verset 12. Il attend quatre semaines.

AN DU MONDE 1657. — 602e DE NOÉ.
 

1er mois, Tisri, de 30 jours.
 

1er jour.

— Noé lève la couverture de l'arche et regarde la terre qui se sèche, verset 13.
 

2e mois, Marchesvan, de 29 jours.
 

27e jour.

— La terre étant suffisamment desséchée pour être habitable, Dieu commande à Noé de sortir de l'arche avec sa famille, versets 14, 16, 18. Ils sortent.

Voici maintenant les raisons pour lesquelles l'addition du mois intercalaire nous a paru nécessaire. Le chapitre 8, versets 1 et 2, nous dit que ce ne fut que le 450e jour que les eaux s'arrêtèrent, puis qu'elles diminuèrent pendant quelque temps; ce n'est qu'après qu'il a été dit, verset 3, que les eaux se retiraient de plus en plus de dessus la terre, que le verset 4 nous parle du jour où l'arche s'arrêta. Si l'on suppose l'année composée de 12 mois ordinaires des Juifs, qui sont alternativement de 29 et de 30 jours, la fin des 150 jours de la croissance des eaux, comptée depuis le 17e jour du 2e mois, porterait au 20e jour du 7e mois. Selon ce calcul, l'arrêt de l'arche n'aurait guère pu avoir lieu que tout à la fin du 7e mois ou au commencement du 8e. Mais il est dit que cet événement se passa le 17e jour du 7e mois, ce qui, dans la supposition de l'année de 12 mois, bien loin de laisser l'espace de temps indiqué par le verset 3 pour la diminution préalable des eaux, ne donnerait même que 147 jours à leur croissance, au lieu des 150 indiqués dans le texte.

Jusque vers la fin du dix-septième siècle, personne n'avait mis en doute la vérité de l'histoire du déluge; mais depuis Isaac Vossius, qui attaqua alors son universalité, jusqu'aux savants de la lin du siècle dernier, qui en vinrent à le nier entièrement, et à Voltaire qui chercha à le tourner en ridicule, un grand nombre d'opinions diverses ont été proposées, soit pour l'expliquer par des causes naturelles, soit pour redresser ou réfuter telle ou telle partie du récit de Moïse. Mais la Bible et la nature sont deux monuments impérissables de la vérité divine contre lesquels viendra toujours se briser la malice des incrédules; ils subsisteront lorsque toutes ces folles théories et les noms de leurs auteurs seront depuis longtemps ensevelis dans l'oubli; et, plus on les étudiera, plus aussi l'on y reconnaîtra, dans les plus petits détails, l'entière concordance de tous les faits géologiques qui se rattachent au déluge, avec la description de cette catastrophe telle qu'elle a été conservée dans la Genèse. Les faits nouveaux expliqueront des passages encore obscurs pour nous, et réciproquement, la foi à la vérité, de ces passages conduira à des découvertes nouvelles sur la constitution de notre globe.

Parmi les difficultés qui se présentent, et que nous n'éluderons pas plus que nous ne les nierons, la première est celle-ci: Comment l'eau répandue sur la surface du globe a-t-elle pu suffire à l'inonder? Cette question nous conduit à examiner les causes du déluge.

La cause première, origine de toutes les autres, doit sans doute être cherchée dans le conseil de Dieu, dans la volonté arrêtée du Tout-Puissant, dont la souveraine sagesse a voulu ou permis cet événement. Les causes secondes sont de deux natures: les unes morales, les autres physiques. Les causes morales sont indiquées, Genèse 6:5-13; ce sont les péchés des hommes, leurs extorsions, leur violence, leur mépris de Dieu et de ses commandements. Les causes physiques peuvent se découvrir, Genèse 1:6-7,9; et 7:11-12. Avant le déluge, les eaux appartenant à notre planète n'étaient pas distribuées comme elles le sont à présent: sur la terre antédiluvienne il ne pleuvait pas, 2:5; l'atmosphère de notre globe était entourée d'une couche liquide, comme d'une sphère aqueuse, désignée dans la Bible par le nom d'eaux supérieures, 1:7, «qui sont au-dessus de l'étendue» ou des cieux. C'est probablement la rupture de l'équilibre de ces eaux que l'Écriture désigne en disant que, lors du déluge, «les bondes des cieux furent ouvertes», 7:11.

D'un autre côté la Bible, par l'expression «abîmes», semble indiquer des amas d'eaux souterraines dont l'importance nous est inconnue; ce sont les eaux sur lesquelles la terre est fondée et étendue, Psaumes 24:2; 136:6, et qui ont été rassemblées comme en un amas dans les lieux cachés de l'intérieur de la terre, Psaumes 33:7. L'eau que recelaient les entrailles du globe se mit à jaillir à sa surface par torrents, comme cela arrive encore de nos jours dans certains tremblements de terre très violents; elle grossit en même temps les mers, qui s'accrurent, s'élevèrent et débordèrent, selon l'énergique expression d'Éliphaz, «comme un fleuve qui a emporté anciennement le fondement des injustes, lesquels ont été retranchés avant leur temps», c'est-à-dire avant la fin naturelle de leur longue vie, Job 22:16.

Le texte ne dit pas quelle est la cause qui a expulsé les eaux souterraines du sein de la terre, et les a fait jaillir à sa surface; mais une tradition rabbinique donnera peut-être la clé de ce phénomène. Les rabbins prétendent, en effet, que les eaux du déluge étaient chaudes; s'il en est ainsi, l'on pourrait chercher la cause de leur soulèvement dans une action extraordinaire de la chaleur interne (Rougemont, Fragments, etc, p. 23).

Enfin la pluie, phénomène atmosphérique tout nouveau pour le monde antédiluvien, et qui dura quarante jours et quarante nuits, fut la troisième, et probablement la moins importante des causes qui amenèrent le déluge. On pourrait croire que la nouveauté de ce phénomène parut alors si extraordinaire, que les mots «les fontaines de l'abîme et les bondes des cieux» ne se trouvent là que par amplification, comme par une figure de rhétorique; mais si l'on fait attention au texte, l'on verra que la pluie ne tombe que pendant quarante jours, 7:17, tandis que les eaux continuent à croître par trois degrés bien marqués, après qu'elle a cessé de tomber, versets 18, 19, 20, croissance qui ne pouvait plus être attribuée à la précipitation de l'humidité contenue dans l'atmosphère.

En considérant comme des effets ces trois déplacements des substances liquides de notre planète, diverses causes ont été proposées pour en expliquer l'origine. Nous ne répéterons pas ici les théories fantastiques de Woodward, Whiston, Scheuchzer, Demaillet, Lamarck, Rodig, Patrin et autres; mais il en est une, celle de Burnet, qui mérite d'être citée comme plus conforme à certains passages de la Bible et à certains phénomènes naturels.

En 1680, l'évêque Burnet publia un livre intitulé; «The sacred Theoiy of the Earth, containing an account of the Original of the Earth, and of ail the gênerai Changes which it hath already undergone, or is to undergo, till the consummation of all things.» Quoique ce titre soit passablement ambitieux, l'ouvrage le justifie du moins à un certain degré, car en prenant l'Écriture sainte pour guide, le génie de Burnet a deviné pour ainsi dire plusieurs faits relatifs aux révolutions de la surface du globe, que les découvertes de la science, un siècle après sa mort, ont confirmés, ou rendu de plus en plus probables. Il attribue à la terre antédiluvienne une température plus égale que celle d'aujourd'hui, et semblable à un printemps perpétuel; il fait sortir les eaux du déluge des lieux profonds et cachés de la terre; il parle de la conflagration qui attend notre globe, et des nouveaux cieux et de la nouvelle terre qui paraîtront après cet embrasement. Tout cela est, à la vérité, mélangé de diverses erreurs, provenant de l'ignorance où l'on était alors de la plupart des lois de la physique; mais ces erreurs ne doivent pas nous faire rejeter ce qu'il y a de vrai dans l'ensemble de ses idées.

— L'un des principaux traits de ce système, c'est sa théorie du changement de l'axe de la terre, opinion déjà proposée par un Italien (Alessandro degli Alessandri), au commencement du seizième siècle; cette idée fut combattue par Newton et, plus tard, par Laplace qui cherchèrent à démontrer son improbabilité, ainsi que par Butler qui tourna le système de Burnet en ridicule. Cependant, si l'on suppose que ce changement d'axe n'a eu lieu que par rapport au soleil, et non par rapport aux pôles actuels du globe, l'improbabilité diminue de beaucoup. En faveur d'un véritable changement d'axe, l'on a cité des faits dans le genre de la découverte du mammouth de Pallas, et l'on a dit que de tels animaux, originaires des pays chauds et trouvés près du pôle, indiquaient que ces contrées avaient joui autrefois d'une température bien plus élevée que celle qui y règne de nos jours, et comme l'habitation actuelle des rhinocéros et des mastodontes, ou plutôt de leurs représentants modernes, les éléphants, se trouve près des tropiques, l'on en avait conclu que la zone torride avait autrefois passé par les pôles. En admettant la justesse de ces observations, nous devons cependant nous opposer à la conclusion que l'on en tire; nous ferons remarquer

  1. que toutes les découvertes géologiques confirment pleinement le système qui attribue à la terre antédiluvienne une température générale beaucoup plus élevée et beaucoup, plus égale que celle dont elle jouit maintenant, circonstance qui explique suffisamment la présence des cadavres de mammouths au nord de la Sibérie; et
     

  2. que la forme sphéroïdale de la terre et son aplatissement aux deux pôles, montre assez que son axe de rotation n'a pas changé depuis que la figure de notre globe a été déterminée par la main toute puissante qui lui a fixé sa route dans l'espace. Mais cet aplatissement ne prouve point que l'axe, restant d'ailleurs le même, son inclinaison par rapport au plan de l'orbite, n'ait pu varier. On pourrait alors admettre avec Burnet qu'avant le déluge, l'axe était perpendiculaire à l'écliptique, en sorte que cette ligne n'en formait qu'une avec l'équateur, ce qui établissait dans chaque zone une grande égalité de température. On comprend que le changement subit de la position de notre globe, malgré la continuation de la révolution diurne et de la révolution annuelle, ait pu rompre l'équilibre des eaux et causer un déluge (c'est peut-être alors que commença le mouvement de nutation de l'axe de la terre, qui serait ainsi comme un reste ou une trace de l'ébranlement que subit alors notre globe; ce mouvement s'accomplit en dix-neuf ans environ); mais cette secousse, cette position nouvelle ne pouvait provenir que de celui qui avait anciennement créé la terre et les cieux. On ne doit point voir dans la théorie de Burnet l'intention d'expliquer par des causes secondes et naturelles, ce qu'il y eut de miraculeux dans le cataclysme par lequel l'Éternel jugea à propos de détruire l'ancien monde, mais seulement le désir de rechercher par quels moyens il plut à Dieu d'amener le châtiment de ses créatures coupables.

Nous venons de remarquer que la position de l'axe perpendiculaire à l'écliptique, établissait pour chaque zone un climat à peu près invariable (nous disons à peu près, car, même dans cette supposition, la forme elliptique de l'orbite et la circonstance que le soleil en occupe, non le centre mais un des foyers, pourrait avoir occasionné quelque légère différence de température aux diverses époques de l'année); il s'en suit naturellement que le changement survenu dans la position de cet axe doit avoir introduit un changement correspondant dans les climats, et avoir fait que les zones tempérées, par exemple, connussent des élévations et des diminutions alternatives de températures qu'elles ne connaissaient pas auparavant. Or, que nous dit à cet égard la Bible?

— Nous remarquerons que le mot moh'adim, Genèse 1:14, que nos traductions rendent dans ce verset par saisons, ne se trouve nulle part employé pour signifier les variations de la température; il est toujours traduit par lieu, signe, temps, ou temps marqué pour des solennités (tempus constitutum); dans d'autres endroits il signifie année, comme Daniel 12:7, etc.

— Il ne signifie saisons que d'une manière métaphorique, comme lorsque nous disons qu'une chose ou expression «n'est plus de saison»; ainsi, Exode 13:10. Les saisons proprement dites sont indiquées pour la première fois, mais sans être nommées, Genèse 8:22, lorsque Dieu promet à Noé qu'il n'enverra plus de déluge sur la terre pour la faire périr: «Tant que la terre durera, dit-il, les semailles et les moissons, le froid et le chaud, l'été et l'hiver, le jour et la nuit, ne cesseront point.» Le jour et la nuit existaient depuis le quatrième jour de la création, mais les six autres termes de cette promesse, expressions correspondantes aux six saisons des Juifs, semblent indiquer qu'il était survenu, pendant le déluge ou en conséquence de ce cataclysme, de grands changements atmosphériques ou géologiques, et que l'uniformité de la température des zones ayant été rompue, elle serait remplacée par les saisons et leurs variations régulières.

Mais, dira-t-on peut-être, ces explications des causes du déluge, ces eaux souterraines, ces eaux supérieures que vous dites avoir existé autrefois et dont vous cherchez à établir l'existence par quelques passages difficiles à entendre, sont bien problématiques, et s'il est vrai par exemple que les eaux supérieures se soient versées sur la terre, que sont-elles devenues maintenant? Sont-elles encore confondues avec les océans et les mers? Y a-t-il actuellement assez d'eau sur le globe pour qu'elle ait jamais pu couvrir toute la terre habitable?

Les considérations suivantes nous semblent répondre d'une manière satisfaisante à cette question. Ajoutons que plusieurs sont textuellement empruntées au Manuel de géologie de De la Bêche, livre écrit uniquement en vue de la science et sans prétentions théologiques ou religieuses. Elles auront donc d'autant plus de poids qu'elles se recommandent par leur parfaite impartialité.

«La proportion actuelle de la surface aqueuse du globe à la surface sèche est environ de trois à un; l'on peut donc dire que près des trois quarts de notre globe sont couverts d'eau; la superficie de l'Océan Pacifique surpasse même à elle seule l'ensemble de toutes les terres connues. Quoique d'après l'idée que nous nous en formons ordinairement, nous disions que certaines parties de la terre sont fort élevées au-dessus du niveau de la mer, cette élévation se réduit en réalité à fort peu de chose, si on la considère par rapport au diamètre du globe.» L'épaisseur du globe à l'équateur est de 12,753,702 mètres, soit 2,866 lieues géographiques (de 25 au degré ou de 4,450 mètres); le plus haut pic connu, le Chamalari, n'atteint qu'à 8,518 mètres; les plus hautes cimes des Alpes ne s'élèvent guère à plus de 4,500 mètres; le Mont-Blanc seul à 4,810 mètres environ, et la moyenne d'élévation de la partie de la croûte terrestre qui est au-dessus de l'eau, en y comprenant toutes les montagnes, plateaux, plaines et dépressions, ne dépasse probablement pas 600 mètres, ce qui ferait, seulement 1/21,000e de l'épaisseur du globe.

Les aspérités de la surface du globe sont donc, relativement à son volume, infiniment plus petites que celles de la peau d'une orange ne le sont relativement à la grosseur de l'orange. Et si l'on suppose un globe terrestre de 1m,50 de diamètre, on ne pourra y indiquer le plus haut pic dont on connaisse l'élévation, (le Chamalari) que par une légère protubérance d'un millimètre; le Mont-Blanc aurait un demi-millimètre; le Jura et les montagnes plus basses ne pourraient se distinguer des plateaux et des plaines.

Quant à la profondeur de la mer, autant qu'on peut en juger, la moyenne est de 4 à 5,000 mètres. Pour faciliter les calculs, et pour ajouter à leur évidence, exagérons dans les deux sens, c'est-à-dire donnons une plus grande hauteur moyenne aux terres, et une moins grande profondeur moyenne aux mers; en d'autres termes, supposons plus de terres élevées, et moins d'eau pour les couvrir qu'il n'y en a réellement dans le sein des mers; il en restera encore pour submerger la terre et tout ce qu'elle contient. Supposant donc que la hauteur moyenne des continents et des îles soit de 2,225 mètres, et que la profondeur de la mer soit de 4,000 mètres, puisque les continents n'occupent qu'un quart de la surface du globe, «il est très facile de se représenter telle position relative de la terre et des eaux, que la terre ferme se trouve de fait occuper le fond des mers, et que de toutes parts la surface de notre globe ne présente à l'extérieur qu'une couche d'eau.» Dans cette supposition, la couche de terre étendue au fond des mers aurait une épaisseur de 1,668m,75, et les eaux qui la recouvriraient en auraient le double, c'est-à-dire 3,337m,50. «Nous ne devons considérer les terres ou continents, que comme une certaine partie de la surface inégale du globe qui se trouve temporairement élevée au-dessus du niveau des mers, sous lesquelles elle pourrait de nouveau disparaître, comme cela est déjà plusieurs fois arrivé.» (La Bêche) Ainsi, en ne tenant compte que des eaux actuellement connues, on voit qu'il y aurait amplement de quoi inonder toute la terre.

M. Élie de Beaumont croit que l'élévation des hautes chaînes de montagnes, comme celle des Andes, par exemple, produite par un soulèvement du terrain, aurait été suffisante pour occasionner un déluge de l'autre côté du globe; cette idée adoptée par de savants géologues, Buckland, Sedgwick, de La Bêche, est combattue, presque tournée en ridicule par un autre savant, Lyell, et au milieu des opinions et des systèmes les plus divers sur les moyens dont il a plu à Dieu de se servir pour effectuer le déluge, il est difficile de distinguer où est la vérité. Jusqu'à présent il nous a paru que l'hypothèse de De Luc, déjà proposée par Hooke en 1688, était encore celle qui concordait le mieux avec la Bible; et bien qu'elle soit rejetée par des savants modernes pour les lumières desquels nous avons une haute estime, c'est à elle que nous croyons devoir nous arrêter jusqu'à ce qu'on nous en fasse connaître une qui se justifie davantage. Voici comment elle est présentée par Cuvier: «Je pense donc, avec MM. Deluc et Dolomieu, que s'il y a quelque chose de constaté en géologie, c'est que la surface de notre globe a été victime d'une grande et subite révolution dont la date ne peut remonter beaucoup au-delà de 5 ou 6,000 ans; que cette révolution a enfoncé et fait disparaître les pays qu'habitaient autrefois les hommes et les espèces d'animaux aujourd'hui les plus connues; qu'elle a, au contraire, mis à sec le fond de la dernière mer, et en a formé les pays aujourd'hui habités; que c'est depuis cette révolution que le petit nombre des individus épargnés par elle se sont répandus et propagés sur les terrains nouvellement mis à sec. Mais ces terrains avaient déjà été habités auparavant, sinon par des hommes, du moins par des animaux terrestres; par conséquent une révolution précédente les avait mis sous les eaux, et si l'on peut en juger par les différents ordres d'animaux dont on y trouve les dépouilles, ils avaient peut-être subi jusqu'à deux ou trois irruptions de la mer.» (Cuvier, Discours sur les révolutions de la surface du globe, 3e édition, p. 283)

Comparons maintenant ce résultat de la science avec ce que nous dit la Bible, et nous y trouverons un accord remarquable. En parlant des hommes antédiluviens, Dieu dit: «Je les détruirai, et la terre avec eux», 6:13. Soutenir que «toutes choses demeurent dans le même état qu'au commencement de la création, c'est ignorer volontairement ceci: c'est que les deux et la terre furent autrefois créés par la parole de Dieu;» cette terre «qui fut tirée de l'eau, et qui subsistait parmi l'eau, périt par ces choses mêmes;» «le monde d'alors périt étant submergé par les eaux du déluge», 2 Pierre 3:4-6. Or, ces expressions si fortes: «je détruirai la terre des méchants», — «le monde d'alors périt par les eaux», peuvent-elles s'entendre d'une submersion momentanée d'un pays? Supposons que l'Angleterre, par un affaissement des couches souterraines, par une élévation de l'Océan, ou par toute autre cause, vienne à être inondée pendant quelques mois; puis qu'elle ressorte des eaux et se couvre comme auparavant de végétation; qu'un petit nombre d'Anglais échappent à l'inondation dans un vaisseau, avec des animaux, puis qu'un an après, lorsque les eaux se sont écoulées, ils débarquent sur ce même pays, qu'ils l'habitent de nouveau et le cultivent comme auparavant, pourra-t-on dire que l'Angleterre a été détruite? qu'elle a péri avec tout ce qu'elle contenait? Non, ces expressions indiquent une destruction plus complète, telle, par exemple, que celle qui aurait été la conséquence naturelle de l'affaissement des anciens continents et de leur submersion permanente. Ceci explique aussi pourquoi l'on ne trouve point sur la terre actuelle de fossiles humains; tous les habitants de l'ancien monde, tant hommes qu'animaux terrestres, ont dû être entraînés au fond de l'Océan, où, mêlés avec le limon qui y a été déposé dans la suite des siècles, ils contribueraient maintenant à la formation des roches sub-marines (comme les animaux victimes des révolutions antérieures), si le, jour ne s'approchait pas où la mer sera forcée de «rendre les morts qui sont en elle», Apocalypse 20:13.

À cette théorie l'on a objecté que la Bible en nous donnant, Genèse 2, la description d'une partie du monde antédiluvien, emploie les noms de lieux actuellement existants, nous parle du Gihon, de l'Euphrate, du pays de Havila, du pays de Cus, de l'Assyrie; c'est donc en ces lieux, a-t-on dit, et autour de ces lieux, qu'ont habité les premiers hommes; les anciens continents sont donc aussi les mêmes que ceux que nous connaissons aujourd'hui. Mais si l'on insiste sur la similarité des noms, on oublie les rapports de position relative qui nous sont indiqués dans ce chapitre, rapports qui ne se retrouvent nullement dans les localités actuellement existantes. En effet, que lisons-nous? «Un fleuve sortait d'Éden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre fleuves.» Les savants et les commentateurs de la Bible se sont donné une peine infinie pour expliquer ce passage; on a voulu voir dans les fleuves du paradis quatre rivières existantes de nos jours. Quant à l'Euphrate, dit-on, il ne peut y avoir aucun doute, c'est le fleuve connu aujourd'hui sous ce même nom; le Tigre est clairement désigné dans la Bible sous le nom de Hiddekel; le Phasis est le Pison, et l'Araxe le Guihon: ces quatre fleuves sortent tous de l'Arménie; c'est là donc qu'était le paradis terrestre. Mais il est évident que quoique ces rivières prennent leur source dans des contrées peu éloignées les unes des autres, elles n'ont jamais pu former un seul fleuve divisé en quatre bras. L'Euphrate a deux sources; celle qui est la plus voisine de L'origine du Tigre en est encore distante de 400 kilomètres. La source de l'Araxe (qui se jette dans la mer Caspienne) est, il est vrai, à quelques lieues d'une des sources de l'Euphrate, près d'Erzeroum, mais elle en est séparée par une chaîne de montagnes; le Phasis enfin, que l'on suppose être le Pison, prend sa source à près de 320 kilomètres au nord de celle de l'Euphrate. On ne peut donc rattacher les fleuves paradisiaques à l'Euphrate actuel.

Les raisons qui ont été proposées en faveur de cette hypothèse pourraient tout aussi facilement s'appliquer au Djihoun (l'Oxus), qui prend sa source à 2,000 kilomètres d'Erzeroum, dans les monts du Belour, et se jette dans la mer d'Aral. Il serait facile de chercher dans le Sinon ou Jaxartes, et dans deux autres grandes rivières dont les sources sont peu éloignées de celles du Guihon, le Hiddekel, le Pison et l'Euphrate.

Si les noms des fleuves sont un guide incertain pour trouver le site d'Éden, et par conséquent l'emplacement des anciens continents, les noms des pays le sont tout autant. Où est le pays de Havila? Deux descendants de Noé ont porté ce nom, l'un fils de Cus, l'autre fils de Joktan, Genèse 10:7,29, et cela lors de la dispersion; duquel des deux s'agit-il, et où leur portion leur a-t-elle été assignée? Qu'est-ce aussi que ce pays de Cus? Ce nom est donné dans la Bible tantôt à l'Arabie Pétrée, tantôt à la Bactriane, tantôt à l'Assyrie, tantôt à l'Éthiopie ou la Nubie. Après toutes ces incertitudes, qui nous garantit que le pays nommé Assur, Genèse 2:14, soit bien le même qui fut plus tard l'Assyrie P

Nous ne rappellerons pas ici les diverses hypothèses qui ont été faites pour concilier la description du jardin d'Éden avec un endroit quelconque de la terre; il est facile de les réfuter. L'on n'a pu découvrir jusqu'à présent la véritable position du paradis terrestre, et on ne Je pourra jamais, s'il est vrai, comme nous le croyons, qu'il ait été englouti au fond des mers par le déluge avec les anciens continents; mais l'explication qui nous paraît la plus naturelle et la plus simple est celle-ci: de même que les colons européens qui se sont établis en Amérique, ont donné aux localités nouvelles pour eux des noms de leur ancienne patrie qui leur étaient chers, comme Nouvelle-Espagne, Nouvelle-Angleterre, New-York, Nouvelle-Orléans, ou même des noms européens sans y ajouter l'épithète de nouveau, comme Boston, Vevey, Paris, Francfort, etc.; ainsi les Noachides, à leur sortie de l'arche, donnèrent probablement aux montagnes, aux vallées, aux rivières qu'ils découvrirent, les noms qui leur avaient été familiers avant le déluge; cela explique comment on trouve de grandes rivières comme le Guihon, le Hiddekel (ou Tigre), et l'Euphrate, portant des noms antédiluviens, quoique dans une position géographique relative très différente de leurs prototypes.

Autre difficulté: le mont Ararat, sur lequel l'arche de Noé s'arrêta, est aujourd'hui couvert de neiges qui ne se fondent jamais; comment Noé et sa famille ont-ils pu vivre dans une température si froide et dans un air si raréfié?

— Réponse: à mesure que les eaux s'élevaient, les couches atmosphériques s'élevaient avec elles, de telle façon que l'air qui environnait l'arche au moment même de la plus haute crue des eaux, n'était ni plus froid, ni plus raréfié que celui qu'on respirerait de nos jours au niveau de la mer à la même latitude. Ceci est d'autant plus important à remarquer que nous verrons tout à l'heure que l'arche s'est probablement arrêtée dans des régions bien autrement élevées, relativement aux basses terres actuelles, que ne le sont les montagnes de l'Arménie.

Pour n'avoir pas voulu recevoir purement et simplement le récit de Moïse, on s'est aussi créé bien des difficultés relativement à l'arche. Nous ne les rappellerons pas ici, puisqu'elles sont traitées et aplanies dans une autre partie de cet ouvrage (— Voir: Arche); nous ajouterons seulement que, si comme on a tout lieu de le croire, la température de la terre était avant le déluge plus chaude et plus uniforme qu'elle ne l'est de nos jours; si de plus, comme M. de Rougemont l'a établi, le nombre des espèces d'animaux était moindre avant qu'après le déluge, il n'y a rien que de très facile à comprendre dans tout ce récit. Avant le déluge, les hommes ne formaient qu'un peuple; les animaux habitaient probablement ensemble les mêmes climats, les mêmes contrées; par conséquent ils n'eurent pas de longs voyages à faire pour se rendre dans l'arche, ainsi qu'on a voulu le supposer.

Nous ne pouvons nous empêcher de faire ici un rapprochement qui offre quelque intérêt. En 1839, un ouragan effroyable avait soulevé les flots du golfe de Bengale avec tant de violence que la mer se porta avec une force extraordinaire sur les terres, remontant à quelques lieues dans l'intérieur par le Delta du Gange; les îles qui se forment à l'embouchure du fleuve par l'accumulation du limon, et qui dans ce climat chaud et humide se couvrent promptement de végétation et d'animaux, furent en partie entraînées par les eaux, ce fut en particulier le sort de la grande île de Saint-Edmond qui était cultivée et habitée par une population assez nombreuse. On vit alors hommes et quadrupèdes, oiseaux et reptiles chercher le même abri contre la fureur des eaux; dans un jardin dont les murs avaient résisté au courant, se réfugièrent pêle-mêle et sans penser à se nuire réciproquement, des Européens, des Malais, des Indous, des animaux domestiques, des serpents, des cerfs et deux tigres sauvages, tout autre instinct ou disposition de timidité ou de férocité naturelle cédant au besoin de pourvoir à la sûreté individuelle, et disparaissant devant l'effroi qu'inspirait le combat des éléments déchaînés.

Sans doute les animaux furent dirigés vers l'arche par une intervention spéciale de la Providence, comme celle qui fit prendre aux deux génisses des Philistins le chemin de Bethsémès, 1 Samuel 6:9-12. Mais il est bien possible que l'effroi que devait leur causer des phénomènes aussi effrayants et aussi inaccoutumés que la rupture des sources du grand abîme et des cataractes des deux, ait été un moyen de dompter temporairement leur férocité naturelle, et de les assujettir au très petit nombre d'hommes qui se trouvaient enfermés avec eux.

Au cent cinquantième jour, est-il dit dans le texte, l'arche s'arrêta sur les montagnes d'Ararat; les eaux environnantes continuèrent à décroître, et ce ne fut que dix semaines plus tard que l'on aperçut le sommet des montagnes; il fallait donc que celui de l'Ararat fut excessivement élevé en proportion des autres, et cela ne s'accorde pas avec ce qui nous est connu des centrées de l'Arménie où existe de nos jours le volcan de ce nom. L'on peut concilier de plusieurs manières cette contradiction apparente. En effet, il est bien possible que la Genèse, en disant, 8:4, que l'arche s'arrêta sur les montagnes d'Ararat, veuille dire simplement au-dessus, mais sans les toucher; s'il en est ainsi, l'on comprend qu'il se soit écoulé soixante et douze jours entre le moment où l'arche s'arrêta, et celui où les premiers sommets des montagnes parurent; car, pour ne pas parler des hautes cimes des monts Yunnan en Chine, qui n'ont pas encore été mesurées, le plus haut pic dont on connaisse l'élévation en nombres, celui du Chamalari dans l'Himalaya, a 26,266 pieds, (environ 9000 mètres); ce qui, en y ajoutant 15 coudées, soit 22 pieds, donnerait pour le maximum de la crue des eaux diluviennes une hauteur totale de 26,288 pieds. Lors donc que le sommet du Chamalari parut à fleur d'eau, il y avait encore au-dessus de l'Ararat une couche de liquide de 14,288 pieds d'épaisseur, puisque celui-ci n'a que 12,000 pieds d'élévation; ou, ce qui revient au même, le Chamalari devait déjà être de 14,260 pieds hors de l'eau quand le sommet de l'Ararat parut. Si l'on veut entendre par le mot sur, Genèse 8:4, que l'arche toucha effectivement les rochers de l'Ararat, on peut faire remarquer que le verset 5 du chapitre 8, ne parle pas (comme 7:19) de toutes les plus hautes montagnes qui étaient sous tous les cieux, mais simplement des montagnes, et cela après avoir fixé la position de l'arche; l'on pourrait donc l'entendre des montagnes de la contrée environnante; effectivement elles sont bien plus basses que l'Ararat, dont le double pic, toujours couvert de neiges éblouissantes, s'élève comme un géant au milieu d'une vaste plaine et domine toutes les hauteurs qui l'entourent. Mais voici une troisième solution qui nous paraît être la véritable.

Si au lieu de chercher l'Ararat dans le système des monts appartenant au Caucase occidental, on le cherche dans le Caucase indien, l'Immaüs des anciens, qui comprenait l'Himalaya et le Hindou-Koush, nous arriverons à des résultats plus satisfaisants et qui concorderont mieux avec le récit biblique, et avec les traditions des plus anciens peuples. Cette idée, proposée il y a plus de deux siècles et demi par sir Walther Raleigh, adoptée et soutenue depuis lors par Shuckford, Kirby et quelques autres savants, est aussi celle qui paraît la plus naturelle. Nous ne connaissons pas, il est vrai, de pic ou de cime appartenant à ces chaînes qui porte le nom d'Ararat, mais si nous remarquons, d'une part, que ces pays sont encore fort peu connus des Européens et, de l'autre, que les noms des lieux ont souvent changé, nous ne nous étonnerons pas que celui de la montagne sur laquelle descendit l'arche, ait pu se perdre dans les siècles suivants. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'après le déluge, les premiers hommes descendirent bientôt des montagnes dans les régions plus basses, étant chassés par le froid qui augmentait sur les terres élevées à mesure que les eaux s'abaissaient ou que les continents surgissaient du sein des mers; et qu'après avoir cheminé, pendant plusieurs années, d'orient en occident, ils arrivèrent dans le pays de Sinhar où ils bâtirent Babel. Or, s'ils étaient venus de l'Arménie, ils auraient cheminé du nord au sud, ou même au sud-sud-ouest, ce qui est tout à fait contraire à l'expression mikkedem, employée Genèse 11:2.

La direction de l'émigration des premiers hommes, indiquée dans le passage que nous venons de citer, s'accorde d'une manière remarquable avec la tradition du Zend Avesta sur les premiers établissements des nations sur la terre. Dans le 1er Fargard du Vendidat, Ormuzd raconte à Zoroastre qu'il avait créé un lieu de délices, nommé Eerieene-Veedjo (confondant l'habitation d'Adam avant la chute, avec celle de Noé après le déluge): là dessus Ahriman, l'esprit du mal, crée l'hiver qui chasse les premiers hommes, et les contraint à former d'autres établissements; Balkh, Nesa, et Meru en Khorassan, al Soghd, Caboul, Hérat sont nommés successivement, et toutes ces villes sont aux environs de la haute chaîne de montagnes qui lie le système de l'Himalaya avec les chaînes de l'Asie centrale. (Heeren, Id. ub. die Politik, etc.)

Les traditions indiennes et chinoises placent aussi dans cette partie de l'Asie le berceau de l'espèce humaine (Rougemont, Fragments, etc. Kirby, Bridgewater Treatise, I, p. 45. 46, etc.). Un fragment de poésie sanscrite, traduit il y a quatre années dans le Quarterly-Review, nous représente Menou (le Noé indien) et les sept personnes qui avaient avec lui échappé au déluge, comme seuls dans le monde sur un grand vaisseau conduit par un poisson. Après avoir vogué ainsi pendant des années, ils atteignent le plus haut pic du Himavan (Himalaya) qui paraissait au-dessus des eaux; le poisson dit à Menou d'y attacher son navire, et de nos jours encore, dit l'auteur sanscrit, ce pic porte le nom de Naubandhana. Les Afghans croient que l'arche s'arrêta sur le Suffid-Koh, entre Caboul et Peshawur, montagnes couvertes de neiges éternelles; mais il est probable que ce n'est pas encore là le véritable Ararat.

La grande chaîne de l'Himalaya, qui forme la frontière septentrionale de l'Inde, depuis l'Assam au Punjab, perd son nom après avoir passé l'Indus au nord-est de Cachemire, et prend celui de Hindou-Koush; quoique le nom soit donné par extension à toute la chaîne qui s'étend de Gilget à Hérat, ce n'est à proprement parler que celui d'un pic immense qui s'élève à une hauteur si considérable au-dessus des monts environnants, que le voyageur Burnes dit qu'il les fait paraître comme des collines insignifiantes (A. Burnes, gênerai and geographical Memoir on part of central Asia, et, Travels into Bokhara). Et cependant une de ces collines, le Koh-i-Baba, mesuré par Burnes, a 18,000 pieds d'élévation, et le col ou passage de Kalou sur la route de Caboul à Barnian est déjà à 13,000 pieds. Dans ces montagnes, cette dernière mesure est bien au-dessous de la limite des neiges dites éternelles; à 10,000 pieds au-dessus de la mer on y voit des champs labourés que l'on ensemence à la fin de mai pour les moissonner en octobre, tandis que sur les Alpes on trouve déjà la neige perpétuelle entre 8 et 9 mille pieds (D'après Humboldt, la limite des neiges sur les Cordillières de Quito (sous l'équateur) est de 14,760 pieds de roi: sur les Cordillières de Bolivia, elle est même à plus de 16,000 pieds).

— Quant au grand pic auquel appartient proprement le nom de Hindou-Koush, il n'a jamais été mesuré; mais à en juger par la longueur de son manteau de neige et l'extrême rareté de l'air sur le col qui est à sa base, il doit être probablement la montagne la plus haute du monde; les hommes les plus robustes des environs, quoiqu'accoutumés à respirer les couches d'air raréfié qui se trouvent à 10 ou 12 mille pieds au-dessus de la mer, ont la plus grande peine à traverser ce col; la respiration devient très difficile, l'on éprouve des vertiges et des vomissements, la plupart des bêtes de somme qui tentent ce passage y périssent, et même les oiseaux, ne pouvant se soutenir en l'air, sont contraints de marcher et meurent presque tous sur les neiges. Ce fait est attesté par des historiens anciens aussi bien que par les voyageurs modernes. Ceux qui se hasardent dans ce périlleux passage évitent toute espèce de bruit, de crainte, disent-ils, que l'ébranlement ne détermine la chute des avalanches.

Puisque les symptômes éprouvés au passage du Hindou-Koush sont les mêmes que ceux qu'on éprouve au sommet du Mont-Blanc; que la ligne des neiges sur le revers septentrional de l'Himalaya est, d'après Maltebrun, à environ 15,600 pieds, tandis que sur les Alpes elle est à 8,220; puisque d'autre part la cime du Mont-Blanc atteint 14,600 pieds, c'est-à-dire 6,380 pieds au-dessus des neiges éternelles, ce n'est pas trop que de supposer la même différence sur le Hindou-Koush, entre la limite des neiges et le haut du col, ce qui donnerait à ce dernier près de 22,000 pieds d'élévation; la pyramide du Hindou-Koush, qui s'élève au-dessus du col, pourrait donc avoir une hauteur totale, égale ou supérieure aux plus hautes cimes de l'Himalaya, et l'arche aurait pu s'arrêter sur cet Ararat indien, alors même que l'eau dépassait de beaucoup la hauteur des plus hautes montagnes qui sont sous tous les cieux.

C'est ce géant entre les montagnes que nous croyons être le véritable Ararat, et si l'on admet cette supposition, elle explique et la longueur de l'espace de temps qui s'est écoulé entre le moment où l'arche s'y serait arrêtée, et celui de l'apparition des sommets des montagnes voisines, et le voyage des Noachides qui venait de l'Orient lorsqu'ils arrivèrent au pays de Scinhar; et la tradition du Vendidat sur les premiers établissements des hommes; et bien d'autres circonstances encore, entre autres l'application des noms des rivières paradisiaques à des fleuves post-diluviens, et l'ordre de cette application. En effet, supposant que Noé et ses enfants eussent abordé sur le Hindou-Koush, les premiers hommes se seront naturellement répandus sur le haut pays environnant; puis la difficulté d'y voyager les aura engagés à descendre dans des parties plus accessibles, la diminution de la chaleur leur faisant en même temps rechercher les plaines. Il n'est point extraordinaire qu'ils aient donné aux grands fleuves qu'ils trouvaient sur leur chemin, des noms qui leur étaient déjà connus; ils auront nommé le premier Pison; peut-être était-ce le Caboul ou l'Indus; après avoir exploré une partie des contrées au sud de l'Hindou-Koush jusqu'à l'une de ces deux rivières, trouvant le pays trop montueux, ils se seront peut-être tournés vers le nord, puis ils auront donné à l'Oxus le nom de Guihon ou Djihoun, qu'il porte encore de nos jours. De là, continuant leur chemin d'Orient en Occident, presqu'en ligne droite, de Balkh (ou Bactres) à Babylone, le troisième grand fleuve qui se trouvait sur leur route est le Tigre, qu'ils auront appelé Hiddékel; le quatrième est l'Euphrate; c'est le même ordre dans lequel ils sont énumérés dans la Genèse.

Une difficulté reste encore à examiner: d'où provenait la branche d'olivier que la colombe rapporta à Noé? Les commentateurs qui ont fait aborder l'arche en Arménie ont été embarrassés de trouver que l'olivier ne croissait point dans ce pays; mais d'autres ont prouvé qu'il y croissait anciennement, lorsque la température de la terre était plus chaude qu'elle ne l'est de nos jours (Richter, Hausbibel); d'autres aussi ont démontré que les oliviers peuvent pousser des feuilles sous l'eau. Mais, d'un autre côté, les géologues pensent que la force dissolvante et corrosive des eaux du déluge, dont on voit de nos jours tant de traces, de ces eaux qui avaient enlevé les rochers des plus hautes cimes, creusé des vallées, rompu en quelques lieux des digues naturelles, élevé ailleurs des amas de débris, de boue et de cailloux, laissé après leur passage des lacs et des méditerranées;

— ils pensent, disons-nous, que des eaux agissant avec une telle force, doivent avoir détruit toute la végétation, enlevant dans leur cours les couches de terre végétale, et tout ce qui y croissait. Comment alors l'olivier aurait-il résisté? Pour nous qui croyons, avec Cuvier et d'autres, que les anciens continents ont été détruits, nous ne pouvons admettre qu'aucun arbre antédiluvien se trouvât dans le voisinage de l'arche, croissant au lieu qui l'avait vu naître avant le cataclysme; il n'aurait pu s'y trouver, à la rigueur, que quelques plantes marines. Nous pensons que lors qu'après les 150 jours Dieu lit sortir la terre du sein de l'eau, ce qui se passa fut une répétition du 3e jour de la création; Dieu dit: «Que les eaux qui sont au-dessous des cieux soient rassemblées en un lieu et que le sec paraisse, et ainsi fut.» Et la terre après cette crise, ou soir cosmogonique, obéissant aux lois qui lui avaient été données au 3e jour, poussa son jet et produisit de l'herbe portant sa semence selon son espèce, et des arbres qui avaient leur semence en eux-mêmes. De même que pendant les trois derniers jours de la création, et après les soirs cosmogoniques qui les avaient précédés en bouleversant tout ce qui se trouvait sur la surface du globe, la végétation s'était chaque fois reproduite, ainsi, après le déluge, la terre nouvelle qui venait de sortir des eaux se couvrit de plantes et d'arbres utiles à ses nouveaux habitants; les conditions de chaleur et d'extrême humidité qui furent alors si défavorables à la longueur de la vie des hommes, durent, au contraire, pénétrer les plantes, comme sous les régions humides des tropiques, d'une vigueur végétative extraordinaire, et leur procurer une prompte croissance; ainsi, lorsque la colombe sortit pour la première fois, les plantes ne faisaient que de commencer à germer sur la partie de la terre que les eaux avaient laissée à découvert; une semaine après elle trouva déjà des rameaux et des feuilles, mais pas de branche assez forte pour qu'elle pût s'y percher; lorsqu'elle sortit pour la troisième fois, le bois commençait déjà à pouvoir la porter. La température de ces hautes contrées étant alors celle des plus basses régions de l'air, il n'est pas étonnant qu'il put y croître des oliviers dans ce temps-là, tandis qu'aujourd'hui l'on ne trouve à leur place que des neiges qui ne fondent jamais.

Nous devons faire observer ici que l'histoire du déluge nous donne une preuve remarquable de la manière de compter le temps; il était évidemment divisé en semaines, 7:4,10; 8:9-10,12, ou espaces de sept jours; et il n'est pas probable que le pieux patriarche Noé, cet homme juste et plein d'intégrité, qui marchait avec Dieu, négligeât ses commandements et oubliât de sanctifier le septième jour établi pour être un jour de repos dès la création du monde.

Il paraît que longtemps encore après le déluge il continua de s'opérer dans le monde des changements remarquables; la vie des hommes fut abrégée, les langues et les nations se formèrent, et prirent d'une manière permanente les caractères nationaux qui forment leur cachet distinctif. Les variétés produites chez les animaux par la différence des climats, de la nourriture et du genre de vie, donnèrent naissance aux espèces. Dans la nature inanimée il s'opérait des changements correspondants: les contrées volcaniques qui forment l'archipel indien, celui du Japon, les Kouriles, les Aléoutes, les Antilles, après avoir été assez longtemps élevées au-dessus des mers pour que les isthmes qui les joignaient eussent pu servir de passage aux hommes qui allèrent s'y établir, s'enfoncèrent probablement dans l'eau à peu près au point où nous les voyons aujourd'hui, de manière à ne laisser au-dessus de la surface que les parties les plus élevées de ce vaste continent sous la forme d'îles et d'îlots. Si l'on trouve cette hypothèse trop hardie, l'on n'a qu'à examiner ce qui se passe actuellement dans ces mêmes régions, et l'on sera convaincu que si de nos jours encore des îles et des montagnes surgissent de l'Océan, tandis que d'autres contrées sont englouties par la mer, de semblables changements ont bien pu avoir lieu il y a 4,000 ans. Dans les îles Aléoutes, par exemple, en 1806, une île sortit de la mer, qui avait 4 milles géographiques de tour; une autre fut formée en 1814, sur laquelle était un pic de 3,000 pieds de haut. En 1737, par suite de tremblements de terre et d'irruptions volcaniques, la côte du Kamtchatka subit, de grands changements: des lieues entières de côtes s'enfoncèrent dans la mer, des plaines furent soulevées et devinrent des plateaux, de nouvelles baies et de nouveaux lacs furent formés. Le 4 février 1797, une étendue de pays de 40 lieues de long et 20 de large, près de Quito, reçut une forte impulsion d'ondulation qui dura quatre minutes et renversa de fond en comble toutes les villes et villages; ce mouvement se fit sentir plus ou moins sur une longueur de 170 lieues du nord au sud, et de 40 de l'est à l'ouest; au pied du volcan de Tunguragua la terre s'entrouvrit et donna passage à des torrents d'eau et d'une boue fétide, qui dans des vallées de 1,000 pieds de largeur atteignirent à la hauteur de 600 pieds, laissant sur leur passage des dépôts de limon qui interceptèrent une rivière et amenèrent la formation de lacs, jusqu'à ce que l'eau accumulée pendant 80 jours, eut acquis une masse suffisante pour rompre et entraîner ces digues (Lyell, Principles of Geology, vol. l, p. 470; 510; 472).

Il serait facile de multiplier à l'infini les exemples, mais nous croyons en avoir dit assez pour démontrer la possibilité de la rupture des isthmes qui unissaient au nord l'Asie avec l'Amérique, au sud l'Asie avec la Nouvelle-Hollande et toutes les îles intermédiaires, isthmes qui n'étaient plus nécessaires après avoir contribué à l'exécution de l'ordre de Dieu, Genèse 8:17; 9:1, en fournissant aux hommes et aux animaux un chemin pour se répandre sur la plus grande partie de la terre et la peupler.

— Nous ne prétendons pas cependant par là, que toutes les îles, et tous les pays aient été habités dès le temps de la dispersion; au contraire, il est notoire que plusieurs lieux sont restés inhabités pendant des siècles, jusqu'à ce que les progrès de la navigation y aient fait aborder des hommes, soit par suite de voyages, de découvertes et de conquêtes, soit qu'ils y aient été jetés contre leur gré par des tempêtes et des naufrages. Pour ne citer que l'exemple le plus rapproché de nos pays, l'Islande n'a été découverte que dans le huitième siècle, et la première colonie s'y établit l'an 874; ce ne fut qu'un siècle plus tard, qu'un seigneur, Torwald, découvrit le Groenland et s'y établit; il en est sans doute de même d'un grand nombre d'îles de la mer du Sud. À ce propos nous ferons remarquer que les pays dont nous venons de parler, offrent une nouvelle preuve du refroidissement graduel de la chaleur du globe, car l'Islande et le Groenland jouissaient il y a mille ans d'un climat doux et tempéré; il y croissait beaucoup d'arbres, les côtes étaient couvertes de verdure, la mer très poissonneuse et les forêts pleines de gibier, (Mallet, Introduction à l'histoire du Danemark). À la même époque la vigne et le grenadier croissaient en Angleterre.

On peut reconnaître dans cette interruption des communications, une direction particulière de la sagesse éternelle, qui voulait qu'après trente-sept siècles de séparation, les hommes, en se retrouvant, retrouvassent aussi chez presque tous les peuples ces traditions si remarquables sur la création, la chute des premiers hommes, le meurtre d'Abel et surtout ce déluge duquel date la formation de toutes les races actuelles, ce déluge qu'on voit représenté dans la langue hiéroglyphique des Chinois, comme sur les monuments mexicains et sur la médaille d'Apamea Kibotos; événement dont le souvenir se retrouve non seulement chez toutes les nations instruites de l'antiquité européenne et asiatique, mais encore aux îles Sandwich, chez les tribus errantes de l'Amérique du nord, comme chez les Péruviens et les Mozcas dans la Péninsule méridionale.

— Il serait trop long de donner ici un résumé de ces traditions; ceux de nos lecteurs qui désireraient examiner ce sujet, trouveront des détails intéressants dans les Fragment de l'histoire de la terre, de M. F. de Rougemont, que nous avons souvent eu l'occasion de citer; dans l'ouvrage du docteur Wiseman, intitulé Lectures on the connexion between science and revealed Religion, I, 133; 328-371, II, 127-152; dans le Dictionnaire des cultes religieux, article Déluge;

Voir: aussi le Discours sur les Révolutions de la surface du globe, par Cuvier, p. 165-179; l'Histoire des Incas, de Garcilasso de la Vega; la Conquête du Pérou, par don Augustin de Zarate; l'Analyse des traditions religieuses des peuples de l'Amérique, par Kastner, et en général toutes les mythologies.

Quelques auteurs croient que les traditions diluviennes qui portent le nom de Yao en Chine, d'Ogygès et de Deucalion dans l'occident, ne sont pas des traces défigurées du déluge universel seulement, mais se rattachent à des inondations postérieures qui auront eu lieu par la rupture de lacs, et divers changements volcaniques ou autres survenus depuis Noé sur la surface du globe; nous ne prétendons pas décider cette question, mais ce qui nous paraît certain, c'est qu'à toutes ces traditions se trouve mêlée l'idée du repeuplement de la terre par une seule paire d'êtres humains, idée qui est évidemment la même que celle qui nous est donnée sous sa véritable forme dans le récit de Moïse.

Nous ne pouvons quitter cet intéressant sujet, qui mériterait d'être traité bien plus longuement qu'on ne peut le faire dans un ouvrage de cette nature, sans faire encore quelques rapprochements.

L'histoire du déluge a été inscrite dans nos livres sacrés par la direction du Saint-Esprit, non comme un simple document historique qui, seul entre tous les livres que possèdent les hommes, raconte leur véritable origine et donne la clé de la formation des langues et des nations, et des traces de bouleversement que l'on remarque sur notre globe, mais surtout pour nous donner une grande et effrayante leçon, qui enseigne aux hommes à fuir le péché et à s'attacher à l'Éternel comme au rocher des siècles, qui seul subsiste, lorsque les grandes eaux des tribulations engloutissent tous les rochers terrestres sur lesquels nous cherchons trop souvent notre appui. Le déluge est un emblème du châtiment éternel qui atteindra un jour les méchants, et l'arche est celui du seul moyen de salut qui nous est offert; il ne servit de rien aux hommes de se tenir près de Noé et de nager à côté de l'arche en suivant la même direction; c'est dans l'arche qu'il fallait être: ainsi l'on aurait beau être près de la vérité, tout près de la foi, si l'on n'est qu'à peu près chrétiens à l'heure où l'abîme du tombeau viendra réclamer sa proie, si l'on n'a pas contracté alliance avec Dieu par Christ le seul médiateur, cela ne servira de rien; les flots du déluge arriveront mugissants, non pas ceux du grand abîme seulement, mais les flots de «l'étang ardent de feu et de souffre, ce feu éternel qui est préparé au diable et à ses anges.» (Apocalypse 19:20; Jude 6:7; — Matthieu 23:41)

— Si au contraire, comme Noé, nous avons trouvé grâce devant Dieu par la foi au sang de Christ, et que comme lui nous marchions avec Dieu, Genèse 6:8-9, nous n'aurons rien à craindre: quand nous passerons par les eaux, Dieu sera avec nous, et elles ne nous noieront point, Ésaïe 43:2. Qu'est-ce qui a perdu l'ancien monde? Les mauvaises pensées et leurs fruits, savoir: la désobéissance, l'impiété, la malice, la corruption, l'extorsion, Genèse 6:5,11-12; 1 Pierre 3:20; 2 Pierre 2:5; 3:7, l'incrédulité en un mot, car Noé était à l'ancien monde un prédicateur de justice pendant qu'il bâtissait l'arche et que la patience de Dieu attendait pour la dernière fois. Mais ils ne crurent point à sa parole, ils ne l'écoutèrent point, ils ne se repentirent point, comme le firent les Ninivites à la prédication de Jonas; ils ne changèrent rien à leur conduite ni à leur genre de vie, «on mangeait, on buvait, on prenait et on donnait en mariage, et le déluge vint qui les fit tous périr;» mais Noé crut, comme Abraham, et cela lui fut imputé à justice, «car c'est par la foi que Noé ayant été divinement averti des choses qu'on ne voyait point encore, craignit, et bâtit l'arche pour sauver sa famille; par là il condamna le monde et fut fait héritier de la justice qui est par la foi» Hébreux 11:7;

Voir: les Sermons de Rochat, t. VI.


DÉMAS.


Un des membres de l'église primitive; il se trouvait à Rome pendant la première captivité de saint Paul, et lui témoignait alors de l'attachement, Colossiens 4:14; Philémon 24; plus tard il l'abandonna par faiblesse, par crainte de la persécution peut-être, et par amour du monde, 2 Timothée 4:10, nous laissant un triste exemple de l'inconstance et de l'infidélité produite par l'attachement à ce présent siècle et par les soucis de la vie.


DÉMÉTRIUS,


  1. Actes 49, orfèvre d'Éphèse dont le principal revenu consistait dans la fabrication de petits temples en argent, représentant le fameux temple de Diane qui se trouvait à Éphèse, et que l'on considérait comme l'une des sept merveilles du monde. La prédication de saint Paul ayant détourné un grand nombre de personnes du culte de cette déesse, fit baisser considérablement le prix de la marchandise, ce que Démétrius et les siens prirent en mauvaise part: Démétrius en particulier qui retirait le plus grand profit de cette vente, et qui paraît avoir été habile et rusé, réunit ses ouvriers et les gens de son métier, s'arma des grands noms de la religion, de la divinité, du culte en danger; échauffa toutes les têtes, et fit si bien qu'après qu'il eut parlé, tous sortirent en criant pendant plusieurs heures: Grande, grande est la Diane des Éphésiens! toute la ville fut dans la confusion; on courut au théâtre, Paul même voulut s'y rendre et n'en fut empêché que par ses amis; Alexandre ne put se faire entendre parce qu'il était juif, et ce n'est que tard que le secrétaire, l'un des magistrats de la ville, réussit à apaiser la sédition en faisant craindre au peuple que les magistrats supérieurs, les proconsuls, n'élevassent contre eux tous une accusation d'émeute, et ne les fissent condamner.
     

  2. Démétrius, 3 Jean 12; chrétien fidèle auquel l'apôtre rend un excellent témoignage, ajoutant que la vérité aussi le lui rend; quelques-uns supposent que c'est le même que le précédent; il aurait été converti plus tard; rien n'appuie comme rien ne combat cette Supposition, cependant peu probable; on croit qu'il était pasteur.


DÉMON,


(viens du Hébreu «ombre» dont les synonymes sont: apparence, chimère, contrariété, doute, illusion, inquiétude, malaise, mélancolie, obscurcissement, préoccupation, prétexte, semblant, sombreur, et soupçon; dans le Grec ce terme peut se traduire comme: désobéissance récalcitrante, insoumission entêtée, insubordination de la rébellion (indomptable, tenace); n'a aucun rapport avec la théologie fictive d'une chute des anges chimérique, mais se rapporte plutôt à des caractéristiques de la nature humaine déchue dont celle d'un esprit de rébellion contre la loi de Dieu et la grâce de la nouvelle alliance. Terme non traduit mais translittéré dont l'étymologie donne différentes significations, représente généralement un esprit ou attitude néfaste face à la loi de Dieu ou à sa grâce, une rébellion contre son autorité ou contre l'autorité patriarcale que Dieu a établit, pouvant se traduire par: «conscience déréglée». Caractéristique de l'esprit de la chair qui est en l'homme et qui règle son existence. Trouble de conscience ou esprit de contrariété humaine (le Diable) causé généralement par un sentiment de culpabilité intense pour avoir brisé la loi.)

 

Voir: Diable.


DENIER.


Monnaie romaine qui s'introduisit en Judée, Matthieu 18:28; Marc 14:5; Luc 7:41. Au temps de Jésus-Christ, elle avait pour empreinte un portrait de l'empereur, et c'est à l'occasion d'une tentative des Hérodiens et des Pharisiens contre Jésus, que celui-ci leur répondit: «Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu», Matthieu 22:19; Marc 12:16. Le denier équivalait à la drachme attique, Pline 21, 109. (environ 83 centimes). C'était l'impôt par tête que les Juifs étaient obligés de payer aux Romains.


DÉNOMBREMENT, ou Description,


Actes 5:37, ou Description, Luc 2:2,

Voir: ce que nous avons dit à l'article Cyrénius.

Ces deux dénombrements furent ordonnés par des païens, maîtres d'Israël. Un dénombrement plus célèbre dans l'histoire de ce pays est celui qui fut fait par David et puni d'une mortalité qui emporta 70,000 hommes. L'ambition, sans doute, et peut-être cette inquiétude vague qui accompagne dans la paix et l'oisiveté celui qui a vécu jusque-là dans l'activité la plus prodigieuse, au milieu des combats et des guerres, ce besoin de faire quelque chose quand on n'a rien à faire, ce besoin que l'on éprouve dans le moment de la transition entre une activité extérieure et une activité intérieure, lorsqu'on est assez calmé pour renoncer à l'agitation et pas assez pour se livrer à des travaux tranquilles, tout cela contribua à pousser à cette mesure le malheureux roi qui oubliait que jamais jus-alors, aucun dénombrement n'avait été fait que sur l'ordre exprès du grand et vrai Roi d'Israël. On trouva dans les deux royaumes 1,300,000 hommes de guerre, sans compter les infirmes, les femmes et les enfants. Ce péché d'orgueil fut puni: un ange vint de la part de l'Éternel annoncer à David la destruction d'une partie de ce peuple dont il était fier, et lui donna le choix entre sept années de famine, trois mois de défaites à la guerre, ou trois jours de mortalité: ce dernier moyen fut celui que David préféra, aimant mieux tomber entre les mains de l'Éternel qu'entre les mains des hommes, 2 Samuel 24; 1 Chroniques 21.

D'autres dénombrements eurent lieu, à la sortie d'Égypte, pendant le voyage du désert, lors de l'établissement d'Israël en Canaan, et après le retour de la captivité, Exode 12:37; 30:12; 38:26; 2 Chroniques 17:14; Esdras 2; Néhémie 7.


DENYS,


Actes 17:34. Un des membres de l'Aréopage, qui fut converti par la prédication de saint Paul à Athènes: nous ne savons que cela de lui, mais l'on a ajouté beaucoup de détails à son histoire; on l'a fait mari de Damaris qui fut convertie en même temps que lui; on l'a fait premier évêque d'Athènes et martyr; on, l'a fait enfin premier évêque de Paris, en le confondant avec celui qui plus tard, en effet, devint évêque de cette ville. Les écrits qui nous restent sous son nom ne sont certainement pas authentiques.
 


DÉPOTS.


Les conventions écrites n'étant guère en usage aux temps anciens, la loi avait dû s'occuper d'une manière spéciale de garantir les dépôts à leurs propriétaires, contre la négligence et surtout contre la mauvaise foi des dépositaires. Suivant les cas, le serment intervenait comme garantie de la véracité des parties intéressées, Exode 22:7-13; le dépositaire n'était tenu qu'à la restitution du dépôt si c'était lui-même qui l'avait détourné; si un larron l'avait dérobé de chez lui sans sa complicité, le propriétaire devait se contenter du serment; c'était lui qui était volé et qui perdait.


DERBE,


petite ville de Lycaonie près des monts Isauriens, au sud d'Iconie, au sud-est de Lystre. C'est à Derbe que Paul et Barnabas se retirèrent après avoir été chassés d'Iconie, Actes 14:6. Gaïus, l'ami de saint Paul était derbien, 20:4. La tradition porte que Timothée était aussi natif de cette ville.


DÉSERT.


Ce nom, qui dans notre esprit, revêt ordinairement des images d'horreur ou de majesté, qui ne marche qu'avec les épithètes de sauvage ou de terrible, qui rappelle des sables, des tourbillons et des tombeaux, ce nom cependant (midbar en hébreu) doit se prendre dans une signification'beaucoup plus étendue, s'appliquant non seulement à ces mers de sable que l'on trouve en Orient et particulièrement en Arabie, mais encore et surtout à ces paisibles solitudes qui forment comme la banlieue des villes de bergers, solitudes de plaines et de montagnes, quelquefois rocheuses, rarement boisées, presque toujours riches en pâturages abondants, et fréquemment baignées par les eaux d'un torrent. Ésaïe, Jérémie, Joël, et presque tous les prophètes, nous parlent en quelques endroits de déserts inhabitables, sauvages asiles des bêtes féroces, lieux de deuil et de cris lugubres; mais ailleurs, et dans la plupart des cas, il ne s'agit que de pacages solitaires que parcourent les troupeaux, et où l'on rencontre encore les ambulantes cabanes des bergers qui font ressortir la solitude en voulant rappeler les hommes, Psaumes 65:12; Jérémie 9:2,10; Joël 1:20; Luc 15:4. Les villes de la Judée avaient presque toutes, et suivant leur grandeur, des steppes fertiles pour l'alimentation de leurs troupeaux; et c'est ainsi que nous devons nous représenter les déserts nombreux dont il est parlé dans l'Écriture. Nous n'en indiquerons que les principaux. Le désert de Juda, Josué 15:20,61. Juges 1:16, ou désert de la Judée, Matthieu 3:1; cf. 11:7; district rocailleux dans la partie orientale de la tribu de ce nom, et s'étendant de la rive droite du Cédron, jusque vers la ville de Hen-Guédi, et le long des bords de la mer Morte. De nos jours encore on remarque, près du couvent de Sabas, un désert nu, plein de cavernes, de crevasses et de rochers, et dont le caractère sauvage augmente en avançant vers le Nord.

— Au sud-ouest du désert de Juda, mais y attenant, le désert de Tékoah, 2 Chroniques 20:20, au sud-est le désert de Hen-Guédi, 1 Samuel 24:2, le désert de Ziph, 23:14, celui de Mahon, 23:25, et au sud celui de Béer-Sébah, Genèse 21:14. C'est dans le désert de Juda que Jean Baptiste prêcha la repentance, et vit accourir à ses paroles sévères tant d'âmes pieuses, et tant de curieux indifférents; si la tradition nous montre encore à deux lieues de Bethléhem un endroit connu sous le nom de désert de saint Jean, ce ne peut être la solitude qui fut le théâtre de son activité, et s'il y a quelque fondement à la tradition on doit admettre plutôt que c'est le désert dans lequel il se prépara, par le jeûne et la prière, à la vie publique à laquelle il allait être appelé.

Le désert de Jéricho, Josué 16:1, se trouvait compris entre la ville de Jéricho et la montagne des Oliviers ou le village de Béthanie, à 8 kilomètres de Jérusalem, dans une contrée aride et crevassée, où la tradition place la scène du Samaritain miséricordieux Luc 10:30. Cet endroit porte encore le nom de Kan du Samaritain. Après une rapide descente, on arrive dans les plaines de Jéricho, et l'on voit vers le nord s'élever une montagne calcaire fort escarpée, la Quarantania, dans les cavernes et les solitudes de laquelle on veut que Jésus ait passé les quarante jours de son jeûne, Matthieu 4.

Au nord de Jérusalem, le désert de Gabaon, 2 Samuel 2:24.

Près de là, sur la frontière nord-ouest de la tribu de Benjamin, et adossé à la tribu d'Éphraïm, le désert de Beth-Aven, Josué 18:12.

Celui des Rubénites, dans le plat pays, Deutéronome 4:43. C'est là que se trouvait Betser, la ville de refuge.

Le désert de Bethsaïda, Luc 9:10.

En dehors des limites de la terre promise, plusieurs autres solitudes sont encore mentionnées dans l'Écriture.

Le désert de Sur dans lequel s'enfuit Agar, chassée de la maison d'Abraham, Genèse 16:7, et qui fut une des premières stations des Israélites dans le désert, Exode 15:22. On l'appelait aussi désert d'Étham, 13:20.

Celui de Paran dans l'Arabie Pétrée, près de Kadès-Barné; Ismaël y demeura, Genèse 21:21. Les Hébreux y voyagèrent et y passèrent quelque temps, Nombres 10:12; 13:1. On l'appelait aussi désert de Tsin, 20:1.

Le désert de Sin (différent de Tsin), entre Élim et le mont Sinaï, Exode 16:1.

Le désert de Sinaï, dans le voisinage de la montagne de ce nom, Exode 19:2, célèbre par la promulgation de la loi.

Celui de l'Arnon, Nombres 21:13, sur les frontières de Galaad et de l'Arabie déserte, une des dernières stations des Israélites avant la traversée du Jourdain.

Celui d'Édom, 2 Rois 3:8, dont on ne peut déterminer exactement l'étendue et la position.

Celui de Tadmor ou Palmyre, 2 Chroniques 8:4, entre l'Euphrate, l'Oronte et le Chrysorrhoas.

Le désert de Diblathajim, Nombres 33:46, dans le pays de Moab, Ézéchiel 6:14; Jérémie 48:22.

Enfin le désert d'Égypte, Ézéchiel 20:36, autrement dit encore le désert d'Arabie, ou le grand désert, le lieu hideux, Deutéronome 32:10, qui comprend sous un nom général la plupart des solitudes que nous venons de nommer, celles que traversèrent les Israélites pour se rendre d'Égypte en Canaan, et qui firent donner à cette longue marche le nom de Voyage du désert. On trouvera la suite et le narré de ce voyage, Exode 14-19, 32, depuis la sortie d'Égypte jusqu'à la promulgation de la loi; et Nombres 10, 11-22:1, jusqu'à l'arrivée d'Israël aux bords du Jourdain vis à vis de Jéricho. La partie du voyage comprise entre le mont Horeb (Sinaï) et l'arrivée des Israélites dans le pays des Amorrhéens, est racontée Deutéronome 1:2,19; 2:1; 10:6; et suivant. Enfin le 33e chapitre des Nombres, 5-50, offre la liste des stations parcourues depuis Rahmésès jusque près du Jourdain de Jéricho; il nomme entre Hatséroth et le désert de Paran (Nombres 11:35; 12:45; 13:1) dix-huit stations ou campements dont il n'est pas parlé dans le récit plus détaillé de l'Exode et des Nombres; en revanche on n'y trouve pas les endroits mentionnés Nombres 11:1; 21:16,49. On peut remarquer encore d'autres petites variantes, cf. Nombres 33:30; avec Deutéronome 10:6; et Nombres 20:22; mais ces différences s'expliquent tout naturellement par le fait que le chapitre 33e des Nombres est, en quelque sorte, une carte routière, une liste de route qui indique la marche générale, tandis que les autres chapitres ne mentionnent que les faits remarquables, sans rien dire, par conséquent, des lieux où il n'y avait rien à dire, où aucun événement digne d'être raconté n'a eu lieu. Il n'est pas besoin de prendre des ciseaux pour concilier ces divergences, en retranchant ici et là des passages ou des noms propres, à la façon de certains rationalistes.

Quant à l'exacte position de la plupart de ces campements, on peut désespérer de la connaître jamais: posés sur le sable, un coup de vent a dû les faire disparaître du jour au lendemain. Là où aucun signe particulier ne peut faire reconnaître la place, on a beau lui donner un nom, elle se perd; cependant on a retrouvé plusieurs de ces stations, que les sources ou les montagnes voisines ont préservées de l'oubli; les voyages modernes, et particulièrement celui du professeur Schubert, ont jeté une nouvelle lumière sur plusieurs de ces noms. La carte de ce voyage peut se dresser avec passablement d'exactitude quant aux traits généraux, avec aucune pour les détails, (Voyage des enfants d'Israël; — Voir: la carte.)

Quarante années furent consacrées à cette expédition, pour laquelle quarante jours auraient suffi. Nombres 14:33; 33:38; Deutéronome 8:2; Deutéronome 2:14. L'Écriture nous en donne la raison, Nombres 14:23,30, cf. 26:65; après de longues rebellions, de longues incrédulités, le peuple de la promesse, arrivé à Kadès-Barné, à la vue du pays promis, avait refusé encore de croire à la parole de son Dieu: douze espions envoyés n'avaient pu, malgré le tableau brillant qu'ils avaient fait de cette contrée, vaincre la résistance du peuple. Dieu, ennuyé de cette génération, avait juré dans sa colère qu'ils n'entreraient jamais dans son repos, Psaumes 95:10; Nombres 14:23,30,34; 26:65. Ils durent errer de nouveau dans cet affreux désert pendant quarante années, jusqu'à ce que tous les hommes âgés de plus de vingt ans y eussent laissé tomber leurs corps en poussière. On pourrait facilement, sans l'intervention divine, comprendre encore ces longs errements: il ne s'agissait, après tout, que de mener une vie nomade, et les Israélites ne voulant ni essayer la conquête de la Palestine, ni rentrer en Égypte, n'avaient de ressource que dans les pâturages du désert; ils allaient d'une station à l'autre, s'étendant sur un assez long espace de pays, et donnant à leur campement le nom de l'endroit où se trouvait le tabernacle de l'Éternel. On pourrait croire aussi que le chef terrestre de ce peuple, désespérant de réussir avec la génération vivante, eût résolu de la laisser s'éteindre, et d'attendre une race neuve, qui n'eût goûté ni la servitude, ni les concombres de l'Égypte, et qui, plus forte, plus dure et moins efféminée, devait lui promettre davantage l'obéissance et le courage nécessaires au succès de son entreprise.

— Pour ceux des théologiens modernes qui sont aussi incrédules que l'étaient les Juifs d'alors, il reste une difficulté insoluble, c'est de savoir comment les Hébreux ont pu être nourris pendant quarante ans, au nombre d'environ trois millions d'âmes: ceux-là ne comprennent pas non plus que notre Sauveur ait pu nourrir cinq mille hommes avec cinq pains et deux poissons; il faut naturellement regarder toutes ces histoires comme des fables, ou croire que Dieu voulut user de sa puissance créatrice: le chrétien le croit, il accepte le miracle; l'incrédule ne le croit pas; il dit en son cœur: Il n'y a point de Dieu; la manne et le rocher d'eau vive ne lui suffisent pas.

Mentionnons encore comme une dernière acception du mot désert, celle dans laquelle ce mot est pris Exode 23:31; cf. Deutéronome 11:24; Josué 1:4. Dieu promet aux Israélites d'étendre leurs frontières depuis le désert jusqu'au fleuve (l'Euphrate); le désert comprend alors toutes les contrées situées entre le Jourdain, les montagnes de Galaad et l'Euphrate.


DETTE.


Les lois juives sur les dettes étaient, comme presque toutes les autres, favorables au pauvre, au malheureux, au débiteur. La loi du jubilé s'opposait à ce que, parmi les Hébreux, les uns devinssent trop riches et les autres trop pauvres; cependant une pauvreté momentanée pouvait tomber sur l'agriculteur; ses champs pouvaient être sans moisson, sa vigne sans vendange; les accidents ou les maladies pouvaient lui détruire son bétail, sa demeure pouvait avoir besoin de réparations; il était dans la gène et il lui fallait de l'argent. Moïse, pour le soulager, avait deux choses à faire: lui procurer d'abord cet argent nécessaire, puis empêcher que ce prêt ne lui devînt onéreux; ce dernier but fut atteint par la simple défense que le législateur fit aux riches de recevoir aucun intérêt sous aucune forme, Exode 22:25; Lévitique 25:35-38; Deutéronome 23:19-20 (excepté des étrangers commerçants, Deutéronome 23:20). D'un autre côté, puisque le riche ne trouvait aucun intérêt à prêter son argent, et qu'il eût pu ne pas le faire, le législateur l'y engage, le lui commande, au nom de la fraternité universelle, de la conscience et de Dieu lui-même, Lévitique 25:35. Deutéronome 15:7-8,14. Maintenant un juste équilibre entre les droits du prêteur et ceux de l'emprunteur, le riche pourra demander un gage, mais le pauvre choisira ce qu'il lui conviendra de donner, Deutéronome 24:6,10-12,17. Si enfin l'emprunteur se trouvait décidément hors d'état de payer, le capital n'était pas perdu pour celui qui avait prêté: il était hypothéqué sur le champ du débiteur, sur ses meubles, sur sa personne même qui entrait en servage; mais en l'année bénie du jubilé, l'égalité des fortunes venait effacer de nouveau la créance du riche et la dette du pauvre.

— De prisons pour dettes, il n'en est jamais question.


DEUIL.


Les Hébreux, comme en général les Orientaux, exprimaient leur douleur d'une manière plus vive, plus bruyante, plus extérieure, que, ne font les peuples de l'Occident: quel que fût le sujet de leur affliction, que ce fût le déshonneur, la misère, l'exil, ou la mort d'un proche et d'un ami, ils criaient et gesticulaient avec violence jusqu'à ce que le premier paroxysme de leur peine fût passé: Ils mettaient la main sur la tête, 2 Samuel 13:19; ils se frappaient la poitrine ou les reins, Nahum 2:7; Luc 18:13; Jérémie 31:19 (cf. Virgile Æneid. 4, 673); ils s'arrachaient ou se rasaient les cheveux de la tête et le poil de la barbe, Esdras 9:3; Job 1:20 (cf. Æneid. 12, 870); ils se versaient des cendres sur la tête, 1 Samuel 4:12; 2 Samuel 1:2; 13:19; 15:32; Néhémie 9:1; Ézéchiel 27:30; Lamentations 2:10; Job 2:12; ou s'asseyaient et se roulaient dans la cendre et dans la poussière, Ézéchiel 27:30; 2 Samuel 12:16; 13:31; Ésaïe 47:1; Néhémie 1:4; Job 2:8; 16:15; Matthieu 11:21; ils déchiraient leurs vêtements sur la poitrine, Genèse 37:29; 44:13; Juges 11:35; 1 Samuel 4:12; 2 Samuel 1:2,11; 13:31; 3:31 (ordonnance royale pour honorer la mémoire et le convoi d'Abner: ce passage prouve combien cette pratique était en usage), 1 Rois 21:27; 2 Rois 5:8; 6:30; 11:14; 19:1; 22:11,19; Esdras 9:3; Esther 4:1; ils se faisaient des incisions ou des égratignures au visage et sur le corps, Jérémie 16:6; 41:5; 47:5; et 48:37, quoique cet usage païen (Æneid. 4, 673; 12, 871) fût expressément défendu par la loi de Moïse, Lévitique 19:28; Deutéronome 14:1, comme il l'était aussi par la Loi des douze tables (Cicer. De Legib. 2, 23). Ils jeûnaient (— Voir: Jeûne) lorsqu'ils menaient deuil sur un mort, revêtaient certains habits de deuil (— Voir: Sac), négligeaient leurs vêtements et les soins même de la propreté, ne se lavaient point, n'oignaient pas leurs corps, 2 Samuel 12:20; 14:2; 19:24; cf. Matthieu 6:17; ils dépouillaient tous leurs ornements en bijoux et en broderies, Ézéchiel 26:16, et, comme on l'a dit, ils se coupaient la barbe qu'ils ne regardaient pas comme un de leurs moindres ornements; ils se couvraient le bas du visage, Ézéchiel 24:17,22; Michée 3:7; ou même la tête toute entière, 2 Samuel 15:30; 19:4; Esther 7:8; Jérémie 14:3; ils se tenaient courbés et marchaient lentement, 1 Rois 21:27; enfin ils montaient sur les plates-formes de leurs maisons pour y pleurer, Ésaïe 15:3; 22:1.

Le temps du deuil pour les morts était en général de sept jours, 1 Samuel 31:13; 1 Chroniques 10:12; dans des cas extraordinaires, il était plus long: Aaron et Moïse furent, chacun, pleures pendant trente jours, Nombres 20:29. Deutéronome 34:8, et Jacob pendant soixante et dix jours par les Égyptiens, pendant sept autres jours par Joseph, Genèse 50:3,10.

Pendant le deuil, leurs amis venaient les visiter, soit pour les consoler, soit pour leur apprêter de la nourriture, Proverbes 31:6; mais tout ce qu'ils mangeaient était souillé, Osée 9:4.


DEUTÉRONOME.


Ce nom du cinquième livre de Moïse signifie en grec seconde loi, ou répétition, récapitulation de la loi. Le Deutéronome est ce qu'indique son titre, mais il est une récapitulation générale et non minutieuse, d'idées et non de paroles, d'histoire et non de détails: il est grand, noble, sérieux, tendre, plein d'onction, plein d'une sublime poésie; c'est presque un chant épique. Moïse avait cent vingt ans lorsqu'il le composa; c'était la dernière année de sa vie; il était dans les plaines de Moab (1:5; cf. 34:1): vieillard deux fois aussi âgé que tous ceux qui l'entourent (sauf Caleb et Josué), il a bien des conseils de sage expérience à donner; législateur envoyé de Dieu, il doit à sa mission de lui rendre témoignage encore avant de mourir, il maintiendra jusqu'à la fin les lois qu'il a données, les vérités qu'il a prêchées, et il les maintiendra comme justes et saintes, comme imposées de Dieu, comme étant par là même la seule source de bonheur pour les Israélites qui voudront y obéir; il les sanctionnera de son dernier souffle.

La période comprise dans le livre du Deutéronome est de deux mois environ; elle s'étend depuis le premier jour du onzième mois de la 40e (Deutéronome 1:3, plusieurs éditions portent par erreur 4e) année de la sortie d'Égypte jusqu'au onzième jour du douzième mois de la même année.

On peut diviser ce livre en quatre par-tics principales:

  1. Récapitulation de l'histoire des Hébreux contenue dans les livres précédents, chapitres 1-4;
     

  2. répétition des lois morales, cérémonielles et judiciaires, 5-26;
     

  3. confirmation de la loi, 27-30;
     

  4. derniers jours de Moïse; il annonce au peuple que Josué lui succédera dans le gouvernement général et dans l'autorité; puis il écrit les choses qu'il vient de dire, confie aux lévites et aux anciens le livre qui contient ses paroles, et ordonne que lecture en soit faite tous les sept ans dans l'assemblée générale, à la fête des Tabernacles: il termine par un cantique de bénédictions, mais il annonce en même temps aux Hébreux leurs infidélités futures, et veut que ses dernières paroles soient copiées et méditées de tous; il monte enfin sur le mont Nébo, où Dieu recueille son esprit et rend à son corps les derniers devoirs.

Quelques auteurs ont pensé que le Deutéronome n'était pas de Moïse, puisqu'il allait jusqu'à la mort de ce législateur; mais rien ne justifie une pareille supposition; et l'on peut en détacher le dernier chapitre seulement, que l'on croit avoir été, dans l'origine, le commencement du livre de Josué.

Voir: Pentateuque; cf. aussi le commentaire de Calvin, et Hævernick, Einl. in das Ancien Testament


DEVIN,


Voir: Divination.


DIABLE.


Ce nom qui signifie en grec accusateur, calomniateur, est celui que le Nouveau Testament donne au prince des ténèbres, à l'esprit du mal, au tentateur, Matthieu 4:1,5,8,11; Apocalypse 12:9; 20:2; 1 Jean 3:8. Le plus grand des anges déchus, grandeur sublime tombée, il s'est séparé de Dieu par un premier essai d'indépendance, qui a été d'autant plus efficace que sa nature était plus relevée; il ne pouvait être médiocre en s'isolant, mais par là même il s'est perdu: dans sa chute il a cherché et réussi à en entraîner un grand nombre d'autres, qui l'ont suivi dans son péché et dans sa ruine; il a de même séduit et assujetti à la condamnation les hommes que Dieu avait d'abord créés droits.

 

(Terme non traduit qui signifie «jeter sur ou à travers, contredire, séduire, envoyer». Généralement traduit par "calomniateur"; signifie littéralement un esprit ou attitude de «contrariété humaine», portant aussi les notions de «concurrence séductrice, enchanteur, contradiction complaisante»; attitude de rébellion, être obstiné contre la grâce de la délivrance en Christ»; se rapporte à l'esprit de la chair (Satan) qui est le contradicteur, le concurrent ou le rival de l'Esprit de Dieu.)

— Différents noms lui sont donnés: Satan, Job 2:1; Bahal Zébub, 2 Rois 1:2, ou Béelzébut, Matthieu 12:24; tentateur, Matthieu 4:3; anti-Christ, 1 Jean 2:18,22; 2 Jean 7; démon, Jean 10:20; serpent ancien et dragon, Apocalypse 12:9; 20:2; meurtrier et menteur dès le commencement, Jean 8:44; enfin dans les livres apocryphes, Asmodée, Tobie 3:8; 6:15, démon voluptueux qui tuait les maris dont il était jaloux.

Le nom de démon était une épithète générale qui, chez les païens, se prenait dans un sens favorable, signifiant un génie, une divinité: dans l'Écriture, il se prend toujours en mauvaise part, tantôt en parlant des esprits infernaux, tantôt pour désigner les esprits des morts, bons ou mauvais, réels ou imaginaires, Matthieu 9:32; Luc 11:14; 13:16; 1 Chroniques 24:1; 1 Rois 22:21; Éphésiens 6:16; 1 Pierre 5:8.

Mille questions surgissent autour de cet effroyable ennemi du genre humain; l'on se demande comment il est fait, où il habite, quelle est son action sur l'humanité, quels sont ses moyens de séduction, quels sont ses rapports avec Dieu, quel sera son sort final: on s'est demandé enfin si même il existait! Plusieurs de ces questions sont permises, mais on ne peut y répondre: d'autres proviennent de mauvaise curiosité, l'on ne doit pas y répondre: la dernière est faite par l'incrédulité.

Il faut convenir que de tous les moyens de séduction, puisque nous en avons dit un mot, le plus habile que puisse employer le malin esprit, c'est d'empêcher les gens de croire à son existence: avec personne il ne revêtira sa forme naturelle et repoussante; aux âmes pieuses il se présentera déguisé en ange de lumière; à ceux que son existence pourrait gêner, il tâchera de faire croire qu'il n'est qu'une chimère, qu'il n'existe réellement pas, qu'il n'est pas question de lui dans la Bible, que les anciens pères et les anciens orthodoxes n'étaient que des rêveurs, que depuis qu'on ne croit plus aux revenants on ne doit plus croire au diable non plus. Cette croyance, ou plutôt cette absence de croyance, est évidemment de nature à soulager beaucoup celui qui désire être débarrassé d'un frein aussi redoutable: si les uns vous disent que le diable est le père du péché, quelle chaîne pour vous que celle qui vous unit à lui; mais si le diable peut vous persuader que la parole de Dieu n'est qu'un mauvais songe, quel allégement! Oui, quel allégement! mais qu'il durera peu! car après la mort il n'y a plus d'illusion possible, et celui qui le premier vous ôtera le bandeau, c'est celui qui vous l'avait mis; c'est le prince de la terre venant s'emparer des victimes qu'il aura séduites. Ceux qu'il ne peut convaincre théologiquement qu'il n'existe pas, il Le leur persuade pratiquement, il s'en fait oublier, il se met pour eux sur l'arrière-plan; sur le premier, ses séductions, ses jouissances, ses faux appâts, de l'or, des places, des parures, des danses, tout ce que la terre peut offrir, et il se place derrière tout cela, jusqu'à ce qu'avec le temps tout cela ayant disparu, il ne reste plus que lui.

— Quel allégement! Mais quel allégement plus grand, plus doux, plus réel, plus sûr, de se remettre entre les mains de celui qui a brisé la tête du serpent, et qui triomphe et nous fera triompher au dernier jour. Il n'y a pas une vérité qui ne vaille toutes les erreurs possibles.

Les raisons qu'on allègue pour essayer de soutenir cette thèse moderne qui tue d'un même coup et le péché qui n'a plus d'origine, et l'enfer qui n'a plus ni prince ni but; ces raisons, si l'on peut les appeler ainsi, reviennent toutes à de simples assertions. On commence par dire qu'il n'est pas parlé du diable dans l'Ancien Testament, et par tourner en poésie les passages les plus historiques où il en est fait mention, Genèse 3; Job 2:1; 1 Chroniques 21:1; Zacharie 3:1, etc. Puis l'on applique au Nouveau Testament le même système d'interprétation, en le modifiant au moyen de la méthode d'accommodation que notre Seigneur était censé employer lorsqu'il parlait aux Juifs, adoptant leurs idées afin de leur mieux inculquer les siennes; de cette manière, les passages Matthieu 4:1; Luc 4:1; Jean 13:2; 1 Jean 3:8; 1 Pierre 5:8; Apocalypse 12:9; 20:2, et cent autres ne prouvent, en effet, absolument rien; mais avant d'admettre ce système, nous attendrons qu'il soit lui-même prouvé, et l'on peut poser en fait qu'il n'est pas un lecteur sérieux de la Bible qui ne voie l'existence du diable clairement établie par nos saints livres.

Quant à la forme de cet être malfaisant, il est clair que l'on n'en peut rien savoir, mais de toutes les imaginations de l'homme, la plus belle conception est sans contredit celle de ce peintre hardi, habile et plein de génie, dont le pinceau a tracé une figure qui de loin, par le jeu des couleurs, paraît pleine de grâce, de fraîcheur, de beauté, mais qui, lorsqu'on s'en approche, est pâle, maigre, décharnée, ne respirant que la malice et le fiel, et rongeant une chaîne: c'est le séducteur; il charme de loin, de près il repousse.

Le pieux Bunyan, l'auteur du Voyage du Chrétien, a publié, en anglais, un second ouvrage du même genre que le premier, intitulé Diabolos ou la Sainte Guerre, dans lequel il représente l'histoire de l'âme et l'histoire de l'humanité, sous la parabole d'une guerre entre Satan et l'Éternel, guerre qui se termine par la victoire du fils Emmanuel. Cet ouvrage, dont il vient de paraître une traduction française, peut, à bien des égards, être une lecture utile, non seulement pour la jeunesse, à laquelle il est plus particulièrement destiné, mais encore pour un âge plus avancé.


DIACRE


(serviteur), ministre de l'Église chrétienne, dont les fondions rappelaient à certains égards celles des officiants de la synagogue, dont il est parlé Luc 4:20; Jean 7:32, espèces de sergents, d'huissiers, de ministres, d'administrateurs. Le diaconat fut institué par les apôtres, et l'on se rappelle en quelle occasion. Actes 6. Le nombre des disciples s'accroissant chaque jour, les chrétiens d'entre les Grecs se plaignirent hautement de ce que leurs veuves étaient négligées dans les distributions ordinaires, tandis que les veuves des Hébreux recevaient des soins plus réguliers et des secours plus abondants. Là dessus, les apôtres qui ne pouvaient s'occuper de tous les détails, et qui devaient s'occuper avant tout de la prédication, consultèrent l'assemblée et proposèrent que l'on choisît sept hommes ayant un bon témoignage, pleins du saint Esprit et de sagesse, à qui l'on confierait le service des tables, le soin des pauvres et la distribution de la cène. Leur avis fut goûté de l'assemblée, qui élut à ces fonctions importantes Étienne, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas, et Nicolas; ces sept diacres furent installés dans leur charge par la prière et l'imposition des mains. Des femmes furent aussi appelées aux mêmes fonctions, sous le titre de servantes ou diaconesses, Romains 16:1. Les devoirs des diacres sont exposés 1 Timothée 3:8-13: ils pouvaient se marier aussi bien que les pasteurs. Longtemps leur nombre fut réduit à sept par église, et Rome même n'en avait pas davantage. Voici comment l'abbé Fleury parle de leurs fonctions: «Ils étaient chargés de recevoir tout ce qui était offert pour les besoins communs de l'église, de le mettre en réserve, de le garder sûrement, et de le distribuer suivant les ordres de l'évêque, qui en ordonnait sur le rapport qu'ils lui faisaient des nécessités particulières. Il était donc de leur devoir de s'informer de ces nécessités, d'avoir des listes exactes, tant des clercs que des vierges, des veuves et des autres pauvres que l'Église nourrissait. C'était à eux d'examiner ceux qui se présentaient de nouveau, et à veiller sur la conduite de ceux qui étaient déjà reçus, pour voir s'ils étaient dignes d'être assistés. C'était à eux de pourvoir au logement des étrangers, et de savoir par qui et comment ils seraient défrayés... Ainsi leur vie était fort active. Il fallait aller et venir souvent par la ville, et quelquefois même faire des voyages au dehors.»

— Ajoutons qu'ils avaient encore quelquefois des fonctions ecclésiastiques proprement dites, celles de donner la communion aux fidèles, de lire l'Écriture, soit en particulier, soit en public, et de l'expliquer en l'absence des pasteurs; même en bien des lieux, des paroisses trop petites pour avoir un pasteur, leur étaient confiées, et les diaconats sont restés une charge importante. On trouve des diacres-pasteurs en plusieurs pays, et Rome compte ses 18 diacres par excellence, qui ne peuvent être pris que d'entre les cardinaux.


DIAMANT


(hébreu shamir). Le péché de Juda est écrit avec une pointe de diamant, dit Jérémie, 17:1. J'ai renforcé ta face contre tes ennemis, dit l'Éternel, et j'ai rendu ton front semblable à un diamant, Ézéchiel 3:9. Ils ont rendu leur cœur dur comme le diamant, pour ne point écouter la loi, Zacharie 7:12. Le diamant, cette pierre si précieuse, si belle, et si dure, n'est considérée dans la Bible que sous ce dernier rapport: on sait que le diamant ne peut être travaillé que par lui-même; on l'emploie non seulement comme parure, mais comme instrument tranchant, comme poinçon pour couper le verre ou pour graver. Quelques auteurs ont pensé qu'il s'agissait plutôt de l'émeri, substance composée de terre sigillée et de chaux de fer, dont le nom grec smyris a de l'analogie avec l'hébreu shamir; mais ces analogies accidentelles sont si fréquentes (par exemple, en hébreu péshah, péché; soumphonia, symphonie, etc.), que l'on ne peut les regarder comme preuves, et la traduction des Septante, adoptée par la Vulgate, est une autorité plus forte.

— On a voulu traduire encore par diamant le mot yahalom, Exode 28:18; 39:11. Ézéchiel 28:13, que nos versions ont rendu par jaspe, q.v.


DIANE,


divinité célèbre du paganisme, que les poètes font tille de Jupiter et de Latone, et qu'ils comptent au nombre des douze grands dieux. On l'adorait sous trois formes, et son caractère variait selon ces différents points de vue. Comme déesse des forêts, elle était chaste, mais fière, hautaine et vindicative; comme déesse des enfers, et sous le nom d'Hécate, elle est cruelle, sanguinaire, impitoyable; comme déesse de la lune et des cieux, elle est quinteuse, capricieuse, amoureuse: c'est Phœbé. L'aventure d'Actéon appartient donc à la Diane des bois; ses amours avec Endymion, à la lune. Quelques poètes la font encore présider aux accouchements, sous le nom de Lutine. Le plus célèbre de tous ses temples était celui d'Éphèse, bâti sur les dessins du fameux architecte Ctésiphon, et qui passait pour l'une des sept merveilles du monde. Il avait 425 pieds de long (153m) et 237 de large; l'extérieur était décoré de tout ce que la nature et l'art offrent de plus précieux; l'or, l'argent, les pierreries, les tableaux, les statues, y étaient prodigués: on y comptait, entre autres, 127 colonnes, dont chacune avait été érigée par un roi, qui s'était efforcé de l'embellir et de la rendre digne de cet auguste lieu. Un fanatique, possédé du désir de s'immortaliser, y mit le feu: c'était un moyen comme un autre; de nos jours, on tire sur les rois ou sur les reines. Le temple de Diane fut détruit la même nuit dans laquelle naquit Alexandre le Grand. La mémoire de la déesse ne périt point dans la grande ville dont elle était la patronne, et nous voyons, Actes 19:24; suivant, un orfèvre faire son principal travail de la fabrication de petits temples d'argent, ou de médailles représentant, aussi bien que la tradition en avait conservé le souvenir, l'effigie de ce monument illustre de l'architecture ancienne et du paganisme. Le passage Jérémie 7:18 (cf. 11:13; 44:17-18; Ézéchiel 16:15) se rapporte probablement au culte de Diane.


DIBLA,


Voir: Beth-Diblathajim.


DIBON


(intelligence),

  1. ville située dans une plaine au nord de l'Arnon. Lors de la conquête du pays de Canaan, nous la voyons d'abord entre les mains des Gadites, Nombres 32:34, d'où elle prit le nom de Dibon-Gad, que Moïse lui donne quand il l'indique comme un des campements des Israélites dans le désert, Nombres 33:45. Plus tard, elle fut assignée à la tribu de Ruben, Josué 13:17. Du temps d'Ésaïe, elle était tombée entre les mains des Moabites, Ésaïe 15:2; Jérémie 48:22. C'est probablement la même ville qui est appelée Dimon, Ésaïe 15:9, et saint Jérôme dit que de son temps encore on l'appelait indifféremment Dimon ou Dibon, à cause de la ressemblance des lettres.

    — On trouve aujourd'hui dans cette localité des ruines qui portent le nom de Diban.
     

  2. Ville de Juda, Josué 15:22; Néhémie 11:25; elle subsistait encore du temps d'Eusèbe; elle est appelée Dibon dans le dernier des passages cités, et Dimona dans le premier.


DIDRACHME,


Matthieu 17:24, monnaie grecque valant 2 drachmes, et équivalant à peu près à un demi sicle hébraïque, (1 fr. 66 c.)


DIDYME,


Jean 11:16; 20:24, nom grec de l'apôtre Thomas, ces deux mots signifiant l'un et l'autre jumeau. Ces noms devaient rappeler sans doute la naissance de l'apôtre, et la tradition lui donne effectivement une sœur jumelle nommée Lysia (Patres apostol. Ed. Coteler. I, p. 272, cf. p. 501). D'après Eusèbe, 1, 13, Thomas aurait été le même que Judas, frère de Jésus; c'est ainsi que le veulent également les Actes de saint Thomas (— Voir: Coteler.), et cette parenté donnait au surnom de Didyme une signification tout à fait grande et honorable; mais rien dans l'Écriture n'appuie cette tradition, et il est plus qu'évident que notre Sauveur n'a pas eu de frère jumeau,

Voir: Thomas.


DIKLA,


Genèse 10:27, nom d'une peuplade sémitique qui habitait l'Arabie, mais dont il est difficile de fixer exactement le territoire. On ne peut faire à cet égard que des conjectures; Bochart (Phaleg 2, 22) pense que c'est la même peuplade qui porta plus tard le nom de Minéens, parce que les Minéens habitaient une contrée riche en palmiers, arbre qui se nomme en syriaque dikla. C'est assez vraisemblable.


DILHAN,


ville de la tribu de Juda. Josué 15:38.


DIMANCHE,


jour du Seigneur, Apocalypse 1:10. Les chrétiens ont dès le commencement honoré d'une façon particulière le jour de la résurrection du Sauveur, qui arriva le lendemain du sabbat, et les apôtres semblent avoir transporté sur ce jour les obligations morales que la loi juive avait attachées au sabbat. «Il n'y a doute, dit Calvin, que ce qui estoit cérémonial en ce précepte, n'ait esté aboli par l'aduénement du Christ... Néanmoins... combien que le sabbat soit abrogé, cela ne laisse point d'auoir lieu entre nous, que nous ayons certains iours pour nous assembler à ouir les prédications, à faire les oraisons publiques, et célébrer les sacrements: secondement pour donner quelque relâche aux seruiteurs et gens mécaniques.» Quelle que soit la manière de voir des chrétiens sur l'obligation de la sanctification du dimanche, il est de fait que l'observation de ce jour, non seulement accompagne les réveils religieux, mais encore les prépare, les amène et les fortifie; il est de fait aussi que les personnes pieuses sanctifient le dimanche, et que celles qui ne sont pas converties ne le sanctifient pas. Ces deux faits étant reconnus, il sera facile à chacun de voir en quelle manière il peut se croire libéré de l'observance judaïque, et astreint à l'observance chrétienne.

Un grand nombre d'ouvrages ont paru sur ce sujet dans les derniers temps; celui de Liebetrut, en allemand, et les sermons de Wilson, en anglais, doivent être cités en première ligne. En français, on possède un certain nombre de brochures publiées par la Société de Vevey pour la sanctification du dimanche, et la traduction de Pearl of days, ce remarquable ouvrage d'une servante anglaise, auquel a donné naissance, en 1848, la fondation du prix de M. Henderson. Le mouvement qui s'est produit à cette occasion en Angleterre et en Écosse offre un caractère véritablement historique dont les journaux religieux français ne donnent qu'une faible idée (— Voir: Archives 1848, p. 278; 1849, p. 8), et qu'il faut lire dans les journaux de Londres et de Glascow;

Voir: spécialement le Christian Times, depuis le mois de septembre 1848.


DÎME,


(dixième ou décime). De tout temps, et presque chez tous les peuples, on a vu les dîmes établies comme coutumes, ou comme lois. Les Grecs et les Romains offraient à leurs dieux des dîmes soit temporaires, soit ordinaires, soit extraordinaires, et Plutarque raconte que c'était la coutume des Romains d'offrir à Hercule la dixième partie des dépouilles qu'ils avaient conquises sur l'ennemi. Xénophon rapporte la même chose des Perses, et Justin des Carthaginois. Les marchands arabes, qui faisaient le commerce d'encens, n'en osaient vendre avant d'en avoir payé la dîme à leur dieu Sabis: les Scythes envoyaient des dîmes à Apollon; les Carthaginois avaient coutume encore d'envoyer à la ville de Tyr, dont ils étaient une colonie, la dîme de tous leurs biens; le vaisseau qui transportait ce tribut ordinaire, arriva à Tyr peu de temps avant qu'Alexandre en fit le siège. Pisistrate, écrivant à Solon pour l'engager à revenir à Athènes, lui dit que chacun y paie la dîme de ses biens pour offrir des sacrifices aux dieux. Les Pélasges qui s'étaient établis en Italie, reçurent commandement de l'oracle d'envoyer leurs dîmes à Apollon de Delphes, etc., etc.

L'Écriture sainte, qui nous transporte dans une antiquité beaucoup plus reculée que l'histoire profane, nous montre aussi les dîmes existant au moins de fait, longtemps avant la promulgation de la loi mosaïque. Le plus ancien exemple que nous en connaissions, est celui d'Abraham revenant de son expédition contre les cinq rois alliés, et payant à Melchisédec, roi de Salem, la dîme de tout ce qu'il avait pris sur l'ennemi, Genèse 14:20; Hébreux 7:2. Jacob voua de même à l'Éternel la dîme de tout ce qu'il pourrait acquérir en Mésopotamie, Genèse 28:22. Enfin Moïse ordonne et régularise le paiement des dîmes, Lévitique 27:30-33; Nombres 18:21-24; Deutéronome 12:6; 14:22. Chaque Israélite, considéré comme fermier de Jéhovah, devait payer chaque année à son seigneur et maître la dixième partie des produits de ses champs et de ses troupeaux, «les dîmes du froment, du vin et de l'huile», Néhémie 13:5,12. Ce revenu sacré était affecté par la loi à l'entretien des Lévites, Néhémie 10:37, à l'étranger, à l'orphelin et à la veuve, Deutéronome 26:13. On pouvait cependant racheter les dîmes (des fruits) en en déposant la valeur, plus le cinquième du prix. Les passages, Deutéronome 12:17-18; 14:22-23, mentionnent un repas général qui devait se faire tous les trois ans avec les produits des dîmes (cf. 26:12), espèce de festin qui n'était pas sans quelque rapport avec les agapes des premiers chrétiens.

— Les Lévites devaient mettre à part, pour les prêtres, la dîme de leurs dîmes, Nombres 18:26; Néhémie 10:38. Des percepteurs particuliers furent établis plus tard pour le prélèvement de cet impôt, ils eurent leurs commis, et formèrent comme des bureaux de contributions, 2 Chroniques 31:12; Néhémie 12:14; 13:10; Malachie 3:10. Tous ces impôts furent exclusivement religieux; il est cependant parlé, 1 Samuel 8:15, d'une dîme temporelle que les rois devaient imposera leurs sujets: nous ne voyons pas qu'elle ait en effet existé sous la royauté, mais la manière dont parle Samuel indique assez clairement qu'elle était en usage dans les royaumes de l'Orient, et d'ailleurs une imposition de ce genre (puisqu'il faut des impôts en tout cas) devait bien être des moins onéreuses dans un pays agricole; c'était un impôt à la fois proportionnel à la quotité du revenu, facile à payer, et fixe dans sa proportion, autant de qualités qui devaient le rendre plus supportable que tels autres modes qu'on aurait pu imaginer.

Le système théocratique des dîmes, quoique simple en apparence et dans la théorie, ne l'était point dans l'application; la comparaison des dispositions du Deutéronome entre elles et avec celles des Nombres peut la prouver, et les interprètes juifs et chrétiens, anciens et modernes, sont peu d'accord dans son exposition et dans l'interprétation des passages de la Loi. On se demande, par exemple, si chaque année il y avait une double dîme sur les troupeaux, s'il n'y avait une double dîme que tous les trois ans, ou si tons les trois ans la dîme des Lévites était remplacée par une dîme des pauvres, autant de questions qui ne sont pas susceptibles d'une solution bien claire d'après les livres sacrés.


DIMON,


Ésaïe 15:9, et Dimona, Josué 15:22;

Voir: Dibon.


DINA


(jugement), fille de Jacob et de Léa, Genèse 30:21, probablement la fille unique du patriarche. Son nom rappelle un événement qui fut pour la famille patriarcale un grand malheur. Par une légèreté coupable, elle se laissa entraîner à former des relations avec les jeunes filles cananéennes qui habitaient Sichem, puis elle fut séduite et enlevée par le fils du prince de cette ville. Les frères de Dina ne crurent pouvoir venger cet affront que dans le sang des Sichémites; dans ce carnage ils égorgèrent celui qui devait être l'époux de leur sœur; cette action perfide et cruelle fut pour leur père un continuel sujet d'inquiétudes et d'affliction, Genèse 34. On ignore ce que devint Dina; mais elle continua de vivre, et accompagna plus tard son père en Égypte, Genèse 46:15.


DINHABA,


ville de l'Idumée, Genèse 36:32; 1 Chroniques 1:43. Il est possible que ce soit celle qu'Eusèbe indique sous le nom de bourg de Dannéa, et Jérôme sous celui de Damnaba, comme ayant été située à 8 milles d'Aréopolis, du côté de l'Arnon.


DIOTRÈPHES,


pasteur ou diacre d'une Église inconnue, 3 Jean 9. On ne sait de lui que ce qu'en dit l'apôtre, c'est qu'il était jaloux d'être le premier, orgueilleux, médisant et inhospitalier. Quelques-uns en font un hérétique (Œcumenius, Beda); d'autres le font judaïsant, d'autres enfin prétendent au contraire qu'il ne voulait recevoir que les chrétiens convertis d'entre les gentils. Il appartenait à la même Église que Gaïus (v. 1), probablement à l'une des sept Églises de l'Apocalypse. Son intolérance envers les bons, et son amour de la prééminence n'ont eu que trop d'imitateurs dans l'Église chrétienne.


DISPERSION.


L'épître de saint Jacques, et la 1re de saint Pierre sont adressées aux juifs de la dispersion, c'est-à-dire aux tribus qui sont dispersées dans les pays voisins de la Palestine, dans le Pont, en Galatie, en Gappadoce, en Asie, en Bithynie, etc. On doit entendre par le mot général de dispersion, tout l'ensemble des juifs qui demeuraient en dehors des limites de leur pays, parmi les nations étrangères. Il n'y avait, au temps de Jésus, aucun pays de l'ancien monde dans lequel ne se trouvassent des juifs expatriés, volontairement, ou par le fait de circonstances indépendantes de leur volonté. On peut grouper en cinq classes les juifs appartenant à la dispersion.

D'abord ceux de l'Assyrie, de la Médie, de la Babylonie et de la Mésopotamie, demeurant au-delà de l'Euphrate, descendants des juifs emmenés en captivité et qui avaient refusé, lors de l'édit de Cyrus, de rentrer dans leur patrie. Ils se comptaient par milliers et vivaient dans le bien-être, continuant d'entretenir avec Jérusalem des relations religieuses, et fidèles à payer annuellement les tributs, les prémices et les dîmes.

En second lieu, les Juifs d'Égypte. Alexandre le Grand les établit en grand nombre dans la ville à laquelle il avait donné son nom, et leur accorda les mêmes droits qu'aux Grecs. Ptolémée Lagus en envoya une colonie à Cyrène, et fortifia la colonie égyptienne par de nouvelles émigrations de la Judée, 320 avant J.-C. Ptolémée Philadelphe fit traduire en grec, à grands frais, le code sacré des Hébreux, 284 avant J.-C. Puis vint le cruel Ptolémée Philopator qui persécuta, par des mesures cruelles, ceux que ses prédécesseurs avaient favorisés. Sous Ptolémée Philométor (180 avant J.-C.), les juifs d'Égypte sont de nouveau en grande faveur; ils remplissent des charges à la cour, et sont revêtus des principales dignités militaires; sous la domination romaine et sous les premiers empereurs, ils jouissent d'une paix entière, et Auguste les protège à Cyrène contre la malveillance des populations grecques. Ils ont de magnifiques synagogues, et occupent à eux seuls presque les trois cinquièmes d'Alexandrie; leurs rapports avec la métropole juive ne sont pas interrompus quoiqu'ils aient à Jérusalem un culte à part, de même que les Cyrénéens, Actes 6:9; ils continuent de payer le tribut pour le temple. Leur chef temporel et le juge de leurs différends est un ethnarque, assisté d'un conseil, espèce de sanhédrin.

En troisième lieu viennent les Juifs de la Syrie: ils avaient émigré sous Séleucus Nicator, et par lui, avaient obtenu à Antioche et ailleurs des privilèges égaux à ceux des Macédoniens. Les rois suivants, à l'exception d'Antiochus Épiphanes, leur furent également favorables, et les Juifs furent libres jusque dans le prosélytisme: cependant le peuple les haïssait, et cette haine longtemps comprimée éclata sous Néron, et plus encore sous Vespasien. Titus leur rendit le repos. C'est de Syrie qu'ils prirent le chemin de l'Asie Mineure, 1 Pierre 1:1; ils obtinrent la bourgeoisie en Ionie.

Quatrièmement, la dispersion parmi les Grecs, Jean 7:35. De l'Asie Mineure, un grand nombre de Juifs se rendirent en Grèce et en Macédoine, où ils eurent la permission d'établir, dans les principales villes et dans les ports les plus commerçants, des synagogues et des maisons de prières, Actes 16-20.

Cinquièmement, enfin, les Juifs de Rome et d'Italie; plusieurs étaient esclaves, d'autres étaient venus s'y établir librement et en vue de spéculations commerciales; ils étaient généralement riches, et occupaient tout un quartier au-delà du Tibre: leur prosélytisme n'avait pas été sans fruit. Ils furent chassés de Rome sous Tibère et sous Claude César. Rome leur fut longtemps fatale, et les murailles du Goïto ne sont tombées que sous le souffle du dix-neuvième siècle.


DIVINATION, Devins.


Désireux de connaître, ambitieux d'avenir, supportant avec impatience un corps qui le retient à la terre et au moment présent, qui le gêne, qui le rapetisse, l'homme qui par sa nature se précipite vers les choses qui étaient le privilège de celui qui n'avait pas péché, a dans tous les temps cherché à se soustraire à la matière, à s'émanciper du corps, à sonder l'avenir, à voir dans les ténèbres, à marcher sûrement dans l'incertitude, à découvrir ce qui lui est caché. De là, ces efforts inouïs, gigantesques; ces recherches de tous les temps, cet amour du merveilleux, cette croyance à la divination, à la magie; travaux de jongleurs, travaux de chimistes, travaux de rêveurs; imposteurs, mystiques, oracles, prophètes, charmes, enchanteurs et devins: de là cette passion des hommes pour ce qui paraît les faire avancer dans les sciences occultes, espèce de succès chez les uns, complaisance à croire chez les autres.

Sans s'arrêter à la question dogmatique de savoir si l'homme peut, en dehors de l'adresse, de la physique et de la chimie, obtenir des résultats merveilleux; sans entrer dans un examen quelconque relatif aux moyens par lesquels l'homme peut arriver au surnaturel, s'il le peut par lui-même, ou par des forces latentes qu'il développe, ou enfin par l'intervention des esprits qui sont dans l'air, bons ou mauvais; sans même approfondir tout ce qu'il peut y avoir de vrai dans certains faits que rapporte l'histoire, ou que l'expérience vient chaque jour démontrer de nouveau contre l'esprit fort moderne, on doit cependant convenir de certains faits que nous nous bornons à enregistrer, et qui sont de nature à jeter du jour en les simplifiant, sur les questions passablement graves, malgré qu'on en ait, qui viennent d'être posées.

On avoue généralement que toutes les croyances populaires, quelles qu'elles soient, exagérées ou dénaturées, reposent sur un fondement vrai: en les dépouillant de leur entourage, de leurs adjonctions, de leur écorce, on arrive à un noyau substantiel, solide, historique; or, de toutes les croyances populaires, la plus invétérée, la plus entêtée, c'est la foi aux sorciers, à la magie, à la divination: ne serait-ce absolument qu'une chimère?

Chacun croit aux pressentiments; chacun en a, chacun s'y fie, même sans le vouloir: c'est là une espèce de divination, générale sans doute, mais sûre.

Niera-t-on que les songes ne soient un degré de pressentiment plus avancé que le pressentiment de la veille? «Le Dieu Fort, dit Élihu à Job (33:14-15), parle par des songes, par des visions de nuit, quand un profond sommeil tombe sur les hommes et lorsqu'ils dorment dans leur lit; alors il ouvre l'oreille aux hommes, et scelle leur instruction. •

Le magnétisme avec ses merveilles, si longtemps réfuté par de l'esprit et des plaisanteries, n'en est pas moins acquis maintenant à la science comme un fait; ceux qui en doutent appartiennent à la classe la moins éclairée, et ceux qui s'en sont occupés ont vu et vérifié des prodiges que tout l'art et le génie de l'homme ne sauraient accomplir; ces prodiges touchent par plusieurs points à la divination.

Enfin, une considération tout à fait générale, mais qui ne laisse pas d'avoir son application dans le cas particulier, c'est qu'une réaction va toujours beaucoup plus loin qu'elle ne doit et qu'elle ne veut aller, comme celui qui veut éviter le précipice tombe sur le rocher de la montagne; c'est plus sûr, mais ce n'est pas toujours sans quelques inconvénients. Longtemps on a trop cru aux merveilles des arts occultes et de la divination; pour un fait effectif, le charlatanisme en a forgé des milliers de faux, de mensongers, de stupides, et, pour le dire en passant, les clergés de toutes les sectes n'y ont pas mal nui dans le moyen âge, jusqu'à l'illustre siècle de Léon X: quand une fois on a voulu rompre avec ces fables, on a tout rejeté, le bon et le mauvais, le vrai et le faux, parce qu'on se souciait peu de la chance, même infiniment petite, d'être abusé de nouveau. Le pays où les réactions se font toujours le moins vivement ressentir, l'Allemagne a su se tenir beaucoup plus que d'autres peuples dans un sage milieu, quoiqu'on y trouve aussi l'un et l'autre extrême représentés, notamment celui de l'imagination.

Ces choses étant dites, il ne sera pas nécessaire de les rappeler à propos de chaque cas spécial, et nous raconterons les croyances de l'Orient sans penser devoir les critiquer à chaque fois, sans les donner pour vraies, sans les rejeter toujours absolument comme fausses. Chez les Israélites, d'ailleurs, il faudra toujours distinguer les révélations divines, et les moyens illicites par lesquels ils pouvaient essayer de satisfaire leur curiosité ou leur intérêt particulier.

Les Israélites paraissaient en effet avoir eu plus que d'autres peuples le besoin intérieur de connaître l'avenir; peut-être l'avaient-ils apporté d'Égypte, peut-être aussi les prophéties anciennes et glorieuses qu'ils n'ignoraient pas, mais dont ils n'avaient pas non plus une intelligence bien claire, leur faisaient-elles désirer d'en connaître davantage, et de pénétrer plus avant dans un mystère pour eux plein d'espérances et de charmes. Quoi qu'il en soit, le mal existait: Moïse, en leur donnant la loi qui devait en faire un peuple à part, leur annonça d'un côté que l'esprit de prophétie ne sortirait pas du milieu d'eux (— Voir: Urim et Thummim), mais il leur défendit de l'autre sous des peines extrêmement sévères d'user de divination, de pronostiquer le temps, de rechercher ceux qui ont l'esprit de Python, les devins, les sorciers, les enchanteurs, ceux qui disent la bonne aventure et ceux qui consultent les morts, Lévitique 19:26,31; 20:6; Deutéronome 18:10. Ces lois étaient si rigoureuses que les malheureux animés de l'esprit de Python, ou qui faisaient seulement profession de l'être, étaient condamnés à mort, et lapidés vifs. Lévitique 20:27.

Malgré ces lois, ou plutôt parce qu'une loi qui contrarie un penchant l'excite au lieu de le réprimer (cf. Romains 5:20), les Israélites se montrèrent dans toutes les périodes de leur histoire, et surtout sous les rois idolâtres, adonnés aux mages, aux sortilèges et aux superstitions de toutes espèces, cf. 1 Samuel 28:3,9; 2 Rois 21:6; 23:24; Ésaïe 8:19; Jérémie 29:8; Michée 3:11; Zacharie 10:2: ils allèrent même consulter les oracles des païens, 2 Rois 1:2. Le culte de Bahal avait son cortège de prophètes divinateurs, 1 Rois 18:19, les Philistins fournissaient leur contingent, 1 Samuel 6:2, et les Juifs eux-mêmes virent dans leur propre sein surgir de ces industriels auxquels le peuple, comme partout, s'empressait d'apporter de l'argent, Michée 3:11; cf. Actes 16:16.

Il y avait diverses sortes de divinations et de devins; les uns se bornaient à l'examen de certaines circonstances, ou accidents naturels, c'est ce qu'on a appelé magie naturelle; d'autres empruntaient tout simplement le secours de l'art, c'était la magie artificielle; d'autres consultaient les morts ou les mauvais esprits (magie noire ou diabolique); d'autres enfin devinaient d'inspiration, de pressentiment, de seconde vue. À la première classe appartenaient, parmi les exemples qui nous sont conservés dans l'Écriture:
 

  1. L'interprétation des songes, q.v.
     

  2. l'examen des mouvements des serpents: c'est même cette espèce de divination que semble indiquer le terme hébreu, Lévitique 19:26; Deutéronome 18:10; 2 Rois 17:17; 21:6. (nichesh deviner, nachash serpent). Bochart a recueilli quelques faits à l'appui de cette idée; les Égyptiens avaient des serpents qu'ils appelaient de bons génies, et dont ils aimaient à placer la figure sur leurs abraxas ou talismans: beaucoup de peuplades orientales ont encore leurs serpents sacrés que consultent les jongleurs, et l'on se rappelle les serpents de Pallas (Virgile Æneid. 2). Les mots grecs et latins par lesquels les Septante et la Vulgate ont traduit l'hébreu, font entrer dans leur composition les oiseaux (augures), au lieu de serpents; mais il est clair que, soit dans le texte, soit dans les traductions, il convient de s'en tenir à l'idée générale de divination, sans égard aux moyens employés.
     

  3. Les baguettes, ou bâtons divinatoires; on croit en trouver la trace, Ézéchiel 21:26 (il a secoué les flèches), et Osée 4:12 (mon peuple demande avis à son bois, et son bâton lui répond). Le premier de ces passages contiendrait une allusion à l'ancien usage des Caldéens, d'écrire sur des flèches ou sur des baguettes le nom des villes où ils voulaient se rendre, ou des choses qu'ils voulaient entreprendre, de mêler ensuite ces baguettes dans un carquois, de tirer au hasard et de se décider suivant celle qui sortait la première. La plupart des peuples ont connu ce moyen de deviner, qui est peu malin, et que les enfants remplacent chez nous par le jeu d'épingle. Cette interprétation est possible; le prophète dirait alors que le roi de Babylone, incertain par quel ennemi commencer, a jeté sur les villes le sort des flèches, et qu'il marchera d'abord contre Jérusalem: on peut le comprendre cependant autrement encore. Quant au passage d'Osée, il supporte également cette explication, mais d'autres aussi sont permises; ou bien: il consulte ses idoles de bois, et elles lui répondent (par le moyen de leurs prêtres); ou bien: ce peuple aveugle, qui ne peut se diriger par la lumière, se dirige au moyen de son bâton, en tâtonnant. «Il me semble, dit Calvin, que le plus simple est d'y voir une condamnation contre les Israélites, qui se sont adressés à des idoles mortes au lieu de s'adresser au Dieu vivant.» (ad Hos. 4, 12).
     

  4. L'examen des entrailles sacrifiées était chez les peuples païens un grand moyen de divination; si les entrailles étaient sèches, dures ou lâches, s'était un présage fâcheux: si au contraire elles étaient saines et rouges, c'était un bon signe: on peut croire que le passage, Ézéchiel 21:26 (il a regardé au foie), se rapporte à la divination par les intestins; mais c'est la seule trace qu'on en trouve dans l'Écriture.
     

  5. La divination, d'après le cours des nuages, Deutéronome 18:10 (pronostiqueurs de temps) 2 Rois 21:6, ou d'après les signes des cieux, Jérémie 10:2, c'est l'hébreu meonen;

    Voir: cependant l'article Enchanteur.
     

  6. Enfin, par l'eau ou par la coupe;

    Voir: Coupe.

Quant à la divination par inspiration, qui se distingue des précédentes par l'absence d'art, «quod arte careret», dit Cicéron, voici comment ce même auteur païen la caractérise, Divin 1:18. «Carent autem arte, qui non ratione aut conjectura, observatis ac notatis signis, sed concitatione quâdam animi aut soluto liberoque motu futura præsentiunt, quod et somniantibus sæpe contingit et non nunquam vaticinantibus per furorem», etc. Souvent chez les païens (et les oracles reposaient presque tous sur cette théorie), on cherchait à produire une excitation factice et purement physique sur les nerfs des pauvres prêtres et prêtresses, qui faisaient de gré ou de force, le triste métier d'annoncer les choses futures; cette excitation se traduisait en gestes violents et en convulsions que l'on donnait pour les signes de la présence de la divinité, (cf. Æneid. 6, 46; et suivant): on recueillait les paroles de leur délire, et quelques habiles arrangeaient ces paroles à leur guise, et leur donnaient telle forme obscure et ridicule qu'ils jugeaient convenable. C'était là ce qu'on appelait insanire, être fou; il y avait folie en effet, et chez le malheureux patient, et chez ce prêtre qui, avec une gravité majestueuse, cherchait tant bien que mal la raison dans la déraison, la clarté de l'avenir dans l'obscurité du présent. Cependant il y avait aussi une inspiration plus calme, plus naturelle, soit dans le sommeil soit dans la veille; elle se trouvait dans un état nerveux habituel que l'on peut rattacher à un développement considérable du système ganglionnaire, et qui produisait chez ceux qui étaient atteints de cette infirmité, un penchant très fort au sommeil magnétique, au somnambulisme, et à la seconde vue. Il faut peut-être du courage pour mettre en avant de telles idées, quand on ne peut ni les développer, ni les expliquer, ni les appuyer; mais tout cela trouvera sa place ailleurs, et nous ne pouvons entrer ici dans des détails psychologiques qui demanderaient, pour être traités convenablement, un ouvrage tout spécial. Du reste, dans cette ligne d'idées ce qui est le plus singulier, ce n'est pas tant l'explication du fait, que le fait lui-même; et comme tous les efforts pour nier les faits ont toujours été inutiles, et qu'il faut bien finir par les accepter, la seule chose à faire c'est de tâcher de les comprendre, autant du moins qu'ils peuvent être compris. Le passage, Actes 16:16; sq. cf. 19:13; sq., paraît expliquer cette vertu divinatoire par la possession d'un démon.

Voir: encore articles Enchanteur, Possession, Python, etc.


DIVORCE.


La dissolubilité des liens du mariage, le divorce, toujours en honneur partout où le mariage ne l'est pas, où la femme est méprisée, cette coutume des peuples païens, et que les patriarches eux-mêmes ont connue, Genèse 21:14, fut régularisée par la loi de Moïse; il fut permis, sauf les deux cas où l'homme aurait, avant son mariage, déshonoré une jeune fille par des paroles flétrissantes ou par une conduite brutale, Deutéronome 22:19,29. Il fut permis, et voici comment Moïse s'exprime à cet égard, Deutéronome 24:1-4: «Quand quelqu'un aura pris une femme et se sera marié avec elle, s'il arrive qu'elle ne trouve pas grâce devant ses yeux, à cause qu'il aura trouvé en elle quelque chose de malhonnête, il lui donnera par écrit la lettre de divorce, et la lui ayant mise entre les mains, il la renverra hors de sa maison.» La femme divorcée et remariée ne pouvait plus retourner auprès de son premier mari, même après la mort du second. Quelque étendue que paraisse au premier abord cette facilité d'obtenir le divorce, elle est limitée par deux restrictions ou difficultés, l'une intérieure, l'autre extérieure; il fallait donner à la femme, par écrit, une lettre de divorce; cette gène, petite en apparence, était pourtant une gêne à cette époque où l'art d'écrire était si peu répandu; et quelquefois des obligations de ce genre amenant des longueurs peuvent aussi donner le temps de réfléchir. L'autre condition du divorce, beaucoup plus législative et morale, c'est que pour l'obtenir il fallait plus qu'un caprice, il fallait un motif suffisant, il fallait que le mari eût trouvé en sa femme quelque chose de malhonnête. Les termes sont bien vagues, il est vrai, et pouvaient étendre par leur élasticité ce que la loi avait voulu restreindre; les deux célèbres écoles juives de Hillel et de Schamaï se disputaient à l'époque de notre Sauveur sur l'interprétation qu'on pouvait donner à ces paroles; la première pensait qu'un homme pouvait répudier sa femme pour les plus légers motifs, par exemple si elle faisait mal la cuisine, s'il trouvait une autre femme qui lui convînt davantage, ou enfin, s'il découvrait en elle quelque légère difformité. Schamaï soutenait au contraire que la loi ne donnait à l'homme le droit de répudiation, que lorsqu'il avait en effet trouvé dans sa femme des inclinations ou des actions réellement déshonnêtes et honteuses. Jésus dont la doctrine était l'accomplissement de la loi, distingue positivement sa doctrine de celle de Moïse; il déclare que le divorce a été permis à cause de la dureté du cœur naturel, mais lui ne le permet que pour le cas d'adultère, puisqu'alors les liens du mariage sont déjà dissous de fait: en appuyant ainsi de son autorité les enseignements de Schamaï comme plus saints, il semble indiquer que l'interprétation de Hillel était en effet celle qu'on devait donner à la loi de Moïse. Toutefois, malgré cette facilité du divorce, il est à remarquer que l'Ancien Testament ne cite pas un seul exemple de ce cas, depuis la promulgation de la loi: on voit même David garder jusqu'à sa mort les femmes qu'Absalon son fils avait déshonorées; il les enferme, mais ne les répudie pas; et les rabbins écrivent que l'on ne permit pas à David de répudier aucune de ses femmes pour épouser Abisag, et qu'il dut se contenter de la prendre à titre de concubine parce qu'il avait déjà le nombre de dix-huit femmes permis par les coutumes. Plusieurs passages prouvent cependant que les Juifs n'usaient que trop souvent de la facilité que la loi leur accordait à cet égard;

Voir: Juges 15:2; 19:2-3; Proverbes 2:16-17; Michée 2:9; Malachie 2:15; Esdras 10:2-3; Néhémie 13:23-30.


DIZAHAB,


Deutéronome 1:1, ville ou bourg dans le désert d'Arabie, bâtie peut-être dans une localité riche en palmiers, que Burkhardt a retrouvée sur les bords du golfe arabique, sous le nom de Dahab.


DOBERATH,


nom que porte dans quelques mss, la ville de Dabrath, q.v.


DODANIM


(amours). Cette peuplade japhétique étant nommée, Genèse 10:4, avec d'autres qui ont habité la Grèce, on a rapproché avec assez de vraisemblance son nom de celui de Dodone en Épire. Bochart cite un Targum qui rend Dodanim par Dardanim; on sait que ce nom se trouve dans les anciennes fables des Grecs: selon eux Dardanus émigra en Asie Mineure où il fonda la ville de Troie. Dans le passage parallèle, 1 Chroniques 1:7, de même que dans le Pentateuque samaritain et dans les Septante, nous trouvons Bodanim qui signifierait selon les uns l'île de Rhodes, selon les autres même le Rhône, Rhodanus; mais c'est aller un peu loin; d'ailleurs il y a tout lieu de croire que la leçon conservée dans la Genèse est la primitive; le copiste du livre des Chroniques pouvait facilement confondre les deux initiales, qui en hébreu ont en effet la plus grande ressemblance.


DOEG


(soucieux); iduméen qui était l'inspecteur en chef des troupeaux de Saül; il était à Nob lorsque David y vint auprès d'Ahimélech lui demander des vivres et des armes. David qui l'aperçut et qui sans doute le connaissait, craignit une trahison et s'enfuit sans avoir dit à Ahimélech quels étaient ses rapports avec le roi; il feignit même d'être en course pour une mission spéciale, et fut bien éloigné de vouloir l'entraîner dans une révolte ou dans un complot. Mais Doëg, sur les instances de Saül qui cherchait partout des témoins contre David, raconta en la dénaturant la conversation qui avait eu lieu à Nob, et chercha à la représenter comme une conjuration politique. Saül qui ne pouvait atteindre David voulut se venger au moins sur les sacrificateurs; il lit comparaître Ahimélech avec toute sa famille, les condamna à mort sans forme ni procès, et chargea ses archers d'exécuter la sentence: sur leur refus il donna le même ordre à Doëg, qui de délateur devint sans peine bourreau, et s'acquitta de sa commission avec cruauté; il mit à mort quatre-vingt-cinq sacrificateurs, et passa au fil de l'épée tous les habitants de Nob, 1 Samuel 21:7; 22:9-23. David a rappelé cette trahison Psaumes 52:1.


DOIGT.


Il est parlé plusieurs fois dans l'Écriture du doigt de Dieu pour désigner sa puissance, Exode 8:19; 31:18; Psaumes 8:3; Ésaïe 58:9; Luc 11:20.

— Le mot doigt exprime souvent aussi une mesure naturelle prise de l'homme comme la coudée, et équivalant à un peu moins de 3/4 de pouce, Jérémie 52:21.


DONS, ou présents.


Les dons ont, dès les temps les plus anciens, été considérés comme une marque d'honneur, et comme un témoignage d'estime ou d'amitié, Genèse 32. Ils consistaient soit en argent, 2 Samuel 18:11, soit en armes ou vêtements précieux, 1 Rois 10:23, soit enfin en fruits, fourrage, ou provisions de toutes espèce, 1 Rois 10:25; 14:3; Genèse 24:53; 32:13; 43:11; 1 Samuel 9:7; 16:20; 2 Chroniques 17:11; mais comme ils étaient toujours proportionnés à la fortune des donateurs, ils se trouvaient être parfois de très peu de valeur, 1 Samuel 9:8; 16:20. Des amis se faisaient des présents lorsqu'ils se visitaient ou à certains jours de fêtes, Esther 9:19, les inférieurs quand ils recevaient leurs supérieurs, 1 Samuel 9:7; Genèse 43:11; Matthieu 2:11, surtout les sujets à leur souverain, 1 Rois 4:21; 10:25; 2 Chroniques 17:5; ce dernier cas paraît même être devenu une coutume obligatoire, tellement que ceux qui à l'avènement d'un roi ne lui apportaient pas de présents, pouvaient être regardés comme de méchants hommes, 1 Samuel 10:27. Les Hébreux appelèrent aussi présents les tributs qu'ils devaient payer à des monarques étrangers, pour déguiser sans doute par la douceur de l'expression ce que la chose avait de pénible pour tout véritable Israélite, Juges 3:15,17; 2 Samuel 8:2; 2 Rois 17:3-4; 2 Chroniques 17:11; 26:8; Psaumes 45:13; 68:30; 72:10, etc. Les rois faisaient de même quelquefois des présents à leurs favoris, 2 Samuel 11:8, à des étrangers, à des ambassadeurs, ou à leurs propres employés civils et militaires, Esther 2:17; ces cadeaux consistaient ordinairement en vêtements précieux, 2 Rois 5:22; Esther 6:8; 8:15; Daniel 5:16; 29; cf. 1 Samuel 18:4. Dans les jours de fêtes on faisait au peuple des distributions de vivres, 2 Samuel 6:19. Les rois s'envoyaient mutuellement des cadeaux lorsqu'ils voulaient contracter des alliances, 1 Rois 15:19; 2 Rois 16:8; 20:12; Ésaïe 39:1.

C'est dans tout l'Orient une espèce de cérémonie que le fait même de la présentation des cadeaux, et elle se fait toujours avec une pompe proportionnée à la grandeur des présents: on va jusqu'à prendre un grand nombre de bêtes de somme pour porter un présent qu'un seul homme eût pu présenter: quelquefois on les fait porter par des esclaves, et aucun des porteurs ne doit être chargé de manière à en être gêné.

Il était défendu de faire des présents aux juges et aux témoins: cette honteuse corruption, flétrie Exode 23:8; Deutéronome 16:19; 27:25; cf. 1 Samuel 12:3; Psaumes 15:5; Proverbes 15:27; Ésaïe 33:15, n'en a pas moins été souvent mise en usage, et l'on trouve bien des magistrats qui y ont été accessibles, 1 Samuel 8:3: aussi les livres sacrés sont-ils remplis de plaintes et de reproches à cet égard, Job 15:34; Psaumes 26:10; Proverbes 17:23; 18:16; Ésaïe 1:23; 5:23; Ézéchiel 22:12; Michée 3:11. Cadeaux de noces,

Voir: Mariage.


DOPHKA.


L'un des campements des Israélites dans le désert, Nombres 33:12. Inconnu.


DOR


(demeure). Ville cananéenne située au bord de la Méditerranée, non loin du Carmel; lors de la conquête, elle fut donnée à la tribu de Manassé, Josué 11:2; 12:23; 17:11; 1 Rois 4:11; 1 Chroniques 7:29. On trouve de nos jours, dans cet endroit, une bourgade sous le nom de Tortura ou Tantura.


DORCAS ou Tabitha


(chevreuil, en grec et en syriaque), femme demeurant à Joppé, disciple, pleine de bonnes œuvres et d'aumônes qu'elle faisait, Actes 9:36. Étant morte après une courte maladie, on lava son corps et on le déposa dans une chambre haute; puis pendant que les malheureux menaient deuil auprès d'elle en pleurant, les disciples ayant su que Pierre était à Lydde, où il venait de guérir un homme paralysé depuis plusieurs années, espérèrent que, peut-être, il pourrait rendre à la vie celle qu'ils aimaient comme leur bienfaitrice, et envoyèrent auprès de lui deux hommes pour le prier de venir sans délai. Pierre étant arrivé, monta dans la chambre haute, où il vit le beau spectacle de ces veuves et de ces pauvres qui, pour toute oraison funèbre, montraient les robes et les vêtements que Dorcas avait travaillés pour eux. Alors, les ayant fait sortir à l'exemple de son maître, Matthieu 9:25; Marc 5:40, et sans doute pour mieux pouvoir se recueillir, l'apôtre se mit à genoux auprès du lit funéraire, et pria; puis, se tournant vers le corps, il dit: Tabitha, lève-toi! Et elle ouvrit les yeux, et voyant Pierre elle s'assit. Et lui ayant donné la main, il la leva et la présenta aux saints et aux veuves qui se trouvaient là. Ce miracle fut connu de toute la ville de Joppe, et un grand nombre de personnes crurent à la prédication de l'Évangile qui opérait des choses si merveilleuses.

Il n'y a aucune difficulté dans cette histoire, à moins qu'on ne veuille en trouver une dans la résurrection même de Dorcas; quelques-uns, en effet, la nient et prétendent que Dorcas était seulement en léthargie; la voix de Pierre à son oreille aurait suffi pour la réveiller. Si l'on ne peut résoudre la difficulté que par la puissance de Dieu, on ne peut comprendre l'objection que par la puissance des ténèbres.


DOTHAIN, ou Dothan,


Genèse 37:17, ou Dothan, 2 Rois 6:13, ville de Palestine qui se trouvait dans une gorge de montagnes, non loin de Jizréhel, sur la route que les caravanes prenaient pour se rendre d'Égypte en Galaad.


DRACHME,


monnaie grecque qui passa en Palestine après l'exil, 1 Chroniques 29:7; Esdras 2:69; 8:27; Néhémie 7:72, et qui était surtout en usage à l'époque de Christ, Luc 15:8-9. Il y en avait plusieurs espèces, qui valaient de 45 à 83 centimes.


DRAGON, ou Serpent ancien,


Ésaïe 43:20,

Voir: Chacal.

Dragon, ou Serpent ancien, Apocalypse 12 et 13,

Voir: Serpent.

Fontaine du Dragon, Néhémie 2:13,

Voir: Siloé.


DROGUES,


Genèse 37:25,

Voir: Stacte.


DROITURIER,


Josué 10:13,

Voir: Jasar.


DRUSILLE.


Féconde en maris, cette femme qui est nommée, Actes 24:24, comme l'épouse du procurateur romain Félix,était fille d'Hérode Agrippa le Grand, Actes 12:23, et sœur d'Agrippa le Jeune: elle avait été fiancée d'abord à Antiochus Épiphane; mais comme celui-ci n'avait pas voulu embrasser le judaïsme, elle épousa Azizus, prince d'Émessa, puis finit par se laisser séduire par Félix, dont elle eut un fils, Agrippa qui périt plus tard, comme elle, par une éruption du Vésuve. Ces deux époux, curieux d'entendre le prisonnier chrétien, le firent comparaître; mais comme il leur parlait de justice, de chasteté, de jugement à venir, Félix tout effrayé le renvoya en lui disant: Pour le moment va-t-en, et quand j'en aurai la commodité je te rappellerai.

— Drusille passait pour la plus belle femme de son temps, mais non pour la plus chaste.


DUCS,


Daniel 3:2-3, le même mot qui est ordinairement traduit par gouverneurs, Esther 3:12; Esdras 5:3. C'était une charge d'administration, inférieure à celle des satrapes;

Voir: Baillis.

Le mot traduit par ducs, Genèse 36:15; sq., signifie plutôt chefs (de famille ou de tribus).


DUMA


(silence),

  1. ville de la tribu de Juda, Josué 15:52;
     

  2. peuplade arabe descendant d'Ismaël, Genèse 25:14; Ésaïe 21:11. Le territoire qu'elle occupait est peut-être indiqué aujourd'hui par une ville située dans la province de Nedschend, sur la frontière de l'Arabie et du désert de Syrie, et qui porte le nom de Dumath-Aldschandel.


DURA.


Nom d'une plaine de la Babylonie, probablement même celle où la ville de Babylone était bâtie, Daniel 3:1. Hérodote 1, 178.


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