Dictionnaire de la Bible J.-A. Bost 1849-P


septembre 3, 2010



Ρ


PAGHIEL,


fils de Hocran, et chef de la tribu d'Aser dans le désert, Nombres 1:13; 2:27;

Voir: Tribu.


PAHU,


Genèse 36:39, ancienne ville d'Édom, et chef-lieu de tribu: elle est appelée Pahi, 1 Chroniques 1:50.


PAIN.


Dans les anciens temps, l'occupation de faire le pain était presque exclusivement réservée aux femmes, Genèse 18:6; Lévitique 26:26; 1 Samuel 8:13; 28:24; 2 Samuel 13:8; Matthieu 13:33; cf. Jérémie 7:18; 44:19. Plus tard cependant l'on voit des hommes se livrer à ce travail spécial sous le nom de fourniers ou boulangers, Osée 7:4,6, et l'on trouve même à Jérusalem une place ou rue dite des boulangers, Jérémie 37:21. La pâte, de froment, d'orge, ou d'épeautre, était préparée, aigrie et pétrie dans des huches (maies) de bois; chaque maison qui faisait son pain possédait la sienne, Exode 8:3. Lorsqu'on était pressé, l'on ne mettait point de levain dans la pâte, Genèse 19:3; Exode 12:34,39; Juges 6:19; 1 Samuel 28:24. On faisait les pains tantôt longs, tantôt plus ou moins ronds, de la grandeur d'une assiette et de l'épaisseur d'un pouce à peu près; leur peu d'épaisseur faisait que pour les manger, au lieu de les couper comme chez nous, on se bornait à les rompre, Ésaïe 58:7; Jérémie 16:7; Matthieu 14:19; 26:26; Luc 9:16; Actes 20:11; 1 Cor 10:16. Les fours à cuire le pain, dont on trouve plusieurs qui sont publics dans les villes orientales, ne différaient pas essentiellement des nôtres. Il faut mentionner cependant des fours portatifs, des cruches de pierre de 1 mètre de hauteur, ouvertes par en haut, dans lesquelles on faisait le feu avec du bois ou de la fiente séchée, Ésaïe 44:15; Ézéchiel 4:12, et dans lesquelles ou sur lesquelles on faisait ensuite cuire le pain ou les gâteaux, après les avoir fermées pour empêcher la chaleur de se perdre trop rapidement. D'autres fois on faisait simplement rougir des cailloux dans une petite fosse d'un demi-pied de profondeur, puis lorsque la fosse avait été suffisamment chauffée, on en retirait les cailloux, on y déposait la pâte, et l'on recouvrait le trou: on se servait aussi du même procédé à l'égard des cruches que l'on chauffait avec des cailloux rougis au feu, c'est peut-être de ce procédé qu'il est parlé 1 Rois 19:6. Enfin l'on cuisait encore le pain sous des cendres chaudes, Genèse 18:6; 1 Rois 17:13, etc.

Dans le langage de l'Écriture le pain désigne toute sorte de nourriture, la nourriture en général, Genèse 3:19; 18:5; 28:20; Exode 2:20; Deutéronome 9:9,18; cf. Psaumes 42:3; 80:5; 127:2; Proverbes 4:17; 20:17; 22:9, etc., Matthieu 6:11. La manne est appelée le pain du ciel, Exode 16:4, de même que Jésus-Christ, Jean 6:31, sq..

On peut voir à l'article Levain ce que nous avons dit des pains sans levain.

Pains de proposition, proprement pains de la face (de l'Éternel), appelés aussi pains d'exposition, ou encore pain continuel, Nombres 4:7. C'étaient douze pains, selon le nombre des tribus d'Israël, ou douze gâteaux faits de fine farine et sans levain, qui étaient placés dans le lieu saint du temple, en deux rangées, sur une table d'or mobile, comme symbole de la nourriture ordinaire et quotidienne de l'Éternel. La forme et l'usage de ces pains sont indiqués Lévitique 24:5-9; ils étaient probablement salés, et peut-être poudrés d'encens pur, verset 7, à moins qu'on n'entende ce verset comme Flavius Josèphe, qui dit que l'encens était placé dans des vases au-dessus des deux rangées,

Voir: Exode 25:30; 35:13; 39:36; Hébreux 9:2.

On les changeait tous les sabbats. Du moment où ils avaient été enlevés, ils appartenaient aux sacrificateurs qui seuls avaient le droit de les manger, mais dans le lieu saint seulement, Exode 29:32; Lévitique 24:8-9. David nous fournit une exception à cette règle justifiée par des circonstances exceptionnelles, 1 Samuel 21:6; cf. Matthieu 12:4; Luc 6:4, sq. L'encens était allumé au feu sacré de l'autel des holocaustes, Lévitique 24:7. Quelques prêtres de la famille des Kéhathites était spécialement chargés du soin d'apprêter ces pains, 1 Chroniques 9:32, et un Targum ajoute que l'art de les préparer était devenu un secret de famille chez ceux qui en avaient la charge. Dans le second temple, la grandeur de ces pains fut fixée, la longueur à 10 largeurs de mains, la largeur à 5, et l'épaisseur à 7 pouces: ces mesures sont prises dans la Mishna Menach, 11, 4.

— On peut remarquer que c'était chez plusieurs des anciens peuples un usage d'offrir à leurs dieux de la nourriture (lectisternia), Ésaïe 65:11; l'apocryphe de Daniel 14:6; Baruch 6:26. Diod. de Sicile, 2, 9, etc. Ce pouvait être le symbole de la reconnaissance, comme aussi un acte d'anthropomorphisme; dans le premier cas, l'idée était bonne, mais combien elle était rare! combien aussi les prêtres en ont abusé souvent pour s'engraisser aux dépens du pauvre!

La table des pains de proposition était de bois de Sittim, couverte et ornée d'or pur, Exode 37:10: sa longueur était de deux coudées (1 mètre), sa largeur d'une (0m,50), et sa hauteur d'une et demie (0 m,75); elle reposait sur quatre pieds et avait une bordure d'or tout à l'entour: au-dessous des quatre coins, étaient les anneaux au moyen desquels on la portait. Flavius Josèphe en donne une description assez détaillée, Antiquités Judaïques 3, 6; 6.

Salomon en fit faire dix d'or massif, comme il paraît résulter de 2 Chroniques 4:8; cf. 1 Chroniques 28:16; 1 Rois 7:48. Cependant Winer croit qu'il continua de n'y en avoir qu'une, cf. 2 Chroniques 29:18, et il est vrai que dans le passage le plus important de ceux qui précèdent, 2 Chroniques 4:8, il n'est parlé que de dix tables sans indication de l'usage auquel elles pouvaient être destinées.

Antiochus Épiphanes enleva avec les autres ustensiles sacrés, la table des pains du second temple, 1 Maccabées 1:23, et lors de la restauration du temple on dut en taire une nouvelle, 4:49; une tradition, mais quelque peu apocryphe, porte que la table enlevée par Antiochus avait été donnée au temple de Jérusalem par Ptolémée Philadelphe, et Flavius Josèphe la dépeint comme ayant été très riche et magnifiquement travaillée:

Enfin la table qui fut enlevée par Titus au temple des Hérodes était d'or et du poids de plusieurs talents, dit Flavius Josèphe, mais il n'ajoute pas d'autres détails. Elle est représentée sur l'arc de Titus dont l'exécution appartient aux jours de Domitien; elle est haute de 12 à 15 pouces; ses quatre pieds se terminent en pieds d'animaux; elle est entourée d'une bordure ciselée, mais qui ne s'élève pas au-dessus du tablier.

Philon, Clément d'Alexandrie, la plupart des pères, et la plupart des théologiens modernes ont examiné la signification symbolique des prescriptions relatives à cette table, et des parties dont elle était composée: on peut voir le Moïse sans voile, de G, des Bergeries, et surtout Bæhr, Symb. des Mos. Cuit. I, 433, sq..

Disons encore pour en finir sur ce sujet, qu'il est difficile de déterminer la nature des vases d'or destinés au service de cette table, Exode 25:29. Quatre mots sont encore employés pour les désigner; on croit que les deux premiers se rapportaient à des vases, coupes, ou plats dans lesquels on mettait des objets solides, tandis que les deux derniers désignaient des vases plus profonds destinés à contenir des liquides, du vin ou de l'huile odoriférante; l'arc de Titus les représente par deux urnes. En spécifiant davantage, on croit que sur les premiers de ces ustensiles on plaçait les pains, dans les seconds, l'encens, dans les troisièmes, le vin qui accompagne tout festin, et que le quatrième terme désigne les coupes ou gobelets destinés à recevoir le vin versé des urnes plus grandes.


PALESTINE.


Ce nom, qui ne se trouve pas dans l'Écriture sainte, a été donné à la terre promise par les Grecs et les Romains; il ne désignait proprement que la côte habitée par les Philistins (nos versions, Exode 15:14; Psaumes 60:8; Joël 3:4, traduisent à tort par Palestine l'hébreu Pelèshet, qui désigne le territoire des Philistins). Les païens ne connaissaient que la partie extérieure de ce pays; l'intérieur, avec tout ce qu'il renfermait d'excellent, leur était inconnu. Quant à la description de cette contrée bénie,

 

(Le mot Palestine signifie littéralement: terre des géants.)

Voir: Canaan.


PALMIER,


Voir: Dattes.


PALTI ou Paltiel,


fils de Laïs, Benjamite de Gallim; pauvre homme à qui Saül fit épouser sa fille Mical, épouse non divorcée de David. On ne sait si Mical consentit à cette illicite union, ni si Paltiel lui-même s'y prêta de bonne grâce, par amour, par ambition, ou par crainte. En tout cas, il finit par éprouver pour la femme de David un vif attachement, et lorsqu'Abner vint la lui reprendre au nom d'Is-Boseth et de son maître, il la suivit longtemps en pleurant, jusqu'à ce qu'Abner impatienté l'eût prié de s'en retourner, 1 Samuel 25:44; 2 Samuel 3:16.


PAMPHYLIE,


Actes 2:10; 15:38; 27:5, province de l'Asie Mineure, située vers la mer, bornée au nord par la province d'Asie et la Phrygie, à l'orient par la Cilicie, à l'occident par la Lycie: les limites ne peuvent en être précisées davantage. Le Taurus la séparait probablement de la Cilicie: le sol en était varié, montagneux, fertile, et bien arrosé: l'on y trouvait quelques villes assez importantes, Attalie ou Attalée, Perge où Paul et Barnabas prêchèrent l'Évangile, Actes 13:13; 14:25, Side, où naquit le pieux Eustathe, évêque d'abord de Bérée, puis d'Antioche, l'un des champions les plus décidés du concile de Nicée contre l'arianisme.

— Les Pamphyliens tiraient leur origine d'une colonie composée de différentes nations qui se réunirent après la guerre de Troie sous deux chefs, Amphiloque et Calchas; une partie resta avec eux, d'autres se répandirent dans divers cantons, le reste se fixa en Pamphylie. Sous les rois de Syrie, les bornes de cette province s'étendirent vers le nord, et sous la domination romaine elle continua tantôt de s'administrer elle-même, tantôt de partager les soins de son gouvernement intérieur avec la Galatie.


PANNAG,


Ézéchiel 27:17. Nos versions parlent du blé de Minnith et de Pannag, faisant ainsi de ce dernier mot un nom de ville ou de lieu, tandis qu'il faut lire: «en blé de Minnith, en pannag, en miel», etc. Le pannag a été expliqué de différentes manières; les rabbins et la Vulgate l'entendent du baume, mais à tort, puisque cette substance est déjà nommée dans le même verset: la version syriaque le traduit par millet, suivant l'analogie de sa langue. Mais il faut avouer que le sens de ce mot ne peut être déterminé, et il faut s'en tenir à une explication générale telle que celle d'Ewald, qui rend pannag par douceurs, friandises, conformément à l'analogie de ce terme avec quelques racines hébraïques (ce serait le même mot qui est traduit délices, ou viandes délicates, Genèse 49:20; Lamentations 4:5; Jérémie 31:34). Si l'on voulait quelque chose de plus précis, on pourrait penser avec Hævernick au nue) de raisins, qui faisait l'un des principaux objets du commerce des Hébreux, et dont l'omission dans notre verset serait sous ce rapport surprenante.


PANTHÈRE,


Voir: Léopard.


PAON.


On est assez d'accord à traduire ainsi l'hébreu thukiim, 1 Rois 10:22; 2 Chroniques 9:21, et le malabar tokei, qui a la même signification, peut servir à appuyer cette traduction, admise par les versions caldéenne, syriaque, arabe, et latine: les Septante ne l'ont pas exprimée. Salomon, est-il dit dans les passages cités, faisait venir cet oiseau de pays éloignés, soit d'Ophir, soit de ports intermédiaires, soit de l'Inde, d'où il paraît être originaire, quoique l'on en trouve aussi de beaux en Babylonie et même en Afrique. De nos jours, il n'est plus nécessaire de faire de si longs voyages pour s'en procurer, mais dans les anciens temps le paon était non seulement un objet digne de la cour de Salomon, mais encore un oiseau excessivement rare au-delà des tropiques, tellement qu'en Grèce, aux jours de Périclès, et même sous Alexandre le Grand, il était, à cause de son beau plumage, d'un prix excessivement élevé par rapport à ce qu'il coûte maintenant, et que c'était chose fort difficile de s'en procurer.

— Sur Job 39:16;

Voir: Autruche.

— Quelques auteurs ont voulu rendre thukiim par singes, ou par perroquets, mais ils ne s'appuient sur aucune raison solide, et quant aux singes, comme il en est déjà parlé dans les mêmes passages, cette opinion ne saurait se justifier.


PAPHOS,


ville de l'île de Chypre, Actes 13:6,13, vis-à-vis des côtes de la Pamphylie. Il s'agit là de la nouvelle Paphos (Bafo ou Bafa), opposée à l'ancienne (Coclia), qui était située à 4 lieues sud-est. Paphos était un port de mer, chef-lieu et résidence d'un proconsul sous les Romains; elle possédait, comme l'ancienne, un magnifique temple de Vénus, dans lequel la déesse était adorée sous la forme d'un cône de marbre blanc; on brûlait l'encens le plus exquis sur ses autels, qui n'étaient jamais rougis du sang des animaux. Détruite sous Auguste par un tremblement de terre, elle fut rebâtie par cet empereur. C'est à Paphos que Paul convertit le proconsul romain Serge Paul, et qu'il frappa d'aveuglement l'enchanteur juif Élymas.


PÂQUE,


l'une des trois grandes fêtes des Juifs: Son nom, dérivé de l'hébreu pèsach, passer, signifie passage, soit qu'on l'entende du passage de l'ange exterminateur devant les maisons épargnées des Hébreux, soit qu'il désigne le passage de la servitude à la liberté, ou la traversée de la mer Rouge. Quelques auteurs, en le faisant venir du grec souffrir, ont voulu y voir une allusion anticipée aux souffrances du Messie. Cette grande fête porte encore dans l'Écriture les noms de fête des pains sans levain, Luc 22:1; jours des pains sans levain, Actes 12:4; fête des sept jours, 2 Chroniques 30:21; Ézéchiel 45:21; les pains sans levain, Matthieu 26:17; ou simplement et par excellence, la fête, Matthieu 26:5; cf. Jean 5:1.

— Le nom de pâque s'applique, soit au passage de l'ange exterminateur, soit à l'agneau pascal, soit au repas où on le mangeait, soit à la fête proprement dite, soit aux victimes particulières qui s'offraient pendant la solennité, soit aux pains sans levain, soit aux différentes cérémonies qui précédaient ou accompagnaient les sacrifices, soit enfin à Jésus-Christ lui-même, qui en a été la réalisation, Jean 1:29; 1 Corinthiens 5:7. Quelques textes peu clairs s'expliqueront facilement, si l'on a soin de se rappeler ces diverses significations et de les distinguer.

La fête de pâque, dont nous trouvons l'institution Exode 12; Lévitique 23; Nombres 9; commençait le 15e jour du mois de nisan, le premier de l'année sainte; elle était destinée à rappeler l'heureuse délivrance des Israélites de la servitude d'Égypte, Lévitique 23:5-8; Nombres 28:16-25; Deutéronome 16:1-8; cf. Ézéchiel 45:21. Elle durait sept jours, à dater du soir du 14 nisan, Josué 5:10; Esdras 6:22. Le 1er et le 7e jour étaient particulièrement solennels; il y avait alors de saintes congrégations auprès du sanctuaire, et le peuple devait s'abstenir de tout travail servile. Le second des sept jours était le jour des prémices, auquel le peuple devait offrir au sacrificateur une poignée des premiers fruits de la moisson.

Voici quelles étaient les différentes observances dont la célébration de la pâque se composait ou était accompagnée:

Le soir du 14 nisan, entre les deux vêpres, on sacrifiait dans le parvis du sanctuaire un agneau (ou un chevreau) mâle et sans tare, âgé d'un an; on le rôtissait tout entier, et on le mangeait dans la ville sainte, en famille, ou avec quelques amis du dehors, mais toujours en société, de manière qu'il n'en restât rien pour le lendemain. On le mangeait avec des herbes amères, avec des pains sans levain, dans l'attitude et le costume de voyageurs, afin de rappeler toujours la précipitation de la sortie d'Égypte. Pendant toute la durée de la fête, il était défendu, sous peine de mort, de manger d'autre pain que du pain sans levain, appelé aussi pain d'affliction, Deutéronome 16:3, à cause des souvenirs de servitude qu'il rappelait; il n'était pas même permis de garder dans la maison, sans usage, ou pour un usage quelconque, du pain levé ou du levain; et, d'après la tradition, il fallait même tout consommer ou jeter loin dès la veille. Chaque jour, au nom de la nation, et pour l'expiation de ses péchés, les prêtres offraient des holocaustes, deux jeunes taureaux, un bélier, sept agneaux d'un an, avec les offrandes non sanglantes qui devaient les accompagner, et un bouc en sacrifice pour le péché, Nombres 28:19; cf. 2 Chroniques 35:1. Quelques Juifs offraient alors aussi des sacrifices particuliers, en gros ou menu bétail, mâle ou femelle, Deutéronome 16:2, suivant l'interprétation rabbinique, à moins que ce passage se rapporte, comme il nous paraît plus probable, aux sacrifices généraux dont on vient de parler. Le second jour, on apportait la première gerbe mûre, avec un holocauste à l'Éternel, Lévitique 23:10, et ce n'est qu'après cette, cérémonie accomplie que la moisson des blés était officiellement ouverte.

On a voulu voir quelques contradictions dans la manière dont l'institution ou le but de la fête est raconté, Exode 12, entre les versets 2-13 et les versets 13-20, parce que les premiers semblent ne la rapporter qu'au passage de l'ange exterminateur, et les derniers en font un mémorial de la sortie d'Égypte. Mais c'étaient deux souvenirs qui pouvaient, et devaient se lier étroitement dans l'esprit des Hébreux; d'ailleurs le sacrifice de l'agneau, qui est un signe préservateur dans le premier cas, et pour ce seul as, n'est point annoncé comme devant être reproduit dans ce sens à l'avenir. La première pâque avait un but spécial, celui de sauver les Israélites dans un danger particulier; l'institution de la pâque en a eu un second plus général, dérivé du premier, celui de leur rappeler l'ensemble de leur délivrance. Dans le premier cas, c'était le moyen de salut; dans le second, ce n'était plus qu'un mémorial, et un mémorial typique. La première pâque n'a pas été ce qu'ont été celles qui l'ont suivie: elle n'a duré qu'un soir, et si, dans les jours suivants, jours de fuite, les Israélites ont encore continué de manger des pains sans levain, c'a été l'effet de leurs circonstances plutôt que d'un ordre divin; mais. Moïse a fait de cette circonstance une ordonnance pour les âges futurs, afin de leur rappeler vivement, par une semaine d'une nourriture grossière et fade, les tribulations de leurs pères.

— Ce n'est pas ici le lieu de reproduire, encore moins de réfuter, ces opinions égarées qui ont voulu faire de la fête de pâque une fête de nouvelle année, parce qu'elle se célébrait vers le milieu du premier mois, ou une fête de la moisson, ou encore une fête du printemps, une fête équinoxiale (Volney, et toute cette école). Si l'on voulait abandonner le récit biblique, on comprendrait, en tout cas, mieux avec Ewald, une fête des moissons, qu'une fête astronomique chez le peuple agriculteur des Hébreux.

La signification des mots «entre les deux vêpres» a été depuis fort longtemps contestée. Les Caraïtes et les Samaritains l'entendent de l'espace de temps compris entre le coucher du soleil et la nuit close; c'est le dernier crépuscule du jour, le commencement de la nuit. Aben Esra l'entend également ainsi. Les pharisiens et les rabbanites le comprennent, au con traire, du temps qui s'écoule entre le moment où le soleil s'incline sur l'horizon, et celui où il se couche; ce seraient alors les dernières heures du jour, depuis deux ou trois heures environ. La première opinion est rendue plus vraisemblable par Deutéronome 16:6, et par l'analogie de Exode 29:39; cependant, la dernière avait prévalu dans le service du temple, et l'heure de la mort de Christ, trois heures de l'après-midi, n'a pas été sans influence sur les théologiens chrétiens pour leur faire admettre aussi le calcul des pharisiens.

L'extrême fréquentation de cette fête, et le grand nombre de victimes que l'on y sacrifiait (il y eut, d'après Flavius Josèphe, 256,600 bêtes immolées en une seule fois), faisaient que chacun, pourvu qu'il fût pur, était autorisé à sacrifier l'animal qu'il présentait; cela résulte d'ailleurs de 2 Chroniques 30:17. Les prêtres et les lévites, quoique nombreux, n'auraient pas suffi à ce travail, et leur ministère aurait plutôt fait oublier, qu'il n'aurait rappelé le repas de: famille primitif. On voit cependant qu'ils ne restaient pas sans occupation, et qu'une assez grande partie de l'ouvrage était fait par eux, soit que le nombre de ceux qui avaient contracté des souillures, volontaires ou involontaires, fut considérable, soit aussi à cause de l'habitude qu'ils en avaient, soit par d'autres raisons. Le lieu des sacrifices était dans les parvis du temple; le sang de l'agneau était reçu par un prêtre qui en faisait aspersion sur l'autel: les parties grasses du corps étaient consumées; le reste de l'animal paraissait ainsi sur la table, sans qu'aucun de ses os eût été brisé, Exode 12:46; cf. Jean 19:36, et le 16 du mois de nisan, tout ce qui n'avait pas été mangé était brûlé. On ne peut donc être surpris qu'avec de semblables dispositions, la fête de pâque soit appelée un sacrifice, Exode 12:27; 34:25, etc.

Tous ceux qui étaient circoncis, fussent-ils même d'origine étrangère, étaient admis au repas solennel pourvu qu'ils fussent purs, Exode 12:44,48. Chaque père de famille devait célébrer la pâque avec les siens; lorsqu'ils n'étaient pas assez nombreux pour manger à eux seuls l'agneau tout entier, ils pouvaient se réunir à d'autres familles; selon une tradition, le nombre des convives ne pouvait pas être inférieur à dix. Les femmes y prenaient part également, mais, d'après la Gemara, elles n'y étaient pas obligées comme les hommes. Les Caraïtes n'y laissent participer que les adultes hommes, à l'exclusion des enfants et des femmes. Les Israélites qui ne résidaient pas à Jérusalem, avaient le droit d'y demander gratuitement une chambre préparée pour y faire la pâque (cf. Matthieu 26:18); ils abandonnaient au propriétaire en échange de son hospitalité, la peau de l'agneau et les vases de terre dont ils s'étaient servis. Mais le nombre des visiteurs, pendant la fête, était trop considérable pour que tous pussent trouver des chambres dans la ville, et la plupart dressaient leurs tentes et mangeaient la pâque en dehors des murs de Jérusalem, comme font de nos jours encore les pèlerins mahométans autour de la Mecque.

L'agneau pascal devait être rôti au feu, et non point cuit ou bouilli, apparemment parce que c'est la manière la plus expéditive et la moins compliquée, de préparer la viande, par conséquent celle qui rappelait le mieux la hâte du premier voyage. Quant à l'assaisonnement d'herbes arrières, les commentateurs ne sont pas d'accord sur le sens de cette expression; les Septante et la Vulgate traduisent par laitues sauvages, endives, (lactucæ agrestes), et les Juifs d'Égypte et d'Arabie confirment de nos jours encore par leur pratique, cette interprétation. Un Talmud énumère diverses espèces de plantes, la chicorée, la pariétaire, l'ortie, etc., d'autres l'entendent même de la moutarde. Il était, du reste, assez ordinaire en Égypte, comme parfois aussi dans nos contrées, de manger quelques herbes amères et aromatiques avec le pain ou la viande (Aben Esra).

On trouve dans les Targums quelques détails sur le service et le rituel du repas, rituel conservé par les Juifs actuels en beaucoup d'endroits. Quatre coupes de vin, ordinairement de vin rouge, étaient remplies et faisaient le tour des convives, chaque coupe étant accompagnée d'une parole d'action de grâces. À la seconde, le père racontait à son fils, sur sa demande, l'histoire de l'institution primitive de la fête, Exode 12:26; sq., puis on entonnait le grand Hallel, les Psaumes 113-118. Suivait la troisième coupe, qui était appelée par excellence la coupe de bénédiction, cf. 1 Corinthiens 10:16; on entamait alors l'agneau pascal, et l'on continuait le chant de l'Hallel jusqu'à ce que la quatrième coupe fût vidée. Quelquefois on en remplissait une cinquième, et pendant qu'elle circulait, on chantait encore les Psaumes 120-137. On peut lire dans Calmet quelques détails de plus, extraits des ouvrages rabbiniques.

Les pains pouvaient être faits de farine de blé, d'orge, d'avoine, ou d'épeautre; peut-être étaient-ils le plus ordinairement pétris de farine d'orge, comme celle qui a été le plus anciennement et le plus communément en usage; mais on a eu tort d'en faire une règle générale, et surtout de le conclure du rapport accidentel qui se trouve entre leur nom hébreu mazzoth et le latin massa.

Lorsque par suite d'une souillure cérémonielle, ou pour n'être pas arrivés à temps à Jérusalem, quelques Israélites n'avaient pu célébrer la fête le 14 nisan, ils devaient la célébrer le quatorzième jour du mois suivant, Nombres 9:11. Les talmudistes appellent cette solennité tardive la petite pâque, et disent qu'alors il n'était pas défendu d'avoir du levain dans la maison, et que le chant des Hallels n'était pas absolument nécessaire. On trouve sous le règne d'Ézéchias un exemple de cette pâque tardive, 2 Chroniques 30:2-15.

C'est au soir du 15 nisan que des délégués du sanhédrin allaient désigner dans un champ voisin de Jérusalem, la gerbe des prémices, et dans la nuit du 16 on venait la couper et la porter dans la cour du temple. Là on battait les grains, on les froissait au moyen d'une meule à bras, on tamisait treize fois de suite la farine ainsi obtenue, et l'on en faisait une offrande tournoyée de la dixième partie d'un épha, mêlée d'huile et d'encens, dont une poignée était jetée sur l'autel, et le reste était consommé par les prêtres. L'institution primitive, racontée Lévitique 2:14, était un peu différente de celle que suivirent les Juifs plus tard; les grains étaient rôtis au feu suivant l'ancienne coutume.

L'usage rappelé Matthieu 27:15; Luc 23:17; Jean 18:39, de relâcher un prisonnier le jour de la fête, quel que fût celui que le peuple demandât, n'est prescrit ni même mentionné nulle part ailleurs. Quelques auteurs, comme Grotius, veulent y voir un usage emprunté des Romains qui, à certaines fêtes, aux bacchanales, aux lectisternia, etc., avaient l'habitude de mettre en liberté quelques prisonniers, souvent même tous; les Grecs avaient en plusieurs de leurs fêtes un usage semblable. Selon d'autres, et Olshausen paraît pencher vers cette opinion, c'était une coutume juive que l'on cherche à faire dériver de l'idée primitive de la pâque, qui était un affranchissement. On peut concilier les deux sentiments en admettant que les Romains, maîtres de la Palestine, avaient introduit cet usage pour tempérer l'extrême rigueur du code criminel des Juifs, et qu'ils avaient profité, pour le faire, des souvenirs nationaux qui s'y rattachaient dans l'esprit des Hébreux. Cette coutume n'a de surprenant que l'usage qui en a été fait dans cette circonstance spéciale, car du reste, chez presque toutes les nations, en Orient et en Occident, il est assez d'usage lors de certaines fêtes, à la naissance d'un prince, ou à son avènement, de proclamer une amnistie partielle ou entière, mesure tout ensemble de politique et de générosité.

C'est une question qui n'est point encore résolue que celle de savoir si notre Sauveur a célébré la pâque légale et judaïque la dernière année de sa vie. Les trois premiers évangélistes semblent la décider affirmativement, Matthieu 26:17; Marc 14:12; Luc 22:7, tandis que Jean 13:1; appuie fortement le sentiment opposé. Sans entrer ici dans l'examen d'une question qui ne nous a pas paru résolue, nous indiquerons, comme résumant la discussion, les trois hypothèses principales.

  1. L'ancienne église grecque admettait, de même que plusieurs modernes, entre autres Lamy, que Jésus, n'avait pas célébré la pâque juive, mais qu'il l'avait comme anticipée en la faisant dans un repas particulier, pour être offert lui-même le lendemain, 14 nisan, comme le véritable agneau pascal. Cette opinion, fondée sur saint Jean, est en contradiction avec les termes des trois autres évangiles.
     

  2. Selon d'autres,

    Voir: Calmet, Dict. III, 546,

    Jésus a bien fait la pâque, mais il ne l'a pas célébrée en même temps que les autres Juifs, soit que prévoyant que la méchanceté de ses ennemis lui enlèverait avant le soir du 14 nisan la liberté de se réunir avec ses disciples pour manger l'agneau pascal, il ait en sa qualité de Messie, choisi la veille, le 13, pour faire ce repas; soit au contraire que Jésus, conformément au texte de la loi, ait célébré la fête le soir du 14 nisan, tandis que les Juifs l'auraient renvoyée au lendemain soir, 15 du mois, vendredi, peut-être pour une plus grande exactitude astronomique, et sur les calculs de leur calendrier; c'est l'opinion de Cyrille d'Alex., Chrysostôme, Épiphanes, etc. Ils appuient entre autres sur ce qui est dit, Luc 22:7, que c'était le jour où il fallait sacrifier la pâque, voyant dans ces paroles une présomption que ce n'était pas le jour où on l'avait fait.
     

  3. Enfin ceux qui pensent que Jésus a célébré la pâque juive en même temps que les Juifs, admettent, les uns, que la fête avait été renvoyée du 14 au 15 nisan, et que le 14 (vendredi), qui commençait la veille au soir (jeudi), n'avait été que la préparation de la fête dans laquelle on avait mangé l'agneau pascal, Jean 19:14; explication qui est presque généralement rejetée; les autres donnent aux expressions manger la pâque et préparation de la pâque, Jean 18:28; 19:14, un autre sens que celui dans lequel on les prend ordinairement, expliquant la première de l'un ou de l'autre des différents sacrifices journaliers qui se faisaient dans le courant de la semaine sainte, et la seconde de la préparation qui se faisait la veille du sabbat de pâque: explications un peu dures et contraires à l'usage général.

Au milieu de ces incertitudes, il paraît plus vraisemblable que Jésus n'a pas fait la pâque avec ses disciples, d'autant plus que s'il l'eût faite, il eût agi contre les observances juives en quittant le même soir, pendant la nuit, la maison et la ville de Jérusalem, Matthieu 26:30; Marc 14:26; Luc 22:39

Voir: sur cette question le commentaire d'Olshausen sur la Passion de notre Seigneur, d'après les quatre évangélistes, traduit de l'allemand par le professeur Chappuis.

Quoi qu'il en soit, du reste, la pâque chrétienne à succédé à la pâque juive; elle a pris sa place dans l'année et dans le cœur de ceux qui ne sont plus sous la loi, mais sous la grâce. Il n'importe pas que Jésus-Christ l'ait célébrée ou indiquée avant sa mort; il l'a fondée par sa mort, comme cela ressort non seulement de cette parole de l'apôtre: «Christ, notre pâque, a été sacrifié pour nous», 1 Corinthiens 5:7, mais encore des rapports évidents et nombreux qui ont fait de son sacrifice l'accomplissement perpétuel de ceux qui devaient être offerts par les Juifs. Π serait trop long d'énumérer ici tous ces rapports entre le Christ et l'agneau pascal, de même que ceux que les auteurs sacrés font ressortir entre le sacrifice de Christ et la pâque:

Voir: Moïse sans voile, par Des Bergeries, p. 112; sq., 219; sq..

Il ressort aussi de l'institution de la Cène, soit qu'elle ait eu Heu le 14 nisan, ou le 13, qu'elle était destinée à rappeler le souvenir de la mort de Christ, et qu'elle avait sous ce rapport une signification pascale, réelle, mais plus étendue et moins cérémonielle que la fête proprement dite. La Cène est une pâque réitérée et fréquente; elle est la commémoration de la mort de celui qui est notre pâque, et ce souvenir doit accompagner la pensée du chrétien, non seulement dans la grande solennité que l'Église a consacrée, mais dans toutes les occasions où il s'approche de la table du Seigneur. Il se rappelle alors qu'il a été délivré comme le Juif, mais d'une servitude plus terrible, mais par un sang plus précieux, mais pour un avenir de joies plus grandes, plus sûres, plus durables, pour la sainteté et pour la vie éternelle.

Rappelons encore, en terminant, les querelles qui éclatèrent dans les premiers siècles de l'établissement du christianisme, entre les évêques orientaux et les occidentaux, sur le jour auquel il fallait célébrer la pâque. Les orientaux voulaient s'en tenir à l'usage que leur avaient légué saint Jean et les apôtres, de la célébrer le quatorzième jour de la lune de mars; les occidentaux la célébraient le dimanche qui suivait. Polycarpe et Anicet eurent sur ce point des conférences qui n'aboutirent à aucun résultat, l'évêque de Rome ne voulant pas se plier à l'usage apostolique, et Polycarpe ne voulant pas y renoncer. Plus tard, Victor 1er (196) envenima la discussion, et rompit la communion avec les évêques d'Orient; Irénée, évêque de Lyon, réussit à faire entendre raison au pape, qui rétracta ses mesures anti-chrétiennes. Les deux Églises ont dès lors continué d'observer leurs jours particuliers.


PARA,


ville de Benjamin, Josué 18:23.


PARADIS,


nom grec du jardin placé en Éden, et dont Dieu avait fait l'habitation bénie du premier homme, Genèse 2:8; 3:8,23; 4:16. L'Écriture nous dit qu'un fleuve sortait du pays d'Éden, pour arroser le paradis, et que de là il se divisait en quatre têtes, le Pison, le Guihon, le Hiddekel et l'Euphrate: quelques détails généraux sur chacun de ces fleuves, et la circonstance qu'Éden était en Orient, sont tout ce que nous savons sur ce jardin, tout ce qui peut diriger les recherches des commentateurs, des théologiens, et des historiens. Malgré ce peu de données, malgré leur peu de précision, des travaux immenses et presque inutiles ou sans résultat, ont été entrepris pour essayer de déterminer avec autant de certitude que possible quel était le pays d'Éden, ou quel était l'emplacement du paradis, car Ces deux questions se confondent, et la première est presque toujours absorbée par la seconde, qui seule a de l'intérêt. Calvin, Huet, Bochart, Morin, Grotius, Hottinger, Rosenmuller et Gesenius, doivent être comptés au nombre de ceux qui ont fait sur ce sujet les travaux les plus consciencieux; mais la fréquente divergence de leurs vues de détail, et les résultats différents auxquels ils sont arrivés, disent suffisamment qu'une base sûre nous manque, et si l'on continue de s'occuper de cette recherche, c'est à cause de l'intérêt qui se rattache à l'examen même de la question, plutôt que dans l'espérance de la résoudre; le déluge qui nous sépare de l'ancien monde, et qui a doublement bouleversé la face du globe, est la plus sûre garantie de la complète inutilité de toutes les recherches.

Plusieurs systèmes ont été examinés à l'article Création, q.v., et l'auteur a développé le sien de manière à ne laisser aucun doute dans l'esprit de ceux qui dans cette question consentiront à se décider, et à le faire en rompant avec les traditions scientifiques du passé.

Dans le présent article, nous nous bornerons à exposer brièvement l'opinion généralement admise. Ce qui a été dit aux articles spéciaux sur les quatre fleuves et sur les pays qu'ils parcourent, a déterminé en quelque sorte la position du paradis. On ajoute:

  1. que Moïse ne nous présente pas une géographie mythique; il ne parle pas non plus, comme le voudrait Leclerc, d'une contrée qu'il regarde comme perdue, ou qui ne puisse être retrouvée: il parle à ses contemporains, et il veut leur faire connaître la contrée où a été le premier séjour des hommes nouvellement créés; ainsi que le dit Calvin: Topographiam suam Moses ad suæ ætatis tractum accommodavit; non seulement il indique des pays et des fleuves connus, l'Euphrate, l'Assyrie, mais à mesure qu'il parle d'objets plus éloignés, il y ajoute plus d'attributs pour mieux caractériser la contrée.
     

  2. En suivant les indications que donne Moïse, l'Euphrate et le Tigre nous renvoient au plateau de l'Arménie; c'est dans le voisinage du mont Ararat qu'ils prennent leur source, et c'est dans la même contrée aussi que naît l'Araxe que l'on prend pour le Guihon, de même que le Phasis ou Pison. Ce pays est très fertile, et riche sous tous les rapports; il y a plusieurs lacs entre les montagnes, des cimes couvertes de neiges éternelles, des traces d'éruptions volcaniques. Cette manière de voir est entièrement celle de Re-land et de Calmet, en grande partie celle de Jahn, Winer, etc.
     

  3. Si l'on demande maintenant où est ce pays d'Éden, où ce fleuve qui arrosait le jardin, où ce jardin lui-même, où la source commune de ces quatre fleuves qui aujourd'hui sortent bien d'un même plateau, mais non du même bassin, il faut répondre que ce sont précisément ces choses qui ont été détruites. Moïse lui-même parle du chérubin qui défend l'entrée du paradis, il nous raconte le déluge qui a passé par-dessus toutes les hauteurs de la terre; il n'a donc pas voulu nous dire que le pays puisse encore être trouvé. Le paradis n'existe plus, les fleuves coulent encore. L'aveu que nous faisons pour l'ensemble de la question, l'on est obligé de le faire au moins pour les détails, et l'on compromet ainsi ce qu'on avait cru prouver d'abord.
     

  4. Parmi un grand nombre d'opinions sur la situation du paradis, dont la plupart ne méritent pas d'être réfutées, nous mentionnerons cependant encore celle de Calvin, Grotius, Huet, Bochart, qui le placent dans la Babylonie; les quatre fleuves sont alors le Tigre, l'Euphrate, et deux sources du Shat-al-Arab.

    Les auteurs arabes ont conservé en la modifiant la tradition biblique; leurs quatre fleuves sont le Tigre, l'Euphrate, le Dschi-Houn (Oxus des anciens), et le Sinon (Iaxartes): ce sont les quatre plus grands de l'Asie, l'Indus et le Gange exceptés.

— D'après le Zend Avesta le paradis, la pure Ivan, serait situé dans ce que nous appelons aujourd'hui Érivan, où coulent encore les fleuves Khur et Arass: une partie de ce paradis, dans laquelle est né Zoroastre, s'appelle Éden, qui signifie dans la langue pehlvi lieu de repos. Les Arméniens sont persuadés que le paradis était situé près de l'Ararat, sinon même sur son penchant méridional, et le couvent d'Etschmiatsim aurait été, selon quelques-uns, construit sur le lieu même de son emplacement.


PARALYSIE,


maladie assez connue et assez fréquente, qui consiste dans le relâchement des muscles de certaines parties du corps, et dans l'incapacité pour le patient de se servir librement et à sa volonté des membres ainsi attaqués: malgré cette affection musculaire les organes conservent en général la circulation du sang, la chaleur animale, et leurs sécrétions particulières. La paralysie frappe les bras, les jambes, la langue, les yeux, etc., souvent en suite d'une attaque d'apoplexie. Elle n'est du reste généralement accompagnée d'aucune douleur autre qu'un léger picotement facile à supporter. Sa guérison est toujours difficile: les frictions, et les remèdes électriques sont au nombre des moyens dont on se sert avec le plus de succès.

— Les anciens connaissaient, ou plutôt distinguaient, une autre espèce de paralysie; les muscles au lieu d'être relâchés, sont excessivement tendus, et n'obéissent plus à la volonté de leur maître, mais ils n'en sont pas moins dans une activité constante et convulsive; c'est à cette classe qu'appartiennent la catalepsie, l'épilepsie, et les différents genres de tétanos, tous accompagnés de violentes douleurs. Le Nouveau Testament nous présente plusieurs exemples de ces maladies, et c'est peut-être dans cette dernière espèce qu'il faut ranger la paralysie dont il est parlé Matthieu 8:6, ainsi que le font divers auteurs qui l'entendent du tétanos, maladie moins rare dans les pays chauds que chez nous, et si douloureuse qu'elle précipite rapidement et presque inévitablement dans le tombeau, tous ceux qu'elle atteint; le tétanos est cependant moins fréquent encore en Orient que dans l'Afrique, qui paraît être sa patrie originaire. On a voulu reconnaître aussi le tétanos emprosthetonus dans la maladie mentionnée Luc 13:11; elle consiste dans un raidissement des muscles du cou, accompagné d'une courbure générale du corps d'arrière en avant; d'autres ont cru qu'il s'agissait là d'une autre espèce de maladie, peut-être de douleurs rhumatismales; les médecins varient beaucoup sur ce qu'ils entendent par paralysie dans la Bible, mais il est constant que dans la plupart des cas, il s'agit de véritables paralysies.

— La main sèche de Jéroboam,

1 Rois 13:4, et celle dont il est parlé Matthieu 12:10; Marc 3:1, n'étaient apparemment autre chose que des membres paralysés; Ackermann pense que dans le cas de Jéroboam il est question d'une affection tétanique.


PARAN, ou plutôt Pharan,


désert situé au sud de la Palestine, Genèse 21:21; cf. verset 14, entre ce pays et l'Égypte. Les Israélites y passèrent pendant le voyage du désert, après qu'ils eurent quitté les solitudes du Sinaï, trois jours après avoir quitté la montagne même sur laquelle la loi leur avait été donnée, Nombres 10:12,33. C'est peut-être aussi à cause de ce souvenir que le nom de Paran est resté attaché à celui du Sinaï, Deutéronome 33:2, d'autant plus que le mont de Paran était, selon toute apparence, attenant à la chaîne du Sinaï, cf. Habacuc 3:3. On a cru retrouver Paran dans le Wady Feiran, belle et fertile vallée, arrosée d'un ruisseau qui déborde quelquefois, et renfermée entre des montagnes hautes et escarpées (Shaw, Niebuhr); mais cette vallée, proche du Sinaï, est située au nord-ouest, tandis que celle de Paran était située entre le Sinaï et la Palestine, du côté de la frontière iduméenne, et Makrizi (— Voir: Burckhardt) distingue positivement le Paran biblique du Wady Feiran. Il est plus probable qu'une trace de Paran se trouve dans la mention que font Eusèbe et saint Jérôme d'une ville de Pharan, située à trois journées nord-est d'Élana.

Voir: aussi Flavius Josèphe, Guerre de Jud. 4, 9; 4.

— Quant à la ville de Phara, située sur les rives de la mer Rouge, et mentionnée par Ptolémée, elle se rapporterait plutôt à la vallée de Feiran qu'au désert de Paran.

Ce désert est fréquemment nommé dans l'Écriture sainte; ses confins furent ravagés par Kédor-Lahomer. Agar s'y retira, Israël le traversa, et de là Moïse envoya les espions en Canaan; David y séjourna quelque temps, Hadad y passa lorsqu'enfant on le conduisit en Égypte.

Voir: Genèse 14:6; Nombres 13:4,27; 1 Samuel 25:1; 1 Rois 11:18, etc.


PARENTS.


Ce nom désigne, en premier lieu, les pères et mères; il s'applique ensuite à toutes les personnes unies par un même sang, même à des degrés fort éloignés. En ordonnant aux enfants d'honorer leurs parents, Exode 20:12, l'Écriture leur a imposé non seulement le respect extérieur, ou même l'obéissance, mais encore le devoir de les nourrir, de pourvoir à leurs besoins, de les assister dans toutes les circonstances où ce pourra être nécessaire. Une tradition cléricale avait essayé de détourner cet honneur et cette assistance au bénéfice des prêtres, en établissant que les dons faits au clergé pouvaient remplacer, pour les enfants, les devoirs auxquels la loi les obligeait envers leurs parents; les clergés sont toujours les mêmes: le Sauveur condamne cette interprétation annihilante de la loi, Matthieu 15:5-6.

Voir: Corban.

Les mariages entre parents, à un certain degré, étaient défendus par la loi, Lévitique 18; ainsi un Israélite ne pouvait épouser ni sa mère, ni sa belle-mère, ni sa sœur de père ou de mère, ni sa fille, ni sa petite-fille, ni la fille de la femme de son père, ni sa tante, ni la femme de son oncle paternel, ni sa belle-fille, ni la femme de son frère (à moins que celui-ci fût mort sans enfants), ni à la fois, ou successivement, une mère et sa fille ou petite-fille, ni la sœur de sa propre femme pendant la vie de celle-ci. Les quatre vers suivants renferment tous les degrés prohibés:

Nata, soror, neptis, matertera fratris et uxor,
Et patrui conjux, mater, privigna, noverca,
Uxorisque soror, privigni nata, nurusque,
Atque soror patris, conjungi lege vetantur.


PARFUMS,


Voir: Onction.


PARJURE,


Voir: Serment (faux).


PARMÉNAS, l'un des sept premiers diacres de l'église de Jérusalem, Actes 6:5. Épiphanes le compte an nombre des soixante-dix disciples.


PARPAR,


Voir: Abana.


PARTHES,


Actes 2:9. Il s'agit probablement dans ce passage de Juifs domiciliés chez les Parthes, et momentanément en séjour à Jérusalem.

— La Parthie ou Parthiène était, dans l'origine, sous les rois de Perse et sous les successeurs d'Alexandre, un canton ou une province subordonnée à l'Hyrcanie, qui la bornait à l'ouest; la Margiane faisait la frontière orientale. Les Parthes, chassés de la Scythie (leur nom même signifie bannis en langue scythique), vinrent s'établir dans les solitudes voisines de l'Hyrcanie, couvertes de forêts et de montagnes, pays si pauvre qu'il ne pouvait pas nourrir les plus petites armées. Ces bannis s'accrurent bientôt à tel point, qu'ils furent en état de s'emparer des plaines les plus étendues et des vallées les plus profondes. Ils étaient adonnés à l'ivrognerie et à l'impureté; les mariages incestueux n'étaient pas un scandale dans leurs mœurs, mais ils avaient horreur du mensonge. Leur manière de tirer de l'arc par derrière, en se retirant, rendait souvent leur fuite plus dangereuse que l'attaque. C'est à cheval qu'ils combattaient, à cheval encore qu'ils se rendaient aux repas où on les invitait; ils ne mangeaient que des viandes de bêtes prises à la chasse. Par leur élévation à l'empire d'Orient, le canton resserré qu'ils habitaient prit une plus grande extension, et s'étendit jusqu'aux Portes Caspiennes, ayant pour capitale Hecaton-Pyles (les cent portes), qui appartenait à l'ancienne Médie. Après la révolte d'Arsaces, des troubles qui s'élevèrent dans les autres états du roi de Syrie, laissèrent à l'usurpateur le temps de s'affermir dans sa nouvelle domination. Séleucus-Callinicus ayant tenté un dernier effort, fut battu et fait prisonnier dans une grande bataille, 230 avant J.-C. Peu à peu ce grand empire s'étendit dans toute l'Asie, et finit par se rendre redoutable aux Romains. Il dura plus de quatre siècles sous les successeurs d'Arsaces, qui prirent le nom d'Arsacides; cette dynastie finit l'an 223 de l'ère chrétienne, avec Artaban IV, qui fut détrôné par Artaxercès 1er, petit-fils de Sassan, qui donna le nom de Sassanides à la dynastie nouvelle.


PARVAÏM,


2 Chroniques 3:6, contrée qui fournissait un or particulièrement estimé. Plusieurs auteurs regardent ce nom comme synonyme d'Ophir, et cette opinion se recommande lé mieux, si l'on n'admet pas celle de Gesenius, qui, d'après; l'analogie du sanscrit, prend Parvaïm: dans la signification générale d'Orient, Levant; on disait alors l'or du Levant,: comme nous disons le fer du Nord, pour dire de bon or, de bon fer.


PARVARIM,


2 Rois 23:11, faubourg situé à l'occident du temple, cf. 1 Chroniques 26:18. Néthanmélec y demeurait près de l'écurie sacrée des chevaux du soleil.


PAS,


2 Samuel 6:13, la plus petite des mesures de distance. On l'évalue ordinairement à cinq pieds géométriques. Le stade comptait 125 pas, et la lieue 2,500 ou 3,000.


PASDAMMIM,


1 Chroniques 11:13, appelé aussi Éphes Dammim, ou frontière de Dammim, 1 Samuel 17:1, localité inconnue, de la tribu de Juda; c'est près de là que David et Goliath se rencontrèrent.


PASHUR,


  1. Sacrificateur, et fils ou descendant d'Immer, était sous Jéhojakim prévôt et directeur de la maison de l'Éternel: cette charge paraît avoir compris entre autres la police du temple, et le soin de prévenir les désordres parmi la foule qui s'assemblait dans le parvis, Jérémie 20:1-6. Faux prophète, et de la faction opposée à Jérémie, il fit enfermer le prophète, qui rendait ses oracles dans le parvis du temple; Pashur outrepassait les limites de sa compétence, il se faisait juge quand il n'était qu'inspecteur. Le lendemain, sentant peut-être qu'il s'était compromis par une mesure trop inique, et par un abus de pouvoir, il rendit la liberté à Jérémie, qui répondit à ses brutalités par un oracle de châtiments. «L'Éternel ne te nomme plus Pashur (sûreté de tous côtés), mais Magor-missabib (frayeur tout à l'entour).» Et il lui annonça la fin de sa prospérité, et des jours de trouble et de tribulations. Nous ignorons comment cette prédiction s'accomplit, car son nom ne se retrouve plus, pas même parmi ceux des premiers sacrificateurs qui furent emmenés à Riblah, où Nébucadnetsar les fit mettre à mort, 2 Rois 25:18. On présume qu'il fut du nombre de ceux qui furent transportés à Babylone sous le roi Jéhojachin. Le Guédalia nommé Jérémie 38:1, était probablement son fils, et partageait sa haine contre le prophète. Ses descendants (fils d'Immer) revinrent de la captivité, 1 Chroniques 9:12. Malgré sa charge ecclésiastique, Pashur apparaît essentiellement revêtu d'un caractère civil, et dans le civil il représente la brutalité d'un absolutisme impie et incrédule, absolutisme démagogique, aristocratique, ou clérical, peu importe, car c'est presque partout le même.
     

  2. Fils de Malkijah, et l'un des serviteurs de Sédécias, Jérémie 21:1; 38:1. Il vint demander avec Sophonie, au nom de son maître, des oracles à Jérémie, n'obtint de lui que des réponses de malheur, et se joignit plus tard à ses ennemis. On peut croire que le Pashur dont un arrière-petit-fils revint de l'exil, Néhémie 11:12, est le même que celui dont nous parlons; cependant le Pashur de Néhémie était sacrificateur, et Jérémie qui n'omet guère de mentionner la charge ecclésiastique des personnages dont il parle, ne dit rien de cette circonstance.


PASSEREAU,


Luc 42:6; Matthieu 10:29;

Voir: Moineau.


PATARA,


ville maritime de l'Asie-mineure, à 4 l, sud de Xanthus, à l'ouest de l'embouchure du fleuve de ce nom. Saint Paul y aborda en venant de Rhodes, Actes 21:1. Elle appartenait à la Lycie. Apollon y possédait un temple célèbre dans lequel il rendait des oracles pendant les six mois de l'hiver, passant l'été à Délos. Patara se rendit à Brutus à discrétion. Quelques ruines s'en trouvent encore près du bourg de Scamandre.


PATHROS


est évidemment, d'après Ézéchiel 29:14; 30:14, une partie de l'Égypte, et spécialement de la Haute Égypte, la Thébaïde, ou le pays du midi, comme l'appelle Champollion, l'Ég, sous les Phar. II, 187. La circonstance que Pathros est cité à côté de Mitsraïm, Jérémie 44:15; Ésaïe 11:11, ne prouve pas que ce soient deux pays distincts, mais établit plutôt, en réunissant ces noms, qu'il désignent deux parties séparées du même pays. Cette opinion est confirmée encore par le fait que les Pathrusim, qui étaient probablement les habitants de Pathros, sont comptés parmi les descendants de Mitsraïm.


PATMOS,


Apocalypse 1:9, rocher nu et stérile de la mer Égée, au sud-est d'Icaria: cette île, l'une des Sporades, n'est connue que pour avoir été le lieu d'exil de l'apôtre saint Jean; on montre encore dans la baie de Nestia la grotte dans laquelle il doit avoir reçu ses révélations.


PATRIARCHES.


Ce nom, dont la signification revient en grec à celle de chef de famille, est employé dans cette signification générale en parlant de David et des fils de Jacob dans le Nouveau-Testament, Actes 2:29; 7:8-9. Dans un sens plus restreint, il désigne les fondateurs de la nation juive, et les pères du genre humain, ou plutôt parmi eux et d'une manière plus particulière, ceux qui appartiennent à la ligne directe dans laquelle se sont perpétuées les promesses, ainsi, parmi les enfants d'Adam, la ligne de Seth, parmi ceux de Noé, la ligne de Sem, parmi ceux d'Héber, celle des Hébreux, Tharé, Abraham, Isaac, etc. Ordinairement, et, d'après une espèce de convention tacite mais universelle, on regarde Jacob comme le dernier des patriarches. Dans ce sens, le Nouveau Testament ne donne ce nom qu'au seul Abraham, Hébreux 7:4.

Leur histoire, que l'on trouvera sous chaque article particulier, ne peut nous occuper ici, nous nous bornerons à quelques observations sur le grand âge auquel ils sont tous parvenus, problème tout ensemble de physiologie et de chronologie, qu'il ne s'agit du reste pas de résoudre, mais d'expliquer. La moyenne de leur vie depuis Adam jusqu'à Noé, Énoch excepté, est de 900 ans; depuis Sem dont les jours ne sont plus que de 600 ans, la vie des patriarches va en diminuant: Joseph meurt à 110 ans.

— Quelques rapprochements ont de l'intérêt: un seul homme sert de chaînon entre la création et le déluge, entre Adam et Noé, c'est Méthusélah qui a vu l'un et l'autre, qui a vécu 243 ans avec le premier et 600 ans avec le second; ou bien Énos, petit-fils d'Adam, qui a vécu 695 ans avec son aïeul, et 84 ans avec Noé; ou bien encore Kénan, Mahalaléel, Jared, qui tous ont vu le premier et le dernier homme de l'ancien monde, ces trois derniers ayant vécu avec Noé 179, 264 et 366 ans. Dans le nouveau monde, Noé vit encore 128 ans avec le père d'Abraham, et ne meurt que 2 ans avant ce patriarche, de sorte qu'entre Adam le père des hommes, et Abraham le père des croyants, pour un espace d'environ 21 siècles, nous ne trouvons que trois chaînons nécessaires, Seth, Noé, et Tharé. De ces longues vies, et de ces synchronismes si étendus, il résulte évidemment une très grande sûreté pour les traditions historiques, de grandes garanties pour l'exactitude de l'histoire des premiers temps.

La longévité des patriarches a trouvé bien des incrédules, et ceux qui, respectant l'autorité de l'Écriture, désirent n'en admettre que ce qu'ils veulent croire, ont cherché à concilier leur respect avec leur raison ou leurs habitudes. De là, quelques-uns ont entendu de familles entières les chiffres qui indiquent l'âge des patriarches; idée malheureuse, car on ne peut pas dire que la famille d'Adam se soit éteinte au bout de neuf cent trente ans; que la famille d'Énoch ait été enlevée tout entière pour être avec Dieu; que la famille de Noé, outre ses trois fils, soit entrée dans l'arche, etc. On a donc cru faire quelque chose de plus raisonnable en diminuant la longueur des années, et on les a prises pour des mois; mais cette hypothèse arbitraire, que rien ne justifie, amène le résultat ridicule de Mahalaléel ou de Hénoc, pères de famille à l'âge de cinq ans et demi. Il a donc fallu allonger un peu ces années d'un mois, et on les a faites de trois mois; mais, d'après ces calculs, on arrive déjà à des vies de plus de deux siècles, ce qui répugne moins sans doute, mais toujours un peu, à ceux qui veulent que ce qui est maintenant ait toujours été; d'ailleurs l'histoire du déluge, avec ses douze mois de trente jours, Genèse 7:11,24; 8:3-5,13-14, renverse complètement toute hypothèse de cette nature. On n'a donc que le choix d'accepter les chiffres avec leur valeur historique, ou de les considérer comme les rêves mythiques des premiers poètes qui ont composé les origines du monde et les premiers temps du genre humain.

— La seule objection qu'on élève contre le grand âge des patriarches, et contre le récit biblique, n'est véritablement pas sérieuse; on n'arrive plus de nos jours, dit-on, à une pareille vieillesse, on n'y est donc jamais parvenu. Mais on ne trouve plus maintenant non plus le mammouth, ni l'iguanodon avec ses 20 mètres de longueur, ni la bête de l'Ohio qui était plus grande que l'éléphant, et avait des défenses de plus de 4 mètres de longueur, ni cette espèce de cerfs dont le crâne pesait 40 kilogrammes, et dont le bois, avec ses ramifications, comptait ο mètres. Et si le règne animal, avant le déluge, avait des proportions parfois colossales, et supérieures à celles auxquelles il a été réduit dès lors, qu'y aurait-il d'étrange à ce que la race humaine elle-même eût participé à ces proportions plus fortes, à cette constitution plus robuste, à cette vie plus longue? Ce n'est pas, du reste, que nous voulions rattacher la longévité à un plus ou moins grand développement physique de la taille de l'homme. Faisant abstraction de l'action de Dieu, qui a certainement dû intervenir pour faciliter un rapide accroissement de la population du globe, et le maintien des vérités traditionnelles, on peut comprendre qu'une vie dont la longueur nous surprend, fût le partage d'hommes chez qui la sève de la création, si l'on peut s'exprimer ainsi, avait encore quelque chose de sa force première; d'hommes qui vivaient dans un milieu plus pur et moins altéré, dans une atmosphère peut-être moins corrompue; d'hommes dont la vie était sobre, et qui ne connaissaient ni le vin, ni la viande, dont toutes les occupations étaient saines, et qui vivaient en plein air, au milieu de leurs champs et de leurs troupeaux. Si chaque génération perd sur celle qui la précède quelques mois dans la moyenne de sa durée, cette perte devait être beaucoup plus considérable dans les premiers temps du monde, alors que l'homme passait de l'immortalité à la mort; par conséquent aussi, en remontant en arrière, chaque génération devait avoir une durée plus longue que celle qui la suivait. Et si les désordres des pères frappent la santé de leurs enfants, cette influence devait être moindre dans un temps où la sensualité ne se satisfaisait qu'avec peine, dans une famille surtout dont le caractère était la recherche de la sainteté, et dont un des membres fut enlevé avant le temps pour être avec Dieu. «Jusqu'au déluge, dit Bossuet, toute la nature était plus forte et plus vigoureuse; par cette immense quantité d'eaux que Dieu amena sur la terre, et par le long séjour qu'elles y firent, les sucs qu'elle enfermait furent altérés; l'air, chargé d'une humidité excessive, fortifia les principes de la corruption, et la première constitution de l'univers se trouvant affaiblie, la vie humaine, qui se poussait jusques à près de mille ans, se diminua peu à peu.»

Cette tradition de longévité, d'ailleurs, n'appartient pas à la Bible seule; la mémoire en a été conservée chez plusieurs auteurs païens, Hésiode, etc.


PATROBAS,


disciple de Rome, connu seulement par la salutation de saint Paul, Romains 16:14. Les Grecs l'ont fait évêque de Pouzzoles.


PAUL,


  1. d'abord nommé Saul, Juif de la tribu de Benjamin, natif de Tarse, en Cilicie, témoin consentant à la mort d'Étienne, persécuteur de l'Église, puis un des plus fidèles apôtres de ce Jésus qu'il persécutait, Philippiens 3:5; Actes 9:11; 21:39; 22:3. Un de ses ancêtres était devenu citoyen romain, et c'est à cela peut-être qu'il faut attribuer le nom latin qu'il prit, assez semblable à son nom hébreu pour le rappeler, assez différent aussi pour faire reconnaître sa bourgeoisie romaine; c'est du moins l'hypothèse la plus simple pour expliquer ce double nom. D'autres ont voulu voir dans Saul le nom du Juif, et dans Paul celui du chrétien, apôtre des gentils, décidé à rompre radicalement avec toutes les formes du judaïsme. On ne connaît rien de sa jeunesse: on a voulu conclure de certains passages qu'il avait acquis la connaissance des lettres grecques, mais c'est incertain, et les preuves ne sont pas concluantes. Sa forme d'esprit, sa dialectique, son style et son érudition sont plutôt juives que grecques. Il est vrai que les lettres florissaient à Tarse comme les arts et les sciences, et qu'il a pu n'y pas rester étranger; mais, dans tous les cas, on s'est fait une trop grande idée de ses connaissances profanes, et l'élève de Gamaliel, le faiseur de tentes, n'aura étudié les lettres et le paganisme que d'une manière secondaire. Zélé pour le culte de ses pères dès sa jeunesse, plus que tous ses compagnons d'âge, il écouta Gamaliel, et fut initié dans le système de la théologie juive.

    Sans entrer ici dans les détails d'une vie que le livre des Actes ne fait que résumer, et qui a suffi à remplir les volumes de Witsius, de Paley, de Schrœder, de Neander, et d'autres encore, nous en tracerons rapidement les différentes époques: cette vie est connue, et la plupart des faits ont été expliqués en leur place:
     

    1. Court séjour à Damas, et voyage en Arabie, Actes 9:49; Galates 1:17.
       

    2. Retour à Damas et à Jérusalem au bout de trois ans; il voit Barnabas et Pierre, Galates 1:18; Actes 9:23-29.
       

    3. Voyage à Tarse, et séjour dans cette contrée, Actes 9:30.
       

    4. Barnabas vient le chercher à Tarse, et l'engage à un voyage d'évangélisation; séjour d'une année à Antioche, capitale de la Syrie, Actes 11:25-26.
       

    5. Second voyage à Jérusalem pour les intérêts temporels de l'Église, et retour à Antioche, Actes 11:30; 12:25.

      C'est depuis ce moment que Paul commence ses grands voyages missionnaires.
       

    6. Voyage avec Barnabas et Jean Marc:
       

      1. Séjour à Chypre, Actes 13:2-12. Bar-Jésus à Paphos.
         

      2. à Perge, en Pamphylie, où Marc le quitte, et à Antioche, Actes 13:14.
         

      3. à Iconie en Lycaonie, à Lystre et à Derbe, Actes 14; à Lystre, on veut leur sacrifier, et on les lapide.
         

      4. Retour par Lystre, Iconie, Antioche de Pisidie, Perge, Attalie, à Antioche de Syrie, où Paul reste quelque temps, Actes 14:21.
         

    7. Troisième voyage à Jérusalem, occasionné par les discussions sur la loi; concile de Jérusalem, Actes 15. Retour à Antioche, dispute avec Barnabas.
       

    8. Second grand voyage missionnaire, toujours depuis Antioche, avec Silas ou Sylvanus.
       

    1. Voyage par la Syrie et la Cilicie, jusqu'à Derbe et Lystre, d'où Paul se fait encore accompagner par Timothée, Actes 15:41; 16:1-3.
       

    2. Voyage par la Phrygie et la Galatie, Actes 16:4-6. Il est vrai que l'apôtre trouva déjà des Églises en Phrygie, mais ce fut lui qui les fonda en Galatie.
       

    3. Voyage à travers l'Asie antérieure; court séjour dans la Troade, où Paul s'associe Luc.
       

    4. Premier voyage en Europe, dans la Macédoine; séjour à Philippes, où il laisse Timothée et Luc, Actes 16:6-40.
       

    5. Voyage et séjour à Thessalonique. Paul et Silas à Bérée. Paul seul quitte la Macédoine, Actes 17:1-15.
       

    6. Séjour à Athènes, 17:15-34.
       

    7. Séjour de dix-huit mois à Corinthe, 18:1-11. Silas et Timothée le rejoignent. Il écrit de là ses premières Épîtres, celles aux Thessaloniciens.
       

  2. Retour avec Aquila jusqu'à Éphèse: quatrième voyage à Jérusalem, et séjour à Antioche, 18:18-21.
     

  3. Troisième grand voyage missionnaire.
     

    1. Par la Galatie et la Phrygie, 18:23 (jusqu'à Corinthe?)
       

    2. Séjour à Éphèse, de presque deux années, 19:1-11: c'est de là qu'il écrit l'Épître aux Galates, la 1re aux Corinthiens qui est perdue, et la 1re que nous possédons, 1 Corinthiens 16:8. Timothée est de nouveau auprès de lui, et fait, d'après ses ordres, un nouveau voyage en Europe, 1 Corinthiens 4:17; Actes 19:22.
       

    3. Voyage d'Éphèse à Troas, 2 Corinthiens 2:12, et dans la Macédoine, où il reste quelque temps, 2 Corinthiens 2:13; Actes 20:1-2. Ce voyage est fait avec Timothée: Paul écrit sa 2e aux Corinthiens, 2 Corinthiens 1:1; 2:13; 9:2.
       

    4. Séjour de 3 mois dans l'Achaïe, à Corinthe, Actes 20:2. C'est de là qu'il écrit son Épître aux Romains.
       

  4. Retour de Corinthe par Philippes, où il retrouve Luc, par Troas, Chios, Milet, Rhodes, Tyr, Ptolémaïs et Césarée, jusqu'à Jérusalem; cinquième et dernier voyage à cette ville, Actes 20:3-21:17.
     

  5. Paul est conduit prisonnier à Césarée, où il demeure plus de deux ans en captivité, Actes 21:17; 23:31-35; 24:27; 26:32.
     

  6. Paul est amené à Rome, où Luc l'accompagne, et où il reste deux ans encore dans une custodia mililaris liberior, Actes 27:1; 28:30. On se demande si c'est dans la captivité de Césarée ou dans celle de Rome que Paul écrivit aux Colossiens, aux Éphésiens, et à Philémon; mais c'est sans doute vers la fin de la dernière qu'il écrivit sa lettre aux Philippiens. (C'est de plus dans ce temps qu'il faut mettre les autres épîtres de Paul, si l'on admet, comme le font quelques théologiens, que c'est à la fin de cette captivité qu'il a été martyrisé.)
     

  7. Paul est remis en liberté, nous ne savons ni quand, ni comment, et il voyage, à ce qu'il paraît résulter de ses dernières épîtres, dites pastorales, à Éphèse où est Timothée, et dans la Macédoine, d'où il écrit sa 1re à Timothée, 1 Timothée 1:3, puis en Crète, où il fonde une église, et où il laisse Tite, Tite 1:5. Il retourne en Asie, 2 Timothée 1:15, d'où il écrit vraisemblablement à Tite qu'il prie de venir le rejoindre à Nicopolis (en Épire?). Enfin, d'après le témoignage non suspect de Clément de Rome, Paul se rend en Espagne, revient à Rome, est emprisonné comme un malfaiteur, abandonné de tous, même de Tite, sauf de Luc, et il attend sa mort ainsi qu'il l'écrit, 2 Timothée 2:9; 4:8-18. Obéissant à son invitation, Timothée se rend auprès de lui; il est également mis en prison, mais relâché, Hébreux 13:23.

— Paul est décapité dans une des dernières années de Néron. D'après une tradition peu certaine, Pierre arrive aussi à Rome, où il est martyrisé avec Paul; d'après la même tradition, Marc y vient de même, et vraisemblablement avec Timothée, depuis Éphèse. Nous ne savons ce que devint Luc; Marc passa en Égypte.

Pour montrer combien les difficultés chronologiques sont grandes, et les opinions partagées sur la fixation des diverses époques de la vie de l'apôtre, il suffira de dire que Bengel met la conversion de Paul en 31, Süsskind en 32, Eusèbe et Vogel en 33, Baron et Calvisius en 34, Usserius, Pearson, Olshausen, Rilliet, et Hug en 35, Schott en 37 (ou 40?), Eichhorn en 37 ou 38, Auger en 38, Schrœder en 39, Kuinœl en 40, Schmidt et Wurm en 41.

— La date de la mort de l'apôtre ne varie qu'entre les années 64 (Schmidt, Schott, Schrœder), 65 (Eichhorn et Vogel), 66 (Calmet, Bost), 67 (Bengel, Usserius, Hug, Olshausen, Coquerel), et 68 (Eusèbe, Steiger, etc.)

— Quant à la suite de ses Épîtres, bien que l'ordre que nous avons adopté nous paraisse se justifier presque eu tous points, nous rappellerons ce qui a été dit à l'article Bible, des divergences considérables d'opinions qui se sont fait jour sur ce point, depuis Marcion, qui met l'Épître aux Galates en tête, jusqu'à Schrœder, qui la met la dernière de toutes celles qui ont été écrites par saint Paul.

Le caractère de l'apôtre, ardeur pleine de cœur, impétuosité pleine de raison, sévérité pleine d'amour, inflexibilité pleine de support, se manifeste dans ses épîtres comme dans ses exploits. Une lecture attentive du livre des Actes et l'étude de ses lettres font suffisamment connaître son génie particulier, ses vues, la manière de sa prédication, sa position, son activité soit dans l'Église juive, soit dans celle des gentils; et il faut remarquer que sous tous ces rapports il y a une harmonie parfaite entre ses actions et ses lettres. Partout c'est le même caractère, jusqu'à tel point que cet accord fournit une preuve puissante de l'authenticité des documents. Le grand nombre et la variété des épîtres offrent encore l'avantage de nous faire connaître l'apôtre sous plusieurs faces; nous le voyons dans des positions temporelles ou spirituelles très différentes, au milieu, vers la fin, ou à la fin de ses travaux. Le grand nombre de disciples, ou d'amis et compagnons d'œuvre ordinairement présents quand Paul écrivait une lettre, l'habitude qu'il avait d'envoyer ses lettres par des personnes de confiance, et les tournées fréquentes qu'il toisait dans les Églises ainsi que ses disciples, tout cela nous met à l'abri des impostures. Une fois cependant on avait tenté de tromper une Église par une épître écrite en son nom, mais l'apôtre ne tarda pas à en être averti et à prévenir les fidèles contre de telles tentatives; c'était au début de sa carrière épistolaire, 2 Thessaloniciens 2:2-3. Dès lors il prit des mesures propres à rendre de pareilles fraudes impossibles; il ajoutait, par exemple, à sa lettre dictée, quelques lignes de sa propre main, 1 Corinthiens 16:21; 2 Thessaloniciens 3:17; Colossiens 4:18; d'autres fois cette précaution n'était pas nécessaire, la lettre étant écrite par des personnes distinguées, Romains 16:1,22; la 2e aux Corinthiens, 1:1, peut avoir été écrite par Timothée; celle aux Éphésiens, 6:21, fut envoyée par Tychique. D'autres épîtres, enfin, étaient écrites tout entières de sa propre main, Galates 6:11; Philémon 19; il paraît qu'il en fut de même des épîtres pastorales, d'autant plus que l'apôtre était alors retenu dans une sévère captivité.

— Il nous manque une ou deux lettres de Paul, 1 Corinthiens 5:9; Colossiens 4:16. Une correspondance de Paul avec les Corinthiens qui n'existe qu'en araméen, a été publiée en partie dans l'Histoire critique de la république des lettres, Amsterdam, 1714, tome X; puis en entier par W. Whiston, en appendice à son Historia Armeniæ Mosis chronensis, Lond. 1736. 4e; enfin en 1819, le moine arménien Pascal Aucher du couvent de Saint-Lazare, près de Venise, en a publié le texte dans sa grammaire arménienne, Venise, 1819, p. 179. Rink, en donnant une traduction allemande, a voulu défendre l'authenticité de cette correspondance (Heidelberg, 1823), mais il n'a pas été difficile à Ullmann de montrer par le silence complet de l'antiquité chrétienne et par des caractères intérieurs, que ces deux lettres sont supposées (Heidelberg, Jahrb., 1823); Carpzov l'avait déjà fait avant lui (Leipsig, 1776). Il en est de même de la correspondance latine de Paul avec Sénèque, et qui n'est citée par aucun Père plus ancien que Jérôme. La lettre aux Laodicéens est encore plus moderne.

Quant aux treize épîtres canoniques qui portent le nom de Paul, elles ont formé une collection, et elles ont été attribuées sans aucune contestation à Paul par l'Église universelle. L'Épître aux Hébreux est douteuse, et nous en avons parlé en son lieu. Les treize épîtres doivent avoir été recueillies assez tôt, et promptement, car nous voyons par les divers témoignages, qu'elles furent connues et reconnues partout dès l'époque des Pères apostoliques. Cette collection fut jointe à celle des épîtres catholiques, mais cette dernière ne fut pendant longtemps pas aussi complète que la première. Les ébionites, les encratites, les manichéens n'en révoquaient pas en doute l'authenticité; Marcion, critique arbitraire et dogmatique, en retrancha les épîtres pastorales, et garda les dix autres après les avoir mutilées. Les notices historiques qui se trouvent à la fin de chaque épître, ne font pas partie de l'épître et ne s'appuient pas toujours sur des autorités fort respectables; les anciens manuscrits ne les contiennent pas, les autres diffèrent pour le texte; souvent l'épître elle-même accuse l'inexactitude de ces adjonctions, et les contredit.

Le caractère littéraire des écrits de Paul dépend en grande partie de son caractère personnel. Pectus est quod facit oratorem; or Paul était un homme entier, et il se montre tel dans toutes ses épîtres. On peut sans doute en dire autant de tous les apôtres, mais ce trait est plus saillant chez lui; il apporte à tout la même ardeur de l'âme et réalise en lui-même cette parole célèbre: le style, c'est l'homme. De tous les sujets qu'il traite, aucun ne lui paraît trop petit, aucun ne le laisse froid; il les mène tous d'une manière très variée. Jacques l'égale quant à l'unité ou à la continuité de l'ardeur des sentiments, ou de la véhémence oratoire; Pierre a du rapport avec lui pour la variété du langage, mais aucun des auteurs sacrés ne semble réunir au même degré les deux qualités indiquées. Paul est plus orateur que Pierre, moins sentencieux, moins poétique, moins lyrique que Jacques, dont le style est plus égal et plus soutenu; il n'a pas le calme sublime et même sévère de Jean, mais par cela même il remue l'âme plus puissamment; il fait vibrer toutes les cordes du cœur. Il paraît vouloir produire par ses épîtres les mêmes résultats qu'il produisait de vive voix par ses exhortations, appropriées chaque fois au besoin du moment, Galates 4:20. Paul était profond et doué d'un esprit aussi zélé que pénétrant, aussi systématique que délié et agile; il aperçoit les rapports qui unissent deux objets en apparence très éloignés, et il les rapproche promptement; en cela il a quelque chose de commun avec les meilleurs rabbins; mais tandis que ceux-ci sont brefs et ne donnent que des indications souvent énigmatiques, Paul donne des expositions, des argumentations souvent prolongées; et tandis que les rabbins, là où Ils veulent exposer ou prouver, se perdent dans les minuties des sophistes, dans de vieux et ennuyeux développements, dans des raisonnements peu serrés, Paul ne perd pas de vue l'idée capitale dont il est dominé, tout en semant son discours de cette foule d'idées secondaires dont il est toujours rempli lui-même. Ce caractère du style de Paul est une des causes des difficultés qu'il offre à l'interprétation; une autre cause de ces difficultés provient de certaines circonstances extérieures, de ce que tous les écrits de Paul sont des lettres relatives à des événements ou à des opinions que nous ne pouvons apprendre à connaître que par ces lettres mêmes, de ce que l'apôtre aussi négligeait son style, peut-être parce qu'il dictait. Outre que le style n'est ni poli, ni cadencé, les phrases ne sont ni formées avec précaution, ni revues avec soin, mais faites ou jetées suivant l'inspiration du moment.

À ces sources d'obscurité ou de difficultés exégétiques, il faut en ajouter quelques-unes qui sont intérieures, et tiennent à la pensée même de l'apôtre:

  1. Sa vivacité le portait à des transitions non préparées, à des combinaisons inattendues, et souvent peu indiquées, de pensées différentes, et lui faisait saisir et présenter avec une égale promptitude certains arguments de son thème dont la vérité et la convenance ne sautent point aux yeux, et qu'il faudrait avoir le temps d'expliquer et d'examiner; enfin cette vivacité lui faisait souvent abandonner un sujet d'importance secondaire, ou une argumentation avant d'être arrivé à l'expression de la conclusion, de sorte que pour comprendre toute la dissertation, il faut en suppléer la fin.
     

  2. L'esprit de Paul n'était pas moins fertile que prompt. La vivacité de l'esprit ne fixe pas l'attention si elle n'est accompagnée d'un fonds de pensées; mais chez Paul, cette richesse de sentiments contribue à l'obscurité du langage de ses écrits en le rendant profond; il y a des parenthèses, des phrases incidentes trop prolongées et qui se mêlent insensiblement avec les suivantes, trop chargées; des constructions diverses, fondues en une seule, parce que les pensées de Paul se poussaient l'une l'autre comme les ondes d'un fleuve. Mais ce qui décèle encore plus la profondeur de son esprit, et ce qui requiert le plus d'attention, c'est la coordination de plusieurs pensées, ou de plusieurs séries de pensées que Paul entrelace, et qu'il poursuit alternativement jusqu'en un point où il laisse tomber l'une ou l'autre, ou bien, où les deux fils du discours se réunissent par un nœud; il arrive aussi qu'une argumentation ou une exposition disparaît pour reparaître ensuite comme une rivière qui a passé par-dessous terre. Une autre propriété de son style, moins étendue que la précédente, consiste, d'une part, dans l'emploi varié des mots et dans l'accumulation des synonymes, afin de faire connaître tout le contenu de la notion sous ses diverses formes, et d'autre part, dans des antithèses tranchantes dont Paul augmente encore quelquefois la pointe par l'emploi antithétique du même mot, afin de bien exprimer la différence et les contrastes, et de marquer ainsi avec exactitude les limites des notions. Sous ce rapport, il arrive que la même qualité par laquelle le style de Paul est obscur et difficile, le rend clair et précis. C'est le cas de bien des écrits émanés d'une intuition profonde et d'une intelligence systématique; étudié à fond, ce qui semblait être dur, obscur, subtil, apparaît lucide et ferme.
     

  3. Agissant sur le sentiment comme sur l'intelligence, Paul sait être populaire, même lorsqu'il fait des expositions dogmatiques; or c'est là ce qui fait l'orateur. Mais cette énergie elle-même exige une attention redoublée. Nous trouvons dans le tissu de la phrase de Paul des questions, des exclamations, des argumentations ex concessis, des raisonnements justes, mais qui partent d'un seul point de vue, et d'une dialectique vigoureuse qui ne finit que par la confusion complète de l'adversaire dont Paul a fixé et poursuivi les fausses idées et les mauvais sentiments.

    Le langage de Paul exige une étude scrupuleuse, parce qu'en partie c'est un langage nouveau qu'il a dû créer lui-même ou que le christianisme a créé. Dans l'exhortation, ce langage est approprié au sujet, étant tantôt sévère, tantôt touchant. Le grand talent oratoire de Paul, malgré le peu de soin et d'art qu'il a mis dans ses écrits, est incontestable; il avait dit lui-même qu'il ne voulait pas faire l'orateur, toutefois il produisait de tels effets qu'on le prit un jour pour Mercure, le dieu de l'éloquence. Personne, sous ce rapport, n'a mieux fait l'éloge de Paul que Bossuet; mais avant lui déjà, Longin, littérateur païen, avait compris la puissance de ce génie chrétien, et après avoir énuméré les grands orateurs de la Grèce il dit: «On peut y ajouter Paul de Tarse, le premier qui se soit servi du dogme sans les preuves», jugement assez juste dans la bouche d'un païen; (on a contesté l'authenticité de ce passage, mais Hug l'a démontrée dans son Introduction au Nouveau Testament II, 334)

    On peut voir en tête des commentaires de Tholuck et d'Oltramare sur l'Épître aux Romains, un catalogue raisonné assez complet de tous les travaux qui ont été faits sur les Épîtres de saint Paul; dans le nombre, et pour n'indiquer que les plus saillants dans chaque époque, nous citerons Chrysostôme, l'Ambrosiaster (Hilaire de Rome?), Bède le Vénérable, Pierre Lombard, Thomas d'Aquin, Nicolas de Lyre, Laurentius Valla, Lefèvre d'Étaples, Érasme, Luther, qui mérite particulièrement d'être nommé, parce que, semblable à Paul, il a pénétré profondément dans l'esprit de Paul, Mélanchthon, Bucer, Bullinger, Calvin, Bèze, et enfin parmi les modernes Jean-Frédéric Flatt qui, de 1825-1830, a publié des Commentaires sur toutes les Épîtres de Paul, et Olshausen que la mort seule a empêché d'achever entièrement une œuvre si heureusement commencée.

    Tholuck dans son Commentaire sur les Romains, et Steiger dans celui sur les Colossiens, renferment ainsi que Hug, dans son Introduction, II, 331, d'excellentes observations sur le style, le langage et le caractère de l'apôtre: nous avons notamment emprunté au travail de Steiger plusieurs des détails qui précèdent.

Ajoutons encore ici quelques réflexions détachées sur la vie de l'apôtre:

  1. Quant à sa famille, tout ce que nous savons c'est qu'il avait une sœur et un neveu, et que ce dernier demeurait à Jérusalem, Actes 23:16. Il n'était lui-même pas marié, 1 Corinthiens 7:7; cf. 9:5, mais il maintient à cet égard la liberté dont il aurait pu user comme les autres apôtres: la tradition ajoute, mais d'une manière incertaine, qu'il fut accompagné dans quelques-uns de ses voyages par Thécla, jeune fille qu'il avait convertie au christianisme. Il exerçait le métier de faiseur de tentes qu'il avait appris sans doute dans sa jeunesse, peut-être comme la plupart des rabbins avaient et ont encore l'habitude de joindre à leurs occupations intellectuelles l'exercice d'un travail manuel: les tentes étant d'un besoin constant dans les climats chauds, pour les bergers et les voyageurs, comme pour toutes les personnes exposées à souffrir du soleil ou de la pluie, la profession de saint Paul lui assurait de l'ouvrage aussi souvent qu'il pouvait le désirer ou en avoir besoin; en outre elle n'était pas extrêmement pénible, et l'apôtre aimait mieux en général travailler pour se procurer sa subsistance, que de recourir aux dons des fidèles, Actes 18:3; 1 Corinthiens 4:12; 1 Thessaloniciens 2:9; 2 Thessaloniciens 3:8.
     

  2. Sa conversion, dans laquelle les incrédules ont cherché à faire intervenir, comme toujours, à la place du miracle, les phénomènes de l'électricité, l'éclair, le tonnerre, la foudre; sa conversion, dont une explication naturelle ne diminuerait pas l'importance, quoiqu'elle en changeât la nature, nous est racontée comme l'effet direct de l'intervention divine. On peut supposer que la douceur et la persévérance de ses victimes avaient déjà produit, sur l'âme ardente et sensible de l'apôtre, l'impression tout au moins d'une pitié passagère; en les voyant opposer à l'âpreté du fanatisme la confiance de la foi, il avait dû être frappé, et la férocité barbare qui est toujours la conséquence d'une forte conviction lorsqu'elle est erronée, pouvait seule soutenir son cœur et son bras pendant qu'il allait ajouter de nouvelles victimes à celles qu'il avait déjà faites. Un zèle sans connaissance est toujours odieusement persécuteur, et, sur la route de Damas, il ne fallait rien moins en effet que l'action de Dieu pour dessiller les yeux aveuglés du Juif, ennemi de l'Église. Mais une fois que Christ se fut fait connaître à Paul d'une manière aussi extraordinaire, il est hors de doute que toutes ces idées qui étaient restées chez lui comme étouffées dans l'arrière-plan, se réveillèrent et se présentèrent de nouveau à son esprit pour n'être plus repoussées. Les soins et les pieuses directions du sage Ananias achevèrent d'éclairer saint Paul, et de changer pour lui la vérité pressentie en une vérité sentie, comprise et crue. De ce moment, l'ardeur de Paul, toujours impétueuse, mais purifiée, s'appliqua de toutes les forces de son âme à propager le royaume de Celui contre les aiguillons duquel il avait d'abord regimbé. Pour une mission extraordinaire comme la sienne, un appel extraordinaire, une vocation miraculeuse, une consécration comme celle qu'il reçut, n'étaient point de trop; des baptêmes solennels ont presque toujours inauguré la carrière de ceux qui ont dû être des lumières dans l'Église, depuis le buisson ardent de Moïse jusqu'à la vision d'Ésaïe, depuis le chemin de Damas jusqu'à Valdo et Luther.

    — Pour un homme comme saint Paul, dit Planck, il ne pouvait être changé que subitement, ou pas du tout; et, si ce jugement est trop absolu au point de vue chrétien, il est vrai psychologiquement. Des caractères comme celui de l'apôtre doivent être puissamment secoués pour être changés, et ces secousses sont nécessairement subites et inattendues, mais elles n'excluent pas quelques luttes intérieures, quelques incertitudes, même au plus fort de la décision, quelques doutes non raisonnes, fugitifs, bien vite repoussés, mais qu'on se rappelle quand on en vient à reconnaître que ces doutes étaient justifiés.

    — C'est sans doute, soit à la vision du chemin, soit au séjour de trois jours à Damas, qu'il faut rapporter ce que l'apôtre raconte avec tant de mystère et d'humilité, 2 Corinthiens 12:1, sur l'extase qui l'a transporté au troisième ciel, où il a appris des choses qu'il n'est pas permis de révéler.
     

  3. Son séjour de trois ans en Arabie n'a pas été une vie d'oisiveté, mais on ignore comment il l'a employé. L'idée la plus naturelle est sans doute que, ces années ont été un noviciat, et que l'apôtre a pu, dans sa solitude, repasser et méditer en son esprit les révélations divines dont il avait été honoré, mûrir peut-être aussi les connaissances païennes qu'il avait acquises dans sa jeunesse, les compléter, et comparer entre elles les deux alliances, dont la dernière était à la fois l'accomplissement et la destruction de la première, la fin d'un régime caduc, établi de Dieu comme préparation. Aussi, dans la révolution religieuse dont il devait être l'un des chefs les plus ardents et les plus dévoués, on le voit plus hardi novateur que tous les autres apôtres, porter une main radicale sur tout ce que d'autres voulaient encore ménager, et faire table rase de toute la piété traditionnelle, pour substituer aux cérémonies la vie, et à la lettre l'esprit. Le zèle avec lequel il poursuit l'esprit juif jusque dans ses recoins les plus reculés, n'a plus rien de cet esprit persécuteur avec lequel il attaquait le christianisme; Paul fait la guerre à l'erreur, mais il ne lapide plus ceux qui se trompent; ce n'est plus le prosélytisme de l'Inquisition, c'est celui de la vérité, de la raison et de la liberté. Quelques-uns pensent que l'ange de Satan et l'écharde en la chair, 2 Corinthiens 12:7, doivent s'entendre de ce séjour en Arabie, qui était, de la part de Dieu, une épreuve pour l'apôtre, destinée à réprimer l'impatience qu'il pouvait avoir d'entrer dans l'évangélisation, et de communiquer aux hommes le changement qui s'était opéré en lui, et les dons qu'il avait reçus; mais cette interprétation est peu naturelle.
     

  4. Parmi les événements de sa vie qui ne sont pas racontés dans les Actes, et dont il rappelle, en quelques mots, le souvenir parfois d'une manière obscure, il faut compter l'allusion faite 1 Corinthiens 15:32: «Si j'ai combattu contre les bêtes à Éphèse...» Faut-il entendre ce passage à la lettre, ou l'entendre, au sens figuré, d'une vive contestation dans laquelle Paul aurait couru le danger de perdre la vie? Faut-il enfin n'y voir qu'un raisonnement hypothétique? C'est ce que l'on ne peut décider, et les trois opinions offrent presque d'égales difficultés. Le sens figuré ne se justifie pas par la langue, et, dans tous les cas, l'image serait trop forte pour toute autre espèce de danger; le sens littéral ne se justifie pas par l'histoire, les Actes ne racontent rien de semblable, les Pères ecclésiastiques n'en parlent pas davantage, et saint Paul, dans l'énumération qu'il fait, 2 Corinthiens 11:23, de tous les dangers qu'il a courus, n'en dit mot; d'ailleurs, comment aurait-il échappé à la mort dans ce terrible combat? Ajoutons que ce supplice destiné aux esclaves et aux prisonniers de guerre ne pouvait être prononcé contre un homme libre et romain, et que Paul n'aurait pas manqué de faire connaître ses titres et de revendiquer ses droits en cette occasion, comme il l'a fait en d'autres circonstances moins critiques. La désignation du lieu, le nom d'Éphèse, ne permettent pas de supposer qu'il y ait ici un simple raisonnement sans allusion à un fait; quand on raisonne sur des hypothèses, on ne leur donne pas les caractères du récit historique.

    — La plupart des faits que Paul énumère encore, 2 Corinthiens 11:24, ne peuvent être datés avec certitude; plusieurs appartiennent sans doute à son séjour à Corinthe; quant aux autres, ils ont eu lieu dans la première partie de sa carrière, avant qu'il écrivît cette lettre aux Corinthiens; mais ils ne sont connus que par cette mention rapide et abrégée.

    — On peut remarquer que saint Paul, malgré l'excommunication générale prononcée contre ceux qui confesseraient le nom de Christ, Jean 9:22, n'a jamais été excommunié, et qu'il est toujours entré librement dans les synagogues pour enseigner et discuter, liberté qui s'explique peut-être par la circonstance que Paul avait été docteur de la loi, et que, pour ces hommes privilégiés, l'excommunication était toujours une mesure à laquelle on ne se décidait que difficilement.
     

  5. Son activité consistait principalement dans la prédication de l'Évangile: il baptisait quelquefois, 1 Corinthiens 1:14, mais, en général, Il abandonnait cette fonction à ses compagnons d'œuvre, dont il avait toujours un certain nombre avec lui, qu'il employait comme aides et émissaires apostoliques, Actes 19:22; 17:16, etc. Après qu'il se fut séparé de Barnabas et de Jean Marc, Actes 15:37, il fut surtout accompagné jusqu'à la fin de sa vie, et tour à tour, par Silas, Timothée, Luc le médecin, Tite, Démas, Éraste, et d'autres encore qui travaillèrent avec lui. Ce fut par Barnabas qu'il fut d'abord mis en contact avec les apôtres immédiats de Jésus, et avec les anciens de l'église-mère de Jérusalem, 15:25, et il eut souvent, dès lors, l'occasion de cultiver leur connaissance dans ses voyages-qui le ramenèrent fréquemment au milieu d'eux, Actes 15:4; 21:18; Galates 2. Ses principes sur les rapports de la loi juive avec le christianisme n'harmonisaient pas toujours avec ceux des apôtres judéo-chrétiens, et il eut même une contestation assez vive avec l'apôtre Pierre sur ce sujet, Galates 2:11. Cette divergence de vues qui ne dura pas longtemps entre les apôtres, mais qui dura longtemps entre leurs disciples, fut toujours, dans l'Église de Jérusalem, une source de méfiance contre Paul, Actes 21:21, et maintint sans doute de la froideur dans leurs rapports, ce qui n'empêcha pas l'apôtre, toutes les fois qu'il le crut nécessaire, de faire où il se trouvait des collectes pour les pauvres de Jérusalem et de la Judée, Romains 15:25; 1 Corinthiens 16, 2 Corinthiens 8, Galates 2:10. Son champ de travail s'étendait depuis la Syrie indéfiniment vers le nord et le nord-ouest; car il choisissait de préférence l'évangélisation dans les lieux où d'autres n'avaient pas encore travaillé, Romains 15:20; 2 Corinthiens 10:15; cependant là même il ne put pas rester à l'abri des intrigues des Juifs de la Palestine, 1 Corinthiens 1:12; 3:32; Galates 2, et 3. En général, on peut dire que sa vie fut une lutte continuelle contre des ennemis aussi malveillants qu'infatigables, non seulement contre les Juifs, ses anciens coreligionnaires, qui le poursuivaient, pour sa conversion au christianisme, avec toute la violence d'une haine religieuse et nationale, mais encore contre les judéo-chrétiens, dont les uns, dans le sein même de l'Église, tantôt ouvertement, tantôt d'une manière indirecte et cachée, cherchaient à faire dominer leurs tendances judéo-chrétiennes; dont les autres essayaient de mêler au christianisme pur des spéculations gnostiques orientales; et, pendant qu'il devait, contre les premiers, empêcher que la liberté de la loi morale du christianisme ne fût transformée de nouveau en un code légal de prescriptions morales, il devait, contre les seconds, maintenir l'importance du christianisme historique, et le sens littéral chrétien des Écritures.

    — Au reste, si Paul était décidé et ferme sur la question des principes à l'égard de la fin du judaïsme, il ne se montrait pas rigoriste dans ses rapports avec les faibles, 1 Corinthiens 9:20; non seulement il provoqua la circoncision de Timothée, mais il consentit à faire un vœu pour ne pas scandaliser les Juifs de Jérusalem, Actes 16:3; 21:24. Ce n'est que lorsque le parti juif se montrait audacieux, insolent et provocateur, que Paul lui résistait en face pour l'humilier, Galates 2:4; malgré cela, ses adversaires ne laissaient pas de déprécier son ministère, même par des calomnies, et en l'accusant d'hésitation, de faiblesse et de versatilité, 2 Corinthiens 1:17; 10:10, et ils allèrent jusqu'à attribuera l'apôtre de fausses lettres qu'il n'avait point écrites, 2 Thessaloniciens 2:2, et qu'ils répandirent sous son nom.
     

  6. En dehors du livre des Actes et de ses Épîtres, le nom de Paul ne se retrouve qu'une saule fois. 2 Pierre 3:15, dans un passage dont on a voulu tirer de singulières conséquences dogmatiques; il suffit de remarquer,
     

    1. que saint Pierre ne mentionne dans les épîtres de Paul que quelques points difficiles à entendre;
       

    2. que la difficulté porte non sur la manière dont Paul présente ces points, mais sur la profondeur même des sujets qu'il traite;
       

    3. que malgré ces points difficiles les épîtres avaient été écrites à de simples fidèles, et que saint Pierre ne cherche pas à les détourner de les lire: il n'y a que les ignorants et les mal assurés qui puissent en faire un mauvais usage, mais ceux-là même s'en trouveraient-ils mieux s'ils venaient à ne faire des lettres de Paul et des autres Écritures aucune espèce d'usage? C'est là la question: l'Église romaine qui aspire à faire autrement et mieux que les apôtres, la décide autrement qu'eux; l'Église protestante qui ne reconnaît d'autre modèle que Christ et les apôtres inspirés, suit leur exemple, et recommande aux fidèles de lire des épîtres écrites pour les fidèles, et non pour une caste privilégiée seule.
       

  7. Paul.

    Voir: Serge.


PAUVRES.


La loi mosaïque avait sagement et libéralement pourvu, soit à restreindre autant que possible le nombre des pauvres, soit à entretenir et secourir ceux qui avaient eu le malheur de tomber dans l'indigence. Elle leur assurait en effet:

  1. À l'époque de la récolte, un glanage suffisant dans les champs, et d'abondants grappillages dans les vignes, dans les plantations d'oliviers, et probablement aussi dans les vergers à fruits, Lévitique 19:9; Deutéronome 24:19; cf. Ruth 2:2. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 4; 8, 21.;
     

  2. Dans l'année sabbatique une libre participation à tous les produits de la terre, croissant sans culture dans les vignes, dans les champs, et dans les jardins en repos, Lévitique 25:5.
     

  3. Tous les trois ans ils venaient s'asseoir à la table des riches, et célébraient le repas des dîmes, q.v. Deutéronome 12:12; 14:22; 16:10; 26:12; cf. Luc 14:13.
     

  4. En l'année jubilaire tous ceux qui avaient été forcés de vendre leurs possessions, redevenaient de droit, eux ou leurs fils, propriétaires des biens qu'ils avaient aliénés, de sorte que les terres restaient non seulement dans les mêmes tribus, mais encore dans les mêmes familles,

    Voir: Année.

En outre, la loi qui recommandait d'une manière générale la bienveillance et la bienfaisance envers les pauvres, Deutéronome 24:12; Proverbes 14:31; 22:16; 31:9; etc., renfermait aussi des prescriptions positives, telles que l'ordre de leur prêter sur gage sans intérêt, même à l'approche de l'année sabbatique, la défense de retenir après le soleil couché des objets indispensables, et que le pauvre aurait été cependant obligé de mettre en gage, tels que couverture pour la nuit, meule à moudre le grain, etc., Deutéronome 24:12-13; 15:7-11; Lévitique 25:35; sq. L'impartialité la plus entière était recommandée aux juges dans les causes des indigents, Exode 23:3,6; Lévitique 19:15, etc.

Toutefois, il ne paraît pas que ces sages ordonnances aient été longtemps respectées, et nous voyons les prophètes faire entendre des plaintes fréquentes sur la dureté des riches à l'égard des pauvres, et sur la vénalité des juges, Ésaïe 10:2; Amos 2:6; Jérémie 5:28; Ézéchiel 22:29; etc.

La bienfaisance était considérée par les Juifs comme une des principales vertus, Tobie 2:16; etc. Luc 19:8, et la sainteté pharisaïque faisait un grand étalage des misères qu'elle soulageait, Matthieu 6:2 (on a voulu rattacher à ce passage l'usage de certains mendiants orientaux qui soufflent dans une corne pour exprimer leurs besoins, mais c'est trop recherché).

— La constitution mosaïque ne reconnaît pas de mendiants proprement dits; seule elle avait pu décréter en principe, qu'il n'y avait point de pauvres dans le pays, parce qu'elle avait pourvu à ce qu'il n'y en eût point, et que c'était Dieu, et non les hommes, qui avait fait la loi.


PAVÉ


(le), Jean 19:13,

Voir: Gabbatha.


PÉAGE, Péagers.


Depuis que les Romains se furent emparés de la Palestine, ils y établirent, comme dans les provinces voisines de l'Asie, leurs impôts ou droits d'octroi, qui pesaient essentiellement sur les importations, parfois aussi sur les exportations. Sous la république déjà c'était l'usage, et il fut conservé sous les empereurs, d'affermer à bail, ordinairement pour cinq ans, à des chevaliers, ou à des associations de chevaliers romains, l'exploitation entière des impôts d'une province. Ces riches et grands publicains traitaient ensuite en détail avec des particuliers, romains ou provinciaux, de l'exploitation spéciale de certaines villes frontières, ou ports de mer, et ils cherchaient naturellement à retirer le plus grand profit possible de ces espèces de marchés. Ces subordonnés, que les auteurs profanes connaissent sous les noms d'exacteurs, de visiteurs, percepteurs ou autres, sont appelés dans le Nouveau Testament des péagers (à Jérico il y avait un chef des péagers, sans doute à cause du transit considérable de baume, Luc 19:2). Leur nom est souvent associé à celui des gens de mauvaise vie, des femmes de mauvaise vie, des méchants, et des païens, Matthieu 9:10; 11:19; 18:17; 21:31; Luc 5:30; 7:34. Les rabbins même les assimilent aux voleurs de grands chemins et aux meurtriers, et ceux des Juifs qui embrassaient cette profession étaient déclarés incapables de témoigner en public, et chassés de la synagogue. Cette haine profonde qui a toujours poursuivi et qui poursuit encore les péagers, les douaniers et tous les hommes attachés à ce genre d'occupation, s'explique soit par l'impatience naturelle avec laquelle on supporte généralement les systèmes de douanes et toutes les gênes prohibitives de la liberté de circulation, soit et surtout à cause de la brutalité avec laquelle ces employés bouleversent et maltraitent les effets des voyageurs ou les marchandises qui passent par leurs mains, à cause du zèle souvent plus qu'indiscret qu'ils témoignent pour les intérêts de l'État, à cause de leurs estimations souvent arbitraires, et par conséquent plus difficiles à supporter et plus équivoques, à cause de leur rapacité intéressée; enfin, à cause de leurs extorsions, de leurs concussions et des fraudes dont ils se rendaient fréquemment coupables, et contre lesquelles il n'y avait d'appel qu'auprès d'un pouvoir qui profitait lui-même de ces vexations et qui se croyait intéressé à épuiser la fortune particulière au profit de la fortune publique. D'après Stobæus (Sermon 2, 34), Théocrite répondit un jour à une personne qui lui demandait quels étaient les animaux les plus rapaces et les plus redoutables: Dans les montagnes, les ours et les lions; dans les villes, les péagers et les traîtres (sycophantes).

Matthieu et Zachée étaient péagers avant leur conversion; ils paraissent s'être enrichis l'un et l'autre, mais si leur condition antérieure nous est inconnue, on peut dire d'une manière générale que ce n'étaient jamais que des gens du commun peuple qui s'engageaient dans une occupation aussi méprisée que haïe, et cette circonstance ne pouvait qu'empirer avec le temps la haine et le mépris, en y ajoutant le préjugé et l'habitude.


PECTORAL de jugement,


Voir: Prêtres.


PÉDAJA,


Voir: Zorobabel.


PEINES,


Voir: quelques idées générales sur ce sujet à l'article Châtiments.

Nous détaillerons ici les différentes sortes de peines qui pouvaient être prononcées d'après la législation hébraïque.

  1. Peines corporelles,
     

    1. De tous temps les coups ont été chez les Hébreux la peine corporelle la plus ordinaire, et, d'après Deutéronome 25:2, le magistrat assistait à la flagellation, notamment lorsqu'elle était ordonnée pour des délits civils. Les coups devaient être donnés avec un bâton, sur le corps et non sur la plante des pieds, comme c'était et c'est encore la coutume en Orient, et ils ne pouvaient dépasser le nombre de quarante; le juge devait être présent. Les fouets ou écourgées (hak'rabbim) de 1 Rois 12:11,14; 2 Chroniques 10:11,14. étaient garnis de pointes ou de nœuds; les Latins les appelaient scorpions, à cause du mal qu'ils faisaient; mais la loi juive ne les reconnaissait pas, et la justice ne pouvait en ordonner l'application. Plus tard l'usage prévalut de se servir de lanières de cuir tressées, dont le valet de justice frappait le condamné; le corps de celui-ci était penché en avant, et recevait, dans les cas les plus graves, le maximum de trente-neuf coups, c'est-à-dire, un de moins que quarante, afin qu'il fût bien constant que le chiffre déterminé par la loi n'avait pas été dépassé, 2 Corinthiens 11:24; cf. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 4, 8, 21. Les cas dans lesquels cette peine était appliquée étaient ordinairement ceux pour lesquels, selon la rigueur de la loi, il y aurait eu condamnation à mort; c'était donc ainsi une commutation. Il résulte de Matthieu 10:17; 23:34, que la flagellation était quelquefois appliquée dans les synagogues,

      Voir:Sanhédrin, et de Actes 5:40,

      que le grand sanhédrin était compétent pour ordonner cette peine dans certains cas.

      Notre Sauveur, avant sa crucifixion, et les apôtres à Philippes, furent fouettés à la romaine, avec des lanières de cuir, Jean 19:1; Matthieu 27:26; Actes 16:22. Saint Paul protesta contre cette discipline et sut, dans une autre circonstance, s'y soustraire en revendiquant ses droits de citoyen romain, parce qu'en cette qualité, il ne pouvait être frappé qu'avec des verges, Actes 16:37; 22:25; cf. Cicér. Verr. 6, 56.
       

    2. Les blessures faites à un Israélite libre étaient punies par la loi du talion, q.v. Exode 21:23; sq. Lévitique 24:19; sq..
       

    3. Enfin, notons ici encore deux peines étrangères, la mutilation du nez ou des oreilles, d'une main ou des deux, mutilations reconnues en Égypte par les lois, et appliquées surtout aux organes ou aux membres qui avaient servi à commettre le délit; les Hébreux acceptèrent assez tard cette barbare innovation, mais n'en ménagèrent pas beaucoup l'usage, Jos. Vita, 34; 35. La privation de la vue était chez les Perses la peine spéciale réservée aux princes et à tous les prétendants dont le gouvernement voulait se débarrasser; on leur faisait passer devant les yeux, aussi près que possible de la prunelle, un stylet d'acier ou une plaque de cuivre rougie au feu: la cécité produite de cette manière n'est pas complète, mais elle suffit pour paralyser la vie d'un homme; il peut encore distinguer entre la lumière elles ténèbres, mais c'est tout. Jérémie 52:11; 39:7; 2 Rois 25:7. Cette coutume existe encore de nos jours à la cour de Perse,

      Voir: Chardin, Voyages t. 5, p. 243, cf. Hérodote 7, 18.
       

  2. Peine capitale.

    — Les Hébreux ne connaissaient légalement et officiellement que deux modes d'exécution, la mort par l'épée, et la lapidation: nous avons parlé de ce dernier mode en son lieu. Quant au premier, on aurait tort de l'entendre de la décapitation; on passait les condamnés au fil de l'épée, ou on les taillait en pièces: plus tard cependant, et notamment dans la période romaine, les rois des Juifs ordonnèrent la décapitation, Matthieu 14:10, et probablement aussi Actes 12:2. Si l'on croit trouver le même supplice dans le passage 2 Rois 10:6, il faut remarquer que le cas était extraordinaire et qu'un usurpateur est en général disposé à innover, surtout en matière de peines, de sorte qu'on ne saurait tirer de là aucune conclusion sur la législation des Hébreux; mais il paraît même par la lecture du récit que la décollation n'eut lieu qu'après la mort de ceux qui furent exécutés. D'après quelques interprètes le grand panetier de Pharaon aurait eu la tête tranchée, Genèse 40:19, mais il paraît plutôt d'après les fermes employés qu'il fut pendu vivant au gibet. On ne saurait douter du reste que la décapitation ne fût connue des Égyptiens, comme elle l'était des anciens Perses (Xenoph. Anab. 2, 6; 1; 16).

    — Les flèches n'étaient substituées aux pierres que lorsque ceux qui devaient être lapidés se trouvaient hors de portée, et sur un terrain qu'il n'était pas permis de toucher, Exode 19:13.

    — On pouvait encore aggraver la peine en ordonnant que les cadavres fussent brûlés ou pendus: le premier cas est mentionné Lévitique 20:14; 21:9; Genèse 38:24; Josué 7:15,25; c'est de ce dernier passage qu'on conclut que ce supplice n'était pas appliqué aux personnes vivantes; d'après la Mishna au contraire (Sanh. 7, 2) on aurait serré le cou du coupable avec un linge, de manière à lui faire tenir la bouche ouverte, dans laquelle on aurait versé du plomb fondu! C'est peu probable, et nous n'en voyons de traces nulle part. Le second cas, celui de cadavres pendus à un arbre ou à un gibet, est mentionné Deutéronome 21:22; Nombres 25:4; cf. Josué 10:26; 2 Samuel 4:12; 1 Samuel 31:8,10; c'était la plus grave injure qu'on pût taire à la mémoire du supplicié; celui qui était pendu était considéré comme maudit, Deutéronome 21:23; cf. Galates 3:13. Son corps ne pouvait rester exposé la nuit, de peur que venant à se décomposer, il n'empestât l'air et ne nuisit aux vivants, Deutéronome ibid, cf. Josué 8:29; 10:26; une exception à cette règle est mentionnée comme un acte d'une dureté particulière, 2 Samuel 21:6,9.

    — Quelquefois aussi, comme outrage fait aux corps, on se bornait à les couvrir d'un grand monceau de pierre au lieu de les enterrer, Josué 7:26; 8:29; 2 Samuel 18:17, coutume que l'on retrouve encore dans l'Orient moderne. La peine mentionnée Exode 31:14; Lévitique 17:4; 20:17, «être retranché du milieu de ses peuples», et qui s'employait ordinairement pour des péchés contre la loi religieuse, est simplement une désignation générale de la peine de mort, sans spécification d'un supplice particulier, mais il est évident qu'il s'agit là en effet de la mort et non d'un exil ou d'une excommunication.

    — Il faut observer aussi que les exécutions se faisaient très expéditivement, Josué 7:24; 1 Samuel 22:16, parle peuple dans les premiers temps, puis sous les rois par leurs gardes du corps.

    L'Écriture mentionne encore comme empruntés à des nations étrangères, et non reconnus par la loi, les modes suivants d'exécution:
     

    1. La mort par la scie, q.v., 2 Samuel 12:31.
       

    2. La dichotomie ou mise en pièces, 1 Samuel 15:33. Elle était habituelle chez les Babyloniens, Daniel 2:5; 3:29, de même qu'en Égypte, en Perse, et plus ou moins peut-être chez les Romains, cf. Hérodote 2, 139; 3, 13; 7, 39. Horace, Sat. 1; 1, 99 sq. Matthieu 24:51; Luc 12:46; Coran 20:74; 26:49.
       

    3. On précipitait le condamné du haut d'un rocher, 2 Chroniques 25:12; cf. Psaumes 141:6; Luc 4:29, etc.: on connaît la roche Tarpéienne des Romains, et les Athéniens avaient quelque chose de semblable,
       

    4. D'autres ont été étendus dans le tourment, dit saint Paul, Hébreux 11:35. L'original porte proprement «ont été tympanisés», mais on ne sait pas au juste de quel supplice il s'agit: le tympan; 2 Maccabées 6:19,28, était-il le bois avec lequel on les frappait jusqu'à la mort, ou le billot auquel on les assujettissait pour les écarteler, ou une espèce de roue sur laquelle on les étendait comme on étend la peau sur le cadre d'un tambour? c'est ce que l'on ne saurait décider, et les diverses conjectures de la Vulgate, d'Hésychius et d'autres, ne jettent pas de lumières sur ce sujet.

Nous voyons enfin rappelés dans l'Écriture quelques supplices exercés par les nations païennes, et que les Israélites n'ont jamais connus.

  1. Des hommes jetés vivants dans une fournaise, Daniel 3; peut-être aussi 2 Samuel 12:31, coutume qui, d'après Chardin et Rosenmuller, existe encore en Perse de nos jours: quelquefois les condamnés étaient brûlés à petit feu, Jérémie 29:22; 2 Maccabées 7:5.
     

  2. La fosse aux lions, Daniel 6.
     

  3. On étouffait les victimes au moyen de cendres brûlantes, 2 Maccabées 13:5.
     

  4. On broyait les enfants contre des rochers, et l'on éventrait des femmes enceintes, surtout au sac d'une ville, 2 Rois 8:12; 15:16; Ésaïe 13:16,18; Osée 10:14; 13:16; Nahum 3:10; cf. Psaumes 137:9; Amos 1:13.
     

  5. La crucifixion,

    Voir: Croix.
     

  6. Enfin les combats contre les bêtes féroces, et la meule d'âne pendue au cou de ceux que l'on précipitait dans la mer, 1 Corinthiens 15:32; Matthieu 18:6, sont deux supplices qui ne sont mentionnés qu'en passant: les noyades étaient cependant connues déjà fort anciennement en Égypte, Exode 1:22, et les Romains avaient dans l'origine réservé ce genre de mort aux parricides; plus tard, sous les empereurs, on en généralisa l'emploi davantage, en l'appliquant à tous ceux qui, par leurs crimes, avaient mérité une peine sévère, une mort cruelle; on leur pendait alors au col une pierre ou tel autre objet pesant qui assurât leur destruction et empêchât leur corps de revenir flotter à la surface de l'eau, cf. Jérémie 51:63. Quant aux combats contre des bêtes féroces,

    Voir: l'article Jeux.

    Nous n'avons pas à examiner ici la question dogmatique de la peine que Dieu a prononcée contre le pécheur, ni la question plus difficile encore des peines éternelles. Bien des doutes ont été soulevés, bien des solutions ont été proposées: la raison, le sentiment ont tour à tour élevé la voix pour adoucir ou changer la révélation: des efforts consciencieux ont été faits pour conserver le respect dû à l'Écriture, tout en rejetant le sens ordinaire et littéral de quelques passages souvent invoqués, tels que Daniel 12:2; Matthieu 18:8; 25:41,46; Apocalypse 20:10; 2 Thessaloniciens 1:9, etc.; mais dans l'examen de cette question, sans doute bien sérieuse, mais qui n'est que secondaire pour le chrétien qu'elle ne concerne pas directement, on a souvent oublié qu'il est des vérités que nous ne pouvons ni ne devons approfondir, notamment toutes celles qui sont relatives à ce qui est éternel ou infini. Adorons un Dieu de justice et d'amour, et attendons que nous puissions connaître parfaitement, comme nous avons été connus; bien des choses alors surprendront nos intelligences bornées, et Dieu sera pour nous sans voile.


PÉKACH,


fils de Rémalia; il était capitaine aux gardes de Pékachia, et devint par le meurtre de son maître le dix-huitième et avant-dernier roi d'Israël. Vingt années de règne n'ont pu donner à cet usurpateur une gloire ou une réputation quelconque, et son caractère, par le fait même qu'il est peu connu, ne paraît pas avoir mérité de l'être. On peut le caractériser un ambitieux d'un génie médiocre, un homme de guerre dont les vues ne vont pas plus loin que le poignard qui le mène au trône. Sa vie dont les fragments sont épars en trois livres différents, 2 Rois 15 et 16, 2 Chroniques 28; Ésaïe 7:1; 8:1-9,6, cf. 17:1-11, ne présente pas un tout bien lié. Idolâtre comme ses prédécesseurs, il fit alliance avec Retsin roi de Syrie, contre Achaz roi de Juda, obtint d'abord de grands succès, fit un grand nombre de prisonniers qui ne durent leur liberté qu'à l'intervention d'Hoded et d'Hazaria, mais dut renoncer au siège de Jérusalem qu'il avait entrepris, pour retourner dans ses états menacés par Tiglath-Piléser, qui ne tarda pas à lui enlever les provinces situées à l'est du Jourdain et au nord de la Palestine. Il mourut bientôt, assassiné par Hosée, après avoir régné de 758-738 avant J.-C.


PÉKACHIA,


fils et successeur de Ménahem, fut le dix-septième roi d'Israël; il monta sur le trône 761 ans avant J.-C. et fut assassiné par Pékach après deux ans d'un règne obscur et idolâtre, 2 Rois 15:22.


PÉLATJA,


fils de Bénaja, un des principaux du peuple sous Sédécias, et complice de l'idolâtre incrédulité de Jaazanja, Ézéchiel 11:1,13, peut-être en partie adorateur du soleil, cf. 8:16. Pendant qu'Ézéchiel annonçait à la faction contraire à Jérémie, dont cet homme était l'un des conducteurs, les vengeances de l'Éternel, Pélatja tomba mort subitement; cette mort était déjà un échec pour son parti, elle le devenait davantage encore en ce qu'elle représentait le commencement des jugements de Dieu, et comme le nom de Pélatja signifie le secours de l'Éternel, chacun put dire «le secours de l'Éternel a pris fin», il n'y a plus de délivrance à attendre dans les maux dont nous sommes accablés.

— Les ennemis de Jérémie se moquaient de l'image d'une chaudière employée par Jérémie, 1:13; cf. Ézéchiel 11:3, Ézéchiel la reprend pour son compte et la développe de nouveau, 11:7; 24:3, comme pour sanctionner par son témoignage les paroles d'un prophète persécuté et méprisé.


PÉLEG,


Genèse 10:25; 11:16; 1 Chroniques 1:19,25, appelé Phaleg Luc 3:35. Descendant de Sem, fils d'Héber, et frère de Joktan. Son nom, qui signifie partage, lui fut donné par son père, parce qu'en son temps la terre fut partagée*. Il mourut âgé de deux cent trente-neuf ans. Le nom de Péleg se rapporte sans aucun doute à la confusion des langues qui divisa les hommes, et les partagea non plus en familles seulement, mais en nations;

 

* (Selon Alexandre Hislop (Les Deux Babylones), le nom de Péleg porte un sens de violence extrême, celui fragmenter un récipient avec un marteau. En d'autres mots, la Terre, qui était d'un seul Continent à cet époque, fut fragmentée violemment pour former les cinq continents que nous connaissons de nos jours.)

Voir: Babel.


PÉLÉTHIENS,


2 Samuel 8:18; 20:23; 1 Rois 1:38; 1 Chroniques 18:17, soldats célèbres sous le règne de David, de même que les Kéréthiens: comme ces derniers rappelaient par leur nom les Crétois ou Caphthorim, q.v., de même les Péléthiens rappelaient les Philistins, et il y avait entre ces divers peuples ou peuplades d'intimes liens de parenté. Les Péléthiens étaient originairement de la ville de Gath. Suivant différentes étymologies possibles de leur nom, quelques auteurs ont voulu voir en eux, soit les membres du grand sanhédrin, soit des destructeurs, des hommes qui brisent, soit des hommes miraculeux par leur force et leur courage,

Voir: Rois.


PÉLICAN.


C'est ainsi que doit être traduit l'hébreu kaath, ainsi qu'on l'a vu à l'article Cormoran. Quant au mot racham, rendu par pélican, il désigne plutôt le vautour percnoptère qui porte encore le même nom chez les naturalistes arabes, et que l'on trouve en Arabie, en Syrie, et surtout en Égypte; sa taille varie entre celle d'une grosse corneille et celle d'un fort aigle commun. D'une vilaine figure et mal proportionné, cet oiseau est lourd, paresseux, lâche, se laissant battre par les corbeaux, toujours criant, lamentant, dit Buffon, toujours affamé, et cherchant les cadavres; il est en outre dégoûtant par l'écoulement continuel d'une humeur qui sort de ses narines. On comprend que Moïse l'ait rangé au nombre des oiseaux impurs, Lévitique 11:18. Deutéronome 14:17; Hasselquist dit de son aspect qu'il est horridus quantum quis videre potest.


PELUSIUM,


Voir: Sin.


PÉNIEL,


Voir: Jabbok.


PÉNINNA,


1 Samuel 1, l'une des épouses d'Elkana, mère de plusieurs enfants, et jalouse, malgré ce bonheur, des soins et de l'affection que son mari témoignait à Anne sa stérile rivale. Aigre, dure et méchante, cette femme devait être pour Elkana une épine continuelle, comme elle était pour Anne une tracassière persécutrice; elle était dans son temps une condamnation vivante de la polygamie.


PENTATEUQUE.


Les cinq livres de Moïse forment un ouvrage unique, que nous nommons le Pentateuque (d'après le nom que les Grecs lui donnèrent: Πεντατεύχος SC. Βίβλος). Les Juifs le nommaient ordinairement le livre de la loi (sépher hatthorah), parce que la loi mosaïque en forme pour ainsi dire le centre. Les Juifs de Palestine désignaient chacun des cinq livres qui le composent par le mot qui les commence; ainsi Beréschith (la Genèse, littéralement: au commencement), etc.; mais ceux d'Alexandrie leur donnèrent des noms en rapport avec leur contenu, Γένεσις ou Genèse (origine de toutes choses), Εξοδος; ou Exode (sortie d'Égypte), Λευίτικος (lois du culte lévitique), Αρίθμοι ou Nombres (parce que ce livre commence par un dénombrement), et Δευτερονδμιον (répétition de la loi); ce sont ces derniers noms qui ont passé dans notre langue.

Pour nous convaincre que ces cinq livres forment un tout bien lié, un ouvrage sorti de la plume d'un même auteur, et composé d'après un plan régulier, et non pas, comme on l'a prétendu, un recueil de fragments, il suffit de jeter un coup d'oeil sommaire sur son contenu. On peut y distinguer un certain nombre de sections principales.

Section I.

— Relation primitive de l'homme avec Dieu; rupture de cette relation par le premier péché; développement et châtiment du péché; premières promesses d'un Rédempteur (Genèse 1-11,).

Section II.

— Préparation du salut annoncé dans la 1re section, par le choix d'un peuple qui doit être le dépositaire de la révélation, et donner naissance au Rédempteur. Cette section laisse pressentir une suite, car, à la fin, nous trouvons le peuple d'Israël en Égypte, hors du pays qui lui a été assigné par la promesse (Genèse 12-50,).

Section III.

— Dans cette section nous voyons le commencement de l'accomplissement de la promesse relative au pays de Canaan. L'auteur, après avoir montré comment Moïse, qui devait être l'instrument de la délivrance, fut préparé pour cette mission, raconte les miracles qui précédèrent et déterminèrent la sortie d'Égypte, l'institution d'un mémorial de ce bienfait (la pâque), et enfin le voyage jusqu'au mont Sinaï, où le peuple, maintenant préparé par l'épreuve et la reconnaissance, doit recevoir la loi qui fixe ses rapports avec son Dieu (Exode 1-18,)

Section IV.

— Cette section, qui a pour sujet la législation, forme proprement le noyau du Pentateuque. Elle embrasse à peu près les événements d'une année. L'auteur, après avoir donné la loi fondamentale (Exode 19-24:11), raconte comment Moïse reçut sur la montagne des directions très détaillées sur la construction de l'édifice qui devait être le centre du culte, et l'habitation visible du Dieu avec lequel Israël venait de contracter alliance (Exode 24:12-31,). Ensuite le récit de la révolte du peuple, qui vint retarder l'exécution de cet ordre (Exode 32-34,), devait naturellement précéder le morceau qui traite de la construction du tabernacle (Exode 35, jusqu'à la tin du livre).

— Après la construction du tabernacle, c'était le lieu de placer les ordonnances relatives au culte qui devait s'y célébrer, et c'est ce qui forme le sujet du Léoitique, dans lequel, avec un peu d'attention, il ne sera pas non plus difficile de reconnaître un ordre bien suivi. Après les lois sur les sacrifices, signes et gages de la grâce divine (1-7,), on devait attendre celles sur les personnes sacrées chargées de les offrir (8,). La consécration solennelle du tabernacle accompagnée d'une manifestation sensible de la divinité, racontée au chapitre 9, justifie en quelque sorte le sévère châtiment infligé aux deux fils d'Aaron qui manquèrent au respect dû à l'Éternel (10,). Viennent ensuite les lois sur la pureté, d'après lesquelles devait se régler l'admission dans l'édifice sacré (11-15,); et à ce morceau se rattachent très directement le chapitre 16, contenant la description de la grande fête annuelle, par laquelle devaient être expiées toutes les souillures du peuple, et le chapitre 17, qui attribue au tabernacle le privilège exclusif de servir au culte, et défend l'usage alimentaire du sang, à cause de son emploi dans les expiations. Suit une énumération des péchés dont la souillure rendrait les Israélites indignes de porter le nom de peuple saint à l'Éternel, et de posséder au milieu d'eux la demeure du Très-Haut (18-20,); dans les deux chapitres suivants, les lois sur la pureté, tant morale qu'extérieure, sont appliquées particulièrement aux personnes chargées du culte (21:22,). Le chapitre 23 contient le catalogue des fêtes solennelles, qui toutes devaient se célébrer auprès du tabernacle. Le chapitre 24, après quelques détails sur les objets sacrés qui devaient se trouver dans le tabernacle, raconte un fait qui se passa dans ce temps-là, la punition d'un blasphémateur; enfin, les trois derniers chapitres renferment les lois sur le jubilé, l'année sabbatique, etc., qui devaient rappeler aux Israélites les droits de Dieu sur le pays de Canaan dans lequel ils allaient entrer.

— Après avoir parlé du tabernacle et du culte qui s'y rattachait, Moïse était conduit à indiquer sa place dans le camp et la manière de le transporter pendant le voyage (Nombres 1-4,); il raconte comment, en conséquence des lois sur la pureté mentionnées dans le Lévitique, un certain nombre de personnes furent en effet exclues du camp (5:1-4,); il énumère diverses ordonnances qui furent données occasionnellement à cette époque (5:5-31, 6,); puis, comme les dons faits par les douze chefs de tribus pour le service du tabernacle, furent alors seulement remis aux lévites pour cet usage, ils sont inscrits et énumérés (7,); la consécration solennelle des lévites et leur entrée en charge trouve naturellement ici sa place (8,). Le chapitre 9 contient quelques détails sur la célébration de la pâque et sur la nuée merveilleuse, et quelques prescriptions amenées par les circonstances; enfin, comme les Israélites allaient se remettre en route, les dix premiers versets du chapitre 10 devaient parler des trompettes sacrées. (Cette section va ainsi de exode 19, à Nombres 10:10)

Section V.

— Les événements qui s'écoulèrent depuis le départ de Sinaï jusqu'au commencement de la quarantième année du voyage, sont assez brièvement racontés; le plus saillant est la révolte du peuple, lors du retour des espions, pour laquelle, après être arrivé à la frontière du pays de Canaan, il fut condamné à errer encore trente-huit ans dans le désert, et tous les Israélites âgés de plus de vingt ans exclus du pays promis. (Nombres 10:11-19,).

Section VI.

— Le récit du voyage de la nouvelle génération, depuis Kadès-Barné jusqu'aux plaines de Moab, occupe le reste du livre. Les deux premiers chapitres nous montrent que la nouvelle génération, était non moins que celle qui avait été condamnée à périr peu à peu dans le désert, l'objet des manifestations de la justice aussi bien que de la grâce de Dieu; eaux miraculeuses, victoires sur les ennemis, serpent d'airain, etc. (20 et 21,); l'histoire de Balaam est racontée avec beaucoup de détails pour montrer comment toutes choses doivent concourir au bien des enfants de Dieu (22-24,), mais immédiatement après, Moïse doit raconter comment Dieu châtie aussi d'une manière terrible les péchés de son peuple (25,). Un dénombrement de la nouvelle génération qui allait entrer en possession du pays de Canaan, devait naturellement avoir lieu, et se trouve ici à sa place (26,). Il fallait raconter encore comment, dans la prévision de la prochaine mort de Moïse, Josué fut désigné et consacré comme son successeur (27,). Les trois chapitres qui suivent (28-30,), sont consacrés à l'exposé général de tout ce qui concernait les sacrifices et les vœux, parce que le moment approchait où, étant entrés en possession de la terre promise, les Israélites pourraient s'acquitter de ces obligations, là beaucoup plus complètement qu'ils n'avaient pu le faire dans le désert. Le chapitre 31 rapporte comment le châtiment que les Madianites méritaient à cause de leurs tentatives de séduction, fut exécuté; le chapitre 32, comment le pays déjà conquis en deçà du Jourdain, fut partagé entre les tribus de Gad, Ruben, et la moitié de Manassé. Le livre des Nombres se termine par une énumération sommaire des principales stations du voyage, et quelques ordres relatifs aux frontières et au partage du pays de Canaan dans lequel on allait entrer (33-36,).

Section VII.

— L'ouvrage de Moïse aurait été évidemment incomplet, s'il ne nous avait pas conservé le souvenir des derniers efforts qu'il fit pour le bien spirituel des Israélites, dans ce moment solennel où ils allaient, après leur long pèlerinage, voir se réaliser enfin les promesses faites à leurs pères. C'est aussi là le but et l'objet du Deutéronome.

Les quatre premiers chapitres sont une sorte d'introduction, et renferment un discours dans lequel Moïse récapitule l'histoire des quarante dernières années, en déduisant des enseignements et des applications pour la conduite future du peuple. Nous voyons ensuite, c'est là le noyau du livre, comment Moïse rappelle les lois déjà données précédemment au pied du Sinaï, insistant sur leur observation, avec de nouveaux motifs empruntés à l'histoire et aux circonstances, les appliquant toutes directement au séjour en Canaan, quelquefois les développant, et ajoutant de nouvelles directions, ainsi celles des chapitres 13 et 18 sur la prophétie qui devait continuer l'œuvre de la révélation, et celles du chapitre 17 sur le gouvernement monarchique dont il fallait prévoir la possibilité (5-27,). Les trois chapitres suivants contiennent les dernières et touchantes exhortations du législateur, dans lesquelles, pénétré de l'esprit prophétique, il découvre au peuple, d'un côté les bénédictions, de l'autre les terribles jugements qui lui sont réservés dans l'avenir (28-30,). On sent que la fin de Moïse approche toujours plus; au chapitre 31, il nous raconte comment il transmit solennellement son office à son successeur Josué, et remit le livre de la loi entre les mains des prêtres. Le chapitre 32 nous conserve le magnifique cantique dans lequel il prophétise la chute et le rétablissement final de son peuple, et dans le chapitre 33, nous lisons les bénédictions qu'il prononça sur les douze tribus.

Section VIII.

— Le chapitre 34 est un appendice écrit par une main étrangère, probablement par Josué, et complète les longs mémoires de la vie de Moïse, par le récit succinct de sa mort.

Les adversaires de la révélation, reconnaissant bien que le Pentateuque était la pierre angulaire de la Bible, ont mis tout en œuvre pour l'ébranler. Hobbes et Spinosa avaient déjà dirigé contre lui quelques attaques partielles; ces attaques devinrent toujours plus hardies vers la fin du siècle dernier. On trouva que le moyen le plus simple était d'en contester l'authenticité; c'est ce que firent Bauer, Paulus, Berchtold, encore avec une certaine modération, et en laissant subsister, comme authentiques, quelques fragments assez considérables, jusqu'à ce qu'enfin De Wette et de Bohlen prirent le parti de tout contester à Moïse, et d'attribuer la composition du Pentateuque à un auteur d'une époque beaucoup postérieure. L'authenticité du Pentateuque a été, en revanche, défendue par Jahn, Rancke, et surtout d'une manière victorieuse par le docteur Hengstenberg (Beytræge zur Einleitung in das. A. T.), et par Hævernick (Einleit, in das. A. T.). Vu la grande importance de cette controverse, qui n'est, pour ainsi dire, pas connue en France, nous donnons le résumé des principaux arguments pour et contre.

L'authenticité s'établit par les raisons suivantes:

  1. Moïse se donne lui-même clairement comme l'auteur de ces livres. Cela est évident d'abord quant à certaines parties de l'ouvrage, Exode 34:27; Nombres 33:2; Deutéronome 31:22; mais il y a, comme nous l'avons montré, une liaison si étroite, si intime, entre toutes ses parties, que de ces passages on peut conclure plus loin. Le passage, Exode 17:14, où il est question du livre, est, aussi à remarquer.
     

  2. Le contenu du Pentateuque ne peut s'expliquer qu'en admettant que Moïse en est l'auteur. En effet, l'auteur montre une si exacte connaissance de l'Égypte, de son sol, de ses mœurs, qu'il faut supposer qu'il y a fait un séjour plus ou moins long, comme c'était le cas pour Moïse. La vérité du Pentateuque, sous ce rapport, a été mise dans tout son jour par les découvertes de Champollion.

    — On voit que l'auteur connaissait à fond l'histoire des douze tribus Israélites, et qui était mieux placé pour cela que Moïse?

    — Il y a tellement d'allusions au voyage dans le désert, tout est tellement basé sur les circonstances de ce temps-là, qu'il est impossible d'attribuer la composition de ce livre à une époque postérieure.
     

  3. Le Pentateuque est attribué à Moïse par tous les autres livres de l'Ancien Testament. Ici, nous pouvons alléguer d'abord un grand nombre de passages directs, ainsi Josué 1:7; 8:31; 23:6; 2 Rois 14:6; 2 Chroniques 23:18, etc. Quant aux citations d'Esdras et Néhémie, nous pouvons nous dispenser de les énumérer, parce que les adversaires nous accordent que le Pentateuque existait de leur temps. Mais il sera facile de remarquer que tout, dans les livres postérieurs, lois, usages, jugements moraux, etc., est basé sur le Pentateuque; sans le Pentateuque, toute l'histoire d'Israël est inexplicable.
     

  4. Notre Seigneur et les Apôtres attribuent le Pentateuque à Moïse d'une manière si claire, que l'on ne peut plus attaquer l'authenticité de ce livre, sans porter atteinte à leur autorité et à leur infaillibilité. Voyez, par exemple, Matthieu 19:8; Jean 3:45-46, etc. Contre l'authenticité, l'on allègue:
     

    1. Que du temps de Moïse les Hébreux ne connaissaient pas l'écriture. Mais ne pouvaient-ils pas l'avoir empruntée, comme d'autres connaissances, aux Égyptiens ou à quelque peuplade sémitique? Des passages prouvent que cet art (— Voir: Écriture) était non seulement connu du temps de Moïse, mais qu'il avait passé dans la vie ordinaire, Deutéronome 6:9; 11:20; le passage Deutéronome 24:1, où il est question des lettres de divorce, l'existence d'une classe d'employés appelés sopherim, espèce de scribes, etc.
       

    2. Un trouve que la langue du Pentateuque a trop de rapports avec celle des livres postérieurs. Mais observons que cette immutabilité de la langue s'explique d'abord par la structure des langues sémitiques, si différente de celles de l'Occident; puis, par cette circonstance que les Hébreux restèrent, beaucoup plus que d'autres peuples, à l'abri des influences étrangères. D'ailleurs, l'assertion même n'a pas toute la force qu'on lui suppose, témoin le nombre assez grand d'archaïsmes que l'on peut observer; ainsi le mot kèseb (pour agneau), ainsi l'expression: «être recueilli vers ses pères», et beaucoup d'autres encore, de même que certaines formes de langage, ne se trouvent que dans le Pentateuque (— Voir: la Grammaire d'Ewald).
       

    3. On a prétendu trouver, dans beaucoup de passages, des traces d'une époque postérieure; mais quand on y regarde de près, cet argument s'écroule aussi. Nous en citerons quelques exemples: on a dit qu'en nommant la ville de Dan, Genèse 14:14, l'auteur postérieur se trahit, puisque cet endroit ne reçut le nom de Dan que lors de la circonstance mentionnée Juges 18:29; maison n'a pas fait attention qu'il existait une seconde ville de Dan à peu près dans la même contrée, comme on peut le conclure de 2 Samuel 24:6, où l'une des deux villes est appelée Dan-Jahan, pour la distinguer de l'autre.

      — On s'est étonné de trouver, Exode 23:19, l'expression: «maison de l'Éternel», qui semble faire allusion au temple de Jérusalem; mais ne peut-elle pas s'appliquer tout aussi bien au tabernacle qui allait se construire?

      — On a encore allégué que le chapitre 17 du Deutéronome ne peut pas avoir existé du temps du prophète Samuel, puisqu'il déclare la royauté inconciliable avec la théocratie; mais il faut remarquer que la polémique de Samuel ne se dirige point contre le gouvernement monarchique en général, mais contre son introduction dans les circonstances d'alors, et les dispositions qui le faisaient désirer, etc.
       

    4. On a dit encore que l'état moral du peuple, tel qu'il nous est représenté dans les livres postérieurs, ne peut se concilier avec la supposition que le Pentateuque fût connu. Mais la loi s'accorde-t-elle donc tant avec les inclinations de l'homme naturel, que l'on ne puisse pas comprendre que, tout en étant connue, elle n'était pas mise en pratique? Avec cet argument-là ne pourrait-on pas renverser aussi l'authenticité du Nouveau Testament, et prouver que la chrétienté contemporaine n'en a pas eu connaissance?
       

    5. Enfin, on a fait grand bruit de cet exemplaire du livre de la loi trouvé dans le temple sous le roi Josias, 2 Chroniques 34:14, et l'on en a conclu que ce livre pouvait bien avoir été fabriqué par les prêtres. Mais que le Pentateuque (car c'est de ce livre tout entier qu'il s'agit dans ce passage) existât du temps de Josias et avant, c'est ce que prouvent les nombreuses allusions des prophètes, et en particulier de Jérémie. Il est naturel de supposer que c'était l'exemplaire sacré, écrit de la main même de Moïse, qui avait été égaré sous des rois impies, et l'on comprend que sa découverte, surtout dans les circonstances où se trouvait le royaume, ait dû faire une profonde impression.
       

    Sous le rapport littéraire, nous nous bornerons à citer ici les paroles d'un écrivain qui, sans négliger peut-être le fond, s'attache davantage à la forme, et dont le témoignage, en pareille matière, est intéressant, quoiqu'il ne soit pas neuf: «Il n'est pas nécessaire, dit-il dans sa Bibliothèque sacrée, d'insister sur l'excellence du Pentateuque, à le considérer seulement sous le rapport littéraire. On sait que tous les peuples se sont accordés à y chercher les modèles du sublime, et que l'histoire de Joseph, qui termine la Genèse, est un chef-d'œuvre de naïveté, d'éloquence et de sentiment, auquel rien ne peut être comparé dans l'ancienne littérature.» (Nodier).

    M. Grandpierre, dans ses Essais sur le Pentateuque (que leur titre ne caractérise pas d'une manière très exacte), a examiné la plupart des questions qui, dans les livres de Moïse, soulèvent des difficultés morales, historiques ou naturelles. Son travail, sur les points qu'il traite, est bon à consulter comme commentaire; c'est même à peu près le seul ouvrage que nous possédions dans ce genre.


PENTECÔTE.


C'était la seconde des rois grandes fêtes solennelles que les Juifs célébraient à Jérusalem. Son nom vient du grec, et signifie cinquantième: Elle fut dans l'origine instituée en mémoire de la promulgation de la loi sur le mont Sinaï, qui eut lieu cinquante jours après la sortie d'Égypte. Elle portait aussi les noms de fête de la moisson, Exode 23:16; fête des semaines ou des sept semaines, Exode 34:22; Deutéronome 16:16; fête des prémices ou des premiers fruits, Nombres 28:26, parce que, célébrée cinquante jours après le commencement de la moisson, ou sept semaines après le lendemain du sabbat de Pâque, elle était un service public d'actions de grâces pour la moisson heureusement terminée, Lévitique 23:15; Exode 23:16. Outre les sacrifices et les oblations ordinaires, les Israélites devaient présenter en ce jour un gâteau nouveau, deux pains levés, et un bouc pour le péché, Lévitique 23, Nombres 28, Deutéronome 16:10. De joyeux repas égayaient cette fête du bonheur que les Juifs fréquentèrent toujours avec empressement, même après que les jours de l'exil eurent détruit plusieurs de leurs habitudes religieuses, Actes 2:5; 20:16. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 14, 13; 4, et ailleurs. Un nouveau cinquantième jour, une nouvelle Pentecôte eut lieu après que les disciples du Sauveur eurent célébré avec la dernière Pâque juive la première Pâque chrétienne; cette Pentecôte a fait oublier l'ancienne, comme le Saint-Esprit a remplacé la loi dans le cœur de ceux qui sont devenus de nouvelles créatures.

— Quelques remarques de détail achèveront de déterminer le caractère de la Pentecôte juive, ainsi que ses rapports avec celle des chrétiens.

  1. D'après Lévitique 23:15-16; cf. verset 11, les sept semaines étaient comptées du jour qui suivait le sabbat de Pâque, c'est-à-dire du 16 nisan, de sorte que la fête était célébrée un lendemain de sabbat, cinquante jours après la Pâque; c'est ainsi que les rabbanites l'entendent; les caraïtes comptent au contraire les sept semaines à dater du jour de Pâque, et célèbrent ainsi la Pentecôte le jour du sabbat: il est bien probable en effet que l'oblation des premiers pains devait correspondre à celle des premiers épis, qui avait lieu le jour du sabbat; les sept semaines intermédiaires étaient consacrées à la moisson, Deutéronome 16:9. La loi n'avait déterminé qu'un seul jour pour la fête, mais les Juifs depuis l'exil, et de nos jours encore, célèbrent le lendemain, et donnent deux jours à la Pentecôte.
     

  2. Les pains offerts à l'Éternel étaient faits avec du levain, comme les pains dont on se servait dans l'usage journalier; ils étaient présentés au nom de tout le peuple avec un dixième d'épha de fine farine, Lévitique 23:17: le Talmud ajoute que les pains avaient sept pouces de long et quatre large. Les prêtres devaient les manger de en un seul jour sans en réserver rien pour le lendemain. Ces différentes offrandes étaient toutes tournoyées devant l'autel, Lévitique 23:17.
     

  3. D'après Lévitique 23:18, les offrandes consistaient en sept agneaux d'un an, un veau, deux béliers, avec les aspersions nécessaires, plus un jeune bouc pour le péché, et deux agneaux en sacrifice de prospérité: d'après Nombres 28:27, l'holocauste se composait de deux veaux, un bélier, sept agneaux d'un an, et un jeune bouc de propitiation. Plusieurs auteurs n'ont pas remarqué cette différence; d'autres, et notamment les Juifs, l'expliquent d'une manière assez satisfaisante, en regardant les offrandes du Lévitique comme celles qui devaient accompagner les pains, et celles des Nombres comme addition ou supplément, de sorte qu'il faudrait additionner le nombre des victimes mentionnées; c'est ce que fait aussi Flavius Josèphe (Antiquités Judaïques 3, 10, 6) qui compte quatorze brebis, trois veaux et deux boucs; ce dernier chiffre est probablement mis par erreur au lieu de trois.
     

  4. D'après Flavius Josèphe, le nom de la Pentecôte était de son temps Asartha, ou Hatsartha, fête du rassemblement, fête en quelque sorte par excellence; et ce même nom se retrouve dans le Talmud.
     

  5. La Pentecôte juive n'est pas directement rattachée dans son origine à la promulgation de la loi, mais il est aisé de voir, comme le veut la tradition, qu'elle eut lieu en effet cinquante jours environ après la sortie d'Égypte. Les Israélites furent affranchis le quinzième jour du premier mois ou nisan, Exode 12:6, sq., et ce fut dans les quatre ou cinq premiers jours du troisième mois qu'ils reçurent la loi en Sinaï, Exode 19:1,16, etc. Si la parfaite coïncidence des chiffres ne peut être prouvée, il n'en est pas moins vrai qu'il y a entre les faits mêmes des rapprochements remarquables à faire. La Pâque juive représentait une délivrance matérielle, la Pâque chrétienne une délivrance spirituelle: la Pentecôte juive ou la promulgation de la loi était le fondement de l'ancienne économie, la Pentecôte chrétienne est celui de la nouvelle. Cinquante jours après avoir délivré son ancien peuple, Dieu lui donna la loi; cinquante jours après avoir sauvé l'Église, Jésus lui envoya cet Esprit qui seul peut faire aimer, comprendre, et observer la loi.
     

  6. Le but moral de la fête lévitique était de rappeler aux Israélites les grâces d'un Dieu qui les avait choisis pour être son peuple, et qui leur avait donné en héritage une terre fertile et bénie. Son but typique était de leur rappeler qu'ils étaient l'image de l'Israël selon l'esprit, la figure de l'assemblage des Saints.
     

  7. La première Pentecôte eut lieu hors de la terre promise et dans un désert, juste image des suites et de la nature de cette alliance; la seconde eut lieu à Jérusalem, ville sainte, et sur Sion, montagne de prédilection, Psaumes 87:3; 132:13. La première n'eut pour témoins que des Juifs, la seconde des gens de toutes nations, Actes 2:9; etc. Celle-là fut accompagnée de scènes effrayantes; celle-ci, réalisation des prophéties qui annonçaient d'heureux jours, Jérémie 31, Joël 2, est aussi extraordinaire, mais elle n'a rien qui fasse trembler; on entend bien un son, mais c'est celui de l'Évangile; un vent véhément se fait bien sentir, mais c'est le Saint-Esprit qui manifeste sa vertu efficace et bienfaisante; il apparaît bien un feu, mais c'est celui qui éclaire et qui sanctifie. (— Voir: Girard des Bergeries, Moïse dévoilé.)


PÉNUEL,


Voir: Jéred #2.

Voir: aussi 1 Chroniques 4:4; 8:25.


PÉRATSIM,


montagne de la Judée;

Voir: Bahal-Pératsim.


PERDRIX.


C'est ainsi que l'on traduit ordinairement l'hébreu khoré, 1 Samuel 26:20; Jérémie 17:11, et non seulement rien ne contredit ce sens, mais encore il paraît justifié par la signification même du nom (celui qui appelle), semblable peut-être, sous ce rapport, au nom allemand de Rebhuhn, où Winer voit Rufhuhn; il est constant que le cri de la perdrix a souvent une intonation provocatrice ou plaintive, qui ressemble à un appel, et que les chasseurs ont ainsi désignée. Mais si cette traduction paraît bien établie, comme elle a été adoptée par les Septante, la Vulgate et tous les anciens commentateurs, elle est, d'un autre côté, extrêmement vague, les anciens, et même Aristote, ayant confondu, sous ce nom généralement connu, une quantité d'espèces moins connues et moins observées. Le passage de Jérémie ne peut servir de guide, car il donne à cet oiseau un trait de caractère qui n'est pas le sien; il n'est pas prouvé que la perdrix enlève des œufs à d'autres oiseaux pour les couver; souvent, au contraire, elle les détruit, mais il suffisait au prophète que l'opinion populaire attribuât à la perdrix une pareille habitude, pour lui emprunter une image. Le passage de Samuel renferme déjà une indication de plus, c'est que la khoré est une habitante des montagnes. Et si l'on tient compte du fait que cet animal était connu en Palestine, on écartera toutes les espèces qui n'habitent que les plaines et les climats tempérés; ainsi notre perdrix grise ordinaire, et la perdrix grise-blanche, qui n'en est qu'une variété; l'une et l'autre sont inconnues en Asie et n'habitent que les pays à blé, les plaines, et tout au plus la lisière des forêts. On ne peut donc guère penser qu'à la petite perdrix grise de Buffon, qu'Aldovrande appelle perdrix de Damas, ou à la perdrix grecque, dite bartavelle; c'est de cette dernière qu'il s'agit, selon toute apparence, dans les passages cités; elle habitait les îles de la Méditerranée, ainsi que les contrées de l'Asie conquises par Alexandre, et recherchait de préférence les montagnes et les rochers. La perdrix rouge, deux fois aussi grosse que notre perdrix ordinaire, est fort commune en Grèce, en Crète et jusqu'en Syrie; elle couve quelquefois d'autres œufs que les siens, mais ce n'est qu'à défaut de ceux-ci, soit qu'elle n'en ait point pondu, soit qu'ils lui aient été enlevés. Cette espèce est fort criarde, soit en amour, soit au combat. On a raconté bien des fables sur la perdrix, mais l'on a aussi rangé au nombre des fables des faits bien avérés de son merveilleux instinct.

— Quelques auteurs, en petit nombre, ont traduit khoré autrement que nous ne faisons: outre Faber, qui l'entend de la perdrix de Damas, d'autres l'ont entendu du coucou, Bochart de la bécasse, Œdmann de la mésange.


PERDUS


(objets). Celui qui avait trouvé quelque chose devait le relever, le ramasser et chercher à en découvrir le propriétaire, Deutéronome 22:1-3. Cet ordre est spécial à l'égard du bétail qui aurait pu s'égarer, et une disposition de ce genre était d'autant plus nécessaire sur ce point, que l'entretien et la nourriture des bêtes perdues pouvaient être pour celui qui les rencontrait un motif d'hésitation. Celui qui, après l'avoir nié, était convaincu d'avoir trouvé et de s'être approprié quelque chose, devait le restituer en y ajoutant un cinquième de la valeur; il était tenu, en outre, à offrir en sacrifice un bélier sans tare pour l'expiation de son péché, Lévitique 6:3,6.


PERGAME,


ancienne ville de Mysie, située à 7 lieues d'Élée, sur le fleuve Caïcus. Capitale d'un royaume fondé par l'eunuque Philétère, elle avait passé sous la domination romaine par le testament d'Attale III Philométor. Eumène II, l'un de ses rois, voulant rivaliser avec Ptolémée, roi d'Égypte, avait substitué le parchemin (pergamentum) au papyrus, et fondé dans sa capitale une magnifique bibliothèque de 200,000 volumes, dont Marc Antoine fit plus tard présenta Cléopâtre, après l'incendie de celle d'Alexandrie. Esculape avait dans cette ville un temple célèbre qu'on venait visiter des parties les plus éloignées de l'Asie. Pergame devint sous les Romains le chef-lieu d'une de leurs provinces, et le christianisme ne tarda pas à s'y établir, ainsi qu'on le voit Apocalypse 1:11; 2:12: elle est appelée, dans ce dernier passage, le siège ou le trône de Satan, ce que quelques auteurs ont entendu du temple d'Esculape, qui avait, comme on sait, le serpent pour emblème; cependant il est plus probable que l'apôtre prophète avait en vue soit l'idolâtrie en général, soit des persécutions auxquelles les chrétiens auraient été en butte dans cette ville. L'Église de Pergame est louée pour sa fidélité, mais le Saint-Esprit lui reproche les égarements de quelques-uns de ses membres;

Voir: l'article Nicolas, et Voyages de Hartley en Grèce et dans les sept Églises apocalyptiques.


PERGE,


maintenant Karahisar ou Château noir; ville maritime et métropole de la Pamphylie, située près du Cestrus, à 60 stades de son embouchure, et à 10 lieues nord-est d'Attalée. Elle possédait un temple célèbre d'Artémis. Alexandre s'en empara. Saint Paul y annonça la parole de Dieu, Actes 13:13; 14:25.


PERLES.


Elles sont sans contestation désignées par le mot μαργαριτάρι dans le Nouveau Testament, Matthieu 7:6; 13:45; 1 Timothée 2:9; Apocalypse 17:4; 18:12, et selon quelques auteurs, notamment selon les commentateurs juifs, par l'hébreu peninnim, Proverbes 3:15; 8:11; 20:15; 31:10; Job 28:18; Lamentations 4:7 (où nos versions ont mis pierres précieuses): plusieurs rabbins entendent aussi des perles l'hébreu dar, d'après l'étymologie de l'arabe, Esther 1:6.

Voir: Marbre, et le b'dôlach,

Voir: Bdellion.

On fait observer le rapport qu'il y a entre l'hébreu peninnim et le latin pinna, nageoire, poisson, qui désigne aussi par extension le coquillage qui produit les perles; la circonstance que le nom hébreu est toujours au pluriel, et le contexte qui met toujours les peninnim à côté des métaux et des pierres précieuses, sans qu'elles soient ni l'un ni l'autre, militent en faveur de la traduction adoptée; enfin, le fait que les perles ont été connues fort anciennement, et notamment dans les contrées voisines de la mer Rouge et du golfe Persique, où elles sont fort abondantes, mérite d'être pris en considération. Mais d'un autre côté le passage des Lamentations, qui donne aux peninnim la couleur vermeille, ne cadre guère avec l'idée qu'il s'agisse là de perles, à moins qu'on n'admette l'assertion de Calmet, que l'eau des perles de l'Orient tire sur l'incarnat, ou l'explication de Bochart qui prend le mot rouge ou vermeil dans le sens d'éclatant, brillant, ainsi que cela se fait quelquefois en arabe, et comme nous en avons un exemple dans les purpurei olores d'Horace. Gesenius repousse cette signification secondaire du mot, et donne avec Michaélis et d'autres à peninnim le sens de corail, q.v. Il est difficile de décider.

Quant aux perles, elles ont servi au luxe dès la plus haute antiquité; elles étaient un article de commerce fort important que les Orientaux tiraient assez ordinairement de l'Arabie, sur les côtes de laquelle on en péchait en grande abondance; l'île de Tylos était en particulier renommée pour ses nombreuses et belles pêcheries de perles et de nacre, que des plongeurs allaient chercher aux pieds des rochers; on en trouvait également en fort grand nombre dans la mer des Indes, Pline 6, 32; 9, 54. Strabon 16, 767. Depuis quelques siècles les côtes du Nouveau Monde ont offert de nouvelles richesses sous ce rapport; leurs perles ont une eau verdâtre, qui les fait moins rechercher peut-être que les perles gris de lin des mers du Nord, que les perles rose-rouge de l'Océan des Indes, mais qui n'en est pas moins pure, délicate, et souvent préférable et préférée. Le coquillage qui les sécrète est le mytilus margaritiferus de Linnée, long et large parfois de 30 centimètres et de l'épaisseur d'un doigt; la coquille, sans forme et rude à l'extérieur, est polie et d'une blancheur éblouissante en dedans. Les naturalistes ne sont pas d'accord sur le mode de formation des perles; on sait seulement que ce sont des excrétions de l'animal, soit accidentelles, soit destinées à boucher de petites cavités formées dans le tissu du coquillage. La grosseur, la forme et la beauté des perles qu'on trouve dans un même individu varient beaucoup: l'on en trouve de rondes, d'ovales, d'allongées en poire et d'anguleuses: leur nombre varie également, et l'on en a découvert jusqu'à cent cinquante dans une seule mère-perle, mais elles n'étaient pas toutes achevées au même degré. Les plus grosses appartiennent aux îles de Ceylan, de Sumatra et de Bornéo, les plus fines au golfe Persique» On en trouve quelques-unes, mais peu appréciées et peu solides, dans les huîtres communes, et dans les rivières de l'Europe, en Bohême et en Silésie.


PERSE.


Cette contrée, si voisine du berceau du genre humain, et par conséquent bien connue dès la plus haute antiquité, n'apparaît dans les premiers écrits de l'Ancien Testament que sous le nom d'Élam, q.v. Plus tard seulement, et depuis l'exil, elle reçoit le nom de Perse qui désigne alors (outre la Perse proprement dite, le Persis ou Farsistan) tout l'immense royaume fondé par Cyrus, qui comprenait la plus grande partie de l'Asie connue, depuis le voisinage de l'Indus jusqu'à la mer Égée: à la Perse qu'il avait héritée de ses ancêtres, le conquérant avait joint ce que la domination des Mèdes avait embrassé jusqu'au fleuve Halys, le royaume de Lydie au-delà de ce fleuve, et celui de Babylone. Son successeur, Cambyse, y ajouta l'Égypte. Cet empire ne subsista que deux siècles, et fut conquis par Alexandre. Après la mort du roi de Macédoine, les provinces de l'Orient tombèrent au pouvoir de Séleucus Nicator, mais ses successeurs en Syrie perdirent une partie de ces provinces, qui leur furent enlevées par les Parthes. Sous la domination de ces derniers, la Perse eut des rois particuliers; on a l'énumération des provinces qui composaient l'empire des Parthes; la Perse et même la Susiane et la Carmanie n'y sont pas comprises, et sont ainsi considérées comme indépendantes. Leurs princes furent néanmoins dans un état de dépendance jusqu'au troisième siècle. Un Persan, qui prit le nom d'Artaxercès, secoua le joug des Parthes, en anéantissant leur puissance, la rendit aux Perses qui en jouirent environ quatre cents ans, jusqu'à l'invasion des Arabes sous les premiers califes successeurs de Mahomet; dès lors le nom de Perse s'est conservé pour désigner tout le pays compris depuis les limites de la domination turque jusqu'à l'Indostan.

La grande Perse était divisée en cinq provinces ou satrapies, la Susiane,

Voir: Susan;

la Perse proprement dite, la Carmanie et la Gédrosie (Kerman et Mékran), l'Arie ou Khorasan, et l'Hyrcanie; on peut y joindre encore la Margiane, qui a fait partie de l'empire des Parthes. Chacune d'elles avait une administration complète et la direction de ses colonies; mais elles relevaient toutes aussi du roi, qui était le centre et le chef du gouvernement.

La Perse proprement dite s'étendait du nord au sud jusqu'au golfe Persique, entre les 27° et 33° de latitude; elle était séparée de la Médie au nord par les monts Parachoatras, maintenant Aprassia, touchant la Susiane à l'ouest par les monts Baktiori pleins de passages et de défilés étroits et dangereux; à l'est était la Carmanie. Le pays, qui est montueux déjà dans la partie septentrionale de la Susiane, continue de l'être dans la Perse et jusqu'au centre de cette province. La contrée maritime a des plaines marécageuses et stériles où il règne des vents impétueux, une chaleur excessive et des exhalaisons malsaines. Entre le nord et le milieu du pays, de hautes et rocheuses montagnes portent des neiges éternelles; le climat est dur, la terre stérile; on n'y trouve que des bergers, des nomades, des voyageurs, et des brigands. Des lacs et des rivières arrosent et fertilisent les plaines et les vallées de la Perse centrale, qui nourrissent beaucoup de bétail, principalement des chameaux.

C'étaient les habitants de cette province qui portaient plus spécialement le nom de Perses; ils étaient parents des Mèdes et se divisaient en plusieurs hordes ou tribus dont trois passaient pour nobles, les Pasargades, les Maraphiens et les Maspiens; seules elles recevaient une certaine culture, les autres labouraient les terres, gardaient les troupeaux, ou étaient confinées dans les montagnes, sauvages et sans instruction. La famille royale, et Cyrus en particulier, appartenait aux Achéménides, la famille la plus noble des Pasargades.

La langue perse était proche parente de la langue zend parlée dans la Médie supérieure, laquelle, à son tour, tirait ses racines du sanscrit; elle différait complètement des langues sémitiques. Nous ne pouvons entrer ici dans l'examen des rapports qui ont été remarqués entre le persan, le sanscrit et l'allemand, soit quant aux mots, soit quant aux constructions et à la syntaxe; on trouvera sur ce sujet les indications qu'on pourra désirer, dans l'ouvrage allemand de Wahl, Histoire des langues et de la littérature orientale, p. 129, et suivant.

La constitution politique de la monarchie perse, comme état indépendant, ressemblait à celle de la Médie, et en général de tous les anciens royaumes de l'Asie. La Perse a eu des rois dès les anciens temps; ils s'intitulaient eux-mêmes rois des rois, et vivaient inabordables pour leurs sujets dans des palais magnifiques et solidement construits, le printemps à Ecbatane, l'été à Susan, Néhémie 1:1; Daniel 8:2; Esther 1:2,5, etc., l'hiver à Babylone, q.v. Ils avaient un harem nombreux et bien choisi, placé sous la surveillance d'eunuques, Esther 2:11, une femme principale ou sultane, qui pouvait quelquefois exercer une certaine influence sur les affaires publiques, Esther 7, Néhémie 2:6, une riche et brillante collection de courtisans, et un échanson, Néhémie 2:1. Leur table était naturellement abondante et recherchée, Esther 1:5, et les provinces du royaume, devaient tour à tour pourvoir à son entretien, Hérodote 1, 192; cf. 1 Rois 4:27. Le mode de gouvernement était éminemment despotique; la volonté du monarque était la loi suprême, sa parole était un jugement en dernière instance. S'il y avait quelquefois conseil tenu entre le roi et ses ministres ou ses courtisans, ce n'était;que dans des circonstances extrêmement graves, et pendant ou après un repas, Esther 1:10-19; 5:5; 7:2. Une mesure qui avait été érigée en édit avec le sceau du roi, sa signature et son nom, était réputée irrévocable, Esther 1:19; Daniel 6:8,15. Les provinces, qui sous Darius Hystaspe s'élevèrent au nombre de vingt (120 sous Darius le Mède, Daniel 6:1). étaient gouvernées par des satrapes, qui souvent appartenaient à la famille royale; ils tenaient une cour de princes, avaient sous leurs ordres, pour les districts de leurs provinces, des employés spéciaux et s'occupaient du gouvernement général et de la perception des impôts en argent et en nature, Esther 3:12-13; 8:9; Néhémie 2:8,16. Ils n'avaient qu'un pouvoir administratif et civil, mais des commandants de troupes étaient mis à leur disposition et répartis entre leurs divers districts. Des courriers (q.v.) faisaient le service de poste entre le roi et les satrapes. Autour du trône royal se tenait un conseil de sept princes ou ministres, Esther 1:14; Esdras 7:14, qui étaient probablement les sept juges inamovibles dont parle Hérodote, 3, 31, mais qu'il ne faut pas confondre avec les sept eunuques de Esther 1:10,12; 6:14. L'armée perse, non compris les garnisons, consistait «n infanterie (notamment en archers), et surtout en cavalerie; elle était équipée avec ce luxe qui, principalement depuis la conquête des Lydiens, était un des caractères saillants des mœurs du pays, Hérodote 1, 71; 9, 79.

On n'a pas beaucoup de détails sur la religion des Perses; on sait seulement d'une manière générale qu'ils adoraient le soleil, qu'ils ne lui dressaient ni statues, ni autels, et qu'ils lui offraient sur des lieux élevés, des sacrifices, ainsi qu'à la lune, au feu, etc. Le mage (importation mède) qui présidait au sacrifice, divisait l'holocauste en cinq parties; les dieux n'entraient point dans ce partage, parce que, disaient les Perses, la divinité ne veut que l'âme de la victime. On ne peut déterminer jusqu'à quel point cette adoration de la lumière et du feu se combinait avec les doctrines dualistes de Zoroastre, mais il paraît que ces dernières n'ont point été étrangères aux Perses.

La Perse, après n'avoir été qu'une satrapie sous Phraortes, roi de Médie, qui vivait quatre-vingt-quatorze ou quatre-vingt-dix-sept ans avant Cyrus, ne commence à compter comme royaume indépendant, ayant son histoire, propre, que sous Cyrus, qui fut son premier roi, au dire de tous les chroniqueurs historiens, qui, au milieu de leurs divergences, s'accordent cependant sur ce point, Hérodote, Ctésias, Xénophon. Mais Cyrus a-t-il vaincu le dernier roi des Mèdes, Astyage; ou bien, gendre de Cambyse II, a-t-il hérité d'une partie de ses États? C'est ce qui ne peut être décidé.
 

Quoi qu'il en soit, Cyrus ne tarda pas à joindre la Babylonie à sa couronne, 539 avant J.-C. Il mourut en 529.

Après lui vinrent Cambyse, 529;

Smerdis, ou plutôt le faux Smerdis, prétendu frère de Cambyse, 522;

Darius Hystaspe, 521;

Xercès, 485, qui fut égorgé la vingtième année de son règne par Artaban, qui lui succéda et ne régna que sept mois;

Artaxercès Longue main, 465 ou 464;

Xercès II, son fils, 424, ne régna que deux mois;

Sogdiane, 424, sept mois;

Darius Nothus (Ochus), 424;

Artaxercès II, 404;

Artaxercès Ochus, 364;

Arsès, 338;

Darius Godoman, 335. Ce fut lui qui, après un règne d'environ six ans, fut vaincu à Arbèles par Alexandre de Macédoine, 330 avant J.-C. Il vit tomber ainsi la monarchie perse après une existence de deux cent dix-neuf années.
 

Ceux des rois perses dont il est parlé dans l'Écriture sainte, les seuls dont nous ayons à nous occuper, portent quelquefois chez les auteurs sacrés des noms différents de ceux que leur donnent les historiens profanes, des noms hébraïsés; d'autres fois leur nom étant donné sans leur surnom caractéristique, il est difficile de reconnaître toujours avec certitude duquel des successeurs de Cyrus il est question. Nous avons examiné aux articles Cyrus, Darius, Artaxercès, etc., ces questions de détail: rappelons encore ici d'une manière sommaire les rapports de l'histoire des Juifs avec celle de leurs conquérants.

Cyrus, après la conquête de. Babylone, permet aux Juifs exilés de retourner dans leur patrie, et contribue à la reconstruction du temple, Esdras 1:2. Sous Cambyse, après le succès de son expédition d'Égypte, on cherche à noircir les Juifs dans l'esprit du roi pour les perdre, Esdras 4:6, mais ce n'est que sous son successeur, le faux Smerdis, qu'on obtient qu'il fasse cesser les travaux commencés à Jérusalem, Esdras 4:7. Darius Hystaspe, mieux disposé en faveur des Juifs, révoque cet interdit la deuxième année de son règne, Esdras 5:6: il commence avec gloire la série des guerres gréco-perses et continue de témoigner de la bienveillance à ses sujets hébreux. Les folles entreprises de Xercès, accompagnées parfois de sentiments généreux, sont connues; il ordonne et rétracte aussitôt les cruelles mesures proposées par Haman et combattues par Ester. Artaxercès Longue-main marche contre l'Égypte révoltée, et se voit contraint de faire la paix avec les Grecs. La Palestine se ressent d'une manière fâcheuse des expéditions tentées contre l'Égypte; la nouvelle colonie juive menace de tomber en ruine; Néhémie obtient de son maître la permission de rejoindre ses frères pour essayer de relever leur courage et leur foi, et de réorganiser plus fortement l'ensemble de leur administration gouvernementale. Sous Darius Nothus, qui a des ennemis à combattre de tous côtés, la Phénicie, voisine de la terre sainte, devient un champ de bataille entre les armes perses et celles des Arabes et des Égyptiens réunis. Artaxercès Mnémon, bien que fort occupé ailleurs, ne perd cependant pas non plus l'Égypte de vue, et rencontre ses armées dans des plaines également voisines des frontières des Juifs, qui ont beaucoup à se plaindre de la conduite du général perse Bagoas. Ochus poursuit les entreprises de son père, humilie les Phéniciens et se soumet de nouveau l'Égypte. Depuis lors, et jusqu'à la tin de la monarchie perse, les Juifs restèrent tranquilles de ce côté.

— Ce fut pendant la durée de cette monarchie que les Samaritains élevèrent leur temple sur le mont Guérizim.


PERSÉPOLIS,


ville perse dont Antiochus Épiphanes essaya vainement la conquête, 2 Maccabées 9:2. Capitale de la Perse proprement dite, elle était située à 100 lieues de Suse, et bâtie au pied d'une montagne, non loin du fleuve Araxe. Xercès y avait fait bâtir un palais magnifique qu'Alexandre, après la bataille d'Arbèles, fit brûler sur la suggestion de ses courtisans, pour venger l'incendie de la ville d'Athènes. Malgré ce commencement de destruction, Persépolis continua de demeurer une ville importante, jusqu'au moment où elle fut détruite sous le califat d'Ali; ses débris servirent à bâtir Schiraz. Au sud, mais à une distance qui n'est pas déterminée, se trouvait l'ancienne capitale de la Perse, Pasargades, avec les tombeaux des rois; Cyrus, dit-on, l'avait fait construire en mémoire de la défaite d'Astyage. Toute cette contrée, comprise entre Persépolis et Pasargades, est encore couverte de ruines magnifiques et monumentales, de colonnes encore entières, de figures d'une élégance et d'une beauté achevées. Les ruines mêmes de Persépolis, situées sur une hauteur qui domine la grande plaine de Merdasht, sont appelées Tschihl-Minar, ou les quarante colonnes: elles sont importantes pour l'histoire des anciens costumes orientaux.

— Le nom de Pasargades signifiant lieu, ou camp des Perses, c'est-à-dire presque la même chose que Persépolis, qui en est la traduction grecque, quelques auteurs, comme Heeren, ont cru que ce n'était sous deux noms différents qu'une seule et même ville; d'autres les séparent par une distance de 36 lieues; il y a de la place entre ces deux extrêmes pour d'autres variantes: c'est assez dire qu'il règne sur ce point une incertitude qu'on ne peut pas espérer de voir s'éclaircir.


PERSIDE,


Romains 16:12, ou Persis, saluée par saint Paul qui la loue d'avoir beaucoup travaillé en notre Seigneur. Son nom fait supposer qu'elle était une esclave, ou une affranchie, perse d'origine.


PERTE de sang,


Voir: Hémorrhoïsse.


PESTE,


maladie épidémique fréquente en Orient, surtout en Égypte et en Turquie, plus rare déjà en Syrie et dans les contrées voisines. Elle se propage d'un endroit à un autre avec une incroyable rapidité, et enlève des milliers d'hommes avant qu'on ait seulement une conscience claire de sa présence. En 1610, elle détruisit le quart de la population de la Suisse, 4,000 personnes à Bale, 5,000 à Zurich, 2,000 dans le petit canton de Glaris, 33,584 dans celui de Thurgovie, etc.; en 1714, Constantinople vit mourir 300,000 hommes; en 1760, Saint-Jean-d'Acre perdit en cinq mois 7,000 hommes sur 26,000 habitants; d'autres exemples pourraient être multipliés. On connaît les effrayantes descriptions qu'en ont faites Thucydide, Manzoni, et d'autres.

L'Égypte est en quelque sorte sa patrie, Exode 9:3: elle gagne de là les contrées maritimes qui l'avoisinent, la Palestine, la Syrie, et règne ordinairement depuis décembre jusqu'à la mi-juin. Il est plusieurs fois parlé de la peste dans l'Écriture, 2 Samuel 24:13,15; 1 Rois 8:37; Jérémie 14:12; 21:6; 24:10; Ézéchiel 5:12; 7:15: elle est dénoncée comme menace et châtiment, Lévitique 26:23; Nombres 14:12, et fréquemment réunie à l'épée et à la famine, comme aussi dans la nature ces trois fléaux se rencontrent souvent ensemble, parce que les uns sont les effets des autres, Matthieu 24:7; Luc 21:11.

Celui qui est atteint de la peste, par le contact d'une personne ou d'un objet qui en est infecté, commence par éprouver du dégoût pour les aliments, des maux de tête et de reins, un violent besoin de dormir, un affaiblissement physique, souvent aussi moral et intellectuel; les yeux s'obscurcissent, la langue s'appesantit, quelquefois même elle se paralyse complètement de même que le sens de l'ouïe; puis viennent les vomissements, la diarrhée, une lièvre violente et le délire. Dans les premiers jours de l'épidémie la maladie ne dure guère qu'un instant, et elle est presque aussitôt suivie de la mort; plus tard le malade vit ordinairement jusqu'à trois jours; peu à peu le poison perd de sa force, et le nombre de ceux qui se rétablissent devient de jour en jour plus considérable; mais personne ne se guérit sans avoir eu des tumeurs de peste, espèces d'ulcères qui sont comme la poussée de la maladie, son éruption, mais qui ne sont pas toujours un gage de guérison; car, même dans les cas les plus favorables, les malades restent encore quarante jours en danger de mort. Ces tumeurs apparaissent surtout sur les parties délicates et tendres de la peau, sous les aisselles, quelquefois aux oreilles, aux joues, sur la nuque, etc.; elles sont rondes ou ovales, d'abord rouges, puis bleues, et très douloureuses: quand elles sont mûres, elles percent d'elles-mêmes, ou bien on les ouvre, et il en découle une humeur épaisse et infecte. Quelquefois, mais rarement, elles se dissipent, et se perdent sans inconvénient pour le malade. Quand la maladie est heureuse et qu'au troisième jour une abondante transpiration a brisé la force de la fièvre, ces tumeurs et des taches répandues sur les différentes parties du corps, sont pour ainsi dire les seuls symptômes qui subsistent encore, les seules traces que la peste ait laissées de son passage. Une diète sévère est alors, comme pour presque toutes les maladies, la seule précaution que le malade ait à prendre: les remèdes de la médecine sont ordinairement sans emploi, sauf un puissant sudorifique qu'on lui administre dès le commencement de l'attaque. La peste peut frapper à plusieurs reprises, et l'on a des exemples de personnes qui en ont été atteintes jusqu'à douze fois.

Le nom de peste, ou pestilentiel, est employé plusieurs fois d'une manière figurée dans l'Écriture sainte, comme il l'est chez nous dans le langage ordinaire pour dire quelqu'un ou quelque chose de dangereux, de redoutable, etc., Osée 13:14; Psaumes 91:3; Actes 24:5.


PETHOR,


ville de la Mésopotamie, située sur l'Euphrate, et patrie de Balaam, Nombres 22:5; Deutéronome 23:4.


PEUPLIER.


Nos versions traduisent ainsi l'hébreu libnéh, Genèse 30:37; Osée 4:13, sur l'autorité des Septante (dans le second passage), de l'arabe, du syriaque, et de l'étymologie; et Celse, dans sa botanique sacrée, accepte cette traduction comme bonne, d'autant plus que l'on trouve en Palestine beaucoup de peupliers blancs, et que cet arbre était déjà estimé dans l'antiquité à cause de son bel ombrage, Théocrit. 7, 8. Ovid. Met. 10, 555, Horace, Od. 2. 3, 9. Cette opinion peut se soutenir; cependant, dans le passage de la Genèse, les Septante et Saadias ont traduit ce mot par storax, q.v.; le rabbin Jona vient encore à l'appui de cette version; l'usage de l'arabe la recommande, et l'étymologie qui n'emporte que l'idée de blancheur, peut aussi bien être invoquée en faveur de la résine blanc de lait du storax, qu'en faveur du peuplier blanc. Entre ces deux traductions il est difficile de prononcer; nous adopterions plutôt la dernière.


PHALEG,


Voir: Péleg.


PHANUEL,


de la tribu d'Aser, Luc 2:36, père d'Anne la prophétesse; du reste, inconnu.


PHARAON,


nom commun de tous les rois de l'ancienne Égypte, comme Ptolémée fut plus tard le nom des rois égyptiens d'origine grecque macédonienne. Quelquefois, mais rarement, un nom personnel est joint à celui de la royauté, comme pour Pharaon Néco, Hophra, Tirhaca, etc. Le nom de Pharaon signifie roi, ainsi que l'établit déjà Flavius Josèphe, puis Jablonsky, d'après le copte ouro, et avec l'article Pe-ouro ou Ph'ouro; on ne le trouve qu'accidentellement dans les historiens grecs. Hérodote 2, 111; en revanche, il est presque la seule désignation des rois d'Égypte dans l'Histoire sainte; onze personnages de ce nom apparaissent à différentes époques de la vie du peuple juif; l'incertitude de la chronologie amenant de l'incertitude dans les synchronismes, il n'est pas toujours facile de déterminer quels sont, dans l'Histoire profane, les pharaons nommés dans l'Écriture.

  1. Pharaon, contemporain d'Abraham, Genèse 12:15. Il fit enlever l'épouse du patriarche que celui-ci donnait pour sa sœur, mais divinement averti de son erreur, il ne tarda pas à la lui renvoyer. C'est presque la même histoire que nous avons vue chez Abimélec, roi des Philistins, et si un troisième enlèvement de ce genre a lieu encore aux jours d'Isaac, la fréquence de ces faits, loin d'en diminuer la vraisemblance, nous montre combien ils étaient conformes aux mœurs d'alors. On voit aussi par ces rapports entre les Égyptiens et la famille d'Abraham, que cette horreur des premiers pour la vie pastorale et nomade n'existait pas encore, et l'histoire nous montre, en effet, qu'elle n'a commencé que sous la 17e dynastie, sous celle des rois pasteurs, conquérants étrangers dont la vie et les mœurs devaient, par une sorte de préjugé naturel, devenir un objet de haine et de mépris pour leurs nouveaux sujets; comme cette aversion paraît déjà aux temps de Joseph, il ne faut pas remonter bien haut en arrière pour trouver le Pharaon d'Abraham, et l'on suppose avec bien de la probabilité, qu'il appartenait à la 16e dynastie, l'une de celles des rois thébains (2272 avant J.-C.), celle qui précéda immédiatement la conquête de l'Égypte par les rois pasteurs. Les découvertes modernes ne nous conduisent pas aussi haut dans l'histoire de l'ancienne Égypte, et ses monuments gigantesques et mystérieux maintenant expliqués, ne nous font remonter qu'aux règnes de la 17e dynastie. D'après la chronologie vulgaire que nous suivons ordinairement, Abraham aurait été contemporain du cinquième et du sixième roi de la dynastie des rois pasteurs (la 17e), mais on ne s'expliquerait plus bien leurs rapports réciproques; et le caractère même d'un Pharaon conquérant serait étrange, tel du moins qu'il se peint dans sa conduite avec Abraham.
     

  2. Pharaon, contemporain de Joseph, Genèse 37:39, et 40. Il fait mettre en prison Joseph; puis, plus tard, deux de ses serviteurs, son échanson et son panetier, pour des crimes qui nous sont inconnus. Sa sévérité, puis sa grâce pour l'un des captifs, et la peine de mort qu'il prononce contre l'autre, ne furent peut-être que des caprices, des suites d'intrigues, quelques changements dans la faveur toujours mobile des cours de l'Orient et de l'antiquité. Deux songes qui le troublent amènent la grâce et l'élévation de Joseph, qu'il fait son premier ministre, et qu'il autorise à appeler auprès de lui, en Égypte, toute sa famille; il leur assigne pour demeure le district de Goscen, pour ménager la susceptibilité des Égyptiens, peut-être aussi pour mettre la famille de Jacob à l'abri des conflits continuels qui devaient avoir lieu entre la nouvelle dynastie et l'ancienne, mécontente, et ambitieuse de reprendre sa place. Deux opinions sont en présence: la chronologie vulgaire fait Joseph contemporain de la 18e dynastie; la chronologie de Champollion le fait vivre au commencement de la 17e de celle des rois pasteurs. Indépendamment des considérations chronologiques, la première opinion s'appuie sur ce que dit Joseph à ses frères, que les Égyptiens ont en horreur les bergers, et elle attribue cet avertissement à la haine profonde que le souvenir de la domination étrangère avait laissée dans le cœur des Égyptiens. Mais les paroles de Joseph doivent s'entendre des nomades, et non des bergers, ce qui serait ridicule, puisque les Égyptiens eux-mêmes étaient bergers, possesseurs de troupeaux. Joseph veut dire à ses frères: «Ne vivez pas en nomades, mais fixez-vous quelque part, «et il choisit pour lieu de leur résidence la terre de Goscen, remplissant ainsi le double but de les soustraire à la haine des Égyptiens, et de les éloigner du théâtre probable de guerres intestines. La chronologie nouvelle s'appuie sur des raisons intérieures qui ne sont pas sans force: il est évident que l'administration de l'Égypte pendant la famine, n'avait rien de national, et qu'elle ressemblait plutôt à une exploitation qu'à un gouvernement. Il n'y avait qu'un étranger qui pût, en échange de la vie, demander à ses sujets leur or, leur argent, leur bétail, puis leurs terres, et enfin leur liberté. Une vente aussi impitoyable ne pouvait être le fait que d'un avide conquérant, sans rapports d'origine avec ses administrés; d'ailleurs il faut ajouter qu'un roi légitime, et véritablement égyptien, n'eût pu acheter la liberté de ses sujets, puisque ceux-ci, en leur qualité de sujets, eussent été déjà ses esclaves. Quelques détails encore trahissent un monarque étranger: cette ombrageuse concentration des Égyptiens dans les villes, mesure peut-être moins générale que le texte ne paraît l'indiquer, et restreinte à certaines familles, à certains individus suspects, espèce d'arrêts domestiques destinés à prévenir des complots, isolement forcé sous la surveillance de la haute police, déplacement des intelligences et des influences, Genèse 47:21; ces complaisances affectées et intéressées pour la caste sacerdotale (41:45; 47:22,26); ces relations suivies et fréquentes, malgré le malheur des temps, des Pharaons avec Canaan, leur première patrie, celle des Hycsos et des rois pasteurs, Genèse 47:14-15. La 18e dynastie, Pharaons égyptiens rétablis sur les ruines des étrangers, n'eut pas mis à la tête de l'État un Joseph étranger, et, jalouse à l'excès de sa nationalité, elle l'eût conservée en acceptant les conseils, peut-être aussi les services, mais non la personne d'un prisonnier venu de Canaan.

    — C'est ce Pharaon dont le nom se retrouve Actes 7:10,13.
     

  3. Pharaon, 1 Chroniques 4:18, n'est connu que pour avoir donné sa fille en mariage à Méred, descendant de Juda; mais cette date même est inconnue. Toutefois cette alliance prouve que les Hébreux n'étaient pas encore esclaves sur la terre égyptienne, et ce Pharaon a dû être l'un des premiers successeurs du précédent, par conséquent un roi pasteur; c'est probablement lui aussi qui protégea les travaux de Hel et de Jokim, 1 Chroniques 4:21-23.
     

  4. Pharaon, l'un des trois ou quatre rois contemporains de Moïse. On ne peut dire si le «nouveau roi», Exode 1:8, qui se signala par une oppression si impolitique des Hébreux, et qui en donna l'exemple, est le même que celui qui donna l'ordre plus barbare encore de faire périr leurs enfants mâles, Exode 1:16-22, et qui, sans le savoir, servit de père adoptif à l'un d'entre eux, à Moïse, qu'il élevait à sa cour, et qui devait affranchir ses frères captifs. Si ce sont deux personnages distincts, le premier est inconnu; le second serait, d'après la chronologie nouvelle, Thoutmosis II, cinquième roi de la 18e dynastie, qui est monté sur le trône l'an 1736 avant J.-C. Son nom se retrouve Actes 7:18; Hébreux 11:23.
     

  5. Pharaon, deuxième contemporain de Moïse, celui sous le règne duquel le futur législateur du peuple juif essaya, pour la première fois, de se faire reconnaître comme tel à ses frères, en tuant un Égyptien, Exode 2:23; 4:19; Actes 7:23. On pense que c'est Aménophis II, huitième roi de la 18e dynastie, 1687 avant J.-C. Les paroles, Exode 4:19: «Tous ceux qui cherchaient ta vie sont morts» se rapportent aux parents de l'Égyptien tué par Moïse, et non à Aménophis, car celui-ci était mort depuis bien des années, au moins dix ans, et s'il ne se fût agi que de lui, Dieu eût pu, longtemps auparavant déjà, faire savoir à Moïse qu'il pouvait quitter Madian pour l'Égypte.
     

  6. Pharaon, troisième contemporain de Moïse, Exode 3:10; 4:21; 5:1, régnait depuis plusieurs années, quand le cri de la liberté vint retentir au sein du peuple juif, dont il avait rendu plus dure encore la captivité. Sommé par les deux frères hébreux, mais .appuyé de Jannès et de Jambrès, il voit successivement dix fléaux ravager son pays, et ne cède enfin que lorsqu'il se voit frappé lui-même dans la personne de son fils aîné; mais il ne cède qu'à la force, et, quand sa douleur commence à se calmer, sa politique reprend le dessus, il se lève avec son armée, et vient périr avec elle dans les flots de la mer Rouge, en essayant de poursuivre les esclaves que Dieu affranchissait, Exode 14:3. Ce Pharaon serait, d'après les calculs modernes, Hor ou Horus, neuvième roi de la 18e dynastie; il a commencé à régner 1657 avant J.-C. Son nom se retrouve fréquemment Exode 15:4; 18:10; Deutéronome 6:21; 7:8; 11:3; 29:2; 34:11; Psaumes 135:9; 136:15; 2 Rois 17:7; Néhémie 9:10; Hébreux 11:27. Sa vie a été, en quelque sorte, une lutte continuelle contre Dieu; mais lui-même n'y a voulu voir qu'une lutte entre ses magiciens et ceux des Hébreux. Il s'est endurci, et Dieu a ôté les roues de ses chariots dans la mer. Quelques auteurs doutent qu'il soit mort avec son peuple, et ils s'appuient sur ce que ce n'est pas dit expressément dans le texte, et sur le silence postérieur des historiens sacrés sur un si grand événement; mais cette mort résulte de la simple lecture du texte, faite sans préoccupation chronologique.
     

  7. Pharaon, contemporain de David, 1 Rois 11:18, et suivant. Il accorda sa protection, et donna sa belle-sœur en mariage à Hadad, roi d'Idumée, dépossédé par les Hébreux. Cette protection était un acte d'hostilité contre David; elle dura pendant toute la vie de ce prince, et prouve combien les Pharaons étaient puissants, puisqu'ils ne craignaient pas de braver le monarque Israélite aux jours de sa plus grande prospérité.

    — Ce Pharaon a été l'un des rois de la 21e dynastie, celle des Tanites, qui a duré de 1101 à 971 avant J.-C. On présume qu'il doit être distingué du suivant, et que plusieurs rois tanites se succédèrent avant celui qui fit alliance avec Salomon. Hadad était fort jeune quand il s'enfuit en Égypte, et il avait un fils élevé parmi les fils du roi, lors de la mort de David.
     

  8. Pharaon, contemporain de Salomon, 1 Rois 3:1; 7:8; 11:1; Cantique 1:9; 2 Chroniques 8:11 (1001 ou 1013 avant J.-C.). Il fit alliance avec Salomon, lui donna sa fille en mariage, et donna à celle-ci, pour dot, la ville de Guézer, que ses troupes avaient prise sur les Philistins, et qu'elles avaient incendiée peut-être par vengeance. Dernier roi de la dynastie des Tanites, il fut détrôné, et peut-être tué par Sisac; c'est à lui qu'on pense que Salomon fait allusion, Ecclésiaste 4:14.
     

  9. Pharaon,

    Voir: Tirhaca.
     

  10. Voir: Néco.
     

  11. Voir: Hophra.


PHAREZ,


Genèse 38:29; 46:12, un des jumeaux, fils de Juda et de Tamar, et l'un des ancêtres de notre Sauveur, Matthieu 1:3; Luc 3:33. Il n'est connu que par un singulier détail de sa naissance, qui lui assura le droit d'aînesse quand tout pouvait faire croire que Zara son frère viendrait au monde avant lui. Partout ailleurs il n'est mentionné de lui que son nom, Nombres 26:20; Ruth 4:18; 1 Chroniques 2:4; 4:1.


PHARISIENS.


Trois classes, ou sectes, qui se retrouvent continuellement dans l'histoire de l'Église chrétienne sous différents noms, parce qu'elles correspondent à trois fausses tendances, à trois principes de corruption du cœur de l'homme, la superstition, l'incrédulité, et le mysticisme, trois sectes, disons-nous, se distinguaient parmi les Juifs au moment de l'apparition du christianisme; c'étaient les pharisiens, les sadducéens, et les esséens ou esséniens: les premiers représentaient la superstition et la piété cérémonielle, tendance qui se retrouve dans la communion romaine; les seconds représentaient l'incrédulité rationaliste, et le néologisme est de tous les temps; les derniers n'étaient sous un autre nom que des mystiques. Les deux premières classes sont seules nommées dans l'Écriture; il n'est parlé de la troisième que dans l'ouvrage rabbinique Sepher Jouchasin (liber genealogiæ); nous en dirons cependant quelques mots.

Le nom d'esséens s'explique de diverses manières, soit que d'origine syriaque il signifie bon et pieux, soit que d'origine caldéenne il rappelle les occupations médicales des esséens. Leur origine est tout à fait inconnue; on pense que dans les guerres des Syriens (Séleucides) contre les Juifs, des hommes pieux, pour se soustraire à la tyrannie des ennemis, se retirèrent dans les déserts, et qu'ils y menèrent une vie austère et religieuse, à laquelle ils prirent goût, et qu'ils ne voulurent plus abandonner, même après que leurs ennemis se furent retirés D'autres, éprouvant le besoin de se retirer du monde, se rendirent auprès d'eux pour servir Dieu dans la retraite. Il est probable qu'ils ne furent pas sans rapports avec les mystiques juifs des siècles précédents, et qu'ils aspirèrent à imiter, sinon à les remplacer, les nazariens, les fils des prophètes, les Récabites, et les Assidéens de 1 Maccabées 7:13; sq. 2 Maccabées 14:6. Nous les trouvons, d'après le témoignage de Pline l'Ancien, formant une espèce de colonie religieuse, sur les rives occidentales de la mer Morte; cependant ils ne restèrent pas longtemps dans ces limites, et s'étendirent de cette partie du pays dans différents lieux voisins. Ils s'occupaient surtout d'agriculture et de médecine. Flavius Josèphe et Philon en parlent avec détail, et Flavius Josèphe est d'autant plus digne de foi qu'il avait lui-même vécu parmi eux. Ils attachaient un prix excessif à certains usages tout à fait extérieurs: on ne pouvait être reçu dans leur ordre qu'après un noviciat de trois années, et alors on devait prêter un serment solennel de ne révéler à personne le nom des anges; c'était dans ce seul cas qu'ils autorisaient le serment. Ils mettaient aussi une grande importance à une certaine classification qu'ils avaient établie entre eux. D'autres détails encore de leur vie particulière, leurs vêtements blancs, leur haine du mariage, leur mépris des richesses, leur obéissance aveugle aux supérieurs de leur choix, etc., montrent qu'ils n'étaient pas libres de la véritable liberté, et qu'ils avaient recherché à plusieurs égards une sagesse faussement ainsi nommée.

Avant d'en venir à la secte qui fait le sujet de cet article, disons encore qu'il y avait à côté de ces trois classes d'hommes, une autre classe, le résidu selon l'élection de grâce, les enfants d'Israël qui avaient reçu la parole de Dieu, pour qui cette parole était vivante, et qui marchaient suivant ses préceptes: sous le nom de caraïtes, ils ne formaient cependant pas une secte particulière, mais se trouvaient mêlés soit au milieu du peuple, soit quelquefois parmi les pharisiens et les esséens: ils attendaient la consommation d'Israël; la parole de Dieu nous en offre quelques exemples, Siméon, Nicodème, Gamaliel, Paul, etc.

Quant aux pharisiens, ils étaient les plus considérés des théologiens juifs, et représentaient la superstition et la tradition. Leur nom dérivé de parash, distinguer, séparer, expliquer, signifie selon quelques-uns, interprètes, explicateurs (de la loi), docteurs; mais la forme du nom ne favorise pas cette signification, d'autant moins que l'interprétation de la loi n'occupait pas les pharisiens plus qu'autre chose, et que c'était plutôt l'affaire des scribes. Il vaut donc mieux entendre par pharisiens, des hommes qui se séparent, qui se distinguent des autres. Leur origine n'est pas bien connue; il est probable que bientôt après la captivité babylonienne, des hommes pieux ou feignant de l'être, commencèrent à se distinguer, surtout alors que la grande synagogue n'existait plus. Le commandement de la grande synagogue d'entourer la loi d'une haie (Pirke Aboth. 1), et l'influence de la civilisation grecque, qui avait gagné du terrain dans l'Asie Antérieure depuis Alexandre le Grand, ne pouvaient pas manquer de provoquer parmi les Juifs, le zèle de plusieurs individus qui se crurent appelés à la défense de la vérité révélée à leurs pères. Il est encore probable que c'étaient au commencement de vrais fidèles, et les hommes pieux qui dans la guerre des Maccabées se sont mis en avant pour combattre et mourir en l'honneur de la religion des pères, appartenaient peut-être à cette secte. Mais en tout temps si une œuvre de Dieu a grandi, l'orgueil humain et l'hypocrisie la déshonorent ou la remplacent, et ceux qui étaient dans l'origine des hommes pieux, se présentent plus tard dans l'histoire comme pharisiens, mettant tous leurs efforts à être distingués des hommes.

Le caractère principal de leur doctrine était leur attachement aux traditions de leurs maîtres, à la Kabbala (on peut voir, sur la Kabbale, un Discours ou dissertation du prof. Pétavel de Neuchâtel, 1838); ils en faisaient plus de cas que de l'Écriture elle-même: leur système théologique se composait ainsi de doctrines d'origine juive, et de doctrines d'origine étrangère, qu'ils savaient, au moyen d'une méthode allégorique, trouver, ou, pour mieux dire, mettre dans l'Ancien Testament. Ils prétendaient que plusieurs des faits de l'ancienne alliance n'étaient que des allégories grossières, qui révélaient à l'homme spirituel une doctrine d'un ordre plus élevé. Ils enseignaient, contrairement à l'erreur saducéenne, l'immortalité de l'âme, des rétributions et un jugement après la mort, et la résurrection des corps.

Leur culte était surtout extérieur; c'était une observation exacte, mais formaliste, de la loi, des exercices ascétiques minutieux, des espèces de martyres qu'ils s'imposaient. La plupart ne cherchaient dans la pratique de ces minuties qu'une certaine réputation de sainteté; quelques-uns cependant étaient sans doute sérieux, et pensaient mériter de cette manière la faveur divine; mais c'était une erreur, dans un sens, tout aussi dangereuse que l'hypocrisie des autres, puisqu'elle introduisait cette idée de mérite, de justification propre, si fatale au salut comme à la sanctification de l'âme.

Il faut reconnaître que les pharisiens ont formé dans l'Église juive une opposition absolument nécessaire, d'un côté, contre le bras séculier, de l'autre, contre l'esprit mondain et la civilisation incrédule des Grecs; ils ont été les gardiens fidèles de la révélation écrite, et c'est à leur fermeté, à leur opiniâtreté, que nous devons peut-être en grande partie la conservation du recueil des auteurs sacrés de l'ancienne alliance.

Leur autorité était grande auprès du peuple, et les princes étaient obligés de les ménager et de compter avec eux.

On voit sous ces rapports que cette secte occupait au milieu de l'Église juive la même place que la secte romaine au milieu de l'Église chrétienne; l'une et l'autre ont eu les mêmes qualités, les mêmes vices, le même genre d'influence, comme jusqu'à un certain point une origine semblable, et une même mission.

Le Talmud, à sa manière, donne le tableau suivant des diverses nuances ou subdivisions du pharisaïsme:
 

  1. Ceux qui ont les épaules inclinées vers la terre;
     

  2. celui qui traîne les pieds à force de piété;
     

  3. celui qui se fait saigner: il ferme toujours les yeux pour ne rien voir qui l'induise en tentation, et souvent il se heurte et se blesse;
     

  4. le pilon: celui qui est tout retiré, recroquevillé sur lui-même;
     

  5. le pharisien sincère, qui ne veut faire autre chose que son devoir;
     

  6. celui qui fait tout pour être récompensé de Dieu;
     

  7. ceux qui craignent l'Éternel: c'est la meilleure classe, (— Voir: Wettstein, Nouveau Testament, 1, 262; 474, Schœttgen, Horæ hebr, etc. 1, 176)
     

Les pharisiens disparaissent de l'histoire depuis l'époque de la destruction de Jérusalem par les Romains; leur système et leurs doctrines, cependant, paraissent avoir été conservés par les talmudistes.


PHÉBÉ,


diaconesse de l'église de Cenchrée près de Corinthe. Saint Paul, à qui elle avait donné l'hospitalité, la recommande aux chrétiens de Rome, Romains 16:1, et l'on croit que ce fut elle aussi qui fut chargée, ainsi que l'indique la souscription de cette lettre, de porter aux Romains l'épître que l'apôtre leur adressait.


PHÉNICIE.


Ce nom dérive, suivant les uns, du mot grec φοΐνιξ qui signifie palmier; suivant d'autres, de Phénix, frère de Cadmus, lequel, après avoir en vain cherché sa sœur Europe, que Jupiter avait enlevée, sous la forme d'un taureau, se fixa sur cette côte à laquelle il donna son nom. D'autres disent que des Phéniciens, qui habitaient d'abord sur les bords de la mer Rouge, vinrent former plus tard des établissements sur un point des côtes de la Méditerranée, auquel ils donnèrent leur nom.

La Phénicie n'est qu'une langue de terre resserrée entre la mer et les montagnes; quelques auteurs en prolongent l'étendue jusqu'aux limites de l'Égypte; mais, depuis la conquête de la Palestine par les Hébreux, la Phénicie était assez bornée, et ne possédait rien dans le pays des Philistins: elle avait aussi très peu d'étendue du côté des terres. Avant que Josué eût fait la conquête de la terre promise, tout ce pays était habité par les fils de Cam, partagés en onze familles; celle de Canaan, la plus puissante, reçut des Grecs le nom de Phénicie, à cause des nombreux palmiers qu'ils trouvèrent chez eux. Ce furent les seuls peuples dont quelques débris conservèrent leur indépendance sous Josué, les juges et les rois. Plus tard, sous les Maccabées, la Phénicie devint une province de Syrie, unie à la Célésyrie, et gouvernée avec cette dernière province par un seul et même chef ou sous-gouverneur, 2 Maccabées 3:5, etc. Dans le livre des Actes 11:19; 15:3; 21:2,3, elle est unie tantôt à Chypre et à la Syrie, tantôt à la Samarie, et désignée comme un pays de côtes; elle était alors romaine, et appartenait à la province de Syrie.

Les limites de la Phénicie étaient peu déterminées; elle comprenait les îles situées près des côtes, telles que celle d'Aradus. Ses frontières septentrionales étaient marquées par le fleuve Éleutherus; à l'orient s'élevait la chaîne du Liban; à l'occident la mer; au sud peut-être la ville de Dora et les hauteurs du Carmel. Le nom de Phénicie était ainsi pris dans un sens tantôt plus large, et tantôt plus restreint. Toute la contrée formait une plaine fertile, bien arrosée, semée de collines, de villes et de campagnes magnifiques; c'est maintenant encore une des plus belles parties de l'Asie Mineure. Tyr et Sidon sont les villes les plus connues de la Phénicie; d'autres sont encore nommées, soit dans l'Écriture sainte, soit dans les apocryphes, Orthosia (Aradus), Tripolis, Byblos, probablement aussi Bérytus (— Voir: Bérothaï).

Les Phéniciens surent mettre à profit toutes les ressources que leur offrait leur étroit territoire: le Liban leur fournissait en abondance du bois de construction; près de Sarepta, ils trouvaient des mines de fer et de cuivre; les côtes abondaient en coquillages à pourpre; l'argile et le sable servaient à la fabrication du verre. Tout se réunissait pour faire des Phéniciens le peuple le plus industrieux et le plus commerçant de l'ancien monde; ils eurent, en conséquence, des colonies et des stations de commerce dans tout l'Orient, dans les îles de la Grèce, en Italie, en Sicile, en Espagne, sur les côtes d'Afrique, pour l'écoulement, soit de leurs propres produits en verre, en fin lin, en teintures, soit des produits des nations qu'ils visitaient, et avec lesquelles ils faisaient des échanges, Ézéchiel 27:12, sq. Ésaïe 23:1. Ils tiraient l'ambre du nord de l'Europe, l'étain de l'Angleterre, et faisaient, du temps de Salomon, le voyage d'Ophir, 1 Rois 9:27; 10:22. D'après quelques indications de Diodore de Sicile (4, 23; 5, 19), il paraîtrait même qu'ils poussèrent jusqu'en Amérique. La plus célèbre de leurs colonies fut celle de Carthage. D'après l'historien Procope, on trouva à Tingis, en Afrique, deux colonnes de marbre blanc dressées près de la grande fontaine, où on lisait, en caractères phéniciens:«Nous sommes des peuples qui avons pris la fuite devant Jésus (Josué), fils de Navé (Nun).» Ils se distinguaient comme architectes et sculpteurs; on les regarde comme les inventeurs de la navigation et des voiles de vaisseaux. Ce fut enfin, dit-on, un Phénicien, Cadmus, qui porta en Grèce la connaissance des lettres de l'alphabet.
 

Phœnices primi, fama si creditur, ausi
Mansuram rudibus vocem signare figuris.
 

(LUCAIN.)


C'est de lui que nous vient cet art ingénieux
De peindre la parole et de parler aux yeux.
Et par des traits divers de figures tracées,
Donner de la couleur et du corps aux pensées.
 

(BRÉBEUF.)

Les villes phéniciennes issues de Sidon, la ville-mère, se rendirent promptement indépendantes les unes des autres, et adoptèrent pour gouvernement une monarchie modérée; cependant Tyr ne tarda pas à faire sentir sa prépondérance, à grouper les autres villes autour d'elle et à les dominer. La Phénicie, perdue au milieu des immenses monarchies de l'ancien monde, fut soumise pas les Assyriens, resta sujette des Babyloniens et des Perses, passa des Séleucides aux Romains, et fait aujourd'hui partie de l'empire Ottoman.

Sanchoniathon est le principal auteur connu qui ait illustré l'ancienne Phénicie, mais ses ouvrages sont perdus; Philon Byblius les traduisit dans le second siècle de notre ère, et cette traduction est également perdue; nous n'en possédons qu'un fragment qui nous a été conservé par Eusèbe, Prép. évang. 1; 10; encore n'est-il peut-être que de troisième ou quatrième main. On a cru un moment, il y a une dizaine d'années, avoir retrouvé en Portugal un manuscrit complet de Byblius, mais cette découverte n'a pu soutenir l'examen de la critique.

— On possède encore quelques inscriptions phéniciennes en Chypre, à Malte, à Athènes, en Sicile, et ailleurs, soit sur des monuments, soit sur des médailles; les caractères ne diffèrent pas essentiellement de ceux que l'on retrouve sur les monnaies samaritaines, et paraissent leur avoir servi de types.


PHÉNIX,


Actes 27:12, port de mer situé sur la côte méridionale de l'île de Crète; un peu plus loin, vers le sud-est, était la ville du même nom dont parlent Strabon et Ptolémée.


PHÉRÉSIENS,


peuplade cananéenne dont il est déjà parlé aux jours d'Abraham, Genèse 13:7. Ils occupaient, à cette époque et encore du temps de Jacob, le centre de la Palestine, 13:7; 34:30; plus tard ils s'avancèrent vers le nord et se fixèrent sur les montagnes d'Éphraïm, Josué 11:3; 17:15. Il en restait encore quelques traces au temps de Salomon, 1 Rois 9:20.


PHILADELPHIE,


Apocalypse 1:11; 3:7, ville de l'Asie Mineure située dans la Lydie à 12 lieues sud-est de Sardes. On y trouva de bonne heure une église chrétienne dont le conducteur est hautement loué et approuvé par l'apôtre «comme ayant gardé la parole». Cette ville fut bâtie par Attalus Philadelphe, roi de Pergame; elle avait peu d'habitants à cause des fréquents tremblements de terre auxquels elle était sujette; les Philadelphiens, livrés entièrement à l'agriculture, se retiraient dans la campagne dont le sol est très fertile; elle tomba avec le reste du pays au pouvoir des Romains, 133 ans avant J.-C.

— On a fait beaucoup de suppositions sur la personne du pasteur de cette Église, on a cru que c'était saint Quadrat, mais rien ne l'établit. Dans le système d'interprétation qui voit l'histoire complète de l'Église chrétienne dans les sept épîtres de l'Apocalypse, l'Église de Philadelphie représente l'époque de la Réformation.

Philadelphie est aussi le nom que reçut, mais assez tard, la ville de Rabbath-Hammon, q.v.


PHILÉMON,


fidèle de Colosses en Phrygie, converti peut-être à la foi chrétienne par un des disciples de Paul ou par Paul lui-même dans un de ses voyages, mais non à Colosses. Sa femme était chrétienne comme lui, et c'est dans leur maison que les frères se réunissaient pour rendre leur culte au Seigneur, verset 2. On a voulu conclure de ce que Paul l'appelle son compagnon d'œuvre, qu'il était ancien ou diacre dans l'Église de Colosses; la tradition le fait même évêque de cette ville, et rapporte qu'il a souffert le martyre sous le règne de Néron. D'après le faux Dorothée il aurait été évêque de Gaza. On montrait encore sa maison à Colosses au cinquième siècle. Philémon serait probablement tout à fait inconnu sans la lettre que lui écrivit l'apôtre au sujet d'Onésime son esclave. Cette épître dont l'authenticité n'est pas contestée, modèle d'onction et d'éloquence persuasive, fut écrite de Rome pendant la première captivité de l'apôtre, verset 23, et portée par l'esclave repentant qui, sans cette recommandation, eût pu craindre les transports phrygiens d'un maître justement irrité, soit que le christianisme n'eût pas encore entièrement adouci le caractère de Philémon, soit qu'Onésime ne fût pas lui-même assez avancé pour comprendre les effets de la grâce sur le cœur (Médit, de Rochat, t. I).

Cette épître qui semble maintenir les droits d'un maître sur son esclave, est cependant, à la bien considérer, le premier pas fait vers l'abolition de l'esclavage. Onésime avait eu tort de s'enfuir, et il en est blâmé; Philémon avait acquis des droits matériels sur cet esclave, et il ne pouvait en être dépouillé sans être en même temps indemnisé; c'est ce que l'apôtre paraît indiquer aussi; mais en réalité quels droits un homme peut-il avoir sur un autre homme? Onésime devenu chrétien n'est plus un esclave, il est au-dessus d'un esclave, c'est un frère, un frère bien-aimé; l'apôtre le recommande comme ses entrailles, il demande qu'il soit reçu comme il le serait lui-même. C'est le langage d'un abolitionniste, et il ne saurait en être autrement; le christianisme émancipe; aussi partout où la religion chrétienne a été reçue et comprise, l'esclavage a été flétri comme il devait l'être; c'est une des gloires du protestantisme d'avoir le premier levé le drapeau de l'affranchissement, les frères Moraves aux Antilles, le quaker Bénézel (de Saint-Quentin) en Amérique, Wilberforce, Buxton, Clarkson, partout: le catholicisme s'est fait traîner à la remorque, et il ne s'est décidé qu'il y a peu d'années, lorsqu'il a vu que les gouvernements marchaient sans lui vers l'exécution de cette idée chrétienne; et si quelques missionnaires romains ont individuellement parlé d'affranchissement au Paraguay ou dans les Indes, ils l'ont fait parce que leurs liens avec Rome s'étaient desserrés; ils ont été seuls, leur Église n'a rien fait; on connaît la conduite aux Antilles, de ces prêtres qui n'étaient pas eux-mêmes affranchis par l'Évangile.


PHILÈTE.


On ne sait rien de positif sur sa personne;

Voir: Hyménée.


PHILIPPE.


Les livres apocryphes connaissent trois hommes de ce nom, que nous ne rappelons ici que pour mémoire, le père d'Alexandre-le-Grand, 1 Maccabées 1:1; 6:2, le roi de Macédoine fils de Démétrius II, vaincu par le proconsul Quinctius Flaminius; il y est fait allusion 1 Maccabées 8:5; enfin un favori d'Antiochus Épiphanes qui fut nommé gouverneur de la Judée, 2 Maccabées 5:22.

On trouve dans le Nouveau Testament quatre hommes et une ville de ce nom.

  1. Philippe, fils d'Hérode le Grand et de Cléopâtre, qui devint à la mort de son père tétrarque dans la Batanée, la Gaulonite, la Trachonite, la Panéade, l'Auranite et l'Iturée, Luc 3:1. D'un caractère doux et facile, de beaucoup le meilleur des fils d'Hérode, il s'occupa avec zèle des affaires publiques, agrandit la ville de Bethsaïda qu'il nomma Juliade en l'honneur de la fille d'Auguste, embellit et fortifia la ville de Panéade au pied du Panium, non loin des sources du Jourdain, la nomma Césarée en l'honneur de Tibère, et vit son nom réuni à celui de son maître dans la désignation de cette ville qu'il était nécessaire de distinguer de l'autre Césarée, Matthieu 16:13; Marc 8:27. Il mourut à Juliade, la vingtième année de Tibère, l'an 33 ou 34 de l'ère chrétienne, après un règne d'environ trente-cinq ans. Comme il n'avait point d'enfants, ses possessions passèrent à la province romaine de Syrie.
     

  2. Philippe, Luc 3:19, connu dans l'histoire sous le nom d'Hérode, paraît avoir, en effet, porté ces deux noms. Il était frère de père du précédent, fils de Hérode le Grand et de la seconde Mariamne, fille du grand-prêtre Simon. Déshérité par son père, il eut une vie obscure, et n'est guère connu que par sa femme et sa fille. Hérodiade, aigrie peut-être de l'obscurité de son mari, se laissa séduire par Hérode Antipas, frère de celui-ci, Matthieu 14:3; Marc 6:17. Salomé sa fille épousa, dit-on, son oncle, Philippe, celui dont il est parlé ci-dessus,

    Voir: Hérode.
     

  3. Philippe, apôtre, de Bethsaïda, disciple d'abord de Jean-Baptiste, puis de Jésus, Matthieu 10:3; Marc 3:18; Luc 6:14; Actes 1:13. Il fut l'un des premiers à qui le maître dit: Suis-moi. C'est l'Évangile de saint Jean qui nous donne le plus de détails sur sa vie, sans qu'il y en ait assez cependant pour qu'on puisse déterminer bien exactement son caractère. Ainsi sa vocation est racontée 1:43; sq., et d'après les détails qui en accompagnent le récit, d'après la conversation de Philippe avec Nathanaël, on voit que Jésus avait eu déjà un entretien particulier avec son nouveau disciple, et qu'il s'était fait connaître à lui. Les paroles de Philippe à Nathanaël: «Viens et vois» montrent déjà que l'esprit du christianisme est le prosélytisme, et en outre que c'est un prosélytisme chrétien qui repose sur la preuve et la persuasion.

    — 6:5. Le Seigneur veut éprouver la foi de Philippe, c'est pour cela qu'il lui dit lors du miracle de la multiplication des pains: «Où achèterons-nous des pains afin que cette multitude ait à manger?» Il est inutile de rechercher si Philippe était chargé de quelques fonctions spéciales dans le collège des apôtres; c'est peu probable, et d'ailleurs ce n'est pas là qu'on doit chercher pourquoi notre Seigneur s'adresse à Philippe plutôt qu'aux autres; l'évangéliste nous explique la demande du Seigneur. L'apôtre ne comprenant pas même que Jésus voulût l'éprouver, lui répond comme ayant oublié les miracles précédents de son maître: Deux cents deniers de pain ne suffiraient pas, quand chacun n'en prendrait qu'un petit morceau. Sa foi, comme celle de ses collègues, avait encore besoin d'être raffermie.

    — 12:21. Quelques Grecs prosélytes, ou des Juifs demeurant parmi les gentils, désirant voir Jésus, s'adressent à Philippe qui n'ose les présenter seul, consulte André, et se rend avec lui auprès du Seigneur: la réponse qu'il leur donna permet de croire que ces Grecs nourrissaient à son sujet quelques-unes des idées alors assez répandues d'une royauté terrestre, cf. Matthieu 20:20; Marc 10:35; ils avaient peut-être été témoins de son entrée triomphale à Jérusalem, ils avaient entendu les cris et les vœux de la multitude, ils désiraient voir pour se le concilier le futur roi du pays. L'historien sacré ne dit pas si la réponse du Seigneur les attira ou si elle les repoussa, s'ils se joignirent à lui ou s'ils s'en éloignèrent. Enfin, 14:8, comme Jésus enseignait ses disciples et qu'il les préparait à une prochaine séparation en leur disant que quiconque le connaissait connaissait aussi son père, Philippe, dont la foi n'était pas encore assez simple pour comprendre le sens naturel des paroles de son maître, ni assez éclairée pour se rappeler qu'il y a dans les révélations de Dieu des mystères insondables, lui dit: «Montre-nous le père, et cela nous suffit;» il reçut pour réponse ces paroles pleines à la fois de douceur et de reproche: Philippe, je suis depuis si longtemps avec vous, et tu ne m'as point connu! celui qui m'a vu a vu mon père. Paroles qui résument toute la doctrine chrétienne sur les rapports du Père et du Fils, en établissant leur inséparable unité sans confusion des deux personnes, et qui devaient en même temps rappeler au chrétien, encore juif par ses habitudes et ses souvenirs, que le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ne se manifeste aux yeux de la chair que dans la personne de son fils.

    Le caractère de cet apôtre apparaît donc comme un mélange de promptitude et de timidité, de droiture et de simplicité, de respect et de confiance.

    Depuis le moment où le récit sacré le nomme pour la dernière fois, Actes 1:13, sa vie est peu connue. La tradition lui donne une femme et des enfants. Il prêcha l'Évangile en Phrygie, et mourut à Hiérapolis; on ignore s'il souffrit le martyre. Un évangile apocryphe a été écrit sous son nom; les gnostiques l'ont reçu comme authentique. On lui a attribué la demande faite à Jésus qu'il lui fût permis d'ensevelir son père avant de le suivre, Matthieu 8:21; Luc 9:59; mais rien ne l'établit, et le silence de saint Jean est une forte présomption contre l'exactitude de cette tradition.
     

  4. Philippe, Actes 6:5; 21:8, un des sept premiers diacres de Jérusalem, appelé aussi évangéliste, cf. Éphésiens 4:11; 2 Timothée 4:5, il prêcha l'Évangile avec succès dans la Samarie; ses paroles, confirmées par ses'miracles, trouvèrent le chemin de bien des cœurs, et le magicien Simon lui-même vint lui demander l'entrée de l'Église. Si ce dernier triomphe dura peu, les fruits du ministère de Philippe furent plus sûrs et plus durables chez un grand nombre de Samaritains, et le bruit de cette belle mission vint jusqu'à Jérusalem. Au milieu de ses travaux, l'évangéliste reçoit, pour un instant, l'ordre de les abandonner; il doit se rendre au midi de la Judée, sur la route (la moins fréquentée) qui conduit à Gaza, et là il fait la rencontre de cet eunuque éthiopien dont la conversion est un des récits les plus touchants du livre des Actes. Il le baptise près d'une source que la tradition nous montre encore à Bethsur, dans les montagnes de Juda; puis il retourne en arrière, s'arrête à Azote, où le Saint-Esprit lui a dit de se rendre (Actes 8), et se fixe enfin à Césarée, où, plus tard, il eut la joie de donner l'hospitalité au grand apôtre des gentils. Une tradition le fait évêque de Tralles, une autre le fait mourir en paix à Césarée. Il eut quatre filles douées du don de prophétie, Actes 21:8-9, circonstance qui est relevée peut-être parce qu'elles rendirent des oracles à saint Paul, oracles dont il n'est rien dit, du reste, dans le livre des Actes, mais qui ne seraient point un fait isolé ni extraordinaire, cf. 20:23.

    Quelques détails de l'histoire de Philippe ont besoin d'être éclaircis. Trois fois dans le chapitre 8, versets 26,29,39, le Saint-Esprit agit directement sur sa conduite, et, dans le troisième de ces passages, il est dit que «l'esprit l'emporta, et l'eunuque ne le vit plus;» paroles qui semblent avoir quelque chose de mystérieux, et que l'on comprend ordinairement en ce sens que le Saint-Esprit transporta Philippe mystérieusement dans les airs, et que l'eunuque, qui le cherchait des yeux, fut étonné de sa disparition. On peut les comprendre d'une manière plus simple, sans faire la moindre violence au texte: cette œuvre achevée, l'Esprit conduisit Philippe vers un autre champ de travail, et l'eunuque ne le revit plus, Le Saint-Esprit a agi sur l'esprit de l'évangéliste, et non sur son corps; l'action, pour être spirituelle, n'en a pas moins été réelle, et c'est ainsi que le même Esprit agit encore sur nous. Heureux ceux qui le discernent!

    Quoique le texte ne dise pas positivement qu'il s'agisse de l'évangéliste, et non de l'apôtre Philippe, cela ressort de ce qui est dit 8:1, que tous les membres de l'Église furent dispersés par les persécutions, excepté les apôtres, qui restèrent à Jérusalem. Le même fait résulte encore de la comparaison des versets 14 et 16, où nous voyons Philippe baptiser, mais les apôtres seuls imposer les mains, et prier pour l'effusion du Saint-Esprit. Il importe de remarquer aussi que, s'il y avait alors un apostolat, il n'y avait déjà plus de clergé: Philippe le diacre n'était pas ce qu'on appellerait volontiers un ecclésiastique, et cependant il baptise. Il baptise, mais le baptême lui-même n'est qu'un signe extérieur, il n'entraîne pas nécessairement les dons du Saint-Esprit. Le baptême n'est donné qu'à ceux qui confessent leur foi; il n'est donc donné qu'aux adultes. La profession exigée est brève; elle se résume en ces mots: «Croire que le Christ est le fils de Dieu.» Enfin cette profession n'est éprouvée que d'une manière générale, et le premier simoniaque est au nombre des professants, exception peut-être, mais cependant baptisé.

    À notre point de vue, il peut sembler étonnant que Philippe soit appelé à quitter une œuvre pleine d'intérêt, un immense champ de travail, une mission bénie, pour se rendre auprès d'une seule âme travaillée, lui adresser quelques paroles, l'éclairer, et abandonner de nouveau cette contrée, témoin d'une conversion isolée. Mais ce récit doit nous être précieux à plus d'un titre: il nous montre d'abord que Dieu dirige les pas de ses serviteurs (s'ils l'écoutent) là où leur ministère peut être utile. Ce n'est donc qu'après de sérieuses prières que chaque pasteur doit chercher une direction nouvelle à ses travaux, ou plutôt il doit être vigilant à consulter sans cesse, non la chair, mais l'esprit de Dieu; à épier les signes qu'il lui donne de sa volonté, de manière à pouvoir dire: l'Esprit m'a enlevé. Les sociétés religieuses ont des devoirs semblables, et il ne suffit pas toujours qu'une œuvre soit plus bénie qu'une autre pour qu'on doive y faire affluer les ouvriers; Philippe devra souvent quitter la Samarie en fleurs pour la route déserte de Gaza. La communion avec Dieu peut seule nous faire connaître la volonté de Dieu. D'ailleurs, si la conversion de l'officier éthiopien nous apparaît comme un fait isolé, elle ne le fut peut-être pas, et nous ne saurons que dans la vie éternelle les conséquences qu'elle a eues sur la conversion de cette Éthiopie si anciennement chrétienne, et qui, sur les confins de l'empire du mahométisme et du paganisme, est encore, à l'heure qu'il est, comme une oasis de lumière au milieu des ténèbres, lumière bien pâle sans doute, lumignon fumant, mais non éteint.
     

  5. Philippes, la première ville d'Europe où saint Paul prêcha l'Évangile, Actes 16:12. Venant de Troas, il aborda à Néapolis, dans le golfe formé par le Strymon, lequel servait de port à Philippes. L'ancien nom de cette ville était Crénidès (κρόναι sources), à cause des nombreuses sources d'eau vive qui jaillissaient de la colline sur laquelle elle était située. Elle avait été fondée en Thrace par des habitants de l'île de Thasos. Philippe de Macédoine ayant réuni à son territoire une partie de la Thrace, fortifia Crénidès, l'agrandit en l'étendant sur toute la hauteur de la colline, et lui donna son nom, 358 avant J.-C. Son territoire renfermait des mines d'or qui contribuaient à la rendre importante et riche en toutes choses. Réduite en province romaine, 148 avant J.-C., illustrée par la triste défaite des chefs du parti républicain, 42 avant J.-C., elle déchut peu à peu de son ancienne grandeur. Auguste, maître de Rome et du monde, 34 avant J.-C., transporta dans cette ville un certain nombre de colons d'entre ses ennemis, les punissant par l'exil de leur attachement à la liberté, et donna à Philippes le droit de bourgeoisie italique, et le nom de colonie romaine, Actes 16:12. La même chose est attestée par des monuments historiques et par diverses monnaies qui portent: Colonia Julia Philippensis. Luc l'appelle la première ville du quartier de Macédoine, non qu'elle fût la capitale de la Macédoine ou de l'un de ses quatre districts, mais comme un nom d'honneur qui lui avait été accordé par Auguste (Hug), ou peut-être parce que ce fut la première ville que Paul toucha dans son voyage, Néapolis n'étant, en quelque sorte, que le faubourg maritime de Philippes (Rilliet). L'arrivée des colons italiens fut, pour cette ville, le commencement d'une ère nouvelle: les circonstances lui étant redevenues favorables, elle se releva de la décadence que la domination romaine lui avait originairement fait subir, et certains indices de commerce et de prospérité semblent annoncer qu'elle avait déjà repris un rang honorable quand saint Paul la visita pour la première fois. Quoique Félibah ne soit plus maintenant qu'un pauvre village, on y retrouve encore en ruines les monuments de sa grandeur. Au seizième siècle, elle était encore la métropole de cent cinquante églises grecques.

    Paul vint à Philippes, mû par une apparition: il y trouva un champ qui promettait beaucoup. Quelques Juifs peu nombreux, et privés d'une synagogue, s'y réunissaient en dehors de la ville, près d'une rivière dans un lieu entouré d'un mur mais découvert, et destiné au culte. Lydie, marchande de pourpre, fut convertie et baptisée avec toute sa famille; il en fut de même d'une servante pythonisse. Les apôtres, mis en prison, furent délivrés par l'intervention de la Providence. Paul et Silas quittèrent la ville après avoir reçu dans l'Église leur geôlier et sa famille, Actes 16, cf. 1 Thessaloniciens 2:2. Il y eut donc simultanément à Philippes les cultes les plus divers, un culte romain, un grec, un macédonien, un asiatique, les mystères de Samothrace, une assemblée juive, une église de judéo-chrétiens et de chrétiens d'entre les gentils. Luc et Timothée restèrent à Philippes, comme cela ressort de la forme du récit, le dernier moins longtemps que le premier. Cette église resta en rapports avec l'apôtre et lui envoya des dons pour subvenir à ses besoins à Thessalonique, Philippiens 4:16, et à Corinthe, 2 Corinthiens 11. Saint Paul fait l'éloge de ses membres, 2 Corinthiens 8:1-2. Dans son troisième voyage missionnaire, allant d'Éphèse à Corinthe, il passe pour la seconde fois par la Macédoine; il visite les Philippiens à son retour et célèbre avec eux la Pâque, Actes 20:3-6; c'est alors seulement que saint Luc paraît s'être réuni de nouveau à l'apôtre, et avoir quitté Philippes.

    Le livre des Actes ne nous dit rien de plus sur cette église, mais l'Épître aux Philippiens nous montre qu'elle s'était agrandie et qu'elle avait derechef envoyé des dons à Paul par Épaphrodite, un de ses membres, 4:18. Paul avait donc reçu directement de ses nouvelles; il lui donne des siennes dans sa lettre, et annonce à l'Église le prochain retour d'Épaphrodite et l'arrivée de Timothée, 2:19,25. Les circonstances de cette Église, le but dans lequel l'épître a été composée, le temps où elle a été écrite, ne peuvent être compris que par la lettre même;

    Voir: Paul.

    Son authenticité est presque incontestée, et dans tous les cas incontestable; les plus anciens témoignages parlent en sa faveur; Ignace, Polycarpe, Irénée, Tertullien, Clément d'Alexandrie, Origène et Cyprien la citent directement ou indirectement; les plus anciens canons la contiennent, même le recueil de Marcion; enfin elle porte en elle-même l'empreinte de la spontanéité, le cachet de l'authenticité au plus haut point, repoussant toute apparence même de falsification motivée par l'intérêt d'une secte. L'esprit qu'elle respire, c'est surtout celui de l'humilité, de l'amour, et de l'abnégation chrétienne; l'apôtre y parle à plusieurs reprises de la joie que lui donne l'état spirituel de ce troupeau. On peut indiquer comme un excellent commentaire, celui de M. Rilliet (Genève 1841); à la fois savant, clair, et sobre, il est précédé d'une introduction qui sera lue avec intérêt par des lecteurs de cultures fort diverses. Un commentaire autographié de Steiger (Lausanne 1836) publié après la mort de l'auteur et d'après les notes de quelques-uns de ses meilleurs élèves, se recommande également sous plusieurs rapports, malgré l'imperfection inséparable d'une publication de ce genre. Enfin nous avons lu avec bénédiction les Notes sur cette épître, autographiées à Lausanne 1843, par un frère de l'École de Plymouth. Les ouvrages spéciaux sont au reste nombreux sur cette épître; on en trouvera la liste à la page 96 du commentaire de Rilliet, nous n'y ajouterons que le nom d'Usteri (Zurich), et celui de Storr (Tubingue 1783).


PHILISTINS,


peuplade des bords de la Méditerranée, Sophonie 2:5 (mer qui est aussi appelée à cause de cela la mer des Philistins, Exode 23:31). Ils habitaient au sud-ouest de la Judée, Ésaïe 11:14, le ruban compris entre Hékron et le torrent d'Égypte, le penchant occidental des montagnes de Juda, touchant aux tribus de Dan, de Siméon et de Juda, Josué 13:3. Le nom hébreu de ce pays était Pelèsheth, que nos versions ont malheureusement rendu par Palestine, Exode 15:14; Psaumes 60:8; Joël 3:4; en l'absence d'un autre nom, nous le rendrions plutôt par Philistée; on l'appelait aussi tout simplement le pays des Philistins, 1 Samuel 27:1; 29:11; etc. Les Septante traduisent souvent le nom hébreu par étrangers, non seulement à cause des données historiques de Genèse 10:14; Amos 9:7, mais encore et surtout à cause de sa signification étymologique, palash signifiant émigrer, comme en éthiopien falasa. D'après Genèse 10:14, les Philistins seraient les descendants des Chasluhim, tandis que d'après Jérémie 47:4; Amos 9:7, ils descendraient des Caphthorim; on suppose que dans le premier de ces passages il y a eu transposition d'un mot, ce qui serait rendu assez probable par le fait que Moïse lui-même les fait ailleurs aussi descendre de Caphthor, Deutéronome 2:23; mais s'il y a eu transposition, l'erreur est fort ancienne, puisqu'elle se trouve, non seulement dans la version samaritaine, mais encore dans 1 Chroniques 1:12, où le passage de la Genèse est répété. Une faute de copiste ancienne se comprend, du reste, aussi bien qu'une faute plus moderne; si l'on veut maintenir la double descendance, on peut voir, à l'article Caphthor, la solution la plus probable de cette difficulté. Quoi qu'il en soit, on ne met pas en doute que les Philistins ne soient aussi descendants de Caphthor, et toute la question est de savoir quel est le pays ou le peuple ainsi désigné; nous l'avons examinée à l'article Caphthor.

Les Philistins, qu'Abraham trouva déjà dans ces contrées, constitués en royaume à Guérar, Genèse 21:34; 26:1, etc., sont célèbres dans l'histoire des Israélites comme leurs ennemis implacables. Affranchi de la captivité d'Égypte et marchant vers Canaan, le peuple de Dieu n'osa point aborder le territoire des Philistins, quoique ce fût le chemin le plus court, celui que suivent encore de nos jours les caravanes qui se rendent d'Égypte en Judée (— Voir: Journal d'un Voyage au Levant, III), et Dieu les conduisit par une route plus longue, afin que leurs troupes nombreuses, mais embarrassées, ne fussent pas exposées aux attaques de cette peuplade forte et courageuse, Exode 13:17. Sous Josué, les Philistins apparaissent comme une espèce de confédération d'États réunis sous cinq chefs dont les résidences sont Gaza, Asdod, Askélon, Gath et Hékron, Josué 13:3, cf. Juges 3:3; leur territoire comprend d'ailleurs d'autres villes non murées, 1 Samuel 6:18. On ne voit pas que Josué ait eu des conflits avec eux, et la division du pays telle que ce général l'ordonna, n'était sans doute qu'un projet dont la réalisation devait s'effectuer à la longue, au fur et à mesure que quelques tribus seraient solidement établies, Josué 15:45; 19:43. La lutte commença presque avec le gouvernement des juges, et parcourut bien des phases diverses; les tribus méridionales eurent surtout à souffrir de leur belliqueux voisinage, Juges 3:31; les Philistins s'avancèrent assez avant dans le pays,

Voir: Timna,

et asservirent parfois, pour longtemps les tribus devenues infidèles au vrai Dieu, Juges 10:7,11; 13:1; 14:1; 15:11. Sous Héli ils s'emparèrent même de l'arche sainte, mais une défaite sanglante qu'ils éprouvèrent à Mitspa mit fin à leur domination de quarante ans, que les travaux de Samson n'avaient pu suffire à repousser complètement, 1 Samuel 4, et 7. Le règne de Saül n'en eut pas moins à compter avec eux, et il les vit aussi souvent vainqueurs que vaincus, 1 Samuel 13:17; 23:28; 24:2; le courage intelligent de Jonathan son fils, et la vaillance de David portèrent de rudes coups aux agresseurs, 14:1, etc. 17:1; 18:27; 19:8. Ce dernier, même après s'être séparé de Saül, continua de tenir les Philistins en échec, 23:1, jusqu'au moment où, contraint de chercher à Gath un refuge, il fut presque amené à faire cause commune avec les Philistins contre son roi légitime, mais abandonné de Dieu, 27:1. Vainqueurs dans un dernier combat, les Philistins mirent à mort les fils du roi vaincu, qui lui-même se tua pour ne point survivre à son honneur et à sa famille, 31:1. Leurs attaques ne se ralentirent point sous le règne de David, mais elles furent infructueuses; ils furent battus à plusieurs reprises et perdirent même leur ville de Gath, 2 Samuel 5:18; et 21; cf. 1 Chroniques 18:1; et 2 Samuel 15:18; des guerriers Israélites se signalèrent dans ces luttes par des faits d'armes isolés, rapportés 2 Samuel 23:11. Ils furent tranquilles sous Salomon et sous le règne des premiers rois d'Éphraïm, quoique nous les voyions pendant cette époque résider assez avant sur le territoire d'Israël, 1 Rois 15:27; 16:15. Tributaires du vaillant Josaphat, 2 Chroniques 17:11, ils se relèvent sous Joram, se joignent aux Arabes, marchent contre Jérusalem, pillent les trésors royaux et enlèvent le sérail et les enfants de la famille royale, 2 Chroniques 21:16; cf. Joël 3:4-6; mais Gath est menacée sous Joas par la Syrie, qui menace aussi Jérusalem, 2 Rois 12:17; les Philistins sont de nouveau vaincus sous Hozias, 2 Chroniques 26:6, puis vainqueurs sous Achab, à qui ils enlèvent quelques villes de la Judée occidentale, 2 Chroniques 28:18, cf. peut-être Ésaïe 14:29. Ézéchias, dans les premières années de son règne, regagne le terrain perdu, et reprend ses avantages, 2 Rois 18:8. Asdod tombe entre les mains de l'Assyrie qui, préparant une expédition contre l'Égypte, s'empare de cette place forte, Ésaïe 20:1, et Psamméticus, roi d'Égypte, l'arrache à ses nouveaux possesseurs après un siège de vingt-neuf ans. La Philistée est en souffrance pendant tout le temps que durèrent les luttes de l'Égypte avec les conquérants asiatiques, qui trouvent sur son territoire un chemin commode et sûr; Pharaon Néco, d'abord, puis Alexandre le Grand s'emparent successivement de Gaza, Jérémie 47:1. Au retour de l'exil enfin, les haines s'étant apaisées chez les uns, les autres ayant oublié les défenses de leur Dieu, les Philistins et les Juifs contractèrent des alliances qui sont vivement reprochées à ces derniers, Néhémie 13:23.

Les livres des Maccabées nous montrent encore les Philistins comme sujets de la Syrie; quelques-unes de leurs villes sont conquises par des rois juifs, Pompée les incorpore à la province romaine de la Syrie, Auguste les donne à Hérode, et le nom du pays lui-même se perd, ou plutôt il change de forme et de signification; la Palestine désigne dès lors toute la contrée située entre le Liban et l'Égypte, la mer et le Jourdain. Ainsi s'éteignit ce petit peuple de guerriers qui, tantôt vainqueurs orgueilleux, tantôt vaincus et soumis, mais jamais domptés et abattus, s'occupèrent toujours de réparer leurs pertes ou d'agrandir leurs conquêtes, et revinrent à la charge contre Israël aussi longtemps qu'ils existèrent l'un «t l'autre comme nation, et qu'une occasion favorable leur partit offrir une chance de succès.

— Nous ne savons que peu de chose de leur vie intérieure et nationale; ils paraissent avoir été un peuple cultivé et industrieux, surtout pour ce qui tient à la guerre; une tradition leur attribue l'invention de l'arc et des flèches; ils s'occupaient d'agriculture et notamment des vignobles, Juges 15:5; cf. Genèse 26:1; peut-être aussi faisaient-ils un commerce de transit avec l'Égypte. Aux jours de Saül leurs fabriques fournirent aux Israélites des armes et des instruments d'agriculture, 1 Samuel 13:20, par où l'on voit qu'ils connaissaient l'art de travailler le fer. Quant à leur culte, il ne devait pas être très différent de celui des Phéniciens; Astarté, et les dieux-poissons de Dagon et d'Atergatis (Derceto) paraissent avoir reçu leurs hommages;

Voir: ces articles.

Bahal-Zébub résidait à Hékron. Ils possédaient en assez grand nombre des prêtres et des devins, 1 Samuel 6:2: leurs enchanteurs étaient célèbres, Ésaïe 2:6, et quelques-uns de leurs oracles étaient visités par des gens du dehors, 2 Rois 1:2. On voit par 2 Samuel 5:21, qu'ils avaient l'habitude de porter à la guerre les images de leurs dieux. La circoncision leur était étrangère, 1 Samuel 18:25; 2 Samuel 1:20. Leur langue appartenait à la même famille que le phénicien et l'hébreu, car tous leurs noms propres s'expliquent par la connaissance de cette dernière langue, mais elle constituait, ou elle constitua peut-être avec le temps, un dialecte qui en différait d'une manière assez notable, Néhémie 13:24.

Les prophètes ont dû s'occuper des Philistins dans leurs oracles; outre les passages déjà cités, nous voyons qu'ils leur reprochent leur haine, leur cruauté, et leurs superstitions, Ésaïe 2:6; Amos 1:8; Ézéchiel 25:15, et Michée 1:10,14, qui nomme pour la dernière fois Gath démolie par Hozias. Dans un chant guerrier, Jérémie (47:1) menace les Philistins de la désolation de leur pays, cf. Sophonie 2:4-7. Ézéchiel annonce que ces maux leur arriveront à cause des dispositions hostiles qu'ils ont manifestées lors de la calamité qui renversa Juda, et Sophonie promet à sa nation la possession du pays des Philistins après leur retour de l'exil; cf. Abdias 19; Mais Zacharie 9:6; et Psaumes 87:4, donnent l'espérance que les Philistins se convertiront au vrai Dieu: l'accomplissement de cette prophétie appartient aux derniers temps.

La maladie qui affligea les Philistins pendant que l'arche séjournait au milieu d'eux, 1 Samuel 5:6, est difficile à déterminer: nos versions traduisent l'hébreu par hémorroïdes, ulcères à l'anas, et il est assez probable en effet que c'est de cette affreuse maladie qu'il est question; la plupart des anciens auteurs l'entendent ainsi. D'autres cependant traduisent dysenterie, ténesme, varices, fistules, etc. On a voulu expliquer d'une manière naturelle comment cette maladie, quelle qu'elle soit, a pu atteindre à la fois toute une population, ou du moins une fort grande partie d'entre elle. Lichtenstein y voit une espèce de plaie d'Égypte, la multiplication prodigieuse d'une sorte d'araignée, la solpuga fatalis, de la grandeur d'une musaraigne, dont la morsure est extrêmement douloureuse: il regarde en même temps cette plaie comme identique avec celle des souris qui ravageaient le pays, 6:4; mais outre que dans ce dernier passage il ne peut être question que de souris proprement dites, la solpuge fatale n'a été observée qu'au Bengale; l'espèce perse et asiatique n'est point aussi dangereuse que la première, qui s'en prend surtout aux parties secrètes, et cause des blessures enflammées, qui occasionnent souvent la mort. Cette opinion est donc abandonnée, et l'on ne saurait trouver aucune autre explication naturelle du châtiment divin. Que les Philistins aient fait et suspendu dans leur temple des représentations des souris et de leurs hideux ulcères, il n'y a rien là d'étrange: les païens n'en font pas d'autres, et Diodore de Sicile, 1:22, nous dit que toutes les nations de l'antiquité offraient dans leurs temples, en ex voto, des images des parties de leur corps qui avaient été guéries de maladies; on peut voir encore Aristoph. Acharn. 242 (dans le scholiaste), et Hérodote 1, 105, des faits qui rappellent d'une manière frappante l'histoire de la maladie et de la guérison des Philistins.


PHILOLOGUE,


disciple de Rome, inconnu, Romains 16:15. Son nom (ami de la science), a fait croire que c'était un esclave affranchi et versé dans les lettres. Une tradition le compte au nombre des soixante-dix disciples, et le fait consacrer plus tard par André comme évêque de Sinope dans le Pont.


PHINÉES,


  1. fils d'Éléazar et petit-fils d'Aaron, Exode 6:25; 1 Chroniques 6:4,50; Esdras 7:5; 8:2; Nombres 25:7. Du vivant de son père il fut nommé chef supérieur des lévites, Nombres 3:32; 1 Chroniques 9:20, et à sa mort, il lui succéda comme souverain pontife, Josué 24:33; Juges 20:28. Sa famille perdit depuis Héli jusqu'à Abiathar, probablement par l'indignité de l'un de ses membres, l'honneur de fournir des souverains sacrificateurs; elle ne recouvra ce droit que sous Tsadoc. Deux faits nous font seuls connaître la vie et le caractère de Phinées: le premier est rapporté Nombres 31:6; sq. Les Madianites avaient apporté l'impureté dans le camp d'Israël; un ordre divin avait condamné à être pendus tous ceux qui s'abandonneraient à ces désordres (25:4); seuls, Zimri et Cosbi, qui peut-être s'étaient absentés, avaient évité l'exécution de la sentence: ils reviennent dans le camp, ils affrontent à la fois la pudeur et la religion; Phinées, indigné, pénètre dans leur tente, et frappe de sa lance les deux coupables; il dut à son zèle l'honneur d'être choisi par Moïse pour être témoin contre Madian, en accompagnant comme souverain sacrificateur les guerriers qui vont se partager le butin; il lui dut aussi la sacrificature et la promesse qu'elle serait héréditaire dans sa famille. Cette action ne peut être jugée ni par nos mœurs, ni même par nos idées religieuses, elle était orientale et juive. En frappant les fornicateurs, Phinées exécutait une sentence de mort déjà prononcée; il n'était point meurtrier mais bourreau, et cette charge était souvent un honneur en Orient. Il agissait ensuite conformément à l'esprit de la théocratie, en exterminant deux ennemis de Dieu, et son zèle pouvait n'avoir rien de charnel. Pour le comprendre il faut se mettre à la place de Phinées, voir le peuple en deuil, les anciens en prières, Dieu irrité, la conquête de Canaan compromise, et deux coupables impunis, braver ce spectacle et rester indifférents à tant de souffrances et de sérieux appels; l'indignation devait parler, se faire jour, un sang jeune et fidèle ne pouvait rester froid; la vengeance ne fut point calculée, elle fut inspirée.

    — Plus tard, après la conquête, Phinées reparaît. Les tribus occidentales craignent que celles qui sont de l'autre côté du Jourdain n'abandonnent le culte de Moïse; un autel qui s'élève justifie leurs craintes, mais avant de prononcer, elles envoient vers ces frères qui paraissent s'égarer, une ambassade à la tête de laquelle on place Phinées. Dans un discours touchant, qui respire le zèle de la maison de Dieu, et l'amour le plus vrai pour ses frères, Phinées (il est du moins probable que c'est lui) expose les craintes d'Israël, et appelle les tribus soupçonnées à se justifier. La réponse qu'il reçoit, calme les inquiétudes qu'il avait conçues, et, plein de joie, il revient à Silo porter à l'assemblée cette heureuse nouvelle. Partout dans sa conduite on sent un caractère généreux, une âme ardente, un cœur aimant; la vivacité et la douceur s'unissent en lui; prompt à craindre le mal, il est prompt à excuser ses frères et à reconnaître une méprise.
     

  2. Fils d'Héli.

    Voir: Hophni.


PHLÉGON,


disciple de Rome, Romains 16:14, inconnu; probablement Grec d'origine.


PHRYGIE,


Actes 16:6; 18:23, petite province de l'Asie Mineure, bornée au nord et à l'est par la Galatie, qui lui appartenait avant l'établissement des Galates: la contrée entière, avant l'époque de ce démembrement, portait le nom de Grande Phrygie. Au sud le Taurus la sépare de la Pisidie; à l'ouest et au nord la Phrygie avoisine, sans frontières naturelles bien marquées, la Carie, la Lydie, la Mysie, et la Bithynie; à l'est est la Cappadoce ou Leuco-Syrie, et la Lycaonie. On appelait Épictetus ou Phrygie d'acquisition, une partie de ce pays qui avait d'abord appartenu à la Bithynie et que les Romains en détachèrent pour la joindre au royaume de Pergame. C'est là que la mythologie a placé plusieurs de ses héros et de ses fables: Arachné changée en araignée, Philémon en chêne, Baucis en tilleul, et Tantale connu par son supplice, non moins que par son crime. La contrée était bien arrosée et fertile; le bétail, et surtout le menu bétail, y prospérait. Les villes phrygiennes nommées dans le Nouveau Testament sont Hiérapolis, Colosses, et Laodicée, q.v.


PHYGELLE,


Voir: Hermogène.


PHYLACTÈRE,


Matthieu 23:5, nom d'étymologie grecque, et signifiant préservatif. Les Juifs postérieurs à l'exil nommaient ainsi des bandelettes de parchemin sur lesquelles étaient écrits des passages de l'Ancien Testament, et qu'à l'exemple des païens, ils portaient au front ou au bras en guise d'amulettes. Cette coutume se fondait sur une interprétation littérale et mal entendue de Exode 13:9,16, et de Deutéronome 11:18; 6:8. Les Juifs écrivaient sur leurs phylactères les quatre passages suivants:

  1. Deutéronome 11:13-22.
     

  2. lbid. 6:4-10.
     

  3. Exode 13:11-17.
     

  4. Ib. 13:1-10, selon l'ordre qu'ils croyaient en avoir reçu. C'étaient surtout les hommes, et au moment de prendre leurs repas, qui s'en servaient. On les mettait au bras gauche, allant du coude jusqu'à l'extrémité du doigt du milieu; c'était le bras du cœur: on les mettait aussi sur le front, les courroies qui les retenaient faisant un nœud derrière la tête, et venant se rejoindre sur le front. Après s'en être servi, on les roulait en pointe, et on les enfermait dans une espèce d'étui de veau noir (Léon de Modène, Cér. des Juifs 1, 2, 4) Les phylactères étaient destinés à rappeler solennellement à ceux qui les portaient, l'observation de la loi, et l'obligation de s'appliquer de tête et de cœur à la connaissance et à la pratique de la vérité: ils ont fini par n'être plus que de vains joujoux, comme les chapelets, les rosaires, etc.; l'esprit de l'institution s'est perdu, la matière est restée; ce ne furent plus des souvenirs, des aides, mais des pénitences, des ornements, ou des symboles de l'orgueil spirituel.

— On a voulu voir à tort dans Proverbes 6:21, une allusion aux phylactères, qui sont d'une invention plus moderne; nous en disons autant de l'ornement dont il est parlé, Ézéchiel 24:17, ornement de tête (peér) que nos versions traduisent par bonnet; quelques rabbins ont cru y trouver une trace de l'usage dont nous parlons (Jarchi, Chald., etc.), mais ce sentiment a été réfuté et rejeté.

— Il paraît que les phylactères étaient regardés par quelques-uns comme des préservatifs contre l'influence des démons.

— Les Pères varient du reste beaucoup dans ce qu'ils disent à ce sujet; les Juifs de leur temps continuaient de porter ces bandelettes de parchemin; les chrétiens de certains lieux commençaient à imiter cet usage superstitieux; Gélase, évêque de Rome, l'a condamné pour ce qui le concernait; il serait à désirer que ses successeurs l'eussent imité en cela; le dix-neuvième siècle n'eût pas vu naître la miraculeuse médaille-phylactère, qui a rapporté 70,000 fr, aux jésuites de Fribourg, et n'a pas empêché leurs troupes d'être battues, leurs soldats d'être tués.


PIBÉSETH,


ville nommée Ézéchiel 30:17, à côté de plusieurs autres villes d'Égypte. D'après les Septante et la Vulgate il s'agit de Bubaste, chef-lieu du district de ce nom, dans la partie orientale de la Basse-Égypte, sur un canal dérivé du bras pélusiaque du Nil, à 7 lieues sud-est de Léontopolis. On y voyait un temple célèbre de la déesse Bubastis, que les Grecs identifiaient avec leur Artémis (Hérodote 2, 59; 137; 138) Chaque année de nombreux pèlerinages, environ 700,000 hommes, venaient visiter ce monument; pendant le voyage, des femmes jouaient des castagnettes, des hommes de la flûte; le reste battait des mains: quand on passait devant une ville, les bateaux approchaient du rivage, et l'on criait mille injures aux habitants. Les chats étaient adorés à Bubaste comme des divinités; on les embaumait et on leur donnait une sépulture honorable. Le prophète annonce la destruction de cette ville qui fut en effet prise et démolie par les Perses. Elle existait encore comme souvenir pendant la période romaine, et l'on en trouve maintenant les ruines sous le nom de Tell Basta.


PIERRE, ou Siméon,


apôtre, appelé d'abord Simon ou Siméon, et souvent de ses deux noms réunis Simon Pierre, était fils d'un certain Jonas de Bethsaïda, et s'appelait en conséquence, suivant un usage des Hébreux, Barjona, c'est-à-dire fils de Jonas, Matthieu 10:2; Marc 3:16; Luc 6:14; Jean 21:15. Domicilié à Capernaüm, il y vivait de son état de pêcheur, Matthieu 4:18; 8:14; Marc 1:16; Luc 4:38; 5:3. Sa vocation à l'apostolat semble racontée de trois manières différentes, mais une lecture attentive, et la comparaison des passages montre d'abord qu'il y a eu double vocation, puis, qu'entre les deux autres versions l'une est plus complète que l'autre, mais non contradictoire ou différente. On voit d'abord, Jean 1:40; sq., que Pierre, disciple de Jean-Baptiste, fut instruit de bonne heure par André son frère, de la venue et de l'œuvre du Messie; Jésus pénétra le futur apôtre, et lui prédit les destinées auxquelles il était réservé; toutefois, il ne l'appela point encore à le suivre, comme il en avait appelé d'autres. Un second récit, celui de la vocation proprement dite de Pierre, se lit Matthieu 4:18; Marc 1:16; mais il est abrégé. Saint Luc 5:1, sq., le développe et l'étend; c'est dans sa narration qu'on a voulu trouver une troisième version d'un même fait (Winer).

Après l'entrevue de l'apôtre avec le Sauveur, le premier était retourné en Galilée; il avait repris ses filets. Un jour, sur les bords du lac, Jésus, pressé par la foule, demande à Simon le secours de sa nacelle, et se fait conduire à quelque distance du rivage; il parle aux troupes, il les enseigne, puis son instruction achevée, soit qu'il voulût rendre Simon témoin de ses œuvres, soit qu'il voulût l'indemniser du temps qu'il avait perdu, il l'engage à descendre ses filets dans le lac. En répondant que la pêche de la nuit n'a rien rapporté, Simon fait acte de foi et d'obéissance, car il jette en même temps ses filets; il veut constater qu'il ne le fait que par respect pour la parole du maître dont il vient d'entendre les enseignements, et qu'on lui a déjà fait connaître comme le Messie. Les filets rompent sous le poids des poissons qu'ils ramènent, et tous les doutes du pêcheur sont dissipés; il s'écrie à genoux: «Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur.» Et Jésus se l'attache pour toujours, en lui annonçant que la pêche qu'il vient de faire n'est que l'emblème de ses succès futurs; il sera pêcheur d'hommes vivants.

Son nom se trouve dès lors mêlé, avec celui de quelques autres apôtres, à l'histoire presque entière de notre Sauveur: il est un de ses compagnons, un de ses disciples les plus assidus et les plus intelligents; il est témoin de ses miracles, et intervient fréquemment dans ses conversations avec plus ou moins de bonheur. Sa belle-mère est guérie par Jésus, qui était devenu son hôte, Matthieu 8:14; Marc 1:29; sq. Luc 4:38. Le lendemain, il va comme les troupes à la recherche de Jésus qui s'était retiré pour prier; il a le bonheur d'être le premier à le rejoindre, Marc 1:35; Luc 4:42. Après le premier miracle de la multiplication des pains, la nuit, il voit le Seigneur marcher sur les eaux, et veut marcher à sa rencontre, mais sa foi n'est pis à la hauteur d'une épreuve aussi forte, il doute, et les eaux s'entr'ouvrent sous ses pieds, Matthieu 14:22; Marc 6:45; Jean 6:17.

— À Bethsaïda, il fait une profession éclatante de sa foi en celui qui a les promesses de la vie éternelle, Jean 6:68: il la réitère dans une autre circonstance aux environs de Césarée de Philippe, et reçoit en récompense de sa foi de mémorables oracles; mais pour qu'il ne s'élève point au-dessus de ses frères, le Seigneur lui fait voir qu'il ne comprend pas encore les choses qui sont de Dieu, et le repousse en termes sévères comme un tentateur, Matthieu 16:13; sq. Marc 8:27; Luc 9:18. Témoin de la transfiguration, il ne la comprend pas et confond le repos des saints avec la douceur du repos et de la paix terrestres, Matthieu 17:1; Marc 9:2; Luc 9:28; 2 Pierre 1:16.

— À Capernaüm, il consent à payer pour son maître l'impôt des didrachmes, Exode 30:13; Jésus, en lui faisant comprendre, que maître de toutes choses, il eût pu s'en dispenser, répond par un miracle, et le statère se trouve dans la bouche du poisson, Matthieu 17:24. Judas possédait sans doute cette somme dans la bourse apostolique, mais le Fils de l'homme devait montrer à tous que l'or et l'argent lui appartiennent, Aggée 2:8, et que, s'il conteste, c'est sans intérêt; s'il cède, c'est pour accomplir toute justice et ne point scandaliser les faibles.

— Dans les questions relatives au pardon des offenses, Matthieu 18:21, et à la récompense que les apôtres pouvaient espérer de leur fidélité, Matthieu 19:27; Marc 10:28; Luc 18:28, Pierre montre que ses idées sont encore confuses sur l'a sainteté de la vie nouvelle et sur la spiritualité du royaume de Christ.

— Il voit et remarque le miracle du figuier séché, Matthieu 21:20; Marc 11:21; il prend part aux entretiens qui suivent les oracles de Jésus sur la destruction de Jérusalem, Marc 13:3; il est chargé de faire avec Jean les préparatifs de la dernière pâque, Matthieu 26:18; Marc 14:13; Luc 22:8. Et pendant que le maître veut donner à tous une leçon d'humilité, peut-être pour répondre à leurs contestations sur la place qu'ils occuperaient dans la vie à venir (Matthieu 18:1; Marc 9:33; Luc 9:46; 22:24), Pierre, toujours vif, refuse par deux fois de se laisser laver les pieds et ne cède à une affectueuse injonction, que pour se jeter alors dans un autre extrême, Jean 13:6, etc.

— Il est moins prompt à juger et à interroger quand Jésus annonce que l'un des douze le trahira: soit que Judas eût réussi à conserver jusqu'alors la confiance de ses frères, soit que Pierre repoussât des soupçons qu'il craignait de voir justifiés, soit qu'il désirât voir le traître démasqué, soit enfin que l'incertitude leur fût plus pénible que la réalité, et que devant un oracle aussi étrange, aussi solennel et inattendu, ils en fussent tous venus à se redouter eux-mêmes, à se défier d'eux-mêmes, Pierre, voulant connaître le nom du traître, mais n'osant le demander à haute voix, fit signe à Jean, voisin du Seigneur, de l'interroger. Il ne se doutait guère que la peur lui ferait commettre un crime semblable à celui que la cupidité avait inspiré à Judas; mais dans la même soirée il reçut par deux fois des avertissements tout ensemble sinistres et consolants. «Là où je vais, tu ne peux maintenant me suivre, mais tu me suivras ci-après.»

— «Simon, Simon, voici, Satan a demandé à vous cribler tous comme le blé (Amos 9:9), et j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne faiblisse point; toi donc, quand tu seras un jour converti (relevé de ta chute), fortifie tes frères», Luc 22:31. Et comme le fidèle, mais présomptueux apôtre, protestait de sa confiance en lui-même, son triple reniement lui fut prédit, Jean 13. Un peu plus tard, dans la même soirée, comme les apôtres se rendaient en Gethsémané, Jésus les enveloppant tous dans une même sentence prophétique, leur dit: Vous serez tous cette nuit scandalisés en moi, selon qu'il est écrit; je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées; cf. Zacharie 13:7; et Pierre, que la sentence isolée prononcée contre lui, avait sans doute humilié et affligé, satisfait de se voir de nouveau réuni à ses frères, quoique dans la faiblesse, voulut protester encore de sa fidélité, mais en vain; il ne reçut pour réponse que la confirmation de son triple reniement, Matthieu 26:31; Marc 14:27, etc.

— Témoin de l'agonie de son maître, il ne peut, non plus que Jacques et Jean, veiller avec lui; malgré les recommandations de Jésus, ils s'endorment, et Luc, le médecin, nous dit que c'était de tristesse qu'ils dormaient, Luc 22:45. La faiblesse de la chair succombait aux émotions, et l'esprit n'était pas assez fort pour en triompher. Il était plus facile de se battre que de prier, et Pierre se réveilla quand les soldats vinrent pour prendre Jésus, Matthieu 26:51; Marc 14:47; Luc 22:49; Jean 18:10. D'un coup d'épée il blessa Malchus à l'oreille, ayant pris à la lettre quelques expressions dont le Sauveur s'était servi quelques instants auparavant dans un sens figuré, Luc 22:36,38. Mais ce n'était pas là le courage que réclamait de ses disciples celui qui donnait librement sa vie; les soldats entraînèrent le maître; les disciples s'enfuirent. Pierre, engagé par ses paroles à faire mieux que les autres, revint cependant en arrière; il voulait tenir sa parole, il allait réaliser celles de son maître. Arrivé devant la porte de Caïphe, il la voit s'ouvrir devant lui sur la recommandation de Jean, mais la cour est pleine de soldats, d'huissiers, de domestiques et de curieux. Pendant le premier interrogatoire du Seigneur, la portière qui avait ouvert à Pierre, croit reconnaître en lui un des disciples de l'accusé et l'interpelle. Saisi, surpris, étonné d'être reconnu, préoccupé d'autres pensées qui lui font à la fois oublier l'oracle du Christ et désirer de couper court à une conversation qu'il n'a pas envie de poursuivre, il ment et renie son maître sans trop songer peut-être a ce qu'il fait. Une question semblable lui est adressée un moment après, et déjà il a eu le loisir d'examiner sa position; la frayeur l'environne, et les témoins qui l'entourent de toutes parts, lui semblent autant d'ennemis; il ment encore et dit: Je ne le connais point. Mais il est inquiet; il voudrait sortir, il change de place, il entre au vestibule, Marc 14:68, et là, une heure environ après le second reniement, un parent de Malchus le reconnaît et lui dit: Ne t'ai-je pas vu au jardin avec lui? Nier n'eût plus suffi devant une accusation aussi directe, et Pierre, accablé de frayeur, était en outre retenu par la honte d'avouer enfin son maître, en avouant qu'il l'avait renié deux fois; il ne lui suffisait plus de reconnaître Jésus, il devait encore reconnaître sa lâcheté; l'épreuve était trop forte pour l'homme appuyé sur ses propres forces; il renie encore, en jurant et en prononçant des imprécations. Mais la mesure était comblée, la tentation était terminée; le disciple pouvait savoir à quoi s'en tenir sur son courage, sa force, sa fidélité; c'était le point du jour, le coq chanta; un regard de Jésus tomba sur son disciple, l'accusant sans le trahir ni le compromettre, et Pierre revint à lui-même; bouleversé de son crime, touché de l'amour de son maître, il sortit et pleura amèrement; ces larmes étaient sans doute, quoique amères, les plus douces et les plus pures qu'il eût encore versées; sa douleur était selon Dieu, elle ne pouvait qu'être heureuse; pour la première fois peut-être, il avait un pressentiment de la vie nouvelle, du christianisme.

Trois jours après, averti par Marie Madeleine, il court au sépulcre avec Jean, n'arrive qu'après lui, mais entre le premier dans la grotte, examine, admire, sans comprendre encore que son maître est ressuscité, et retourne à Jérusalem, Luc 24:12; Jean 20:2. On conclut presque avec certitude, de 1 Corinthiens 15:5; cf. Luc 24:34, que le même jour encore, avant son entretien sur la route d'Emmaüs, le Christ ressuscité s'est montré à Pierre, et l'on conjecture qu'il lui a donné, ou réitéré spécialement, l'ordre de se rendre, avec le reste des apôtres, en Galilée, où il le verrait de nouveau: Pierre, qui s'était exclu lui-même de la société apostolique, ne pouvait savoir si le maître le reconnaîtrait encore, ou s'il le renierait à son tour; il eût hésité peut-être à suivre les apôtres, s'il n'avait été en quelque sorte personnellement convoqué. Du reste, aucune parole, aucun détail de cet entretien n'est rapporté dans les Évangiles, et 1 on conçoit qu'il ne concernât que le chef de l'Église et son disciple relaps; Pierre sans doute versa de nouvelles larmes, mais il sentit qu'il était réintégré; il allait reprendre sa place, mais la remplir plus humblement.

Il se rend à Capernaüm on il possédait une maison (Matthieu 8:14; Marc 1:29; Luc 4:38), et après quelques jours d'une attente inutile, il dit à ceux des apôtres qui étaient avec lui qu'il s'en allait pêcher, Jean 21:2. Ils le Suivirent, mais la pêche de la nuit fut inutile. Au matin, Jésus, qu'ils ne reconnaissaient point, leur demanda du rivage s'ils avaient du poisson, et sur leur réponse négative, il leur dit de jeter leurs filets du côté droit de la celle; une pêche abondante vint miraculeusement récompenser leur obéissance et leur foi. C'étaient les mêmes questions, les mêmes réponses, les mêmes merveilles que les mêmes hommes, les mêmes rivages, les mêmes nacelles, avaient entendues et vues quelques années auparavant; il n'en fallait pas davantage pour parler au cœur de Jean, qui reconnut aussitôt le Sauveur, et saint Pierre se jetant à la nage vint bientôt aborder aux pieds de son maître; ils prirent tous ensemble un modeste et silencieux repas, pendant lequel tous reconnaissaient Jésus sans oser l'interroger. Après le repas, Jésus s'adressant à Pierre, mais sans lui donner ce nom qui était comme le signe de son apostolat, lui dit: Simon, fils de Jona, m'aimes-tu plus que ne font ceux-ci? L'apôtre n'en était plus aux jours où il ne craignait pas de s'élever au-dessus de ses frères; il répondit humblement: oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. Pais mes agneaux, dit le Seigneur. Une seconde fois, puis une troisième, mais sans insister sur la comparaison avec les autres apôtres, le Seigneur lui demande: Simon, fils de Jona, m'aimes-tu? chaque fois la réponse est la même, et le Seigneur en lui disant: Pais mes brebis, lui annonce le martyre, et se l'attache de nouveau, après que par sa triple confession, l'apôtre eut expié aux yeux de son maître son triple reniement. Simon le pêcheur est redevenu Pierre l'apôtre. Quelle solennité dans cette réintégration, et pourtant quelle douceur dans le châtiment, si même on peut donner ce nom aux interpellations du Sauveur. Saint Pierre pardonné reprend bientôt ses anciennes habitudes, et lorsqu'il eut appris de la bouche du Sauveur le sort qui lui était réservé, il lui demanda quel serait celui de l'apôtre Jean qui les suivait; mais Jésus refusa de répondre à cette question d'une vaine curiosité, et il ne permit pas que Pierre oubliât aussi promptement les avertissements qu'il venait de recevoir.

Nous retrouvons Pierre dans le livre des Actes; il attend avec les apôtres l'effusion du Saint-Esprit, et il propose de remplir la place que Judas a laissé vacante; Matthias est élu par le sort (1:23). La Pentecôte et l'effusion du Saint-Esprit viennent étonner les habitants de Jérusalem, et remplir de joie les apôtres: l'inimitié honteuse et jalouse qui poursuit tout réveil, toute œuvre de l'esprit, s'attache à ternir ce mouvement, en attribuant à l'ivresse les merveilles dont tous sont témoins, mais Pierre prend la parole, la puissance d'en haut agit en lui, Christ est glorifié, les âmes sont touchées, et 3,000 personnes se convertissant à sa prédication viennent grossir les rangs de l'Église chrétienne, qui ne comptait encore alors que les apôtres et quelques femmes. En voyant les doctrines du crucifié se propager avec tant de succès, le sanhédrin résolut de prendre des mesures répressives; un miracle, un bienfait, lui fournit l'occasion qu'il désirait: un homme âgé de plus de quarante ans, et boiteux dès sa naissance, avait été guéri par le ministère des apôtres. Pierre lui avait dit comme le maître, et au nom de celui-ci: Lève-toi et marche, et l'impotent avait recouvré l'usage de ses membres. Comme l'apôtre parlait à la foule pour repousser les hommages qu'on lui adressait, et pour la persuader de rendre à Jésus l'honneur, l'obéissance, et l'amour qui lui sont dus, des officiers chargés de maintenir l'ordre dans le temple, survinrent et mirent en prison Pierre et Jean. Traduits devant le sanhédrin, les apôtres, au lieu de se défendre, accusèrent ce pouvoir prétendu religieux, d'avoir mis à mort Jésus le Nazarien, s'appuyèrent de l'autorité de celui que Dieu avait ressuscité des morts, et répondirent à la défense qui leur fut faite d'annoncer le nom de Christ: Jugez s'il est juste de vous obéir plutôt qu'à Dieu. Le miracle était évident, le témoin marchait, les apôtres furent renvoyés absous.

C'est encore Pierre dont la parole foudroie Ananias et Saphira, Actes 5:1. Son ombre guérit les malades, sa prédication touche les cœurs; ses succès irritent derechef les sadducéens qui, dirigés par Caïphe, le livrent une seconde fois au sanhédrin; mais une seconde fois l'apôtre répond: Il faut plutôt obéir à Dieu qu'aux hommes. Caïphe ne le fait plus trembler.

Les persécutions ayant dispersé les chrétiens, la Samarie est évangélisée: Philippe baptise, et Pierre vient avec Jean imposer les mains aux fidèles et leur communiquer les dons du Saint-Esprit, Actes 8. Il refuse de vendre au magicien Simon le pouvoir de transmettre ces dons surnaturels, et stigmatise ce premier exemple de vénalité religieuse. Après avoir évangélisé les bourgades qu'il trouve sur sa route, il revient à Jérusalem; c'est alors qu'il fait la connaissance de Paul, à qui il donne une hospitalité de quinze jours, Galates 1:18. Il visite les églises naissantes de la Judée, de la Samarie et de la Galilée, Actes 9; à Lydde, il guérit un paralytique; à Joppe, il rend Dorcas aux pauvres qui l'avaient perdue; elle revient à la vie au milieu de ceux qui la pleuraient. L'apôtre reste quelque temps dans cette ville: une vision étrange qui se réitère à trois reprises, Actes 10, lui apprend que le mosaïsme a pris fin, que la paroi mitoyenne est tombée, Éphésiens 2:14, que la distinction des animaux en purs et impurs n'existe plus, que le monde n'est plus divisé extérieurement en bénis et en maudits, et qu'en toute nation ceux qui craignent Dieu et qui s'adonnent à la justice, lui sont agréables. La démarche et la demande des messagers de Corneille, centenier romain, achèvent de lui expliquer ce qu'il y a de mystérieux dans la vision, et il part pour annoncer Christ aux païens. À ses amis de Jérusalem qui le blâment, il expose la vision céleste, et tous glorifient Dieu en disant: Dieu a donc donné aux gentils la repentance pour avoir la vie.

De ce moment l'historien sacré'qui s'attache à nous donner la suite de l'histoire de Paul, ne nous donne celle de Pierre qu'en passant. Il paraît que l'apôtre visita diverses provinces de l'Asie Mineure, annonçant Christ aux Juifs et aux païens. On le retrouve à Jérusalem à l'époque du martyre de Jacques, et lui-même, réservé au supplice par ordre d'Hérode, est miraculeusement rendu aux prières de ses frères qui n'osaient espérer sa délivrance, Actes 12. On croit qu'il s'éloigna alors de Jérusalem pour un temps, mais nous l'y retrouvons lors du concile des apôtres, 15:7; il y revoit saint Paul. Il y prend la parole, mais sans autre autorité que celle des choses mêmes qu'il dit: il plaide la cause des gentils, et rappelle les instructions qu'il a reçues du Seigneur à cet égard. Mais bientôt, infidèle à ses principes, troublé peut-être par les criailleries de chrétiens judaïsants exaltés, fatigué de cette lutte, sous l'impression de reproches qui lui avaient été adressés, craignant de scandaliser les faibles, enclin d'ailleurs au formalisme juif par sa naissance et son éducation, il en vint à dissimuler, il s'éloigna des gentils, il en entraîna quelques-uns dans sa chute, et Paul dut le censurer ouvertement, Galates 2:11; il est probable qu'il reconnut la justesse des reproches que sa dissimulation lui attira, et qu'il se releva de cette faute avec la généreuse vivacité de son caractère.

On ne sait plus rien de lui dès lors; l'histoire sainte se tait, et les Pères ou se taisent aussi, ou se contredisent à tel point qu'on ne peut rien établir de positif sur leur témoignage: on ne sait ni où il se rendit, ni ce qu'il fit, ni où, ni comment, ni quand il mourut.

Quelques remarques termineront cette notice, et achèveront de faire comprendre cette vie et ce caractère.

  1. Les noms de Pierre et de Céphas ont la même signification; Céphas est syriaque ou araméen, et n'entraînait aucune idée particulière; c'était le nom dont on l'appelait quand on s'exprimait dans cette langue, et souvent on employait l'un ou l'autre indistinctement, Galates 2:9,11; 1 Corinthiens 1:12; 9:5. Jusqu'au moment de l'ascension il est presque toujours désigné sous le nom de Simon (ou Syméon); c'est ainsi que l'appellent Jésus et les autres apôtres, Matthieu 17:25; Marc 14:37; Luc 7:40; 22:31; 24:34; Jean 21:15: le même nom se retrouve Actes 15:14, sans doute par un effet de l'habitude prise, cf. 2 Pierre 1:1; le nom de Pierre emporte l'idée de sa vocation, c'est en quelque sorte son nom d'honneur: il le porte Actes 10:5,18, et si quelquefois les deux noms de Simon Pierre sont réunis, celui de Pierre unit par prévaloir, ce qui explique pourquoi les évangélistes, en parlant de lui, l'appellent le plus souvent simplement Pierre.
     

  2. Sa famille est peu connue. Son père, pêcheur comme lui, s'appelait Jonas; la tradition donne à sa mère le nom de Jeanne; l'apôtre André était son frère, probablement plus jeune que lui. Il était marié, comme il ressort de Luc 4:38; 1 Corinthiens 9:5: la tradition est unanime à cet égard, et dom Calmet n'a pas l'air de chercher à s'en cacher. Il avait un fils nommé Marc, 1 Pierre 5:13, et les Pères lui donnent en outre une fille nommée Pétronille; ils varient sur le nom de sa femme, que les uns appellent Concorde, les autres Perpétue. Plusieurs le regardent comme le plus âgé des douze apôtres; les détails qu'ils donnent sur sa figure et sur son apparence ont peu d'autorité.
     

  3. Nous avons vu comment il est facile de concilier les apparentes divergences des évangiles qui racontent l'élévation de Pierre à l'apostolat. Mais la grande divergence, celle qui frappe le moins, parce que l'on y est habitué, c'est celle qui se trouve entre la condition de l'appelé, et la charge à laquelle il est appelé. Un pêcheur de poissons devient pêcheur d'hommes; un batelier devient apôtre; l'ignorance doit instruire le monde, et passer du banc de sa nacelle aux chaires de la vérité. Personne n'eût confié à Simon la charge la moins importante, s'il eût fallu pour la remplir posséder quelques connaissances, et le maître du monde l'appelle, avec onze autres, à la plus sublime des vocations, à faire connaître aux hommes la vraie philosophie et la vraie théologie, le cœur de l'homme et le cœur de Dieu. C'est qu'en effet,
     

    Pour en avoir la connaissance
    Il faut être des plus petits,
    Laisser là toute autre science,
    Devenir de simples brebis.

    C'est qu'en effet il a été vrai de tout temps,
    Que les sages, les entendus
    N'ont point de part dans cette affaire.
     

    C'est que ce sont des choses qu'on ne peut enseigner que lorsqu'on a été soi-même enseigné de Dieu, et pour en venir là les simples et les savants ont le même chemin à faire, et ces derniers y répugnent davantage, embarrassés qu'ils sont du bagage d'une science faussement ainsi nommée. Ce qui a été vrai aux jours du Seigneur est vrai toujours, c'est que ses vrais serviteurs sont ceux qu'il a choisis lui-même, quelle que soit du reste l'estime dont ils jouissent aux yeux de la chair; et l'on est étonné, si l'on veut y faire attention, de trouver souvent des disciples zélés, fidèles, et bénis, bien ailleurs que là où l'on penserait à les chercher.
     

  4. Pierre apparaît dans le collège apostolique revêtu d'une espèce de primauté que les écrivains protestants ont parfois trop méconnue, et que les auteurs catholiques romains ont en revanche exagérée jusqu'à en faire une principauté. Non seulement il était l'un des amis les plus intimes du Seigneur (non le plus intime), comme on le voit par Matthieu 17:1; Marc 9:2; 14:33; et ailleurs, mais encore on le voit tantôt parler au nom des douze, tantôt répondre en leur nom quand ils sont interrogés; Jésus lui-même le nomme quand il s'adresse aux apôtres. Matthieu 16:16; 19:27; 26:40; Marc 8:29; Luc 12:41. Le passage Matthieu 17:24, ne prouve du reste pas, comme on a voulu le croire, qu'en dehors du cercle des douze, Pierre fût considéré comme le chef et le représentant naturel de ses collègues: ce peut n'avoir été qu'un cas fortuit, une circonstance accidentelle, et si l'on voulait donner trop de poids à cette preuve, plusieurs des apôtres, Philippe, André, etc., auraient des titres semblables à faire valoir, Jean 12:21; sq. Le caractère personnel de l'apôtre a pu contribuer pour beaucoup à le faire considérer comme un représentant de tous, non qu'il fût meilleur, mais parce qu'il était plus voyant: il avait été d'ailleurs l'un des premiers appelés, et il était peut-être l'aîné de tous, ce qui explique aussi pourquoi dans toutes les listes il est nommé le premier, sauf Galates 2:9. Après l'ascension, il continue pendant quelque temps de se produire, d'agir, de parler, avec cette promptitude et cette supériorité d'intelligence qui lui avaient donné sur ses collègues une espèce d'autorité morale, que ceux-ci n'avaient jamais contestée parce qu'elle n'avait jamais été formulée, ni affichée: cf. Actes 1:15; 2:14; 4:8; 5:29. Mais bientôt il cesse lentement de briller dans l'histoire apostolique, soit que l'âge ait brisé ou ralenti l'activité de son caractère et l'autorité qui s'y rattachait, soit qu'un homme plus jeune, plus fort, également bien doué, l'ayant remplacé dans la vie active, Pierre ait vu passer naturellement dans les mains de saint Paul une influence qu'ils ne devaient l'un et l'autre qu'aux dons qu'ils avaient reçus et à l'usage qu'ils eu avaient fait.
     

  5. Ce n'est pas ici le lieu de discuter les questions controversées entre l'Église de Rome et l'Église réformée; indiquons-les seulement, et posons quelques principes. Les théologiens romains estiment que Pierre a été mis au-dessus des apôtres, ayant autorité sur eux, autorité sur l'Église, en vertu du passage Matthieu 16:16-18: que le droit de pardonner ou de condamner lui a été également donné, et à lui seul; que la surveillance et la direction de l'Église, des évêques et des troupeaux, du clergé et des laïques, lui a été confiée en vertu des paroles de sa réintégration: «Pais mes agneaux, pais mes brebis», Jean 21:15; que Pierre a été à Rome, qu'il y a été évêque, évêque pendant vingt-cinq ans; qu'il a enfin légué sa puissance aux évêques qui sont montés après lui, quels qu'ils fussent, indépendamment même de leur foi et de la réalité de leur christianisme.

    À quoi il a été répondu: que chacun est le fils de ses œuvres; qu'il n'y a plus sous le christianisme d'autorité de droit divin que celle qui prouve sa divinité par sa puissance et par sa sainteté; que, relativement à saint Pierre, les paroles qui lui furent adressées en suite de sa confession du nom de Christ, n'impliquent aucune supériorité de droits; que la pierre sur laquelle l'Église chrétienne devait être bâtie, c'était la confession de foi elle-même, et non celui qui l'avait faite; que le droit de lier et de délier, celui de pardonner et de retenir les péchés, a été donné à tous les chrétiens dans la même mesure qu'à saint Pierre, Jean 20:23, c'est-à-dire qu'il ne constitue pas un pouvoir, mais qu'il n'emporte que le simple droit de déclarer, de constater un fait; que les paroles: pasce oves meos, ou meas, ne sont que la simple réintégration de l'apôtre dans des fonctions dont il s'était lui-même, en quelque sorte, démis, et que notre Sauveur n'a pas été appelé à rendre aux autres apôtres des droits que ceux-ci avaient conservés; que la différence de sexe, meos et meas, ne signifie rien, attendu que ces mots sont, dans le langage biblique, pris fréquemment l'un pour l'autre comme signifiant tous les deux le troupeau, observation qui est renforcée par cette autre, péremptoire, eue sous la nouvelle alliance il n'y a plus la vieille distinction des hommes en ecclésiastiques et laïques, en clergé et troupeau, vu que tous les chrétiens sont à la fois hommes du peuple et hommes de l'Église, laïques et ecclésiastiques; que le Nouveau Testament ne nous montre nulle part saint Pierre revêtu d'une autorité absolue, que s'il est le premier souvent, il n'est jamais primat, il cherche à convaincre par des arguments solides, mais il n'ordonne pas; qu'il ne part jamais de son autorité comme d'un principe, et qu'au concile de Jérusalem il ne préside pas, il ne commence pas, il ne clôt pas la discussion; que les frères ne le reconnaissent nulle part comme ayant une autorité de chef de l'Église, qu'ils se reconnaissent le droit de l'interroger, de le contrôler, de le blâmer; que saint Paul en particulier le censure pour sa conduite peu franche à l'égard des gentils, tellement il est éloigné, et Pierre aussi, d'admettre on ne sait quelle infaillible autorité;

    — relativement au voyage de Rome, qu'il est plus que contestable, que rien ne le prouve, que tout établit que Pierre n'y a jamais été; que s'il y a été, ce n'a pas été pendant vingt-cinq ans, mais un moment seulement; qu'il n'y a jamais été évêque, et que l'eût-il été, il n'eût jamais transmis à des successeurs des promesses (quelconques) qui n'avaient été faites qu'à sa personne; que s'il a transmis des droits à l'Église de Rome, cette Église n'en a rien su dans les commencements; que lorsqu'elle a essayé au troisième siècle de les faire valoir, la chrétienté toute entière a protes-lé; qu'au sixième siècle l'évêque de Rome les ignorait encore, ou les repoussait avec indignation, et que ce n'est qu'au onzième siècle qu'un pape ambitieux les a solidement conquis; que si Pierre eût légué des dons à l'Église de Rome, cette Église n'eût pas tardé à les perdre, ayant évidemment prouvé qu'elle était indigne d'être l'héritière de ce saint apôtre; enfin, que si jamais elle a eu des droits à cette succession, elle en a toujours fait un mauvais usage, etc., etc. On ne répond à une erreur raisonnable que par une seule raison; à des échafaudages d'absurdités, il y a des milliers de réponses à faire, et la source n'en tarit point; la primauté de saint Pierre, sa papauté, appartient à cette masse de faits dont l'Église romaine a eu besoin pour établir un pouvoir spirituel immense; et non contente de cette usurpation, elle y a joint, en manière de petits profits ignorés des premiers siècles, le droit de disposer des couronnes, des royaumes et des peuples, droit qu'elle a exercé de la manière la plus barbare et la plus criminelle, et qu'elle exercerait encore si, peu à peu, la lumière n'était venue en bien des lieux protester contre ces ténèbres abrutissantes et rendre à chaque individu les droits qui lui appartiennent par la grâce de Dieu. Que M. de Chateaubriand nous montre donc «ce prince d'une espèce nouvelle dont les successeurs étaient appelés à monter sur le trône des Césars, entrant dans Rome le bâton pastoral à la main», on comprendra son langage comme celui d'un loyal sujet du Saint-Siège, comme une fleur de plus jetée au milieu de ses magnifiques Études Historiques, mais l'on n'y trouvera ni l'exactitude de l'historien, ni l'esprit d'un théologien, ni le langage et la foi d'un chrétien. M. le comte Joseph de Maistre, avec un sérieux parfois héroï-comique, a traité dans son livre du Pape plusieurs des questions relatives à saint Pierre dans ses rapports avec le Saint-Siège; il était difficile de faire avec autant d'esprit un livre aussi peu intelligent, aussi bizarre, aussi faux; et le dix-neuvième siècle a été surpris de cette apparition; c'était comme un revenant du onzième siècle.

    — Pour l'examen des prétentions historiques, théoriques et théologiques de l'Église romaine, nous n'avons rien lu de plus solide parmi les ouvrages modernes que les deux Dissertations de A. Bost, père, sur le Droit des Papes, l'Appel à la conscience des catholiques romains du même auteur, l'Anatomie du papisme par N. Puaux, et un sermon de M. Vinet, intitulé Simon Pierre.

    — Ajoutons seulement, et c'est une observation dans tous les cas intéressante, que les protestants ont pour saint Pierre un respect plus réel, plus sincère que les papistes; nous croyons, en effet, avec le grand apôtre «qu'il n'y a de salut en aucun autre qu'en Christ, et qu'il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui soit donné aux hommes par lequel il nous faille être sauvés», Actes 4:12; l'Église de Rome pense autrement. Nous disons encore avec saint Pierre: «Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as estimé que le don de Dieu s'acquiert avec de l'argent», Actes 8:20; l'Église de Rome, au contraire, favorise et pratique la simonie. Nous croyons que ce n'est point le baptême qui sauve, mais la recherche que fait de Dieu une conscience pure, 1 Pierre 3:21; l'Église de Rome refuse l'inhumation aux enfants morts sans baptême. Pierre refusa l'adoration de Corneille, Actes 10:26; ses prétendus successeurs la réclament, y compris des baisers pour leurs pantoufles. Nous croyons enfin avec saint Pierre, que dans le temple de Dieu sur la terre, dans son Église, il n'y a qu'une pierre fondamentale qui est Christ, et que tous les chrétiens entrent dans la construction de l'édifice comme autant de pierres vives, 1 Pierre 2:4-5; Rome, au contraire, estime qu'il n'y a qu'une pierre, et que cette pierre c'est Pierre.

    — Mais assez.
     

  6. D'après ce qui a été dit plus haut, comme aussi d'après la simple lecture de l'Évangile, on peut se faire une idée assez exacte du caractère de l'apôtre. Vif, bouillant, entreprenant, résolu, dévoué, mais se confiant trop en lui-même, il a trouvé dans ses dispositions naturelles les causes de sa grandeur et de ses chutes. Ces caractères agissent plus qu'ils ne vivent; ils sont plus capables de grandes actions que de persévérance, et la vigilance n'est pas leur côté fort; moins homogène que saint Jean, Pierre a paru davantage, il a peut-être fait davantage, mais il n'a pas été aimé de son maître comme l'apôtre de la charité. Dans une circonstance solennelle, dans un interrogatoire en forme, Pierre n'eût peut-être pas renié son maître; il eût veillé. Devant un simple interrogatoire, devant une servante dont les questions importunes ne lui paraissent pas dignes de réponse, il le renie; il le renie parce qu'il ne veut pas se laisser troubler dans ses tristes pensées par d'indifférents interlocuteurs; il reste pour ne pas abandonner son maître, et il le renie encore: il est sans vigilance. Le chant du coq le réveille, et c'est alors seulement qu'il se rappelle qu'un reniement devant cette foule indifférente, indiscrète, sans droits à le questionner, est cependant aussi un reniement; il pleure alors, parce qu'il comprend la grandeur du péché qu'il a commis, parce qu'il veille. Chrysostôme, Luther, Mélanchthon et Calvin, renferment de belles et touchantes pages sur ce reniement de l'apôtre, et si l'on doit éviter d'être à cet égard plus indulgent que saint Pierre ne l'a été pour lui-même, il ne faut pas non plus se montrer plus sévère que Jésus.

    — La conduite de Pierre à Antioche, Galates 2:11, s'explique plus ou moins de la même manière, quoique la position fût loin d'être la même: Pierre avait alors déjà reçu les dons du Saint-Esprit, il était plus éclairé, sa faute était plus grande, et en outre elle était réfléchie. Sans doute bien des excuses pouvaient se présenter à son esprit, pour motiver une conduite si peu conforme à ses antécédents et aux ordres qu'il avait reçus du Seigneur; mais des excuses ne justifient point, et Pierre a passé condamnation. Plusieurs docteurs catholiques romains ont cherché à sauver l'infaillibilité du saint siège et la réputation de saint Pierre, en attribuant cette conduite à un autre Céphas, l'un des soixante-dix disciples, qui doit avoir été plus tard évêque d'Iconium; mais le sentiment général, c'est qu'il s'agit bien ici de saint Pierre lui-même. «Saint Pierre, dit dom Calmet, reçut cette répréhension avec silence et humilité, et ne se prévalut point de sa primauté pour soutenir ce qu'il avait fait.» Je crois bien; et dans tous les cas il n'eut garde de parler d'infaillibilité. Et si l'on objecte que ce n'est là que l'opinion de Calmet, celle d'un particulier, «toute l'Église, dit le pape Pelage, révère l'humilité avec laquelle il a cédé aux raisons de saint Paul, et changé de sentiments.» Oui, mais encore Pelage bat l'infaillibilité dans la personne du premier pape, et il faut avouer qu'alors on n'avait pas encore connaissance de cette absurde prétention dont on a fait depuis une véritable incorrigibilité.
     

  7. Le corps de Pierre est à Rome, moitié dans l'église de Saint-Pierre, moitié en celle de Saint-Paul; sa tête est encore à Rome, dans l'église de Saint-Jean-de-Latran, où l'on montre également une dent à part; puis il y a de ses os partout; à Poitiers, la mâchoire avec la barbe; à Trêves, quelques os; ailleurs, plusieurs encore; à Genève, lors de la réformation, l'on montrait, sur le grand autel de la cathédrale, sa cervelle précieusement enchâssée: à l'examen, on vit que c'était une pierre ponce. Sa chaire épiscopale et sa chasuble sont à Rome; l'autel devant lequel il chantait la messe se trouve à la fois à Rome et à Pise; on conserve également le couteau avec lequel il coupa l'oreille de Malchus; sa crosse se voit à Saint-Étienne-des-Grès, à Paris; son bourdon est à la fois à Cologne et à Trêves; on montre enfin à Saint-Anastase (Rome) le pilier sur lequel il fut martyrisé. Sa fille Pétronille a son corps entier à Rome, en l'église de son père; plus, des reliques à part à Sainte-Barbe, plus, derechef le corps entier au Mans, dans le couvent des Jacobins: il guérit des fièvres. Le jour où l'on en finira avec ces pitoyables absurdités n'est pas loin; le mouvement des Ronge et des Czersky ne fait que de commencer; ils ont attaqué les reliques, les baïonnettes étrangères attaquent l'autorité même dont elles sont l'émanation et la raison suprême; c'est le propre des armes de tuer ce qu'elles touchent.
     

  8. 1re Épître de saint Pierre. Un voit par 5:13, qu'elle a été écrite de Babylone ou des environs; mais les auteurs ne sont pas d'accord sur la signification de ce nom; plusieurs Pères ont pris cette expression comme allégorique, ιt pensent quelle désigne Rome; c'est, en effet, un moyen de faire aller saint Pierre à Rome, mais ces exégètes sont précisément ceux qui repoussent le plus absolument le sens de Rome que l'on veut donner à la Babylone de l'Apocalypse, et cependant, dans le langage mystique et nécessairement obscur de ce dernier livre, on comprend beaucoup mieux qu'une ville soit désignée symboliquement, qu'on ne peut le comprendre dans une épître où toutes les expressions sont prises dans leur sens ordinaire et naturel; rien ne pouvait engager Pierre à cacher à ses lecteurs le nom de la ville où il se trouvait.

    — Les chrétiens d'Égypte, jaloux de posséder une trace du passage de l'apôtre au milieu d'eux, ont à leur tour, et déjà avec plus de raison, prétendu qu'il s'agissait ici de la petite forteresse de Babylone qui se trouvait en Égypte; c'était un poste fortifié pour loger une légion romaine; il avait été construit par Cambyse, roi de Perse, lors de la conquête de l'Égypte; mais on ne comprend pas pourquoi l'on irait chercher cette petite station militaire au lieu de la grande Babylone. Celle-ci avait été ruinée en effet, mais sa destruction n'avait pas été si complète qu'il n'y fût resté un certain nombre d'habitants. D'après Flavius Josèphe, les chrétiens y avaient été persécutés, et vingt ans après l'époque fixée pour la composition de cette lettre, la peste y avait fait encore des ravages terribles, surtout parmi les Juifs. Suivant plusieurs auteurs (— Voir: Assemani), Babylone était encore habitée aux temps de Théodose le Grand, 379-395, et selon Abulféda, il y avait encore au quatorzième siècle un bourg appelé Babel sur la place même de l'ancienne Babylone. Tout concourt donc à prouver que Pierre, qui avait visité les Églises nommées au commencement de son épître, et qui avait porté son activité jusque chez les Parthes, n'a pu désigner sous le nom de Babylone que la ville généralement connue sous ce nom. («Celle qui est à Babylone, élue avec vous», désigne, selon quelques-uns, l'Église de cette ville, selon d'autres, et c'est le plus probable, la femme de l'apôtre, comme «Marc mon fils» se prend aussi dans son sens simple et littéral: non seulement la tradition nous montre la femme de Pierre voyageant, avec lui, mais elle rapporte que Pierre lui-même a conduit sa femme au martyre en lui parlant de la gloire à venir, Clem. Alex. Strom. 7, 11. § 63. Néander regarde cette question comme décidée).

    — Il est difficile de rien fixer sur la date de cette lettre; elle ne renferme aucun indice suffisant; la seule hypothèse possible repose sur l'état général des églises auxquelles la lettre est adressée; ces églises sont représentées comme existant déjà depuis un certain temps, et l'apôtre cherche à les préparer à de grandes persécutions; on a cru pouvoir en conclure que la composition de cette lettre doit être placée entre 62 et 65.

    — Les lecteurs de l'épître étaient, d'après Michaélis, des prosélytes juifs passés au christianisme, d'après Steiger, des pagano-chrétiens, d'après Hensel et d'autres, des judéo-chrétiens; chacune de ces hypothèses semble s'appuyer sur quelques versets, d'où il résulte que nous serons plus près, et de la vérité et de la vraisemblance, si nous admettons que l'épître était adressée aux Églises telles qu'elles existaient, composées des uns et des autres; il ressort cependant de 1:1, que c'étaient es judéo-chrétiens que l'apôtre avait plus particulièrement en vue, comme le tronc sur lequel les autres chrétiens avaient été entés; ni Pierre, ni Jacques ne regardaient l'alliance de Dieu avec Israël comme dissoute; ils estimaient que c'était l'alliance fondamentale, et que les païens y entraient par le fait de leur conversion au christianisme.

    — Quant au but et au contenu de l'épître, on voit qu'elle s'adresse aux chrétiens dans une époque où de graves persécutions allaient éclater, où l'Église se trouvait à la veille d'événements sérieux, à la veille des persécutions de Néron, de la destruction de Jérusalem, de la mort des apôtres. Saint Pierre rappelle aux Églises que leur foi est bien fondée, que c'est dans la vraie foi qu'ils ont été instruits, 1:25; 5:12, puis, il les exhorte à persévérer dans la sanctification, à rester fidèles même dans les persécutions, et à ne pas perdre de vue la félicité à venir. Dans le premier chapitre, après la salutation et des exhortations qui se rapportent à la vie intérieure, l'apôtre montre dans la foi en Christ le motif et le mobile de la sanctification. Chapitre 2e. Exhortations relatives à la vie civile; les motifs en sont pris dans notre vocation céleste et dans l'exemple de Christ. Les huit premiers versets du chapitre 3 renferment divers préceptes sur la vie domestique. Jusqu'à la fin du chapitre 4 viennent des exhortations générales qui se rapportent à la position des chrétiens vis-à-vis d'un monde persécuteur. Chapitre 5. La vie dans l'Église, et conclusion.

    On a remarqué et exagéré plusieurs rapports qui se trouvent entre les épîtres de Pierre et celles de Paul et de Jacques, mais il n'y a rien là qui ne s'explique très naturellement, soit parce que dans leurs citations les apôtres se servaient souvent des Septante, soit parce qu'ils ont eu connaissance des lettres les uns des autres, soit parce que ces hommes de Dieu, intimement liés par une même foi, avaient eu fréquemment l'occasion de s'entretenir des mêmes vérités.

    L'authenticité de cette épître n'a guère été contestée; la plupart des Pères la citent, la plupart des canons la renferment. Les arguments intérieurs et extérieurs de De Wette, qui attaque presque toutes les authenticités, ont ici encore moins de poids qu'ailleurs. Un passage obscur du canon de Muratori, l'appui de Théodore de Mopsueste qui rejette toutes les épîtres catholiques, celui des Pauliciens, sont les seuls témoignages que l'on puisse invoquer; ils ne sont pas considérables.

    Deux commentaires distingués, à citer entre plusieurs autres, sur cette épître, sont celui de l'archevêque Leighton de Glasgow, traduit et retouché en français par L. Bonnet, et celui de Steiger, en allemand,

    Voir: aussi Blunt, Méditations.
     

  9. 2e Épître de saint Pierre. Adressée aux mêmes églises que la précédente, et dans les derniers temps de la vie de l'apôtre, en 66 ou 67, cette lettre a pour but de fortifier les chrétiens contre la tiédeur et le relâchement, contre les attaques des faux docteurs et contre les doutes qui naissaient chez plusieurs, de ce que le retour du Seigneur sur la terre n'avait pas encore eu lieu. Au 1er chapitre l'apôtre exhorte, et confirme la vérité de l'Évangile. Dans le 2e, il combat directement les faux docteurs, ou pour mieux dire, les faux chrétiens. Dans le 3e, il parle de la venue de Christ, et exhorte les fidèles à ne pas se laisser ébranler par des doutes à cause du retard de l'avènement de Christ. Il y a comme une gradation dans cette épître; ce sont d'abord les doutes eu général que l'apôtre combat, puis il attaque les faux docteurs qui, en flattant la chair, usent d'un redoutable moyen de séduction en disposant l'âme à douter; enfin il combat les doutes sur un point particulier.

    — Cette lettre avait une valeur de circonstance; l'apôtre parlait à ses contemporains d'une manière conforme à leurs besoins et à leur position. Mais les maux et les périls contre lesquels il cherchait à armer la foi des fidèles, sont ceux aussi qui ont ravagé l'Église de Christ dans les siècles suivants, et ses exhortations ont quelque chose de prophétique. Cette épître est donc pour l'Église un héritage précieux de l'apôtre mourant; ce sont les dernières paroles d'un homme qui a été l'une des colonnes de l'Église, de Pierre qui marche au martyre. S'il est triste que des doutes se soient élevés sur la valeur de ce document, il faut se rappeler que l'Apocalypse, qui renferme les paroles du Sauveur glorifié, n'a pas eu un meilleur sort.

    Si cette épître n'a pas été écrite par saint Pierre, dont le nom est inscrit au premier verset, elle est l'ouvrage d'un imposteur; il ne s'agit donc plus de savoir si elle a été écrite par l'un ou l'autre des apôtres, mais si elle l'a été par Simon Pierre, ou par un faussaire. La question est tout autre que celle que nous avons examinée au sujet de l'Épître aux Hébreux; elle est de la dernière importance, mais on ne saurait ici la traiter en détail, et nous devons nous borner à quelques observations et à l'examen des faits principaux.

    Il n'y a pas contre cette épître de témoignages historiques directs, tels que serait celui d'un homme distingué, ou celui de toute une Église. Personne n'a montré, ni dans les anciens temps, ni de nos jours, qu'elle renfermât une doctrine ou même une expression contraire à la vérité, tandis que les Pères de l'Église, en réfutant les écrits apocryphes de leur temps, ne manquent jamais de relever ce qu'il y a de faux dans ces compositions supposées. On remarque au contraire, dans toute l'épître, une parole vraiment apostolique. Et cet argument, déjà fort en lui-même, le devient davantage encore lorsqu'on réfléchit que si ce n'est pas un apôtre, c'est un imposteur qui a dû parler ainsi, avec cette onction, cette pureté d'une âme inspirée de Dieu. Un imposteur n'y aurait-il pas mêlé des erreurs, des hérésies plus ou moins cachées, mais toujours apparentes. L'auteur de l'épître se donne à connaître en plusieurs passages, 1:1,16; 3:1,2,15, de la manière la plus claire, et l'analogie du langage entre la première et la deuxième épître de Pierre, a toujours été remarquée,

    Voir: les Prolég, de Pott sur cette épître, l'Introduction de Hug (traduction par Cellérier), et l'opuscule d'Olshausen, Preuves de l'auth, des écrits du canon du Nouveau Testament, Hambourg 1832.

    À ces arguments on oppose:
     

    1. que cette épître n'a été connue que tard, Eusèbe étant le plus ancien témoignage direct, la Peschito ne comprenant pas cette épître, Origène et saint Jérôme exprimant des doutes sur son authenticité. Mais des circonstances, à nous connues ou inconnues, ont pu en empêcher la circulation; une publicité retardée, voilà tout ce que l'on peut conclure de ce demi-silence: l'argument tiré de la Peschito ne prouve pas plus contre 2 Pierre qu'il ne prouve contre Jude, ni contre 2 et 3 Jean, épîtres qui ont peu circulé et que la version syriaque n'a pas connues. Écrite peu avant la mort de Pierre, au milieu des troubles de la persécution de Néron, à des églises de l'Orient, cette épître a pu être pendant un temps cachée et oubliée: à sa réapparition elle a pu rencontrer quelques doutes, parce qu'au milieu des nombreux écrits apocryphes qui se publiaient sous le nom de Pierre, les églises se tenaient sur leurs gardes pour n'être pas trompées. On peut voir d'ailleurs, par 1 Thessaloniciens 5:27, que la publicité donnée aux lettres des apôtres n'était pas une chose qui allât sans dire, puisque saint Paul doit conjurer les anciens, au nom du Seigneur, de faire lire sa lettre à tous les frères.
       

    2. On insiste sur la différence de style qu'on trouve entre les deux épîtres du même apôtre. À cette différence on peut opposer au contraire beaucoup de ressemblance, et l'objection se trouve contrebalancée. Mais, en outre, il faut observer que le langage et le style ne peuvent pas porter un caractère très prononcé dans une lettre qui n'est pas composée avec un soin rhétorique, écrite quelques années plus tard, dans un autre endroit, en des circonstances fort différentes, au milieu de la persécution, avec l'empressement et la hâte que provoque toujours un danger imminent, dans une langue qui n'était pas la langue maternelle de l'auteur. La différence de sujet doit surtout être prise en considération; dans la première lettre on voit des exhortations douces et paternelles pour engager les chrétiens à supporter patiemment les épreuves; dans la deuxième, c'est un langage ferme contre les hommes qui corrompent le christianisme. Olshausen ajoute que l'apôtre a peut-être dicté seulement les idées de sa lettre, sans en dicter les expressions.
       

    3. On invoque contre l'authenticité les rapports intimes, et l'affinité remarquable qui se trouvent entre le 2e chapitre de, notre épître, et l'Épître de Jude. Cette dernière portant des caractères assez évidents de priorité, on se demande s'il est possible et probable que Pierre ait fait un emprunt aussi considérable aux écrits d'un autre apôtre. Il y a plusieurs réponses à faire à cette objection. Olshausen d'abord ne craint pas de supposer, et cela se rapporte aux deux épîtres de Pierre, que l'apôtre, âgé, et n'ayant pas beaucoup de facilité pour s'exprimer en grec, aimait à se servir des phrases et des expressions allant à son but qui pouvaient se trouver dans d'autres écrits, et cela d'autant plus que le style chrétien grec était une chose toute nouvelle, qui n'avait pris naissance qu'à une époque où l'apôtre était déjà avancé en âge, et où le chemin frayé par saint Paul lui paraissait plus naturel à suivre. Ces considérations peuvent avoir de la valeur, mais elle ne suffisent cependant pas pour rendre compte de la connexion de forme et d'idées qu'il y a entre les deux épîtres qui nous occupent. Il faut supposer qu'avant qu'elles fussent composées, il y avait eu des rapports intimes soit entre les deux apôtres, soit entre les lecteurs des deux épîtres, ou peut-être les deux choses ensemble. Dans le premier cas, Pierre avait parlé à Jude et lui avait communiqué ses idées avant que ce dernier eût composé son épître; Jude, en écrivant, a développé les idées qui avaient fait le sujet de leurs entretiens, et Pierre, en écrivant plus tard sa 2e épître, se sera servi pour rendre ses idées, des expressions dont Jude les avait revêtues. Dans le second cas, Jude aurait écrit une lettre qui aurait été mal reçue, et Pierre, écrivant aux mêmes lecteurs, aurait indirectement soutenu l'autorité de Jude, en faisant passer dans sa lettre le contenu de celle de son collègue. Et si l'affinité des deux épîtres est le résultat d'une sympathie et d'une coopération apostolique et fraternelle, on ne peut voir dans l'emprunt fait de l'un à l'autre, rien qui soit indigne ni de l'activité, ni de l'humilité d'un apôtre: or cette coopération non seulement est possible, mais elle est probable, entre des apôtres qui avaient visité les mêmes Églises.
       

    4. Enfin l'on tourne contre Pierre lui-même les efforts qu'il fait pour se faire reconnaître: mais cette preuve n'en est pas une. Vis à vis des faux docteurs et des faux frères, il était nécessaire de faire valoir l'autorité apostolique, et saint Paul dans des circonstances semblables n'agissait pas différemment, comme on peut le voir par les Épîtres aux Corinthiens et aux Galates.

      Telles sont les objections les plus importantes. Que prouvent-elles? Que la composition de cette lettre et les circonstances qui l'accompagnèrent ne sont pas bien connues, toute l'antiquité apostolique étant voilée pour nous. Elles ne prouvent pas, comme rien ne prouvera, que l'écrit d'un imposteur ait pris place dans le canon du Nouveau Testament.
       

  10. Un Évangile, un livre des Actes, et une Apocalypse apocryphes, ont été attribués à saint Pierre; nous n'avons pas à nous en occuper.


PIERRES.


Elles abondaient en Palestine, et les Israélites les employaient suivant leur grosseur, aux différents usages auxquels elles peuvent servir: on en faisait des murailles, des bâtiments de luxe, des autels, des meules à moudre le grain, des couteaux pour la circoncision, des portes pour fermer l'ouverture des tombeaux, des puits, ou des cavernes; elles servaient aussi, comme chez nous, pour marquer des limites (lapides terminales), et la loi de Moïse défendait sévèrement de changer la place de ces frontières artificielles (Deutéronome 19:14; 27:17; cf. Proverbes 22:28; Osée 5:10; Job 24:2) cf. Exode 4:25; Josué 5:2; 10:18,27; 1 Samuel 17:40; Genèse 29:2; 1 Rois 5:17; 6:7; 15:22; 2 Rois 12:12; 22:6; 1 Maccabées 13:27; Matthieu 27:60.

C'était aussi un usage particulier des anciens, d'élever des pierres monumentales, destinées à conserver le souvenir d'événements importants, sur la place même qui en avait été le témoin, Genèse 28:18; 35:14; Deutéronome 27:2; Josué 4:3,20; 24:26; 1 Samuel 7:12; cf. Hérodote 4, 92; ce n'étaient le plus souvent que des pierres brutes, ordinairement placées à l'ombre d'un chêne ou d'un térébinthe, et rarement chargées d'une inscription, Deutéronome 27:2. Elles portaient différents noms qui leur étaient donnés, soit au moment de leur érection, soit plus fard, Josué 15:6; 1 Samuel 7:12; 20:19; 1 Rois 1:9. Lorsqu'elles étaient consacrées à la divinité, on les oignait d'huile, Genèse 28:18; 35:14; l'antiquité païenne présente des exemples analogues, Théophr. Caract. 17 (ou 25). On appelait béthulies (de Beth-El, maison de Dieu, Genèse 28:19), une espèce de pierres-fétiches que l'on croyait tombées du ciel, et qu'on regardait comme des images de la divinité, Pline 37, 51; à cette classe appartenaient des pierres consacrées et conservées dans les temples syriens et phéniciens du soleil et d'Astarté, comme aussi les pierres noires que les Mahométans adorent dans la Kaaba de la Mecque. Des pierres étaient entassées aussi comme monument de honte, sur les cadavres de grands criminels, Josué 7:26; 8:29; 2 Samuel 18:17, et les Arabes ont conservé l'usage de jeter des pierres en passant, sur les tombeaux des personnes qu'ils ont haïes ou méprisées. Certains jeux gymnastiques consistaient chez les Hébreux, comme de nos jours encore chez un grand nombre de peuples, dans le jet de pierres d'une plus ou moins grande pesanteur. Quelques-uns voient dans le caillou blanc de Apocalypse 2:17, une allusion à l'emploi de pierres blanches dans les tribunaux païens comme vote d'acquittement; d'autres, comme Eichhorn, pensent à l'usage d'offrir aux vainqueurs olympiques à leur entrée dans leur ville natale, une carte d'honneur sur laquelle étaient écrits les avantages que la ville garantissait à son enfant triomphateur; d'autres font un rapprochement entre ce caillou blanc, et l'Urim et Thummim.

— Quant aux pierres milliaires,

Voir: Villes.

Pierres précieuses. Les Hébreux, comme tous les peuples de l'Asie, en faisaient un grand usage; elles étaient l'un des ornements les plus importants et les plus recherchés de leurs rois, de leurs sacrificateurs, et des principaux de la nation, Exode 28:17; 2 Samuel 12:30; Ézéchiel 28:13; Judith 10:4; 12:15. On les enchâssait aussi dans des bagues, Cantique 5:14. Les Hébreux les tiraient principalement de l'Arabie et de l'Inde, par l'intermédiaire des Phéniciens qui avaient accaparé le commerce de terre et de mer, Ézéchiel 27:22; 1 Rois 10:2: sous Salomon, ils les tiraient directement eux-mêmes du pays d'Ophir, 1 Rois 10:11. L'art de les tailler et d'y graver des lettres ou autres inscriptions, était fort estimé, et les Juifs ont eu de bonne heure des hommes habiles dans ce genre de travail. Exode 35:33. On trouve dix-sept ou dix-huit espèces de pierres précieuses mentionnées dans la Bible, et un certain nombre d'entre elles réunies collectivement en plusieurs passages, notamment, Ex, 28:17; 39:10; Ézéchiel 28:13; Apocalypse 21:19; sq. Nous avons parlé de chacune en son lieu et place; nous avons examiné la signification probable que l'on doit donner aux termes hébreux par lesquels elles sont désignées: il ne reste qu'aies rappeler ici:

  1. la sardoine;
     

  2. la topaze;
     

  3. l'émeraude;
     

  4. l'escarboucle;
     

  5. le saphir;
     

  6. l'onyx;
     

  7. l'hyacinthe (ou ligure);
     

  8. l'agate;
     

  9. l'améthyste;
     

  10. la chrysolithe;
     

  11. le béryl;
     

  12. le jaspe;
     

  13. et #14...
     

  14. le rubis, q.v., dont deux espèces différentes sont mentionnées Ésaïe 54:12;
    cf. Ézéchiel 27:16.;
     

  15. la chrysoprase;
     

  16. la chalcédoine;
     

  17. le sardonyx;
     

  18. le diamant.
     

Douze de ces pierres figuraient, enchâssées dans de l'or, sur le pectoral du grand prêtre, douze dans les fondements rie la nouvelle Jérusalem. Dans le passage d'Ézéchiel, 28:13, le prophète rappelle la grandeur et la splendeur première du roi de Tyr, une splendeur qui rappelait la gloire du paradis: «Tu as été scellé (parfait) en proportions, plein de sagesse et parfait en beauté; lu as été (comme) en Éden, le jardin de Dieu; ta couverture était de (toutes sortes de) pierres précieuses et d'or; tu as été un chérubin», etc. Plusieurs auteurs, tels qu'Ewald, Züllig, Bellermann, ont voulu voir dans ces pierres précieuses une allusion au pectoral du grand prêtre, comme si le roi de Tyr en avait eu, ou avait prétendu en avoir la dignité; mais outre que cette interprétation n'aurait pas de sens dans le contexte, il faut remarquer d'abord que l'ordre dans lequel ces pierres sont nommées est tout différent de celui du pectoral, qu'au lieu de douze pierres il n'y en a que neuf, et que l'or y est joint comme un ornement spécial, tandis que dans le pectoral il ne servait qu'à enchâsser les pierres précieuses: d'ailleurs l'énumération des pierres n'eût pas été nécessaire, et l'idée que l'on veut y voir eût mieux ressorti d'une indication plus générale. Il vaut donc mieux avec Hævernick et Kœster, voir dans cette énumération la continuation de l'idée qui précède, de la gloire d'Éden dont jouissait le roi de Tyr; l'or et les pierreries appartenaient en effet aux magnificences du paradis, car si l'on voit, Genèse 2:10-12, une description géographique, il faut cependant y ajouter plus que cela; ces versets nous parlent du paradis comme d'une terre modèle qui renfermait primitivement dans son enceinte tous ces trésors qu'on ne trouve plus maintenant qu'épars dans les diverses contrées de la terre. On explique mieux ainsi la gloire du roi de Tyr, le nombre des pierreries, la présence de l'or, et l'ensemble de cette phrase qui nous peint l'orgueil suivi de l'écrasement.

— On sait quel était et quel est encore le luxe en pierreries des rois de l'Orient, et ce n'est pas une chose rare ou inouïe de voir ces monarques donnant audience, tellement surchargés de joyaux de toutes espèces, qu'on peut à peine distinguer les différentes parties des vêtements ainsi déguisés.


PI-HAHIROTH


(passage de la liberté), campement des Israélites à leur départ de l'Égypte; il était situé entre Migdol et la mer Rouge, Exode 14:2,9. Nombres 33:7; mais on ne peut déterminer davantage sa position. D'après Shaw, il aurait été dans l'étroite vallée de Bédéah, à 5 milles de Suez; d'après Pococke, il serait identique avec la ville d'Arsinoë ou Cléopatris. Si Étham est le Bir-Suez actuel, comme le présume Bois-Aymé dans sa Description de l'Égypte, VIII, 113, Pi-Hahiroth pourrait être le village de Hadjeroth, situé à 3 milles de là; en le faisant précéder de l'article pi, ce serait en effet presque le même nom.


PILATE


(Ponce), que Théophylacte croit avoir été originaire du Pont, à cause de son nom de Pontius, que d'autres font natif du Dauphiné, d'autres enfin de Rome, ou au moins de l'Italie, fut, selon les uns, le cinquième, selon d'autres, le sixième procurateur de la Judée; il succéda à Valérius Gratus vers l'an 25 ou 26 de l'ère chrétienne, gouverna pendant dix ans sous le règne de Tibère, donna, par des mesures arbitraires et violentes, naissance à plusieurs émeutes des Juifs, qui crurent voir leur religion menacée (Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 18, 3, 1; 4, 1. Guerre des Juifs 2, 9; 2), fit massacrer un grand nombre de Samaritains dans le village de Tirabata, à l'occasion d'un rassemblement du peuple qui, sous la conduite d'un imposteur, se disposait à monter sur le Guérizim pour y chercher des trésors enfouis; accusé devant Vitellius, gouverneur de la Syrie, il fut suspendu de ses fonctions et envoyé à Rome pour y rendre compte de sa conduite à l'empereur; il n'y arriva qu'après la mort de Tibère, qui eut lieu le 16 mars de l'an 37. Dès lors on n'a rien de certain sur la fin de sa vie; quelques traditions douteuses portent qu'il fut envoyé en exil à Vienne, dans les Gaules, et qu'il s'y donna la mort en se précipitant; d'autres, plus incertaines encore, disent qu'il fut décapité sous Néron; d'autres enfin portent qu'il se jeta dans un petit lac de la Suisse, situé sur la montagne à laquelle il a donné son nom.

Parmi les cruautés qui lui furent reprochées, l'Évangile n'en rapporte, qu'une seule, Luc 13:1, la mort de quelques Galiléens dont il mêla le sang avec leurs sacrifices. Fut-ce un massacre ou un supplice? Les termes dont se sert l'historien sacré favorisent plutôt la première supposition; mais ils sont trop vagues pour pouvoir suppléer au silence de l'histoire contemporaine, et ils ne peuvent se rapporter ni à l'émeute suscitée par Judas Gaulonite, qui enseignait que les Juifs ne devaient pas payer le tribut à des princes étrangers, ni à celle que fit naître Pilate par son projet de construire un aqueduc aux dépens du trésor du temple, ni au rassemblement de Guérizim, qui n'eut lieu qu'après la mort de Jésus. Pilate fit tuer des Galiléens dans le temple pendant qu'ils sacrifiaient, c'est tout ce que nous apprend l'énergique et belle expression de saint Luc; mais cet acte de violence s'est perdu au milieu de toutes les autres iniquités de Pilate, dont l'administration, souvent brutale et tracassière, a continuellement troublé le repos de la Judée, mais a pu se justifier parfois en présence des préjugés et de l'esprit opiniâtre et irritable de la nation qu'il gouvernait. Du reste, il n'a rien fait de grand, et son nom serait resté obscur comme celui de tant d'autres personnages, sans le rôle qu'il a joué dans l'histoire de la passion de notre Seigneur. Il habitait Césarée, mais selon l'habitude des magistrats romains résidant en Palestine, de se rendre à Jérusalem aux époques des fêtes solennelles, soit pour surveiller les mouvements populaires, soit pour se procurer le spectacle de ces solennités, soit simplement pour faire acte de présence, il s'était rendu à Jérusalem pour la fête de Pâque. Il se trouvait au prétoire au moment ou les sacrificateurs et les anciens, craignant d'entrer dans sa demeure, lui amenaient Jésus: il sortit au-devant d'eux, leur demanda quel était le crime de l'accusé, et ne reçut qu'une réponse évasive: il ne s'en contenta pas, et les anciens, obligés de formuler une accusation, l'accusèrent d'avoir affecté la royauté, Luc 23, Jean 18, Matthieu 27, Marc 15; les questions de Pilate à Jésus sur la nature de sa royauté convainquirent le juge de l'innocence du prévenu, et comme celui-ci ajoutait: Quiconque est de la vérité entend ma voix, Pilate lui adressa encore cette question pleine d'indifférence et de mépris: Qu'est-ce que la vérité? et sans attendre la réponse il revint auprès des Juifs et leur dit: Je ne trouve, aucun crime en lui. Les Juifs insistèrent de nouveau sur l'accusation de sédition et de crime de lèse-majesté; mais Jésus refusa par deux fois de répondre à Pilate sur ce point. Un mot échappé à l'impatience des Juifs apprit à Pilate que Jésus était Galiléen, et quoique rien ne l'empêchât de poursuivre cette affaire, il résolut de la renvoyer à Hérode, soit pour s'en débarrasser, ou pour traîner en longueur, soit pour renouer avec le tétrarque de la Galilée des relations qui avaient été interrompues ensuite peut-être du massacre des Galiléens; les deux ennemis se réconcilièrent; mais Hérode renvoya Jésus devant le tribunal de Pilate. Fort de l'opinion d'Hérode qui confirmait la sienne, il le déclare derechef innocent, et propose aux Juifs de le faire fouetter; il l'absout et il le condamne tout ensemble, et par cette concession faite aux Juifs, il leur prouve que sa conscience de juge a ployé devant les cris de leur multitude, et les autorise à pousser leurs prétentions jusqu'au bout. Sa faiblesse fait la force des ennemis du Seigneur.

Cette offre est rejetée, et les historiens sacrés passent sans transition au choix que Pilate propose à la multitude de leur relâcher Jésus ou Barrabas, Matthieu 27:15; Marc 15:6; Luc 23:17; Jean 18:39. Il est évident que dans l'intervalle, effrayé des cris et des menaces d'un peuple qui l'appelle ennemi de César s'il fait grâce à Jésus, Pilate a cédé, ou paru céder; mais il tente un nouvel expédient, illusoire à la vérité, pour procurer la libération de l'innocent; il propose au peuple d'exercer son droit de grâce annuel en faveur de cet homme dont tant de voix réclament le supplice; il espère peut-être donner une direction nouvelle aux pensées de quelques-uns, du courage aux amis de l'accusé qui, n'osant le défendre ouvertement, appuieraient sans crainte une mesure d'indulgence, du temps à d'autres de venir, car évidemment il a dû y avoir un intervalle entre la proposition de grâce et l'espèce de votation qui devait suivre, attendu que les personnes qui étaient appelées à se prononcer sur ce point n'étaient pas nécessairement toutes présentes. Mais les cris: Ôte, ôte, crucifie! redoublent avec plus de force encore. En ce moment, l'épouse de Pilate, Procla, ou Claudia Procula, lui fait dire de ne point prendre de part à la condamnation de ce juste, car, dit-elle, j'ai beaucoup souffert aujourd'hui à son sujet dans mes songes, Matthieu 27:19. Cet avis était trop d'accord avec les sentiments de Pilate pour qu'il le rejetât; il lutte encore contre la foule; par deux fois il réitère sa conviction qu'aucune charge ne s'élève contre le prévenu, il demande des preuves de son crime. On n'y répond que par de nouveaux cris. Las de cette lutte, il fait fouetter Jésus, espérant satisfaire ainsi à la soif de sang de cotte multitude sauvage; il reparaît après l'exécution, il voit Jésus couvert de sang et des insignes de la royauté, il le montre à la multitude, et répète qu'il n'a trouvé aucun crime en lui. Ce spectacle sanglant porte ses fruits; le peuple se tait: les sacrificateurs seuls et leurs employés recommencent leurs vociférations, et comme Pilate indigné s'écrie: Prenez-le vous-mêmes et le crucifiez, ils persistent à vouloir couvrir leur responsabilité de celle de la juridiction romaine, et ils articulent un nouveau sujet de plainte: d'après notre loi il doit mourir, car il s'est fait fils de Dieu, cf. Deutéronome 13:5; 18:20.

C'était en effet là leur grief, le grief du sanhédrin, mais ce ne pouvait en être un devant une cour romaine: s'ils le formulent, ce n'est plus pour demander à Pilate un jugement politique, c'est pour vaincre sa résistance, et réduire son rôle à la confirmation d'un jugement ecclésiastique déjà rendu par l'autorité compétente. À ce nom de fils de Dieu, qui rappelle au préteur païen les enseignements de sa mythologie, des pensées se présentent, des souvenirs se réveillent peut-être dans l'esprit de Pilate: il avait remarqué la tenue calme et extraordinaire du prévenu, et le songe de sa femme se joignant à la déclaration des Juifs, il put croire qu'il y avait en effet quelque chose de surnaturel en Jésus, un demi-dieu peut-être; on sait combien la superstition s'allie facilement à l'irréligion, et chez les plus grands des Romains, les deux choses souvent n'en faisaient qu'une. Pilate croit que Jésus hésite à s'expliquer en public; il va l'interroger en particulier dans le prétoire; d'où es-tu? lui dit-il. Pilate savait qu'il était de Galilée, cette question ne pouvait donc se rapporter ni à sa ville, ni à sa patrie; elle se rapportait à sa naissance, à sa famille, et nous ne pouvons mieux la comprendre qu'en nous rappelant ces paroles de Jésus: Vous savez d'où je suis, Jean 7:28. Es-tu vraiment un homme du ciel, comme tant de choses semblent l'indiquer? Tel est le sens de ces paroles de Pilate, et il faut que l'impression que l'accusé avait faite sur son juge ait été bien vive et bien profonde pour amener celui-ci à croire à la possibilité d'une origine divine. Toutefois cette impression n'était ni sérieuse, ni religieuse, et la preuve s'en trouve, ce nous semble, dans le silence du Seigneur; il eut répondu à une âme angoissée et consciencieuse; il ne répondit pas à Pilate, et comme celui-ci voulut essayer de la menace, car il ne voyait déjà plus un demi-dieu dans cet homme qui se cachait, Jésus lui répondit, à la fois pour rabattre son orgueil, et pour l'absoudre d'une portion du crime qu'il allait commettre: «Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi s'il ne t'était donné d'en-haut; c'est pourquoi celui qui m'a livré entre tes mains a commis un plus grand péché que toi;» paroles qui évidemment ne se rapportent ni à la puissance impériale de Tibère, ni à celle de Vitellius, gouverneur de la Syrie, mais d'un côté à Dieu qui a établi Pilate dans sa charge, de l'autre aux Juifs qui lui ont livré le Sauveur. Il semble que Pilate ait conservé de cet entretien particulier une impression toujours plus favorable à Jésus, car il fit de nouveaux efforts pour le délivrer, Jean 19:12. Mais les ennemis du juste redoublent leurs cris: Si lu délivres cet homme, tu n'es point ami de César! triste et perfide refrain qui devait ébranler un homme dans un temps où l'on était coupable dès qu'on était suspect (cf. Tacit. Annal. 3, 28). Il essaie de montrer encore aux Juifs l'absurdité de leur accusation; par un mouvement d'humeur personnelle, par une ironie dirigée contre les Juifs, et non contre la victime, il fait monter Jésus près de son siège judicial, sur un endroit élevé, et s'écrie: Voilà votre roi! Voilà cet homme que vous accusez de conspirer! Crucifierai-je votre roi? Mais le sort en est jeté. Pilate va livrer l'innocent au bourreau pour plaire à une foule fanatisée, pour sauver une réputation qu'une accusai ion pourrait compromettre, peut-être pour en finir. Mais auparavant il se fait apposer un bassin, se lave les mains solennellement devant tous, et dit: Je suis innocent du sang de ce juste, vous y aviserez. La foule accepte la responsabilité de son crime; mais Pilate n'a pu se décharger de la sienne, et ses mains lavées d'eau n'en sont pas moins restées tachées de sang, Matthieu 27:24. Se condamnant lui-même en condamnant les sacrificateurs, il pousse ses protestations jusqu'au bout, et fait placer sur le haut de la croix un écriteau qui, devant porter, selon l'usage, le nom et le crime du condamné, ne renfermait que ces mots écrits en trois langues: Jésus Nazaréen, roi des Juifs. C'était dire assez qu'il était condamné sans cause, que rien de sérieux n'avait pu lui être reproché, qu'au milieu de tant de cris et de murmures il n'avait pas été, possible de produire une charge positive contre lui, et qu'au point de vue romain, c'était la seule accusation un peu plausible qui pût justifier cette exécution. C'était aussi une ironie contre les sacrificateurs, et, lorsque ceux-ci réclamèrent contre la rédaction de l'écriteau, Pilate qui, d'ailleurs, n'aurait rien pu y changer, leur fit répondre, san., doute avec humeur: Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit. Il permit ensuite, afin que les corps ne restassent pas exposés le jour du sabbat. Jean 19:31; cf. Deutéronome 21:23, que les soldats abrégeassent le supplice des condamnés en leur brisant les membres; mais Jésus avait déjà fini de souffrir.

Peu de moments après, comme Joseph d'Arimathée venait demander le corps de Jésus pour l'ensevelir, Pilate fit venir le centenier pour s'assurer si Jésus était, en effet, déjà mort; sur sa réponse, il accéda à la demande de Joseph. Le lendemain, Matthieu 27:62, quelques membres du Sanhédrin demandèrent encore à Pilate de faire garder le sépulcre jusqu'au troisième jour, de peur, dirent-ils, que ses disciples ne viennent de nuit enlever le corps, et ne disent au peuple: Il est ressuscité des morts; car cette dernière imposture serait pire que la première. Peu importait à Pilate; qu'était-ce que la vérité pour lui! Vous avez la garde du temple, dit-il, allez, et assurez le sépulcre comme vous l'entendrez. Ici s'arrête son histoire; son nom est rappelé Actes 3:13; 4:27; 13:28; 1 Timothée 6:13. Le caractère de Pilate ressort de tous ces faits assez nettement dessiné, et cependant il a été l'objet des jugements les plus contradictoires. Les Juifs qu'il avait opprimés, les chrétiens dont il avait livré le chef, l'exécrèrent, et dans la passion manquèrent de justice à son égard: en revanche, quelques modernes ont voulu le réhabiliter plus qu'il n'est possible et juste de le faire. Il est évident qu'il a regardé Jésus comme innocent, qu'il a vu en lui une déplorable victime du fanatisme juif, et qu'il a désiré de le sauver; il est impossible d'ailleurs qu'il n'ait rien su, avant cette époque, de la douce et charitable activité du ministère de Jésus, et si dans son point de vue il n'a pas fait grand cas de ses miracles, il aura pu avoir une conviction pleine et entière du peu de danger politique que présentait l'existence de cet homme. Mais il manquait en général de fermeté dans son caractère, car l'opiniâtreté qu'il montrait quelquefois n'est que la force de la faiblesse: les Constitutions apostoliques, 5:14, lui reprochent même la lâcheté. Il manquait de fermeté pour le bien, et les menaces des Juifs frappaient peut-être d'autant plus fort que sa conscience n'était pas entièrement à l'aise. Un grand combat, l'a agité pendant la courte durée de cette inique procédure, et la cruauté a chez lui triomphé de la justice. Son mot fameux: Qu'est-ce que la vérité? si éloquemment commenté par M. le professeur Vinet, peint son caractère tout entier: il a eu la vérité entre ses mains, et il l'a sacrifiée. Jésus avait d'ailleurs répondu à cette question clans sa prière sacerdotale: Ta parole est la vérité.

— Il est probable que Pilate a adressé à Tibère un rapport détaillé sur la vie et la mort de Jésus; Justin Martyr, Tertullien, Eusèbe, et Orose en parlent, et pendant longtemps des Actes de Pilate, peut-être authentiques, circulèrent parmi les premiers chrétiens: les écrits et lettres que l'on montre maintenant sous ce nom, sont de fabrique postérieure. Les commentaires d'Olshausen et de Tholuck, renferment sur le caractère et la conduite de Pilate de riches et bonnes observations, ainsi que des explications sur les difficultés que présentent plusieurs des questions qu'il fit aux Juifs ou à Jésus.


PILLAGE.


Comme les Bédouins du désert qui trouvent de nos jours encore dans le dépouillement des voyageurs et des caravanes leur principale subsistance, et qui ne se croient pas plus déshonorés par leurs brigandages que ne l'étaient les chevaliers du moyen âge par leurs aventureux exploits, leurs ancêtres les Ismaélites, et les Caldéens leurs voisins, cherchaient dans le pillage leur vie et leur gloire, Genèse 16:12; Job 1:17. Il paraît même que quelques hordes nomades d'Israélites s'abandonnèrent à des brigandages analogues pendant l'époque des juges, Juges 9:25; 11:3; cf. 1 Chroniques 7:21; et plusieurs invasions des Philistins, des Hamalécites, etc., ne furent, à vrai dire, que des incursions de brigandage et de pillage, 1 Samuel 23:1; 27:8-9. Le vol ouvert était rare chez les Hébreux, en raison de la constitution agraire du pays, et les images que leurs prophètes et leurs sages tirent de ce crime contre la société, Proverbes 23:28, sont généralement empruntées aux mœurs des nations voisines. Mais après l'exil, particulièrement sous l'oppressive domination des Romains et en suite des guerres presque continuelles dont l'Asie Mineure fut le théâtre, les bandes de brigands prirent un essor que ne favorisèrent que trop les cavernes et les fentes de rochers si nombreuses dans la Palestine, et dans la Trachonite qui la bordait au nord-est; tellement qu'Hérode et les procurateurs furent souvent contraints d'envoyer des troupes armées à la rencontre ou à la recherche de ces pillards, à moins, comme il arrivait quelquefois, qu'ils ne préférassent les laisser tranquilles, moyennant une espèce de tribut ou de redevance annuelle, Flavius Josèphe Antiquités Judaïques 20, 6, 1; 20, 9, 9. Le désert qui sépare Jérusalem de Jérico était surtout mal famé à cet égard; la route le traversait, mais en longeant dans sa plus grande partie, une vallée profonde, effrayante, crevassée, caverneuse et bordée des deux côtés de hauteurs de grès arides et déchirées, propres à servir de retraites aux brigands dont elles étaient remplies, cf. Luc 10:30. Même pendant le dernier siège de Jérusalem, cette malheureuse ville fut la victime de bandes intérieures qui pillèrent souvent impunément les maisons et les édifices publics;

Voir: Theudas.

— Kœster a cru dernièrement trouver dans une explication particulière de Job 24:18, une allusion à la piraterie.


PIN,


Voir: Buis, et Orme.


PISGA,


plateau, Nombres 23:14. Deutéronome 3:27, et chaîne de montagnes, qui se détache du plateau de Galaad, et borde la vallée du Jourdain et de la mer Morte, à l'orient de la Palestine, Deutéronome 3:17; Josué 12:3. Le Pisga, situé au nord de l'Arnon, formait la frontière méridionale du royaume de Sihon, Josué 12:3, qui fut plus tard la tribu de Ruben, Josué 13:20. Le Nébo, situé à 5 lieues au nord de l'Arnon, en était la cime principale,

Voir: Nébo #1.


PISIDIE,


province de l'Asie Mineure, touchant à la Pamphylie, et comprenant, dans son territoire, la ville d'Antioche, q.v., Actes 13:14; 14:24. Son nom n'appartenait pas à la statistique, et les limites de la Pisidie, du côté de la Pamphylie, ne peuvent être déterminées avec précision. Le peuple libre et courageux des Pisidiens, que les Perses essayèrent vainement de soumettre, habitait le penchant du mont Taurus, au nord de la Cilicie et des côtes de la Pamphylie; il conserva son indépendance sous Alexandre et ses successeurs, et fit de fréquentes et dévastatrices irruptions sur les habitants des plaines. Avec la chute du royaume de Syrie, ils quittèrent leurs hauteurs, se répandirent dans les plaines environnantes, s'emparèrent de plusieurs villes, notamment d'Antioche, et fondèrent, au sein de leur république, de petits états gouvernés par des tyrans. Les Romains, dans les armées desquels ils apparaissent souvent comme alliés militaires, ne réussirent pas non plus à les soumettre, mais ils leur prirent Antioche, où ils fondèrent une colonie de droit italique, et d'autres villes dans la plaine.

— Quoique montueuse, la Pisidie (maintenant Versak et Alanieh) avait cependant des cantons fertiles. On y trouvait, au dire de Strabon, quelques montagnes couvertes d'oliviers et de vignobles, principalement aux environs de la ville de Serge. Le pays nourrit une grande quantité de bestiaux. On y voit de belles forêts. Le storax, petit arbre odoriférant et à tige droite, y vient très bien; son bois sert à faire des javelots qui acquièrent la dureté de la corne. Il s'engendre, dans le corps de l'arbre, un ver qui ronge jusqu'à l'écorce; la sciure qui en tombe, s'amassant au pied de l'arbre, et se mêlant au suc gommeux qui en distille et se coagule, s'amalgame avec la terre qu'elle entraîne; la résine qui reste sur le tronc se congèle dans le corps de l'arbre; mêlée avec la terre et la sciure, cette gomme est plus odoriférante, mais elle perd une partie de ses autres qualités (Strabon). Ptolémée joint la Pisidie tantôt à la Galatie, tantôt à la Pamphylie.


PISTACHE.


C'est ainsi que le perse et le samaritain, ainsi que plusieurs auteurs modernes, notamment Winer, traduisent l'hébreu bot'nim, Genèse 43:11, que nos versions ont rendu par dattes, q.v. La plupart et les meilleurs des anciens interprètes l'entendent des fruits du térébinthe, mais ces fruits sont à peine mangeables; la confusion peut s'expliquer par la grande ressemblance du térébinthe avec le pistachier; les deux arbres appartiennent au même genre dans le système de Linnée (Pentandrie). Le pistachier croît en Palestine, en Syrie, en Perse; on ne le trouve pas en Égypte (ce qui ajoute une présomption de plus en faveur de cette traduction dans le passage cité de la Genèse); ses feuilles, d'un vert sale, sont inégalement ailées, opposées, et composées de folioles ovées et recourbées; les fleurs sont blanchâtres et réunies en grappes à l'extrémité des branches; les noix mûrissent en octobre; elles sont allongées, de la grosseur d'une noisette; la coque, d'un blanc rougeâtre ou couleur chair, est odorante; l'amande est verte, revêtue d'une peau rouge, huileuse, très agréable au goût, très saine à l'estomac; elle était fort recherchée des Orientaux, qui la recommandaient même comme un remède contre les morsures des serpents, Pline 13, 40; 23, 78. Le tronc a de 4 à 7 mètres de haut, mais n'est pas particulièrement fort.


PITHOM,


Exode 1:11, ville forte d'Égypte, à la construction de laquelle les Israélites esclaves furent appelés à travailler. On pense que c'est la ville de Patumos dont parle Hérodote, 2, 158, et qu'il place sur le canal que les rois Néco et Darius avaient fait creuser pour joindre la mer Rouge au Nil, et par là à la Méditerranée. Le nom de Pithom signifierait, d'après Jablonsky, celle qui est enfermée, c'est-à-dire la ville forte. D'autres, comme le traducteur copte, ont pris cette ville pour Héroopolis; d'autres enfin, Marsham, pour Péluse ou Damiette.


PLAINES.


La Palestine étant une contrée montagneuse n'offre que peu de plaines véritablement dignes de ce nom. Les Hébreux avaient trois mots pour désigner les plaines, suivant la nature de leur sol, leur étendue, leur conformation, leur entourage, etc. Harabah désignait, en général, une surface rase, ardue, et non cultivée, ce que nous appellerions presque un désert; mishôr une plaine, un plateau, fertile ou non, plutôt fertile cependant, et qui n'est terminé nulle part par des montagnes; hémèk, une plaine élevée, bornée par des montagnes, une large vallée, formant une espèce d'arrêt au milieu des montagnes. Les principales plaines que présente la Palestine sont, en allant du nord au sud:

  1. Celle de Jizréhel ou d'Esdraelon (hémèk), qui partage le pays de la baie de Ptolémaïs jusqu'au Jourdain, et sépare les montagnes de la Galilée de celles d'Éphraïm; elle était bien arrosée et riche en gras pâturages,

    Voir: Jizréhel.
     

  2. Les côtes de la Méditerranée depuis le mont Carmel jusqu'au fleuve d'Égypte; elles portaient jusqu'à Joppe le nom de plaine de Saron, et, depuis là, celui de Sephélah.

    Voir: ces articles.

    Cette partie méridionale communiquait avec les plaines de Juda.
     

  3. La plaine du Jourdain, les deux rives de ce fleuve depuis le lac de Génésareth jusqu'à la mer Morte; près de Jérico cette plaine s'élargit, et prend le nom de harabah de Jérico, désert de Jérico, Josué 4:13; 5:10; 2 Rois 25:5; Jérémie 39:5, comme aussi la mer Morte s'appelle, à cause de cela, la mer du Désert, Deutéronome 3:17; 4:49.
     

  4. Le plateau (mishôr) de Ruben, sur lequel se trouvaient les villes de Bézer et de Médébah, Josué 13:16; 20:8; Deutéronome 4:43; il appartient au grand, mais stérile plateau qui porte aujourd'hui le nom de Belka.

    — Les plaines de Moab tombent en dehors du territoire d'Israël; d'autres plaines encaissées dans des montagnes seront indiquées à l'article Vallées.


PLATANE,


Voir: Châtaignier.


PLOMB,


Voir: Métaux.


PLONGEON,


Lévitique 11:17,

Voir: Cormoran.


PLUIE,


Voir: Température.


POÊLE,


2 Samuel 13:9, instrumenta frire, dont la forme nous est inconnue, mais qui ne peut avoir été essentiellement différent des ustensiles de même nom dont on se sert dans nos cuisines; elle était d'airain, si l'on en juge par son étymologie (massreth).


POÉSIE, Poêles.


Il est peu de sujets sur lesquels on ait plus écrit que celui de la poésie des Hébreux. Depuis les temps anciens jusqu'à nos jours, on a écrit les volumes sur la métrique, le rythme et la musique de ces chants; on les a considérés dans le fond et dans la forme, dans leur contenu et dans la diction; on a recherché la pensée et son enveloppe; on a distingué les genres de poésie, et l'on a pesé es phrases, les mots, les syllabes, les lettres. Les poètes et les commentateurs ont consacré, les uns leurs talents, les autres leurs travaux, à pénétrer bien des mystères, à signaler bien des beautés. Et cet ensemble de travaux qui pourrait faire croire soit à des découvertes intéressantes, soit à une grande difficulté de la matière, n'a à peu près rien produit, rien expliqué de ce qui eût dû être expliqué.

Ce que l'on connaît généralement sous le nom de poésie des Hébreux se réduit pour nous au contenu des livres poétiques de l'Ancien Testament; si nous les divisons d'après les formes de notre esthétique, nous y trouvons des écrits didactiques et des poésies lyriques, les premiers s'adressant davantage à la réflexion, les autres au sentiment, au cœur. Quelques critiques, anciens ou modernes, ont voulu voir dans le livre de Job, et dans le Cantique des Cantiques, une troisième forme de poésie, un germe de poésie épique ou dramatique; mais ce point de vue, qui embrassait même le Pentateuque, ne résiste pas à l'examen, et, réfuté depuis longtemps, il est presque généralement abandonné.

— Plusieurs oracles des prophètes sont un mélange de poésie lyrique et de poésie didactique, comme aussi dans les écrits à proprement parler didactiques, on trouve par intervalles des fragments purement lyriques.

La poésie a été chez les Hébreux ce qu'eue a été chez tous les peuples du monde; elle a pris naissance dans de profondes et vives impressions, et s'est manifestée d'abord sous la forme qui exprime le mieux les émotions de l'âme, sous la forme lyrique; dans le principe, elle s'unissait presque toujours à la musique, peut être même à la danse, Juges 16:25; 1 Samuel 18:6. De grands événements nationaux, de grandes victoires, de grandes délivrances, turent les premiers sujets de ses chants, et comme au point de vue des Hébreux fidèles, toutes choses procédaient immédiatement de Dieu, la poésie lyrique prit dès son origine une couleur théocratique, elle eut une tendance éminemment religieuse, et avec elle cet élan, cette hauteur, cette grandeur saisissante qui la caractérise. Il semble que des femmes surtout furent dès les premiers temps remplies de cet esprit lyrique; nous les voyons, en effet, se produire au milieu du peuple avec tout t'enthousiasme de l'inspiration, Exode 15:20; Juges 5:1; 11:34; 21:21; 1 Samuel 18:7; Psaumes 68:25. La poésie lyrique atteignit sa plus haute perfection sous David, ce grand maître en qui elle se personnifia pour ainsi dire, et qui ne fut sans doute pas sous l'influence des écoles de prophètes autant qu'on a voulu le croire; il l'introduisit avec toute sa grandeur et sa pompe clans le sanctuaire national, où elle devint un des ornements les plus beaux et les plus .bénis du culte public. Après David, il paraît que les prophètes et les lévites continuèrent seuls de la cultiver,

Voir: Coré;

mais ils le firent dans le même esprit que leur maître, et avec le même succès, la même force et la même fraîcheur, jusqu'aux temps qui suivirent l'exil, quoique l'on remarque parmi les grands chantres de cette époque, ces traces de fatigue ou d'épuisement qui accompagnent toujours la décomposition d'une nationalité, l'épuisement d'un pays qui va mourir.'On ne saurait déterminer jusqu'à quel point la poésie lyrique fut appliquée par les Hébreux à des sujets profanes, à chanter l'amour, la joie ou l'amitié; il n'est pas même établi qu'elle ait jamais perdu son caractère purement religieux, et Winer, qui insiste sur l'existence d'une poésie profane lyrique des Hébreux, ne nous parait pas avoir prouvé que Tholuck, en la niant, soit aveuglé par une «pédantesque partialité.» Les passages qu'il cite, Ésaïe 9:2; Jérémie 7:34; 25:10; 48:33; Amos 6:5; ne prouvent pas nécessairement ce qu'il croit y voir.

Le recueil des poésies appartenant au genre lyrique comprend:

  1. Des chants et des hymnes adressés à Dieu, soit comme dominateur du monde, Psaumes 8 et 104, soit comme chef de la nation, Psaumes 47, 66, 67 et 75, soit comme providence particulière par rapporta quelques événements de l'histoire nationale, Psaumes 46, 48, 75, etc. Un grand nombre de ces chants étaient spécialement affectés au culte public, Psaumes 15:24; 68:81, etc., et l'on a cru pouvoir distinguer, dans plusieurs, des chœurs et des voix seules s'entre-répondant; le psaume 118 serait à cet égard l'exemple le plus frappant, et les divers essais qui ont été faits pour retrouver la suite et le caractère des interlocuteurs (notamment le Cantique de la Victoire, de M. Bost), montrent que c'est un travail à la fois facile, intéressant, utile et instructif. Il faut se rappeler, d'ailleurs, que les psaumes se chantaient ordinairement par le maître-chantre, et que les chœurs, généralement parlant, n'intervenaient que pour certains répons, comme cela se voit encore dans les synagogues, et comme pour les prières on en trouve aussi des exemples dans les Églises romaine et épiscopale.
     

  2. Des complaintes, élégies, et lamentations, ayant pour objet les malheurs des individus, ou ceux de la nation, quelque fois l'un et l'autre ensemble, cf. 2 Samuel 1, Lamentations 1-5,; Psaumes 7, 44, 50, 102, 109, etc. Le recueil des Psaumes peut-être considéré comme une anthologie de la poésie lyrique des Hébreux; il renferme des morceaux des deux genres que nous venons d'indiquer. On a voulu voir la trace d'un troisième genre dans
     

  3. Le Cantique des Cantiques; les rationalistes en ont conclu à l'existence d'une poésie érotique chez les Hébreux, et Winer répète ici l'un de ses mots favoris, c'est que la pédanterie dogmatique ou historique peut seule ne pas admirer dans ce cantique un chant d'amour empreint de toute l'ardeur des passions de l'Orient.

Quant à la poésie didactique, elle paraît avoir pris naissance dans les proverbes, les dictons populaires, les sentences profondes, les énigmes; on a toujours remarqué, en effet, que ces résumés de la sagesse universelle affectaient volontiers une forme figurée et un certain rythme qui les fissent ressortir dans la mémoire et dans l'imagination, et nulle part cette sagesse populaire n'est plus riche, plus ancienne, plus profonde que dans l'Orient. Le livre de Job est la plus ancienne apparition de ce genre de poésie; des sages s'entretiennent comme dans le Makemath des Arabes; leurs paroles ne s'élèvent pas toujours fort haut, mais la conclusion du livre est l'expression d'une sagesse, peut-être peu étendue, mais sûre, morale, et ferme. Salomon forme une seconde époque, 1 Rois 10; ses Proverbes réunis en recueil, avec les sentences de quelques autres sages, l'Ecclésiaste, et un certain nombre de Psaumes, sont ce qu'il y a de plus caractéristique en ce genre dans la poésie hébraïque, Psaumes 1, 133, 32, 50, etc.; on trouve quelquefois aussi dans les prophètes quelques oracles émis en forme de sentences, ou de paraboles, 2 Samuel 12:1-4. Ésaïe 5:1-6. Les discours de Jésus portent presque tous le même caractère, et montrent combien ce genre était encore conforme à l'esprit des Juifs e son temps. Et l'on n'a pas de peine à comprendre que lorsque la poésie venait donner une forme vivante, brillante, à des pensées déjà fortes en elles-mêmes, pleines dans leur brièveté, sublimes dans leur simplicité, elles exaltassent l'enthousiasme religieux, et produisissent des impressions tout à la fois rapides et durables, sur le génie des Hébreux.

On s'est donné beaucoup de peine pour découvrir dans la poésie hébraïque un mètre, des pieds, des vers, une rime, un rythme quelconque, mais tous ces efforts ont échoué; d'une part, parce que la véritable prononciation de la langue est perdue, parce que nous n'avons plus que des données incomplètes, souvent inexactes, sur les sons, la ponctuation, et la longueur des voyelles; de l'autre, parce que ces ornements de la poésie profane ancienne et moderne, paraissent avoir en effet manqué aux règles de la poésie des Hébreux. Ce qui la distingue en effet de la prose, c'est ce qu'on est convenu d'appeler le parallélisme des membres, parallélisme qui réunit pour les opposer, les comparer, ou les confirmer, plusieurs idées analogues, dans une seule et même phrase. Ce parallélisme est appelé synonyme quand les membres de phrases qui se correspondent, expriment une même idée en des termes différents, Genèse 4:23; Juges 14:14; Psaumes 2:10; Jérémie 2:12,27; antithétique, lorsque les membres de la phrase opposent deux idées l'une à l'autre, Psaumes 20:8. Ésaïe 1:3; synthétique, lorsqu'ils expriment une même idée, mais avec une gradation dans le choix des mots, et d'une manière progressive, Psaumes 19:8,10; 91:13; dans ce dernier cas il y a identité quand, les mêmes mots étant reproduits, la force de la pensée ne consiste que dans l'addition d'images ou de définitions supplémentaires, comme Psaumes 48:11-12; 104:18. Ce parallélisme des idées est souvent accompagné de la répétition des mêmes mots, Genèse 4:23; Job 6:5; Psaumes 19:8; 20:8; 118:2-3; de la rime, Genèse 4:23; Job 16:12: souvent aussi, la phrase se compose de plusieurs membres dont les deux premiers sont opposés au deux derniers, ou plusieurs à un seul; cf. Psaumes 31:11; 40:16; Michée 1:4; Job 10:1; etc. Pour faire mieux comprendre l'idée du parallélisme, nous en citerons un exemple; il est tiré de Jérémie 2:26-27.
 

De même que le voleur est confus lorsqu'il est surpris,
Telle devrait être la confusion d'Israël,
De ses rois et de ses princes,
De ses sacrificateurs et de ses prophètes,
De tous ceux qui disent au bois: Tu es mon père!
Et à la pierre: Tu m'as donné la vie.
 

Les deux premières lignes, dit Dahler, comparent deux objets l'un à l'autre: l'idée générale, la maison d'Israël, est ensuite décomposée en cinq espèces, distribuées dans les quatre lignes suivantes; mais la cinquième espèce est distribuée en deux lignes parallèles, et tout cela forme un ensemble harmonieux et sans affectation. Ce passage du parallélisme simple au parallélisme composé, était de nature à prévenir l'uniformité, et peut-être la monotonie, qui accompagne souvent la poésie lyrique.

On découvre sans peine des strophes distinctes dans plusieurs psaumes, tels que les 42, 43, 107, etc. Les psaumes mahaloth, q.v., ont un rythme plus rapide et plus vif que les autres. Kœster a publié plusieurs travaux dans lesquels il s'attache à démontrer que le genre strophique est beaucoup plus ordinaire dans les psaumes, qu'on ne le pense d'ordinaire, et que si l'on ne découvre pas toujours facilement la division des strophes, c'est que cette division repose sur le même principe que le parallélisme des phrases, sur une espèce d'irrégularité calculée qui souvent déjoue les recherches, et qui introduit plus de variété dans l'ensemble. On trouve assez de strophes variées dans les poésies lyriques françaises, pour qu'il soit aisé de comprendre qu'il en ait existé de semblables dans la poésie hébraïque. La version des Hagiographes de Perret-Gentil, et la Paragraphe-Bible de Londres, font ressortir le parallélisme, et la distinction des strophes, autant du moins qu'il est possible de le faire.

Remarquons encore parmi les artifices poétiques des poètes hébreux, la disposition acrostiche d'un certain nombre de psaumes; dans quelques-uns le changement des lettres a lieu d'un verset à l'autre; ailleurs trois versets, ailleurs encore huit, forment des espèces de strophes dont chacune commence par une des lettres de l'alphabet, depuis la première jusqu'à la dernière;

Voir: Psaumes 25, 34, 119, 145; Lamentations 1:2:4; Proverbes 31:10; et suivants.

Cet artifice était-il destiné à faciliter la mémorisation de ces vers? était-ce un jeu de l'esprit, une entrave que le poète s'imposait à lui-même? y avait-il là une signification maintenant perdue? nous l'ignorons, mais cette dernière supposition est la moins probable.

En plaçant dans le parallélisme des membres la principale différence qui distingue la poésie de la prose, nous ne contestons pas qu'il ait pu y avoir encore d'autres différences, un rythme particulier, des pieds et des rimes; Flavius Josèphe, Origène, Eusèbe et saint Jérôme, paraissent avoir connu encore toutes les beautés de la poésie hébraïque, et avoir possédé le secret de ses règles: ils parlent, et leur grande science les mettait à même de parler en connaissance de cause, de vers héroïques, de trimètres, et de pentamètres; saint Jérôme va jusqu'aux vers alcaïques, iambiques, et saphiques pour les Psaumes; et il voit des hexamètres et des pentamètres dans les cantiques du Deutéronome et d'Ésaïe, dans le livre de Job et dans ceux de Salomon. Quant à Leclerc (Hist. abrégée de la poésie chez les Hébreux), il essaie de prouver dans sa dissertation que la poésie des Hébreux était rimée à peu près comme la poésie française, opinion qui n'a pas manqué de partisans. D'un autre côté, Scaliger et d'autres, estiment et soutiennent qu'il n'y a ni mesures, ni pieds, dans les vers hébreux, et que cette langue, non plus que la plupart des langues sémitiques, n'est pas susceptible de cette espèce de gêne poétique.

Quoi qu'il en soit de cette question, il faut avouer que le vrai caractère de la poésie est dans la diction même, et que celle-ci se distingue par un choix de mots et de locutions qui ne se rencontrent jamais, ou du moins fort rarement dans les ouvrages en prose, ou qui, lorsqu'ils s'y trouvent, ont dans la prose une signification et une portée différente que dans la poésie; la forme grammaticale même des noms, des pronoms suffixes, des verbes, et les règles de la syntaxe, s'éloignent également de la forme ordinaire, et des règles qui sont constamment observées dans les ouvrages en prose. La préférence de certaines expressions est fondée sur la préoccupation du poète d'éviter les termes et les formes de langage journalières, ordinaires et communes; souvent celui-ci était conduit à se servir de certaines formes anciennes comme plus simples, plus grandes, et plus énergiques; peut-être aussi que son choix était déterminé dans certains cas, par des considérations de rythme et de mesure. Sous ce rapport on peut considérer les poètes hébreux comme les poètes classiques de l'antiquité profane, parce que la poésie est la même partout, ses exigences partout semblables; il a dû y avoir des licences poétiques chez les uns comme chez les autres.

Le cercle d'idées des poètes hébreux se meut principalement dans la sphère de l'Orient, il touche à la nature et à l'histoire de la Palestine, aux époques diverses de la vie nationale, aux grands événements de l'existence du peuple de Dieu. Un certain nombre d'images semblables se reproduisent chez les uns et les autres, et si l'on en excepte quelques-uns, Job, Amos, Habacuc, Ézéchiel, on a la clef de tous quand on a la clef de l'un d'eux: l'intelligence d'Ésaïe, par exemple, entraîne promptement l'intelligence des autres prophètes considérés comme poètes. Il serait intéressant de comparer sous ce rapport la poésie hébraïque à la poésie orientale et à celle de l'Occident, aux classiques anciens et aux chantres du moyen âge, à Homère et à Ossian.

L'élévation de la pensée qui atteint chez plusieurs prophètes la hauteur la plus sublime, cette simplicité pleine d'expression, cette variété pleine d'unité, ces figures, ces sentiments, cette action, tout cela réuni, qui pourrait se retrouver chez les poètes profanes, est encore relevé par l'idée religieuse qui anime, entoure, vivifie tous ces élans, qui est le centre et le fond de la poésie elle-même chez les Hébreux.

Parmi les auteurs qui ont traité ce sujet nous n'indiquerons que Carpzov, Lowth, Leclerc, Herder (Esprit de la poésie hébraïque), et une dissertation spéciale de Calmet dans son Commentaire.

Saint Paul donne aux poètes païens le nom de prophètes, parce que chez les païens les poètes passaient pour inspirés; il en cite deux, Aratus, Actes 17:28, peut-être aussi Cléanthe et Épiménide, Tite 1:12. Aratus était natif de Cilicie, comme saint Paul; il avait dit: «Nous devons commencer par Jupiter, qu'il ne nous est pas permis d'oublier. Tout est plein de Jupiter, il remplit les rues, les places et les assemblées des hommes: toute la mer et les ports sont remplis de ce Dieu, et en tous lieux nous avons tous besoin de Jupiter.» Saint Paul, en faisant un extrait de ce passage lui donne la vérité qu'il n'a pas; il purifie l'erreur et argue de ces paroles obscures et fausses, pour démontrer que dans toute conscience d'homme il reste un sentiment secret, une croyance confuse, mais invincible, à l'existence d'un Dieu tout-puissant et présent partout. Épiménide jouissait, d'après ce que rapportent Plutarque et Diogène de Laërte, d'une grande réputation de prophète, et ils citent de lui plusieurs prédictions qui, si elles sont vraies, ont été accomplies d'une manière remarquable.


POIDS.


Les poids dont les marchands se servaient ordinairement s'appelaient pierres, parce qu'ils étaient faits de pierre, matière plus solide et plus durable que tant d'autres, même que le fer qui se laisse user par la rouille; on les portait dans un sachet, ou bourse, attachée à la ceinture, cf. Proverbes 16:14, ce qui se fait encore de nos jours en Perse, et cette habitude était d'autant plus nécessaire qu'aucun échange, ni achat, ne se faisait autrement qu'au poids; l'argent même était pesé, Jérémie 32:10. De faux poids et de fausses balances étaient sévèrement punis par la loi, Lévitique 19:35; Deutéronome 25:14; mais il paraît que malgré ces rigueurs, les facilités que l'on avait de commettre ce délit, l'avaient rendu fort ordinaire, Proverbes 11:1; 20:10,23, cf. Ézéchiel 45:10; Michée 6:11. Quant au sicle du sanctuaire, Exode 30:13,24; Lévitique 5:15, etc., appelé aussi le sicle au poids du roi, 2 Samuel 14:26,

Voir: Sicle.

Si l'on admet qu'il y avait dans le sanctuaire des poids spéciaux consacrés à la vérification des poids généralement en usage, et un lévite chargé de les conserver, comme quelques-uns le voient à la fin de 1 Chroniques 23:29, on se rappellera que les Égyptiens, au dire de Clément d'Alexandrie, avaient une institution semblable, les Romains également, et que Justinien, par une loi expresse, ordonna que les poids et mesures seraient gardés dans les églises des chrétiens;

Voir: Mesures.


POIREAU


(allium porrum), plante potagère bien connue; fleur en ombelle à six feuilles; feuilles grandes, étroites et aplaties; oignon petit et membraneux; on le mange en Égypte soit en salade, soit sans assaisonnement avec du pain; les anciens Égyptiens déjà l'estimaient pour son goût exquis et en faisaient un assaisonnement recherché pour une quantité de plats, Juvén. 15, 9. Horace, Epp. 1; 12, 21. Martial 3, 47; 10, 4. Pline 19, 33. Il est nommé, Nombres 11:5, avec l'ail et l'oignon comme un des aliments que les Israélites regrettaient le plus dans le désert; son nom hébreu est hhatzir, que nos versions rendent ailleurs par herbe, Job 8:12; 40:15, etc., sur le témoignage des Septante, appuyés par d'autres autorités fort anciennes; Ludolph en donne une explication différente qui n'a pas prévalu, et les commentateurs sont d'accord sur ce double sens du même mot suivant le contexte dans lequel il se trouve.


POISON.


Il y a en hébreu deux mots différents pour désigner le poison, l'un plus général, rôsh, qui s'applique au poison animal, Deutéronome 32:33, comme au poison végétal, plus fréquemment cependant à ce dernier; l'autre, hhemah, qui ne se dit que du poison animal, Deutéronome 32:24. Le mot rôsh, que les anciens traduisent quelquefois par venin, quelquefois par fiel, désigne dans quelques passages une espèce de plante vénéneuse qui croît dans les champs, Osée 10:4, et dont les fruits ressemblent aux grappes de raisin, Deutéronome 32:32, et sont amers; les uns pensent que c'est la morelle, d'autres le tithymale, d'autres la coloquinte, d'autres l'ivraie, d'autres enfin, comme Gesenius, que c'est le pavot, dont le suc finit par devenir un poison, l'opium; cf. l'eau de fiel, Jérémie 8:14; 9:15; 23:15. Il est souvent nommé à côté de l'absinthe; ainsi dans les passages indiqués, et Deutéronome 29:18. Quant à son amertume,

Voir: Psaumes 69:21; Lamentations 3:5.

Des caractères donnés par les livres saints à cette plante vénéneuse, il est aisé de conclure au rejet de plusieurs des suppositions que nous avons indiquées; il l'est moins de se prononcer définitivement pour l'une ou pour l'autre.

— Marc 16:18, renferme une allusion à l'usage d'adoucir ou d'abréger au moyen du poison les souffrances du condamné.

— 2 Maccabées 10:13, nous offre un cas de suicide par empoisonnement.


POISSONS.


On voit par Nombres 11:8; Ézéchiel 29:4-5, que l'Égypte, et notamment le Nil, abondait en poissons de toute espèce; cf. Exode 7:18. Hérodote 2, 93. Strabon 17, 823. La Palestine en possédait également beaucoup dans ses rivières et dans ses lacs, et le lac de Génésareth était sous ce rapport tout particulièrement renommé, Jean 21:11; cf. Matthieu 14:17; 15:34. Les habitants de ses rivages vivaient de la pêche, Luc 5:2, mais travaillaient chacun pour son compte sans être réunis en corporation ou en corps de métier. On se servait pour pêcher, de filets de différentes grandeurs et de différentes formes, Matthieu 4:18; Jean 21:6, de hameçons, Ésaïe 19:8; Habacuc 1:15; et de crochets, crocs ou sorte de harpons. Amos 4:2; cf. Job 40:20-21. C'était surtout la nuit, Luc 5:5, ou au matin avant le lever du soleil, Pline 9:23, que les pêcheurs vaquaient à leur tranquille et silencieuse occupation. Les Phéniciens firent connaître les poissons de mer à la Jérusalem restaurée et reconstruite, Néhémie 13:16, du moins il n'en est pas fait mention plus tôt. Il ressort de plusieurs passages que les Juifs, surtout les Juifs postérieurs à l'exil, mangeaient volontiers le poisson, en comprenant sous ce nom tous les animaux aquatiques munis d'écaillés et de nageoires, car les autres, tels que la murène, le polype, la sèche, étaient déclarés impurs par la loi, Lévitique 11:9;

Voir: Nombres 11:5; Néhémie 13:16; Matthieu 14:17; 15:36; Luc 9:13; 24:42; Jean 6:9, etc.;

mais ils n'en faisaient pas, comme les catholiques romains, une des délicatesses du jeûne. Il y avait à Jérusalem un marché spécial destiné à la vente de la pêche, et une porte des poissons, 2 Chroniques 33:14. Néhémie 3:3; 12:39. Cette viande ne figure jamais dans les sacrifices, non qu'elle fût souillée, mais parce qu'elle était considérée comme peu forte, peu nourrissante, et peu digne d'être offerte à la divinité; d'après Hérodote 2, 37, il était même défendu aux prêtres d'Égypte d'en manger.

Il ne paraît pas que les Hébreux aient su désigner les différentes espèces de poissons par des noms particuliers; du moins on n'en trouve aucun exemple nulle part; le poisson même qui engloutit Jonas n'est pas désigné autrement en son lieu que par l'épithète de grand, Jonas 2:1; il est appelé baleine dans la mention qui en est faite, Matthieu 12:40, d'après la traduction des Septante, mais on est presque généralement d'accord à penser qu'il ne s'agit pas de la baleine dans ce passage: Hare l'entend de l'orque, grand poisson de l'espèce du dauphin; Bochart et la plupart des commentateurs actuels, du requin (squamus, ou canis carcharias); ce grand poisson répond ainsi aux termes employés dans le livre de Jonas: ses quatre cents dents placées sur six rangées sont aiguës et tranchantes comme des rasoirs; sa gueule est si large qu'un homme peut à son aise y passer tout entier: on a trouvé souvent dans son estomac des hommes, des chevaux, d'autres animaux; et dans un de ces animaux qui ne pesait que 400 livres, on a trouvé jusqu'à dix thons. On raconte qu'un matelot fut un jour avalé vif par un requin, et que celui-ci ayant été atteint par un boulet de canon, le rejeta immédiatement, sans qu'il eût éprouvé le moindre mal.

— Nous avons parlé du poisson de Tobie à l'article Cécité, et du culte des poissons à l'article Dagon.

Voir: aussi Béhémoth et Léviathan.


POITRINE


de tournoiement,

Voir: Lever.


POIX,


en hébreu zèphèh ou zèpheth, Exode 2:3; Ésaïe 34:9, substance bien connue, susceptible d'être liquéfiée à une chaleur peu considérable, et souvent employée comme enduit. On la tire de certaines résines végétales.


POLITESSE.


Cette forme extérieure de bienveillance, cette espèce de bienveillance de surface, provisoire, transitoire, que son nom caractérise seul parfaitement, et qui accompagne souvent, et supplée quelquefois, la bienveillance du cœur, la bonté, l'amitié, a eu de tout temps chez les Orientaux un développement et des proportions beaucoup plus considérables que chez les Européens, moins formalistes et plus positifs. Les anciens Hébreux ne faisaient pas exception sous ce rapport aux usages des peuples au milieu desquels ils vivaient isolés, et nous trouvons dans l'Écriture la trace de la plupart de ces coutumes qui se sont perpétuées jusqu'à nos jours en Orient. En se rencontrant ou en se séparant, 2 Samuel 18:21, les inférieurs saluaient profondément leurs supérieurs, quelquefois jusqu'à terre suivant la distance sociale qui les séparait, Genèse 19:1; 23:7; 2 Samuel 9:8, même à plusieurs reprises, Genèse 33:3; 1 Samuel 20:41: devant des princes, des gouverneurs, des hommes haut placés, on avait même l'habitude de se jeter par terre, à leurs pieds, ou de se mettre à genoux, Genèse 42:6; 44:14; 50:18; 1 Samuel 25:23; 2 Samuel 1:2; 14:4; 19:18; 2 Rois 1:13; Matthieu 2:11; 27:29; etc. On ne voit pas d'exemples de l'usage actuel démettre la main droite sur la poitrine, en inclinant la tête devant un supérieur. Si un inférieur étant à cheval rencontrait un de ses supérieurs, il descendait de sa monture pour faire les révérences d'usage, Genèse 24:64; 1 Samuel 25:23. II n'est pas dit, mais il est probable qu'en pareil cas les Hébreux de la classe inférieure, comme les anciens Égyptiens et les Arabes de nos jours, sortaient du chemin pour laisser un libre passage à la personne plus élevée qu'ils rencontraient. Les formules de la salutation étaient simples; elles exprimaient des vœux de bénédiction, Genèse 43:29; 1 Samuel 25:6; Juges 6:12; cf. Ruth 2:4, où nous voyons à la fois le salut et sa réponse; ou bien c'étaient des informations touchant l'état de la santé, 2 Samuel 20:9; 2 Rois 4:26; Juges 18:15; 1 Samuel 10:4, et cette dernière habitude était tellement générale qu'on disait: demander à quelqu'un comment il se porte, pour: le saluer. Le salamalec des Arabes n'est autre sous ce rapport que le shalom aléka des Hébreux: paix te soit! On accompagnait les partants d'un souhait de prospérité, Tobie 5:21. Il arrivait quelquefois aussi qu'au lieu de se borner à une simple et courte salutation, les Hébreux qui se rencontraient s'adressaient de longues et verbeuses formules de bienveillance, 1 Samuel 25:6, et c'est à ces longueurs que font allusion les défenses mentionnées 2 Rois 4:29; Luc 10:4. Les voyageurs modernes, Niebuhr, Arvieux, Russel, racontent que les Orientaux, et, en général, presque tous les peuples à moitié civilisés, ont conservé l'usage de ces salutations circonstanciées, qui sont inutiles et fastidieuses pour des hommes occupés, et plus attachés à la réalité qu'aux formes de la politesse.

— Dans la conversation, l'inférieur parlait de lui-même à la troisième personne, en se disant le serviteur de celui à qui il s'adressait, et en l'appelant mon seigneur, ou même mon maître, si c'était un prophète ou quelque personnage très distingué par son rang, Genèse 18:3; 19:2; 24:18; 43:28; Juges 19:19; 1 Samuel 26:18; 2 Rois 5:13; 6:21; 13:14, etc.; parfois même, pour mieux marquer son respect, l'inférieur se rabaissait jusqu'à se donner des titres injurieux, comme chien, ou chien mort, 2 Samuel 9:8; 2 Rois 8:13. Il paraît que les Juifs postérieurs poussèrent le scrupule dans leurs rapports avec les païens jusqu'à refuser de les saluer, Matthieu 5:47, comme, en Égypte et en Syrie, les chrétiens et les mahométans de nos jours passent encore à côté les uns des autres sans remplir ce devoir de politesse. Une convention tacite avait, à la même époque, dispensé de répondre à un salut certaines personnes, et presque certaines classes, notamment les nommes attachés au clergé, et entourés d'une réputation de vertu et de piété, ce qui n'empêchait pas ceux-ci de rechercher les salutations avec une petitesse d'amour-propre et de vanité qui leur a mérité les reproches de notre Sauveur, Marc 12:38; Luc 11:43; 20:46. La place de droite, à table ou ailleurs, était déjà, dans l'antiquité hébraïque, la place d'honneur, 1 Rois 2:19. Psaumes 45:9; Matthieu 25:33. Les témoignages du respect, de la joie, ou de la reconnaissance publique, rendus à un monarque, consistaient dans des cris d'allégresse, parmi lesquels on distinguait celui de: Vive le roi! Lorsqu'on le pouvait, on y joignait de la musique (instrumentale), 2 Samuel 16:16; 1 Rois 1:40; 2 Rois 9:13; Judith 3:8; on couvrait le chemin de tapis, de vêtements, et le peuple qui était trop pauvre, de branches d'arbres ou de fleurs, Æschyl. Agam. 909. Tacit. Hist. 2, 70. 2 Rois 9:13; Matthieu 21:8; et, si le personnage qu'on attendait faisait son entrée de nuit, on l'escortait avec des flambeaux, 2 Maccabées 4:22.

On peut voir aux articles Âge, Baiser, Salive, d'autres préceptes relatifs à la politesse. Quelques autres détails encore sont conservés par les rabbins, ainsi l'habitude de saluer celui qui éternue, et de lui souhaiter du bien, l'éternuement étant regardé comme un présage en général fâcheux. (Dans le texte de 1 Rois 16:11; 21:21, le mot qui a été traduit par homme, ou, pour mieux dire, qui n'a pas été traduit, fait allusion à un acte qui dénote une éducation grossière, et peut-être un manque affecté de respect; il y a dans l'hébreu: «depuis celui qui urine contre la muraille», c'est-à-dire depuis l'homme le plus commun, ou depuis l'enfant, le gamin, «jusqu'à un chien.»


POLYGAMIE.


Cette plaie de l'Orient, nécessitée, disent les uns, par l'influence d'un climat ardent sur les hommes, par la grande disproportion, disent les autres, qui se trouve entre les naissances masculines et les naissances féminines, mais qui, en réalité, n'est entretenue que par elle-même, qui produit elle-même ses causes, cette plaie n'a pas été inconnue aux anciens Hébreux, et elle existait longtemps avant leur constitution comme peuple. Lémec, de la famille de Caïn, est le premier polygame connu, et son nom, sa famille, ce qu'on sait de sa vie, n'est pas une recommandation en faveur de la polygamie, Genèse 4:19-24. On croit encore trouver, Genèse 6:2, dans ces mots: «de toutes celles qu'ils choisirent», un second indice de ce genre de désordre avant le déluge. Il paraît certain, en tout cas, malgré l'opinion de quelques Pères, notamment de Tertullien qui dit qu'avant le déluge personne n'imita Lémec; il paraît certain, disons-nous, que la polygamie était devenue presque générale avant Noé; car elle convenait aux maîtres du monde, et nul frein ne les retenait plus sur la pente où les entraînaient leurs passions.

— La polygamie fut-elle permise aux patriarches? On ne saurait l'affirmer. Ils la pratiquèrent, mais dans de certaines limites. Abraham n'eut à la fois qu'une femme et une concubine, croyant devoir réaliser dans la chair des promesses qui étaient faites à l'esprit; Isaac n'eut qu'une femme; Jacob eut deux femmes, dont la première lui fut imposée, et deux concubines qu'il prit pour obéir à ses femmes. Ils ne trouvèrent, ni les uns ni les autres, le bonheur dans ces demi-désordres. Les lois de Moïse supposent cet usage, sans l'approuver ni le condamner, Deutéronome 21:16-17; Exode 21:8; Lévitique 18:18, et plusieurs exemples de polygamie sont rapportés, ou du moins indiqués, dans les livres saints, principalement sous l'époque des juges, Juges 8:30; 10:4; 12:9,14; 1 Samuel 1:2; 2 Samuel 3:7; 12:8. Le législateur avait néanmoins gêné, par diverses restrictions et prescriptions, l'exercice de la polygamie, qu'il n'avait pas combattue directement, peut-être parce qu'elle était le moindre de plusieurs maux entre lesquels il fallait choisir pour faire l'éducation du peuple; elle était une forme adoucie de l'esclavage des femmes, un remède contre des abominations communes chez les peuples orientaux. Les obstacles que la loi opposait aux excès de la polygamie étaient de trois sortes:

  1. Il ne devait se trouver aucun eunuque dans le pays, Deutéronome 23:1; or, la polygamie sans eunuques ne se rencontre nulle part: lorsque les maîtres sont obligés d'être eux-mêmes les gardiens de leurs harems, ils sont peu tentés de les agrandir, et, lorsque les femmes peuvent toujours espérer de trouver un époux, elles sont moins tentées d'aliéner leur liberté pour partager la couche d'une rivale.
     

  2. La souillure contractée par l'homme, Lévitique 15:18, devenait, pour celui-ci, une incommodité et un fardeau insupportable lorsque le nombre de ses femmes se multipliait.
     

  3. Il était défendu d'avoir une femme privilégiée; l'homme leur devait à toutes, ainsi qu'à leurs enfants, la même bienveillance, Exode 21:8, et, comme le cœur d'un homme ne peut pas facilement flotter entre plusieurs, comme il a besoin de se fixer, comme, par conséquent, cette prescription de la loi ne pouvait être observée que rarement et difficilement, les excès de la polygamie étaient réprimés d'autant.

Ajoutez que les jalouses rivalités des femmes d'un seul homme, qui sont presque une suite inévitable de la polygamie, cf. 1 Samuel 1:6; 2 Chroniques 11:21, étaient, pour celui-ci une cause de chagrins domestiques presque continuels, qui devaient lui faire désirer la suppression de la polygamie elle-même; Elkana en est une preuve frappante. Il résultait de ces entraves que les Israélites, malgré l'espèce de liberté dont ils jouissaient, se contentaient, en général, d'une seule femme, Proverbes 12:4; 19:14; 31:10, à laquelle ils adjoignaient tout au plus, et cela contre la loi, deux concubines. Après l'exil, la monogamie devint générale, et elle tendit à être toujours mieux comprise dans sa portée et dans son sens moral, Ecclésiastique 26:1. Quant aux rois, il leur était défendu, par Deutéronome 17:17, d'avoir plusieurs femmes. Cependant, nous voyons que la loi fut fréquemment éludée, et la plupart des rois, Saül, David, Salomon, Roboam, Abija, jusqu'à Hérode le Grand, ont eu des sérails, quelques-uns même extrêmement nombreux, plusieurs femmes, et un beaucoup plus grand nombre encore de concubines, 2 Samuel 5:13; 12:8; 1 Rois 11:3; 2 Chroniques 11:21; 13:21. Ils remplaçaient alors par des eunuques étrangers les hommes qu'ils ne pouvaient pas se procurer en Judée,

Voir: Eunuque.

— On peut remarquer la sagesse des entraves apportées par le législateur à une coutume qu'il voulait déraciner sans l'arracher; les résultats ont été obtenus: Mahomet a combattu les excès de la polygamie de manière à sanctionner le principe et à enraciner l'usage, lorsqu'il a limité à quatre (Coran 4:3) le nombre des femmes légitimes qu'il est permis d'avoir, sans, du reste, rien statuer sur le nombre des concubines.

On appelle, en termes de scolastique, polygamie successive les secondes noces, et quelques auteurs, d'accord avec l'Église grecque, ont cru que les passages 1 Timothée 3:2; Tite 1:6, interdisaient positivement aux évêques et conducteurs d'églises les secondes noces. Au lieu de: mari d'une seule femme, ils lisent alors: n'ayant été le mari que d'une seule femme; ils s'appuient sur ce que la polygamie étant interdite aux chrétiens en général par Jésus, qui a ramené le mariage à son institution primitive, Matthieu 19:5; cf. 1 Corinthiens 7:2, elle l'était, par conséquent, aux évêques, sans qu'il fût nécessaire de le spécifier. Mais cette considération qui est la plus sérieuse de celles qu'on avance, perd de sa valeur si l'on se rappelle que la polygamie, bien que peu estimée des Grecs et des Romains, existait cependant encore chez eux comme en Orient; or, nous pouvons supposer que des hommes qui avaient deux ou plusieurs femmes se soient convertis; rien ne nous autorise à croire qu'en pareil cas les apôtres aient contraint le prosélyte à se séparer de ses femmes. Calvin fait observer avec justesse que cette séparation, ce divorce, aurait été un nouveau crime; l'Église ne pouvait donc faire autrement que tolérer les conséquences d'un fait qui s'était passé en dehors de l'Église. Toutefois, et c'est à ces cas que se rapportent les paroles de l'apôtre, des hommes dans une position semblable, ne pouvant jouir de la considération dont un évêque doit être entouré, étaient exclus de l'épiscopat, ainsi que ceux qui s'étaient remariés après un divorce illégitime, ou ceux qui entretenaient une concubine à côté de leur femme légitime. Heidenreich, dans son commentaire sur les épîtres pastorales, 1826-1828, a soutenu l'opinion que nous combattons, et la plupart des sociétés de missions agissent dans le même sens, en contraignant les prosélytes polygames à renvoyer toutes leurs femmes moins une.


POMMIER.


Hébreux thapouach. Cet arbre si connu, de la famille des rosacées, n'est nommé que Joël 1:12; Cantique 2:3; 8:5, et ses fruits, Cantique 7:8, où leur agréable odeur est comparée au souffle de la bien-aimée. Rosenmuller et d'autres ont cru, à cause de cela, qu'il s'agissait dans ces passages du cognassier et du coing, dont l'odeur est plus forte que celle de la pomme; mais les pommes de Syrie, au rapport d'Avicenne, ont une odeur plus forte que les nôtres, quoique fine et délicate, et la comparaison du Cantique pouvait être facilement comprise. Un argument qui prouverait davantage en faveur de l'opinion de Rosenmuller, c'est que dans le langage de l'amour oriental, le coing joue un rôle plus ordinaire qu'il ne fait et ne pourrait faire chez nous. Il est possible au reste qu'en hébreu comme en grec, un même mot désignât l'un et l'autre fruit; mais il ressort de plusieurs noms de villes, Josué 15:34; 17:7, que le thappuah était un arbre assez commun dans l'ancienne Palestine, et certainement la culture du pommier avec son fruit légèrement acide, mais doux et rafraîchissant, était plus utile, plus recherchée, que celle du rude et âpre cognassier. Le Talmud d'ailleurs, par les détails qu'il donne sur le pommier, appuie suffisamment la traduction généralement adoptée.


PONT,


contrée de l'Asie, nommée à côté de la Cappadoce, Actes 2:9; 1 Pierre 1:1, et qui, d'après ces passages, était habitée par des Juifs. Le Pont, dont le nom, qui signifie mer, venait du voisinage du Pont-Euxin qui baignait au nord ses rivages, était borné au sud par la Cappadoce, à l'est par la Colchide et la Grande Arménie, à l'ouest par la Galatie et la Paphlagonie, dont il était séparé par le fleuve Halys. Il était montagneux vers le sud-est; le reste du pays était plat. Constitué en satrapie par Darius fils d'Hystaspe, le Pont prit le titre de royaume sous Mithridate qui en fut le premier roi. L'avant-dernier des Mithridates, Eupator, fit aux Romains pendant quarante-six ans une guerre acharnée et cruelle; son fils, le parricide Pharnace, soumit sa personne et ses états aux ennemis de son père (66 avant J.-C.), qui partagèrent le pays en plusieurs petites provinces ou royaumes indépendants, connus sous les noms de Pont de Galatie, Pont de Cappadoce, et Pont Polémoniaque, du nom de plusieurs rois Polémon, dont le dernier fit une cession volontaire de ses états à Néron. Cet empereur réunit le Pont et la Cappadoce sous une seule administration.


PORC.


La chair de cet animal était mise par la loi de Moïse, au nombre des viandes impures et défendues, Lévitique 11:7; Deutéronome 14:8, et les Juifs ont été dans tous les temps fidèles à l'horreur qu'elle leur inspirait, à tel point que plusieurs d'entre eux aimèrent mieux souffrir le martyre sous Antiochus Épiphanes, que de consentir à en manger, ou même à faire semblant d'en manger, 2 Maccabées 6:18; 7:1, etc. L'épithète de mangeurs de pourceau désignait les idolâtres les plus corrompus et les plus endurcis, Ésaïe 65:4; 66:17. D'après plusieurs rabbins, les Juifs ne pouvaient pas même posséder des pourceaux, et les troupeaux mentionnés Matthieu 8:30; cf. Luc 15:16, appartenaient sans doute à des étrangers, ou peut-être à des Galiléens, qui pouvaient bien sous ce rapport, comme ils l'avaient fait sous tant d'autres, s'être relâchés de la sévérité des prescriptions de leur loi, en nourrissant des animaux qu'ils ne devaient revendre qu'à des étrangers; d'ailleurs les Juifs modernes ne se font pas de scrupule à cet égard, et ils vendent des porcs aussi bien que des vaches. On peut croire qu'en interdisant comme impure l'usage de cette viande, le législateur avait un but diététique, attendu que cette nourriture forte et grasse favorise le développement des maladies de la peau, auxquelles les habitants de l'Orient ne sont déjà que trop sujets; on dit en particulier que le lait de truie engendre la lèpre. Les habitudes sales de cet animal, 2 Pierre 2:22, et les boutons dégoûtants dont il est fréquemment affligé, ne pouvaient qu'augmenter l'horreur des Juifs, en fortifiant la nécessité de l'interdiction; il fût resté immonde quand il n'aurait pas été déclaré tel. Les anciens Égyptiens, les Arabes, les Éthiopiens, les Phéniciens, et peut-être en quelques lieux les Indiens, partageaient le même dégoût, et Mahomet a imposé à ses sectateurs la même abstinence que Moïse au peuple de Dieu. Les Égyptiens cependant, et quelques autres peuples, offraient des porcs en sacrifice à certaines divinités, et les Crétois regardaient cet animal comme sacré.

Le porc sauvage, ou sanglier, est nommé Psaumes 80:13; terrible au sol, aux arbres, et aux jardins, il se trouve encore en Syrie et en Palestine. On a cru aussi que les bêtes sauvages des roseaux, Psaumes 68:30, désignaient des sangliers, parce que cet animal s'établit volontiers dans les terrains marécageux, au milieu des joncs; mais la définition est un peu trop vague pour qu'on puisse en faire un trait caractéristique.


PORTES, Portiers,


Voir: Maisons.


POSSESSION.


Le terrain foncier, les biens-fonds, sont la plus grande richesse d'un peuple adonné à l'agriculture, comme l'étaient les Israélites. D'après la constitution du pays, chaque individu, à l'exception des membres de la tribu de Lévi, avait droit à une portion du sol de la terre sainte, qui était partagée au peuple comme une propriété de l'Éternel, et ce terrain appartenait à sa famille en propriété inaliénable, Lévitique 25:23. (La constitution de Lycurgue avait introduit chez les Spartiates une disposition semblable). Le propriétaire pouvait cesser un moment d'en être le possesseur; il pouvait la vendre, l'aliéner pour éteindre des dettes, mais il conservait toujours le droit, lui ou ses plus proches parents, de la racheter quand il le voulait, Lévitique 25:25; cf. Jérémie 32:7, et en outre elle rentrait de droit dans sa famille l'année du jubilé, sans qu'il eût à en payer le rachat,

Voir: Année.

Ce principe prévenait dans le pays, d'un côté la mendicité, de l'autre l'aristocratie des richesses, la noblesse des terres avec ses suites économiques et politiques; il maintenait, ou ramenait bientôt l'égalité des citoyens, il stimulait et favorisait l'agriculture, il détournait le peuple de l'industrie et du commerce avec les nations voisines. Le trop grand morcellement des propriétés, qui devait être la suite de leur division et subdivision entre les descendants du propriétaire primitif, pouvait être retardé, du moins pour un certain temps, par le fait que lors du premier partage, il resta dans le pays une quantité de terres encore incultes qui, ne pouvant être travaillées par une population moins nombreuse, purent être cultivées plus tard, et partagées entre les descendants des premiers propriétaires. Cet inconvénient même n'aurait pas existé si, comme Hug le prétend, les aînés héritaient seuls de la propriété foncière, mais ce n'est qu'une hypothèse qui ne s'appuie sur aucun texte, et qui semble combattue par Deutéronome 21:17. Il pouvait arriver aussi des translations forcées d'une famille à une autre famille, lorsqu'un homme mourait sans enfants, ou ne laissait que des filles qui en se mariant faisaient nécessairement passer sous un autre nom, et sans retour, la possession de leurs ancêtres. Et de toute manière, si l'on tient compte surtout de la fécondité hébraïque, cette institution devait à la longue entraîner bien des inconvénients, et finir par tomber en désuétude. Les privilèges accordés au premier né, qui obtenait la part de deux, Deutéronome 21:17, mesure qui tendait à conserver à la famille sa possession, allaient d'un autre côté à rencontre du but du législateur en rompant l'égalité de richesse, et ils contribuèrent pour leur part à l'abandon du principe constitutif de la propriété. Aussi voit-on déjà dans l'Ancien Testament des possessions acquises ou abandonnées, la suite des héritiers de familles rompue, les riches entassant propriété sur propriété, joignant maison à maison, approchant un champ de l'autre, Ésaïe 5:8; Michée 2:2; cf. Néhémie 5, et les rois eux-mêmes s'appropriant par des confiscations, judiciaires ou arbitraires et violentes, les propriétés des particuliers, 1 Rois 21:16; cf. 2 Samuel 16:4; Ézéchiel 45:9; 46:18. Après l'exil, après qu'un grand nombre de familles eurent par leur séjour prolongé dans la terre de leur captivité, renoncé de fait à leurs droits sur la terre d'Israël, après que les limites des tribus elles-mêmes, et bien plus encore celles des héritages de familles, eurent été effacées, oubliées, transposées, les lois relatives à la fixité des possessions devinrent en plusieurs lieux impossibles, partout difficiles à exécuter; elles furent presque généralement abandonnées, des métiers s'établirent, l'industrie rapportée de Babylone s'éleva à côté de l'agriculture, et de nombreux mendiants couvrirent le pays.

— Pour plusieurs détails,

Voir: encore Héritages, Lévirat, Vœux, etc.


POSSESSIONS, Possédés.


Ces affections malheureuses, affligeantes, effrayantes, dont les Évangiles renferment divers exemples, appartiennent au nombre des faits qui ont suscité le plus de débats dans l'Église chrétienne, et parmi les théologiens. Il est impossible d'approfondir ici tout ce qu'il y a de grave dans les questions qui ont été soulevées à ce sujet; l'essentiel, les traits généraux devront suffire. L'Écriture nous montre partout que la source du bien et du mal n'est pas dans l'humanité elle-même. Elle montre le bien comme quelque chose d'absolu, le mal comme étant seulement relatif, quoique réel: le principe du bien existe seul, le mal n'est pas un principe, mais une position, une opposition, une négation. La rédemption n'est possible qu'autant que le mal est en dehors de l'humanité, dans une sphère d'esprits plus élevée; si l'humanité était elle-même le mal, le péché, la corruption, il n'y aurait plus lieu à restauration, à rédemption; on ne rachète que ce qui est perdu, mais non le principe même de la destruction. De même que le principe du bien se manifeste dans les anges de lumière, le mal s'individualise dans les esprits de ténèbres, et l'influence pernicieuse de ces forces occultes se révèle dans ceux que l'Écriture appelle possédés, comme il se manifeste aussi d'une manière plus spirituelle, plus intérieure dans ceux qui sont appelés d'une manière générale les méchants. Les représentants du mal dans le monde sont d'une part les faux prophètes, les anti-Christs, les méchants, qui ne sont jamais appelés des possédés, quoiqu'il soit dit de Judas Iscariot que Satan entra en lui, Jean 13:27; de l'autre, les possédés. Chez ces derniers le mal moral est toujours accompagné de certaines affections maladives, principalement de crampes épileptiques, en même temps que la conscience qu'ils ont d'eux-mêmes est émoussée ou détruite. Ces affections ne constituent cependant, pas le caractère exclusif, ni même distinctif, de la possession, car elles peuvent se reproduire en d'autres circonstances purement accidentelles, sans qu'il s'y joigne aucune influence morale: un possédé est muet, Luc 11:14, mais il peut se rencontrer des muets qui ne soient pas possédés, des hommes à qui l'on a coupé la langue, d'autres encore qui ont cette infirmité de naissance et qui glorifient Dieu dans leur vie: un possédé est fou, maniaque, mais un autre peut l'être aussi, peut avoir eu l'esprit dérangé par un accident, une peur, sans qu'on puisse conclure à une possession chez lui.

Si l'on rassemble les traits communs aux démoniaques dont parle l'Écriture, on y voit le résultat d'un singulier mélange d'affections morales, et d'affections physiques antécédentes. La possession apparaît comme un châtiment.

En premier lieu, elle présuppose toujours un certain degré de culpabilité morale, de désordre, non que l'âme ait par méchanceté recherché le mal comme mal, mais asservie à un corps sensuel, elle s'est adonnée sous son empire aux plaisirs des sens et particulièrement à la volupté, tout en résistant intérieurement à des péchés qui lui répugnaient, qui la dégoûtaient. L'étincelle du bien n'était point éteinte; profondément ensevelie, elle fumait encore et n'attendait pour se rallumer que le moment où l'âme, retrouvant la conscience de son affreux état, soupirerait après la délivrance.

— Il résultait de cet état moral, et c'est un second trait caractéristique des démoniaques, un affaiblissement général de l'organisme et notamment du système nerveux; et plus l'influence des nerfs sur les facultés est grande, plus cet affaiblissement devait réagir d'une manière fâcheuse sur l'organisme intellectuel, et sur l'harmonie de la vie intérieure tout entière. Ce désaccord moral, cette désorganisation, devait se produire avec d'autant plus de force que le malheureux avait davantage le sentiment qu'il était la seule cause de son malheur, qu'il était l'auteur de son mal, et que ce qu'il avait fait, il ne lui était pas possible de le défaire. Le méchant, celui qui a vécu dans des péchés extérieurs plutôt qu'intérieurs, qui n'a pas ruiné son corps par le mal, conserve un certain équilibre de ses facultés; il peut, comme Judas, être poussé au désespoir et au suicide, mais non à la folie qui suppose de violents combats entre la conscience et l'esprit de ténèbres.

— À côté de cet état de faiblesse morale et physique, on remarque chez les possédés les maladies qui découlent ordinairement d'un état semblable: des crampes, des courbatures, Luc 13:11; cf. 16; des attaques épileptiques, Luc 9:39; Matthieu 17:15; le mutisme et la surdité, Matthieu 9:32; 12:22, provenant, non d'une destruction des organes, mais de la paralysie continue, ou momentanée, des nerfs ou des muscles qui communiquent à la langue ou à l'oreille; surtout enfin une mélancolie touchant à la folie et parfois à la fureur, Matthieu 8:28; Marc 5:2; Luc 8:27: après leur guérison, ils sont appelés sages, en bon sens, Marc 5:15; Luc 8:35. À ce point de vue, l'opinion rationaliste qui voit dans les possédés des malades, Matthieu 4:24; 8:16; 15:22; Actes 8:7; Luc 8:2, se justifie parfaitement sans qu'il soit même nécessaire de recourir à toutes les citations de la médecine ancienne et moderne; mais elle est fausse en ce qu'elle ne considère que le côté extérieur, matériel du mal, tandis que l'Écriture va jusqu'à la cause première de la maladie, la possession du pécheur par un esprit malin, impur.

— En quatrième lieu, tous ces démoniaques semblent aspirer vers la délivrance, ils semblent attendre même la guérison; ils se présentent, non comme les plus méchants, mais comme les plus malheureux des hommes, et s'il n'y a en eux qu'une étincelle de désir, d'espérance ou de foi, elle suffit à les rendre capables de recevoir les forces d'en haut que Jésus est venu leur apporter. Chez le méchant endurci, qui a laissé le péché prendre possession de son âme et de son corps, on ne trouve pas cette réceptivité; le lieu de la guérison n'existe plus. Chez les possédés, on voit la lutte entre le bien et le mal sous sa forme la plus hideuse, mais enfin c'est une lutte, et jusqu'à ce qu'elle soit terminée, il n'y a ni vainqueur, ni vaincu. La foi reste donc en germe dans leur cœur, et c'est à ce germe que peut se rattacher leur guérison.

— Remarquons encore que la conscience individuelle semble par moments se fondre chez eux sous l'influence ennemie de l'esprit des ténèbres. Ils parlent du point de vue des démons; le possédé parle comme s'il était possesseur, ou plutôt celui-ci parle par l'organe du premier, sans toutefois pouvoir jamais étouffer sans retour la conscience individuelle du malheureux, qui continue de se faire entendre par moments. Cet état rappelle l'extase, la plénitude de l'esprit, les langues étrangères de saint Paul, 1 Corinthiens 14, où l'individualité était nécessairement effacée par l'influence puissante de l'esprit de vérité et de sainteté. On ne doit donc pas se représenter le possédé comme une espèce d'être double, mais plutôt comme un individu en la puissance d'un autre, se débattant sous sa main malfaisante et obtenant quelques moments lucides où il reparaît comme libre avec son individualité personnelle.

— Sixièmement enfin, la possession est toujours accompagnée, chez ses victimes, d'une espèce de seconde vue, d'une capacité de pressentiment plus grande, d'une clairvoyance somnambule, qui leur fait reconnaître en Jésus l'influence qu'il doit exercer sur le règne des esprits, Luc 8:38; cf. 8:2; 11:24; ce phénomène concorde avec l'idée que nous avons admise, que les affections nerveuses sont le fondement, la Base de la possession en tant que maladie et dans sa partie physique, et l'histoire du magnétisme animal montre combien la faculté de seconde vue s'unit facilement et naturellement à une grande surexcitation nerveuse. On comprend aussi de cette manière les divers langages des possédés, qui tantôt jettent un coup d'oeil vif et profond dans le sanctuaire de la vérité, tantôt mêlent à leurs paroles de grossières rêveries, des mots qui n'ont point de sens; ils rappellent, par le décousu de leurs discours, ces fous dont quelques sentences, pour être frappantes de vérité, brillantes dans une nuit de ténèbres, n'en sont pas moins, au milieu de toutes celles qui les entourent, un douloureux témoignage du désordre affreux qui règne dans leur intelligence.

Les Juifs rapportaient comme Jésus, à l'influence de mauvais esprits, plusieurs de ces cas de maladie, Actes 5:16; 10:38. Flavius Josèphe, pour sa part, mais ce n'est qu'une opinion individuelle, pensait que c'étaient les âmes des méchants qui, craignant de se rendre au lieu de leur supplice, cherchaient à s'emparer du corps d'un vivant pour y habiter. Chasser les démons hors du corps des possédés, les exorciser, était le seul remède à ces terribles affections, cf. Matthieu 12:27; Luc 9:49; Actes 19:13. Jésus, par une parole, opérait le miracle, mais les Juifs avaient aussi des exorcistes, et ceux-ci, au dire de Flavius Josèphe, se servaient de formules magiques qu'ils disaient avoir été données par Salomon, et qui étaient en rapport avec certaines racines ou certaines pierres. Comme on avait remarqué que les crises de la possession variaient avec les phases de la lune, au moins chez certaines personnes, et qu'elles paraissaient se rattacher à la lunaison, l'on avait donné à ces malheureux le nom de lunatiques, cf. Matthieu 4:24; 17:15.

On distinguait l'obsession de la possession, la première étant une action extérieure et non intérieure du démon sur le corps ou sur l'esprit: à peu près, dit Calmet, comme un importun qui suit et fatigue un homme dont il a résolu de tirer quelque chose. Ainsi Saül, qui était de temps en temps animé d'un mauvais esprit, était regardé comme obsédé et non comme possédé, 1 Samuel 16:23; c'est également une obsession du démon Asmodée qui faisait mourir les maris de Sara, fille de Raguel, Tobie, 3:7-9. Cependant cette distinction des Juifs est peut-être arbitraire, et les caractères qui distinguent l'obsession de la possession, ne sont pas tellement définis, qu'on puisse décider à laquelle de ces deux affections doivent appartenir certains faits où l'on reconnaît cependant l'influence du mauvais esprit; si l'intermittence constituait l'obsession, elle se retrouvait pourtant chez des hommes que l'Évangile appelle possédés, Matthieu 4:24; 17:15.

La frappante analogie qui se présente entre les cas de possession rapportés par l'Évangile et plusieurs maladies connues, a séduit bien des théologiens et leur a fait admettre une explication dite naturelle, la négation de la possession. Les forces prodigieuses de certains fous dans leurs moments de folie, la misanthropie d'autres individus qui ne veulent se laisser approcher de personne, tant de gens qui se croient changés en loups, en chapeaux, en beurre, qui se croient rois ou princes, d'un autre côté, les épileptiques avec toutes les horreurs de leur mal, toutes ces choses dont on peut trouver la cause prochaine dans un dérangement physique, un échauffement des intestins, une irritation de la bile, une lésion du cerveau, une affection des nerfs, paraissent tenir de si près à l'organisme qu'on en est venu à méconnaître l'action, plus éloignée parce qu'elle est plus profonde, des méchants esprits.

D'un autre côté, l'on s'est demandé comment il se fait qu'il n'y ait plus de possédés. Avant de répondre, posons une question, et demandons-nous: N'y a-t-il en effet plus de possédés? La question peut évidemment se poser ainsi, mais nous n'essaierons pas de la résoudre pour le moment; rappelons seulement que plusieurs médecins distingués renoncent à expliquer, comme à guérir, certaines maladies qu'ils ne comprennent pas, et dont ils disent qu'elles ne sont pas naturelles; rappelons une possession racontée par le missionnaire Rhénius aux Indes Orientales, 1818, et demandons-nous quels noms les apôtres, s'ils entraient, de nos jours, dans quelques-uns de nos hospices d'aliénés, donneraient à plusieurs d'entre eux.

— Mais, acceptant la question comme on la pose, pourquoi n'y a-t-il plus de possédés? l'acceptant avec nos réserves, c'est-à-dire, pourquoi en voit-on moins maintenant qu'au temps de Jésus, nous répondrons:

  1. Il est sûr que, sous ce rapport, comme sous tant d'autres, l'esprit de l'Évangile a exercé une influence bénie sur l'humanité, et que les manifestations du mal, sous sa forme la plus repoussante, paraissent avoir été adoucies et modifiées: par une interprétation à la fois fausse et exagérée de 1 Jean 3:8, on a été jusqu'à prétendre que le diable ne pouvait plus exercer aucune influence sur l'Église de Christ, ce qui ne pourrait être vrai tout au plus que des vrais membres de cette Église, et encore! Mais, si l'on repousse l'exagération, la vérité reste vérité, et, dans la lutte entre le bien et le mal, qui se livre sur la terre, le mal a perdu du terrain.
     

  2. La croyance aux mauvais esprits est moins répandue, moins vivante qu'elle ne l'était aux jours de Jésus, et tel malheureux, épileptique ou fou, sera sous l'influence d'un démon sans que la pensée lui en vienne, non plus qu'au médecin qui le soigne. Ce qu'il dira ou fera sera mis sur le compte d'un cerveau dérangé. Lorsqu'on est sous l'influence de certaines préoccupations, on rapporte tout à un seul centre, à une même idée, comme, au contraire, on attend une évidence palpable pour arriver à d'autres idées étrangères à l'esprit, inconnues ou inattendues. Pendant le règne du choléra, la plus légère indisposition pouvait être envisagée comme un symptôme de la maladie; en dehors de son règne, et lorsqu'on n'y pense plus, on attend qu'il soit entièrement déclaré pour commencer à y croire. Il en est de même des causes de la possession: dans l'ancienne alliance, on ne voit guère de cas de démoniaques non qu'ils fussent plus rares peut-être, mais parce que l'idée des esprits infernaux n'avait pas été mise en aussi grande évidence qu'elle le fut plus tard; les Juifs y pensaient moins, et ne donnaient pas à la maladie dont ils ne supposaient pas la cause un nom tiré de cette cause même. Dans la chrétienté moderne, l'incrédulité a jeté de si profondes racines, l'erreur a prévalu en tant de lieux, que la croyance aux esprits de ténèbres a été comme voilée, et ceux mêmes qui en sont possédés n'en ont qu'imparfaitement la conscience; or, ce n'est pas le méchant esprit lui-même qui se révélera, son triomphe est de rester ignoré. Nous reconnaissons do ne que le nombre des possessions a diminué, qu'il est peut-être rare, et nous voyons dans ce fait la salutaire influence de ce rédempteur qui doit un jour rétablir entièrement l'harmonie dans le monde moral et dans le monde physique; mais nous ne pensons pas que le mal ait cessé: il ne cessera que lorsque sa cause même, le péché, aura disparu,

    Voir: Olshausen, Comment, sur Matthieu 8:28. Meyer, Blætter für hœhere Wahrheit, VII, 199.


POSTE,


Voir: Courriers.


POTIPHAR,


Genèse 37:36; 39:1; 40:3, officier des gardes de Pharaon, acheta Joseph aux marchands madianites, et, satisfait de ses talents et de sa fidélité, il lui confia l'administration de ses biens. Avec Joseph, la bénédiction divine entra dans sa maison; avec elle la prospérité, et la confiance de Potiphar en son serviteur s'accrut au point, dit l'Écriture, qu'il n'entrait plus en connaissance d'aucune chose, sinon du pain qu'il mangeait. Mais, cédant aux suggestions calomnieuses de son infâme épouse, il crut Joseph coupable, le fit charger de fers, et l'enferma dans la prison d'état dont il avait la surveillance. Il ne tarda pas cependant à reconnaître que celui qui avait laissé son manteau entre les mains de son épouse ne pouvait être un séducteur; il rendit à Joseph sa confiance, mais, au lieu de sa première place que la prudence ne lui permettait pas de lui rendre, il lui confia le gouvernement intérieur de la prison. Quelques auteurs croient que Potiphar doit être distingué du gouverneur de la prison, attendu que ce dernier n'est pas nommé, et que la double charge d'officier de Pharaon et de geôlier n'aurait pu être remplie par la même personne. Le fait ne peut être établi d'une manière positive, et nous avons suivi l'opinion la plus simple, et le plus généralement admise.


POTIPHÉRAH,


gouverneur sacrificateur d'On, et beau-père de Joseph, Genèse 41:45; 46:20. Ce nom, qui signifie «appartenant au soleil», a été retrouvé et déchiffré sur un manuscrit funéraire hiéroglyphique. Sa signification convient parfaitement aux fonctions d'un homme qui était sacrificateur dans On, ou Héliopolis, la ville du soleil. C'est une preuve intérieure en faveur de l'antiquité et de l'authenticité des livres de Moïse.


POULES.


Il n'est parlé nulle part, dans l'Ancien Testament, de poules, ni de coqs, bien qu'il semble évident que les Israélites, qui avaient longtemps habité l'Égypte où elles se trouvent en si grande abondance, dussent les connaître, et même en posséder. On ne comprend pas surtout que la loi si détaillée sur les animaux purs et impurs, ne fasse aucune mention du plus connu de nos animaux domestiques; ce silence, au reste, ne peut être interprété qu'en faveur de la chair de cet animal. Un grand nombre d'interprètes ont cependant cru trouver la poule, les uns dans un nom, les autres dans un autre. Ainsi l'hébreu zarzir, Proverbes 30:31, que nos versions ont traduit par cheval, et qu'on est d'accord à entendre du cheval de bataille (Bochart, Gesenius, Winer, Umbreit), a été entendu du coq par les anciens commentateurs; d'autres le traduisent encore par léopard, abeille, lévrier, zèbre; il signifie proprement celui qui est ceint, retroussé, préparé.

— Ainsi le mot sèkevi, Job 38:36, que nos versions rendent par cœur, avec la plupart des interprètes, a été également entendu du coq, et de son intelligence à marquer, par son chant, les heures de la nuit; les Septante semblent l'entendre d'une femme habile dans l'art de broder.

— De même Jérémie 17:11, «une perdrix couve et n'a point pondu», le mot hébreu dagâr, que Jahn, entre autres, paraît prendre pour le nom d'une espèce de poule, est simplement un verbe.

— Le mot gober, qui signifie vaillant homme, a été traduit, Ésaïe 22:17, par coq: Voici, l'Éternel te transportera comme on transporte un coq (au marché). La traduction de nos versions est bonne; seulement le mol: O homme! doit être entendu d'un vaillant homme, d'un guerrier.

— Enfin, les barburim de 1 Rois 4:23, qui apparaissent partout où il y a des difficultés zoologiques, ont été entendues par des poules, après l'avoir été des canards, des oies, des faisans, etc.; nos versions, en le traduisant par le terme général de volailles, conservent jusqu'à un certain point l'incertitude du mot, quoique cette traduction paraisse indiquer plutôt des poules que d'autres oiseaux; mais, dans le doute, on ne saurait indiquer aucune expression préférable. Les anciens interprètes ne connaissaient déjà plus le sens de ce mot, et ils l'entendaient d'oiseaux en général, d'après l'analogie du syriaque et du samaritain. Mais à côté de ce silence de l'Écriture qui étonne, sans rien prouver, le Talmud présuppose, en plusieurs passages, que l'habitude d'élever des poules était fort commune parmi les Juifs, et le Nouveau Testament parle, en divers endroits, de coqs, Matthieu 26:34 (Marc 14:30; Luc 22:34; Jean 18:27), et de poules, Matthieu 23:37; Luc 13:34. Cependant la Mishna Baba Kama, 7:7, parle d'une exception à cet égard, et dit que les habitants de Jérusalem, non plus que les prêtres, n'avaient pas le droit de nourrir des poules, et les interprètes qui ont cru à cette exception, ou qui admettent qu'elle existait déjà du temps de Jésus, ont appliqué ce qui est dit du chant du coq lors du reniement de saint Pierre, soit au cri du guet, soit au cri du héraut chargé de convoquer le peuple pour le jugement, soit à l'appel des gardiens du temple qui devaient, chaque matin, réveiller les prêtres en frappant à la porte de Beth-Moked; d'autres encore ont pensé que la maison de Caïphe était près des murs de la ville, et que de là, pendant le silence de la nuit, on pouvait facilement entendre le cri du coq dans la campagne. Mais ces suppositions, d'ailleurs si peu vraisemblables, ne sont même pas nécessaires; Reland avait émis déjà l'opinion que cette exception talmudique était postérieure à l'ère chrétienne, et Schulz a prouvé qu'elle n'avait même probablement jamais existé.


POURCEAU,


Voir: Porc.


POURPRE,


belle couleur de teinture que la plus haute antiquité paraît avoir déjà connue, et dont la légende raconte qu'elle fut découverte par Hercule Tyrien, dont le chien, ayant mangé d'un poisson à écailles, revint auprès de son maître les lèvres teintes de pourpre. Mais ici l'histoire remonte plus haut encore que la légende, et la pourpre fut employée par les Israélites avant d'avoir été connue des Tyriens. On distingue principalement deux espèces de pourpre, la rouge et la violette, l'une et l'autre se subdivisant en plusieurs nuances et qualités différentes. La première, hébreu argaman, se tire du coquillage à pourpre proprement dit, le πόρφυρος ou άροργή des Grecs, le purpura des Latins, qui se prend dans la mer au moyen d'amorces. La seconde, hébreu thekèleth, est le produit d'une espèce d'escargot qui s'attache aux rochers, et qui portait chez les Romains le nom de buccinum, murex, ou conchylium. L'un et l'autre coquillage est tordu en spirale, mais le premier se termine en pointe; le second est arrondi en trompette ou en forme de cor. Les naturalistes modernes, et notamment Lamark dans son Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, ont observé et décrit plusieurs coquillages à pourpre, chez lesquels la sécrétion colorante, située dans une espèce de sac ou de réservoir, près de l'estomac, est d'abord jaune, puis verte, et ne devient rouge que lorsqu'elle a été exposée à l'air et au soleil, circonstance qui ne s'accorderait pas tout à fait avec les observations des anciens. Mais les classifications des différentes espèces de coquillages dans les systèmes modernes, chez Lamark et chez Cuvier, varient tellement, qu'on ne peut encore déterminer exactement quel était le coquillage dont les anciens tiraient leurs belles couleurs. C'est principalement sur les côtes de la Phénicie, du Péloponèse et de l'Afrique septentrionale, qu'on faisait la pêche de la pourpre, et, comme chaque coquillage ne fournissait que quelques gouttes de couleur, la pêche ne pouvait jamais être fort abondante; aussi la pourpre se vendait-elle fort cher, à l'égal des métaux les plus précieux, et ce n'étaient, en thèse générale, que les princes et les statues des dieux qui pouvaient porter des vêtements de cette couleur, Jérémie 10:9; Ézéchiel 23:6; Cantique 7:5; Jonas 3:6, comme aussi, chez les Hébreux, il entrait beaucoup de pourpre dans les tapisseries du tabernacle et dans les ornements du grand-prêtre, Exode 25, sq. Les rois donnaient des vêtements de pourpre comme la récompense de services signalés, Daniel 5:7,16,29, ou comme preuve d'une bienveillance particulière, 1 Maccabées 10:20,62,64, cf. 11:58. À Rome, une loi impériale restreignait à certaines classes le droit de porter de semblables vêtements, Suéton. Ces. 43. Néron 32.

— On teignait de pourpre les étoffes de laine, quelquefois aussi du lin et du coton, et c'étaient les Phéniciens qui faisaient ce travail avec le plus de perfection, Ézéchiel 27:16, et qui possédaient les établissements de teinture les plus importants. Les Lydiens, Actes 16:14, avaient aussi acquis dans ce genre de travail une réputation méritée.

— On a vu, à l'article Cramoisi, les différentes espèces de rouge connues des Hébreux; mais, dans le langage ordinaire, on nommait souvent l'un pour l'autre, lorsqu'il n'importait pas d'apprécier la nuance; les anciens confondaient surtout fréquemment le pourpre et le cramoisi, comme on peut le voir encore dans la comparaison de Marc 15:17; Jean 19:2; avec Matthieu 27:28.


POUSSINIÈRE,


Voir: Astres.


POUX,


Voir: Mouches #2.


POUZZOLES,


ville maritime de l'Italie Inférieure, à 4 lieues sud-ouest de Naples: Saint Paul y descendit en venant de Reggio, et y séjourna sept jours, Actes 28:13. Elle tirait son nom de Puteoli, soit du grand nombre de puits qui étaient dans ses environs, soit de la puanteur de ses eaux sulfureuses. Pouzzoles avait été fondée et peuplée par une colonie de Samiens, et appartenait à la Campanie; les Romains s'en emparèrent de bonne heure et y envoyèrent à diverses reprises des colons. Son port était un des plus animés de l'Italie, et un entrepôt de première classe. C'était là en particulier que débarquaient et que déchargeaient ordinairement les vaisseaux venant d'Alexandrie; c'était là aussi que descendaient le plus volontiers les Syriens qui faisaient le voyage de Rome, car c'était le dernier port parfaitement sûr où ils pussent aborder jusqu'à l'embouchure du Tibre.


PRÉMICES.


De même que la nation d'Israël toute entière offrait une gerbe et des gâteaux de fine farine en prémices à l'Éternel, comme symbole de la reconnaissance nationale, Lévitique 23:10, la gerbe à Pâque et les pains à la Pentecôte, chaque Israélite individuellement était tenu d'offrir à l'Éternel pour sa part des prémices de tous les produits de la terre, soit bruts, comme du blé, des fruits, des raisins, soit travaillés, comme du moût, de l'huile, de la farine, même du levain, avant de pouvoir user du reste de la récolte, Exode 23:19; Nombres 15:20; 18:12; Deutéronome 26:2; Néhémie 10:38; cf. Proverbes 3:9; Tobie 1:6. Ces prémices n'étaient cependant pas déposées sur l'autel, mais remises aux prêtres pour leur usage, Nombres 18:12; Deutéronome 18:4; cf. Ézéchiel 44:30. La quantité de l'offrande n'est déterminée nulle part, elle était abandonnée à la bonne volonté de chacun; le Talmud fixe pour les prémices des produits déjà travaillés, la 60e partie comme minimum; donner le 30e était se montrer libéral.

On distinguait deux espèces de prémices, les biccourim, et les therouphoth, qui étaient comprises l'une et l'autre sous le nom général de réshith (commencement). Les biccourim ne se prélevaient que sur les produits entièrement naturels, nommés Deutéronome 8:8, savoir le blé, l'orge, les raisins, les figues, les grenades, et les olives, et seulement sur ceux qui avaient crû dans la Terre Sainte: les Israélites qui habitaient fort loin de Jérusalem pouvaient envoyer ces prémices sèches, mais elles devaient toujours être choisies parmi ce qu'il y avait de meilleur (Mishna). On ne les offrait jamais avant Pentecôte, ni après la fête de la dédicace. Le cérémoniel qui accompagnait leur perception et leur translation, est décrit Deutéronome 26:2; les Juifs postérieurs y Rajoutèrent quelques formalités, quelques détails qu'on peut lire, si l'on veut, dans la Mishna Biccour. 3, 2.

— Les therouphoth étaient les prémices des produits travaillés; destinés aux prêtres, ils n'étaient pas portés au temple, mais remis aux prêtres eux-mêmes, peut-être dans les villes qui leur étaient assignées pour demeures; ils se prélevaient sur les produits de toutes les propriétés juives, qu'elles fussent situées en Égypte, en Syrie, en Moab, Hammon, ou en Babylonie. Les biccourim qui rappelaient les droits de Dieu sur la terre, ne pouvaient être perçus que sur cette terre elle-même; les autres qui étaient destinées à l'entretien des ministres du culte, devaient se payer partout où il y avait un culte. Les laïques qui mangeaient les prémices avec intention ou même par inadvertance, étaient soumis à des peines plus ou moins sévères. On donnait aussi les prémices du miel, et de la laine des moutons, 2 Chroniques 31:5; Deutéronome 18:4, chacun selon ses facultés et sa bonne volonté. La fête de Pentecôte était appelée fête des prémices, Nombres 28:26, comme celle des tabernacles fête de la récolte, Exode 23:16.

— Le but politique de cette institution était l'entretien des sacrificateurs; son but moral était de rappeler aux Israélites que tous les biens viennent de Dieu seul; son but typique ou mystique, de tourner les regards des fidèles vers Jésus, les prémices de l'Église, celui en qui seul nous pouvons être agréables à Dieu, les prémices de ceux qui dorment, 1 Corinthiens 15:20, celui qui nous demande aussi nos premières années, et les premiers moments de chacune de nos journées, Psaumes 119:147; 57:8; Ecclésiaste 12:3.

L'usage de ces prémices explique des façons de parler assez communes dans l'Écriture, et qui marquent comme les premiers fruits et les premières productions d'une chose (g, des Bergeries). Ainsi Paul appelle prémices de l'Esprit, Romains 8:23, le commencement de joie et de paix qui donne aux fidèles l'assurance que Dieu achèvera en eux la bonne œuvre qu'il a commencée; ainsi encore il appelle Épaïnète et Stéphanas les prémices de l'Achaïe, parce qu'ils avaient été les premiers qui s'y étaient donnés à Dieu, 1 Corinthiens 16:15. Romains 16:5; ainsi encore saint Jean qualifie du titre de prémices à Dieu et à l'Agneau ceux qui sont déjà glorifiés dans le ciel, Apocalypse 14:4.


PRÉPARATION.


On appelait ainsi le jour, ou tout au moins le soir qui précédait le sabbat, Matthieu 27:62; Marc 15:42; Luc 23:54; lors de la passion de notre Seigneur, il coïncidait avec le premier jour de Pâques et des pains sans levain, Matthieu 26:17. On l'appelait préparation parce qu'il était tout naturel que la veille du sabbat chacun s'y préparât d'avance, soit en multipliant ses occupations pour en décharger le jour suivant, soit au contraire, quand on le pouvait, en donnant déjà quelques moments de plus au recueillement. Il en était de toutes les autres fêtes comme du sabbat, elles étaient précédées d'une soirée de préparation, cf. Jean 19:14, alors même qu'elles tombaient sur l'un des jours ouvrables.

Voir: Pâques.


PRÉSENTS,


Voir: Dons.


PRÊT,


Voir: Dettes.

Le prêt à intérêt était défendu, et l'usure inspirait le plus profond mépris, quoique du reste aucune peine civile ne fût portée contre ce délit, Proverbes 28:8; Ézéchiel 18:8,13,17; 22:12; Psaumes 15:5; 109:14; cf. Luc 7:42, — excepté sans doute la restitution lorsqu'une plainte était portée (Talmud). Des créances et obligations étaient écrites en pareil cas, et régulièrement signées par l'emprunteur, depuis les jours de l'exil, Luc 16:6. Le prêteur avait le droit d'exiger un gage, mais avec plusieurs restrictions, Exode 22:25; Deutéronome 24:6; sq. cf. Ézéchiel 18:7; Job 24:3. Toutes ces mesures étaient à l'avantage du pauvre, mais malheureusement elles ne furent pas toujours pratiquées, et souvent le créancier traitait son débiteur d'autant plus durement que la loi ne statuait rien directement à l'égard de ceux qui étaient insolvables, Job 22:6; 24:3; elle semblait seulement impliquer l'esclavage momentané du débiteur trop pauvre, Lévitique 25:39, et c'est de ce passage où la loi recommande au riche l'humanité, qu'ils se servaient, ainsi que de quelques autres encore, pour dépouiller les malheureux de leurs biens, de leurs familles, de leur liberté, Proverbes 22:27; 27:13; Job 24:3; 2 Rois 4:1; Néhémie 5:5; Ésaïe 50:1; Matthieu 18:25: ceux qui avaient cautionné le débiteur étaient poursuivis comme lui, Proverbes 20:16; 22:26; 27:13.


PRÉTOIRE.


On nommait ainsi le palais où résidaient et jugeaient en province les gouverneurs romains: ils y demeuraient avec leurs familles, et tous les employés de leur administration. C'est au prétoire de Jérusalem que Jésus fut conduit pour y être jugé par Pilate, Jean 18:28,33; Matthieu 27:27; Marc 15:16; c'était l'ancien palais des Hérodes, un magnifique bâtiment, au dire de Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 15, 9; 3, devant lequel était le siège judicial, orné d'un de ces pavés en mosaïque que l'on trouve presque partout où les Romains ont passé. Le prétoire avait une vaste cour dans laquelle se tenait une cohorte de soldats romains, Matthieu 27:27; Marc 15:16; une espèce de loge ou de vestibule ouvrant sur la rue donnait l'entrée de la cour; c'est là que les Juifs refusèrent d'entrer, craignant de se souiller; ils aimaient mieux rester à la rue pour crier: Crucifie, crucifie!

— Le même nom de prétoire est employé dans le sens de palais, Actes 23:35, où il n'est pas parlé de la demeure officielle du procurateur romain. Et saint Paul dit, Philippiens 1:13, que ses liens en Christ ont été rendus célèbres dans tout le prétoire, et partout ailleurs. On a entendu ce mot diversement dans ce passage.

  1. Les uns, comme Périzonius, Beausobre et Lenfant, pensent qu'il se rapporte au camp des soldats prétoriens établi par Séjan sous Tibère, en dehors des murs de Rome, et sous les ordres du préfet du prétoire de cette ville. Paul, pendant sa captivité, avait un logement particulier dans lequel il était gardé par un prétorien, Actes 28:16; les soldats alternaient dans cette surveillance, et il est fort possible que l'Évangile ait ainsi pénétré peu à peu toute la garnison.
     

  2. Œder l'explique du palais de Gallion à Corinthe, mais on ne saurait plus ce que signifie la salutation de 4:22.
     

  3. Paulus de Heidelberg, et Rilliet, entendent le prétoire du palais d'Hérode à Césarée, où Paul fut écroué sur l'ordre de Félix, Actes 23:35.
     

  4. Enfin l'on peut entendre par là le palais impérial de Néron; le prétoire signifierait la même chose que la maison de César, 4:22. C'est l'opinion de Chrysostôme, Huber, Grotius, Wolff, Steiger. On objecte que cette signification n'est pas prouvée, que la maison de César s'appelait palais, et non prétoire. Mais les provinciaux habitués à donner le nom de prétoire au palais des commissaires impériaux, pouvaient bien, par ignorance ou par habitude, conserver ce nom au palais de l'empereur lui-même. D'ailleurs il est bien prouvé que le nom de prétoire commençait dans ce temps à être employé dans le sens plus général de palais,

    Voir: Juvén. 10, 161. Suet. Oct. 72. Calig. 37.

    Paul entendrait alors les habitants de la maison impériale, et non les soldats qui y faisaient le service; on peut le conclure des derniers mots du verset, car le prétoire était plus important comme palais que s'il ne se fût agi que des soldats.


PRÊTRES.


Ce fut, pendant la période patriarcale et jusqu'à Jéthro, le père de famille qui fut prêtre et sacrificateur dans sa maison; Caïn et Abel les premiers, puis Noé, Abraham, Melchisédec, Abimélec, Laban, Isaac, Jacob, Job, Jéthro, Moïse même, nous apparaissent les uns après les autres dans l'histoire, tour à tour princes et pontifes. Mais après que les descendants d'Abraham eurent pris la consistance d'un peuple, une tribu d'entre les douze fut choisie de Dieu et mise à part pour le service du sanctuaire, et dans cette tribu, qui se composait de trois familles principales, une caste sacerdotale fut choisie d'entre les Kéhathites; tous les autres enfants de la tribu furent destinés d'une manière générale au service du tabernacle comme aides, serviteurs, frères laïques (— Voir: Lévi); les Kéhathites, et parmi eux la famille d'Aaron seulement, Nombres 4:2; Exode 28:1, furent appelés à fournir des pontifes à la nation, et la peine de mort fut prononcée contre tous ceux qui, appartenant à une autre famille, tenteraient de remplir les fonctions sacerdotales, Nombres 3:6,38; 16:40. Hozias, roi de Juda, qui voulut offrir l'encens à l'Éternel, fut frappé de la lèpre, mis hors de son palais et exclu des affaires publiques jusqu'à sa mort, 2 Chroniques 26:19. On voit cependant que dans certaines occasions, mais seulement en rase campagne et toujours hors du temple, des hommes non prêtres, des juges et des rois d'Israël, surtout avant que le tabernacle eût été fixé dans Jérusalem, ont offert des sacrifices à l'Éternel, 1 Samuel 7:9; 9:13; 16:5; 2 Samuel 6:13; 24:24; 1 Rois 18:33; 2 Chroniques 1:5, ou porté l'éphod, consulté le Seigneur et béni le peuple, 2 Samuel 6:14,18; 1 Samuel 23:9; 30:7; 1 Rois 8:55-56. Les interprétations données pour expliquer ces faits autrement que d'une part active, mais partielle et momentanée, prise par ces personnages au sacerdoce public, sont forcées et presque toutes inadmissibles, tandis qu'il est assez naturel de croire qu'en faveur de quelques élus, tels qu'Élie et David, Dieu ait autorisé des cérémonies qui étaient peut-être calculées pour préparer les Juifs à l'idée du sacerdoce universel.

L'Écriture ne fixe pas l'année en laquelle les prêtres pouvaient entrer en fonctions; d'après les Guémaristes, ce n'était qu'après l'âge de vingt ans, mais comme plus tard on voit l'exemple d'un jeune homme déjà souverain sacrificateur (Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 12, 3, 3), il est évident qu'avec les simples prêtres on avait fini par devenir moins sévère encore. Ils étaient tenus de prouver leur filiation directe de la famille sacerdotale, et ils attachaient à cause de cela une grande importance à leurs registres généalogiques, Esdras 2:62. Néhémie 7:64. La première consécration des prêtres fut faite par Moïse en la personne d'Aaron et de ses fils, Exode 29, Lévitique 8; on ignore si une cérémonie semblable se renouvelait à l'entrée en fonctions de chaque prêtre, ou si elle fut faite une fois pour toutes, les prêtres n'ayant plus qu'à faire constater leurs droits et leur aptitude, ou si enfin ils étaient tenus à l'offrande du gâteau, Lévitique 6:12,14, mais à cela seulement. Quant au souverain sacrificateur dont la consécration était plus solennelle que celle des simples prêtres, on doute qu'elle se renouvelât à chaque élection nouvelle, telle qu'elle avait eu lieu en la personne d'Aaron, et l'on croit que l'on se contentait de revêtir le nouveau pontife des habits de son prédécesseur, comme cela se fit à la mort d'Aaron, Nombres 20:25-26; cf. 1 Maccabées 10:21.

Les prêtres portaient pendant qu'ils officiaient, et peut-être toutes les fois qu'ils étaient dans le temple, des vêtements de fin lin, décrits d'une manière générale Exode 28, cf. Lévitique 6:10. Flavius Josèphe donne quelques détails sur les diverses pièces de cet habillement, Antiquités Judaïques 3, 7, 1; 2; 3; sur les caleçons, espèce de large pantalon comme en portent généralement les Orientaux; sur la tunique, qui était sans couture; sur la ceinture, de diverses couleurs, tissu fort lâche, large de trois doigts, creuse comme la peau d'un serpent; sur le bonnet ou turban, composé de plusieurs tours d'une bande de lin repliée et cousue, avec une toile qui enveloppe le tout et descend jusque sur le front pour cacher la difformité des coutures. Les rabbins et saint Jérôme varient sur quelques détails peu importants.

Le souverain sacrificateur se distinguait des autres prêtres par plus de richesse dans ses vêtements, et par quelques pièces accessoires. Le rocket était une robe qui tenait depuis le cou jusqu'aux genoux tout autour du corps; elle était composée de filets très déliés, de couleur hyacinthe; au bas étaient des figures de grenades, de lin retors et de pourpre, entre lesquelles pendaient de petites clochettes d'or afin qu'on en entendît le son lorsque le sacrificateur entrait dans le sanctuaire ou en sortait; ce qui signifie que le chrétien, en marchant dans ce monde, doit porter des fruits et faire entendre le bruit de l'Évangile, joindre la pratique à l'enseignement. Les fruits marquaient aussi tout ce qu'il y a de doux et de rafraîchissant dans les paroles de la vie éternelle; les clochettes d'or, le son de la prédication de l'Évangile qui doit se faire entendre en temps et hors de temps.

— Nous avons parlé de l'éphod en sa place.

— Le pectoral de jugement était un drap doublé, de même matière et de même travail que l'éphod. Il était carré, de la grandeur d'une palme (9 centimètres) de chaque côté, ayant à ses coins quatre anneaux d'or, attachés en haut par deux chaînes d'or et en bas par deux bandes de pourpre qui tenaient le pectoral lié de tous les côtés. Sur ce pectoral étaient quatre rangs de pierres précieuses, et a chaque rang trois sortes de pierres sur chacune desquelles était gravé le nom d'une des tribus d'Israël; il renfermait l'Urim et le. Thummim, q.v.

— La tiare ou mitre du souverain sacrificateur était non seulement plus riche et plus façonnée que le bonnet des simples prêtres, mais elle portait encore une forme de couronne à l'entour, et sur une bande d'hyacinthe une bande d'or qui ceignait le front, avec ces mots gravés: La sainteté à l'Éternel! symbole de la sainteté que nous devons toujours poursuivre, et que nous ne pouvons trouver que dans la justice de Jésus-Christ.

— Il ne paraît pas que les prêtres portassent de souliers; il n'en est fait mention nulle part, et l'on croyait en général qu'on ne pouvait fouler que pieds nus une terre sacrée, cf. Exode 3:5; Josué 5:15; les rabbins, d'ailleurs, affirment positivement que les prêtres officiaient sans chaussures et ils trouvent dans ce fait une des cause, principales des maladies d'entrailles auxquelles les prêtres étaient sujets. On sait que chez les Égyptiens, les prêtres ne pouvaient non plus célébrer leurs mystères que nu-pieds.

Quant à leurs fonctions, les prêtres étaient appelés à instruire le peuple dans la loi de Dieu, Lévitique 10:11; Deutéronome 33:10; Ézéchiel 3:17; à le bénir selon l'ordre du Seigneur, Nombres 6:23; Deutéronome 21:5; à distinguer suivant l'ordonnance lévitique ce qui est pur et ce qui est impur, Lévitique 10:10; Deutéronome 17:18, les différentes sortes de lèpres, les causes de divorce, les souillures légales et cérémonielles; ils administraient les eaux de jalousie à la demande d'un mari soupçonneux, Lévitique 13 et 14, Nombres 5:11; sq..

— Dans les parvis du temple ils égorgeaient et préparaient les victimes pour les offrir en sacrifice selon l'ordre et les cérémonies que Dieu lui-même avait prescrites, et c'est de cette fonction, qui était la plus commune et la plus apparente de leur charge, qu'ils avaient reçu le nom de sacrificateurs.

— Dans le lieu saint ils devaient allumer tous les jours les lampes, y conserver l'huile, et les faire luire depuis le soir jusqu'au matin, Lévitique 24:2; faire tous les jours le parfum devant l'Éternel, Exode 30:7; cf. Luc 1:10; poser les pains de proposition sur la table qui y était dressée, et les changer à chaque sabbat, Lévitique 24:5; 2:9.

— Le souverain sacrificateur qui était appelé à faire toutes ces choses dans le lieu saint lorsqu'il le pouvait, avait en outre des fonctions particulières; il devait, une fois l'an, faire une solennelle expiation pour le sanctuaire, pour lui-même, et pour toute l'assemblée; il entrait dans le lieu très saint; il priait, il intercédait pour le peuple, enfin il bénissait solennellement l'assemblée.

— Il est parlé encore de quelques autres occupations moins spécialement en rapport avec la charge des prêtres; ils devaient en certains moments déterminés sonner de leurs trompettes d'argent, Nombres 10:8; 2 Chroniques 5:12; 7:6; 29:26; Néhémie 12:41; faire l'estimation des vœux, Lévitique 27; rendre la justice dans les causes difficiles, Deutéronome 17:8; 19:17; 21:5; 2 Chroniques 17:8; le roi Josaphat établit lui-même à Jérusalem un tribunal supérieur de prêtres et de lévites, 2 Chroniques 19:8. Quant à leur rôle dans les armées,

Voir: Guerre.

Ils avaient aussi quelques occupations particulières à remplir pour lesquelles ils alternaient, se distribuant parle sort leurs jours de fonction, la garde du temple pendant la nuit (on en trouve probablement une trace, Actes 4:1; 5:24; Luc 22:52? peut-être aussi Jérémie 20:1), la surveillance des trésors du temple, des vases sacrés, du vestiaire, etc.

Pour l'accomplissement de leurs fonctions, les prêtres devaient être dans les conditions de la pureté légale et cérémonielle, et il leur était interdit de prendre du vin, ou tout autre breuvage enivrant, quand ils entraient dans le tabernacle, et pendant qu'ils y officiaient, Lévitique 10:9; Ézéchiel 44:21. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 3, 12, 3. Ils devaient s'abstenir de mener deuil pour un mort s'il n'était leur proche parent, et même le souverain sacrificateur ne pouvait le faire pour qui que ce fût, Lévitique 21:11; 10:6. Il ne devait y avoir en eux aucun défaut corporel, ni mutilation de membres, comme aussi leur réputation devait être sans tache, Lévitique 21:17. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 3, 12, 2. Leurs femmes mêmes devaient répondre à cette idée de sainteté dont toutes les prescriptions précédentes étaient des conditions; ils ne pouvaient épouser aucune personne de mauvaise vie, ou répudiée, ou de réputation équivoque, Lévitique 21:7. Les veuves n'étaient point exclues de leur choix, sinon pour le souverain sacrificateur, qui devait épouser une vierge, Lévitique 21:13; du reste, ils avaient le droit de choisir dans toute la nation, sans être limités par des considérations de famille ou de tribu; les étrangères seules leur étaient défendues, Esdras 10:18; mais, en général, ils se mariaient plus volontiers entre eux, et ils épousaient des filles de race sacerdotale, cf. Luc 1:5. Les préceptes d'une pureté parfaite s'étendaient jusqu'aux filles des prêtres, qui étaient punies de mort lorsqu'elles manquaient aux lois de la chasteté, Lévitique 21:9. L'institution du sacerdoce était ainsi recommandée au respect et à la vénération publique, non seulement par la grandeur même de ses fonctions, mais encore par l'auréole de sainteté et de pureté qui en entourait l'exercice et les ministres, cf. Jérémie 18:18; ces derniers, malheureusement, voulurent allier le sanctuaire et l'esprit du monde: on les vit souvent manquer à tous leurs devoirs, et opprimer le peuple qu'ils devaient paître; ils recherchèrent les biens terrestres et la satisfaction de la chair, et compromirent, avec leur ministère, leur religion, Jérémie 5:31; 6:13; 23:11; Lamentations 4:13; Ézéchiel 22:26; Osée 6:9; Michée 3:11; Sophonie 3:4; Malachie 2.

Treize villes, d'entre les quarante-huit qui avaient été données aux Lévites, étaient spécialement destinées à être la résidence des prêtres; elles étaient réunies dans le voisinage de Jérusalem, dans les tribus de Juda, de Benjamin et de Siméon, Josué 21:4,10; c'étaient Hébron, Libna, Jathir, Estemoab, Holon, Débir, Hajin, Jutta, Beth-Sémès, Gabaon, Guébah, Hanathoth, et Halmon; plusieurs d'entre elles furent encore après l'exil la demeure de quelques prêtres, Néhémie 7:25, et le sacrificateur de Luc 10:31, faisait sans doute pour affaires d'office le voyage de sa ville à Jérusalem, ou le retour; cependant le plus grand nombre des prêtres paraissent, Néhémie 11:10, s'être fixés définitivement à Jérusalem, le centre de leur travaux.

Il était pourvu de diverses manières à l'entretien des prêtres; les restes des sacrifices, et c'étaient souvent des restes fort considérables, étaient pour eux, Lévitique 2:3,10; 5:13; 6:16; 7:6; etc., 10:12; Nombres 6:20; Deutéronome 18:3; les prémices, les offrandes tournoyées, une portion des dîmes, les pains de proposition, leur appartenaient encore, Nombres 31:29; Lévitique 24:9; Matthieu 12:4, ainsi que l'argent provenant d'amendes pour cause de souillure, du prix de rachat des vœux ou des premiers-nés, Lévitique 27, Nombres 18:14-15. En outre, ils étaient exempts des impôts et du service militaire, immunités dont ils continuèrent de jouir après l'exil et sous la domination étrangère, Esdras 7:24. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 12, 3, 3.

Ils étaient partagés déjà du temps de David en vingt-quatre classes ou éphéméries, qui avaient chacune leur chef, et vaquaient alternativement au service public pendant sept jours, d'un sabbat à l'autre, 1 Chroniques 9:25; 24:3; 2 Chroniques 8:14; 23:4; 35:4; Néhémie 12:7; Esdras 10:5; 2 Rois 11:9; Luc 1:5.

— Après le schisme des dix tribus, ils ne continuèrent à fonctionner que dans le royaume de Juda, 1 Rois 13:33; 2 Chroniques 11:13.

C'est ainsi que jusqu'à la destruction de Jérusalem et de son temple par les Romains, cette caste subsista comme un corps respecté et généralement respectable, exerçant sur le peuple une influence utile, et dirigeant ses pensées vers la vérité par des rites symboliques, lui rappelant toujours l'unité de Dieu, la condamnation du péché, et la réconciliation avec Dieu par l'expiation. S'ils exercèrent parfois une espèce d'influence politique, si même ils prirent quelque part au gouvernement général du pays, ce fut comme une conséquence de leur caractère et de leur position, et non un oubli de leurs fonctions, Nombres 27; 31:12; 32:2; Deutéronome 27:9; Josué 17:4. Sous les rois ils apparaissent comme médiateurs entre le peuple et son chef, 2 Samuel 19:11; mais plus tard; et lorsque la corruption fut devenue toujours plus manifeste et plus générale, ils se joignirent aux rois et aux princes pour essayer de mettre un frein à la liberté de langage du ministère prophétique, Jérémie 20:1; 26:7, ce qu'ils étaient d'autant plus portés à faire que leur amour pour la forme et les cérémonies du culte ne pouvait que leur faire redouter tout ce qui tendait à donner de l'esprit et de la vie à la foi.

La construction du temple avait puissamment contribué à rendre solide et ferme la constitution et l'organisation sacerdotale. Jusqu'alors, et malgré les prescriptions positives de la loi, il semble qu'il y ait eu plus d'arbitraire et d'indécision dans les rapports du peuple avec le sanctuaire; sous les juges, des maisons particulières louaient des prêtres pour leur service; après eux, des rois et des prophètes paraissent remplir quelques fonctions exclusivement réservées aux prêtres; des hommes sans caractère public offrent des sacrifices; à côté du tabernacle de Silo on se rend sur les hauteurs et dans les bois pour adorer; David, et même Salomon, empiètent sur les fonctions des prêtres, sans en être repris ni punis, cf. Juges 6:18; 17:5; 18:27; 1 Samuel 30:7; 2 Samuel 6:18; 1 Rois 9:25. Comme les familles lévitiques formaient environ la treizième partie de la population totale, leur entretien par le peuple pourrait être considéré comme ayant dû être pour celui-ci une charge extrêmement lourde, en admettant même que le sort des Lévites n'ait jamais rien eu que de bien modeste. Cependant il faut remarquer:

  1. d'abord, que dans une contrée agricole et fertile, la remise des prémices et des dîmes ne pouvait être onéreuse, là surtout où la propriété du sol était garantie aux familles propriétaires;
     

  2. que la plupart des offrandes, vœux, sacrifices de prospérité, etc., n'étaient point imposées, mais laissées à la libre volonté, à la piété des donateurs;
     

  3. qu'à l'exception des prêtres et des rois, tous les Israélites étaient producteurs, et qu'ainsi le nombre des consommateurs non producteurs était extrêmement restreint; il n'y avait ni milices régulières, ni corporations savantes à entretenir;

  4. que les redevances en nature ne dépendaient point de l'augmentation de la famille lévitique, mais qu'elles étaient fixées pour toujours au dixième de la moisson;
     

  5. que la tribu de Lévi avait les mêmes droits que les autres au partage du sol, et que si elle en avait été dépouillée, il n'était que juste de l'en dédommager en lui assurant une partie des produits recueillis; les dîmes étaient donc plus qu'un salaire, elles étaient un intérêt, une rente.

Il n'est pas facile de donner une suite claire et complète des souverains sacrificateurs qui se sont succédé en Juda dans l'exercice de ces hautes fonctions. La facilité avec laquelle on néglige des noms peu connus, le fréquent usage de deux noms pour un seul personnage, peut-être des idées différentes sur la nature du sacerdoce, la distinction entre le droit et le fait, ont pu influer sur les divergences qu'on remarque entre les différentes listes de ces pontifes. Nous donnons ci-dessous la succession pontificale, telle qu'elle ressort de différents endroits des livres sacrés, comparée à celle qui se trouve 1 Chroniques 6:3; sq..
 

1. Aaron.

1. Aaron.

2. Éléazar.

2. Éléazar.

3. Phinées

3. Phinées.

4. Abisuah sous les juges
d'après Flavius Josèphe, Actes 5:12.

4. Abisuah.

5. Bukki sous les juges
d'après Flavius Josèphe, Actes 5:12.

5. Bukki.

6. Huzi sous les juges
d'après Flavius Josèphe, Actes 5:12.

6. Huzi.

7. Héli.

7. Zérahja.

8. Ahitub.

8. Mérajoth

9. Ahija.

9. Amaria.

10. Abiathar (ou Ahimélec).

10. Ahitub.

11. Abiathar, ou Achimélec,
ou Abimélec.

11. Tsadoc.

12. Tsadoc.

12. Ahimahats.

13. Ahimahats.

13. Hazaria I.

14. Hazaria I.

14. Johanan.

15. Johanan.

15. Hazaria II.

16. Hazaria II.

16. Amaria.

17. Amaria.

17. Ahitub.

18. Ahitub.

18. Tsadoc.

19. Tsadoc.

19. Sallum.

20. Urie.

20. Hilkija.

21. Sallum.

21. Hazaria IV.

22. Hazaria III.

22. Sérajah.

23. Hilkija.

23. Jéhotsadac.

24. Éliakim, ou Jéhojakim.

24. Jésuah.

25. Hazaria IV.

 

26. Sérajah.

 

27. Jéhotsadac.

 

28. Jésuah. Esdras 2:2.

 

 

Dans ces deux listes, on remarque les analogies et les dissemblances suivantes:

  1. Les six premiers noms sont les mêmes et ne font pas difficulté.
     

  2. Les #7 à 11 de la première sont les noms des pontifes qui ont exercé, quoiqu'ils appartinssent à la branche cadette d'Ithamar, tandis que les #7 à 10 de la seconde disent la suite de la postérité d'Éléazar, quoique ces hommes n'aient pas fonctionné: les deux listes se rejoignent à Tsadoc, qui réunit la qualité de pontife à celle de membre de la branche aînée,
     

  3. Les #12 à 19 de la première liste correspondent exactement aux #11 à 18 de la seconde,
     

  4. L'omission du nom d'Urie dans la seconde liste entre 18 et 19, tient peut-être au rôle honteux qu'il a joué sous Achaz, 2 Rois 16; c'est, une disgrâce: le petit-fils de Tsadoc est nommé au lieu de son fils; la génération idolâtre n'est pas comptée comme sacerdotale,
     

  5. L'omission d'Hazaria III, entre Sallum et Hilkija, dans la seconde liste, ne peut guère s'expliquer que par le peu d'importance que les généalogies donnent souvent aux détails, pourvu que l'ensemble et la filiation soient exactes; cependant Hazaria s'est distingué comme réformateur sous Ézéchias.
     

  6. Éliakim, le #24 de la première liste, mais inconnu, est également omis dans la seconde,
     

  7. Depuis Hazaria IV, les deux listes sont les mêmes.

On voit, d'après ce qui précède, que la première est une liste pontificale, la seconde un tableau généalogique de la famille d'Aaron par Éléazar: la première était incomplète s'il y manquait un nom; la seconde reste exacte malgré quelques omissions: celle-là nous dit la suite des grands prêtres telle qu'elle a eu lieu, celle-ci nous dit ce qu'elle aurait dû être, ce qu'elle aurait été sans la circonstance qui fit sortir le sacerdoce de la branche d'Éléazar pendant un temps.

Flavius Josèphe et la Seder Olam des Juifs nous ont conservé deux autres listes des grands prêtres hébreux depuis Aaron jusqu'à la captivité; elles diffèrent entre elles et s'éloignent l'une et l'autre des deux que nous avons rapportées; du reste elles sont sans intérêt.

Quant aux souverains sacrificateurs qui succédèrent à Jésuah après le retour de la captivité, nous trouvons dans les livres d'Esdras, de Néhémie et de Flavius Josèphe, les noms suivants, que nous rattachons à la première de nos listes.
 

29. Jéhojakim (483 avant J.-C.), Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 11, 5. Néhémie 12:10.

30. Éliasib (453), Néhémie 12:10; sq..

31. Jojadah (413), ibid.

32. Jonathan (373), ibid.

33. Jadduah (341), ibid.

34. Onias I (321).

35. Simon I, dit le Juste (300).

36. Éléazar (292).

37. Manassé (276).

38. Onias II (250).

39. Simon II (217), père des quatre suivants.

40. Onias III (195).

41. Jason, ou Jésus (175).

42. Ménélas, ou Onias IV (172).

43. Lysimaque, lapidé comme sacrilège.

Tous ceux-ci appartenaient à la famille d'Aaron et d'Éléazar: ce dernier ne fut pas même pontife; nous le conservons sur la liste, ainsi que quelques-uns des pontifes illégitimes qui suivirent, pour ne pas compliquer une succession déjà difficile à débrouiller: nous suivrons en cela les chiffres donnés par Calmet, quoique la véritable série doive passer de Ménélas à Judas Maccabée, du #42 au 46, qui serait le 43e.

44. Alcime, ou Éliakim: il n'est pas de la branche sacerdotale.

45. Onias V, n'exerce pas le pontificat; il se retire en Égypte.

46. Judas, ou Jadduah Maccabée (166 avant J.-C.).

47. Jonathan son frère (161).

48. Simon (143).

49. Jean Hyrcan (135).

50. Aristobule (107).

51. Alexandre Jannée (106).
— Sa veuve, Alexandre, règne après lui, et donne le pontificat à son fils.

52. Hyrcan (78), qui est dépossédé par son frère.

53. Aristobule (69); mais après plusieurs combats
— Hyrcan (63) rentre dans l'exercice de ses fonctions.

54. Antigone (40), fils d'Aristobule; usurpateur.

55. Hananéel de Babylone, descendant des anciens pontifes (36).

56. Aristobule, le dernier des Maccabées; mort subite, arrangée par Hérode.
— Hananéel rétabli.

57. Jésus fils de Phabis.

58. Simon fils de Boéthus, élevé à cette haute dignité par Hérode, qui s'est fait son gendre.

59. Matthias, fils de Théophile, remplacé pour un jour par Ellem.

60. Joatsar, fils de Simon le pontife.

61. Éléazar son frère.

62. Jésus fils de Siah.
— Joatsar rétabli, puis de nouveau destitué.

63. Ananus fils de Seth.

64. Ismaël fils de Phabi.

65. Éléazar fils d'Ananus.

66. Simon fils de Camithe.

67. Caïphe, ou Joseph, témoin et complice de la mort du Christ.

68. Jonathas fils d'Ananus.

69. Théophile son fils.

70. Simon, dit Canthare, fils de Simon Boéthus.

71. Matthias fils d'Ananus.

72. Élioneus.
— Simon Canthare, rétabli puis déposé.

73. Joseph fils de Canée.

74. Ananias fils de Nébédée.

75. Ismaël fils de Phabée.

76. Joseph, surnommé Cabéï.

77. Ananus fils d'Ananus.

78. Jésus fils d'Ananus.

79. Jésus fils de Gamaliel.

80. Matthias fils de Théophile.

81. Phannias fils de Samuel, établi en 70, l'année de la ruine du temple de Jérusalem.


 

L'ancien sacerdoce prend fin quand le nouveau commence, universel et plus spirituel, celui de la sacrificature royale: Jésus en est le souverain pontife.


PRÉVÔTS,


Voir: Baillis. Daniel 3:2-3.

C'étaient dans le sens le plus général du mot, et autant qu'on peut le conclure de l'étymologie, des hommes de loi, des juges: on ne saurait rien dire de plus.


PRIÈRE.


Cet acte tout spirituel, qui forme l'essence du culte, et qui comprend sous toutes ses formes l'élévation de l'âme vers Dieu, pour l'adorer, implorer ses grâces, ou le remercier de ses faveurs, cet acte sans lequel il ne peut y avoir ni piété, ni religion, ce premier besoin de la foi et de l'amour, cette première aspiration vers le ciel d'une âme qui commence à sentir qu'elle existe, mais qu'elle n'existe pas pour la terre; la prière que recommandent, si même ils ne la commandent pas, tous les fondateurs d'une religion, tous les philosophes qui ont essayé de donner au monde des croyances religieuses, depuis Confucius jusqu'à Mahomet; la prière qui a sa place dans tous les systèmes et dans toutes les organisations du culte rendu à la divinité, n'est ni commandée, ni même, chose presque étrange, recommandée par Moïse, le législateur des Hébreux, qui a cependant prescrit de la manière la plus minutieuse et la plus scrupuleuse, jusqu'aux plus petits détails du culte, public ou particulier. Un seul acte de ce genre parait indiqué, Deutéronome 26:13, comme souvenir d'actions de grâces pour les récoltes, mais ce n'est qu'en passant, et l'on peut y voir une profession de foi, une reconnaissance des droits de Dieu comme propriétaire du sol, aussi bien qu'une prière. Cette grave lacune dans l'organisation du culte juif, cet oubli de Moïse serait étrange, si par son étrangeté même il ne laissait pas entrevoir une intention bien marquée, bien positive et réfléchie. On sent que Moïse n'a pu oublier la prière, et il n'est pas difficile de se rendre compte des motifs qui l'ont empêché de la prescrire au peuple. C'est précisément parce qu'il savait ce que c'est que la prière, qu'il n'a pu songer à en faire l'objet d'ordonnances spéciales. La prière ne se commande pas, et le Juif pieux devait puiser dans son cœur des actions de grâces pour le Dieu qui l'avait tiré d'Égypte, et cette confiance en lui qui porte à la prière: la prière ne pouvait être que naturelle chez lui; elle ne pouvait au contraire exister pour celui qui n'avait ni reconnaissance, ni amour, ni foi, et la lui imposer, comme on imposait à tous des purifications, des ablutions, ou des sacrifices, c'eût été n'en faire plus qu'une formalité, une cérémonie, un opus operatum. Moïse laissa à la prière son caractère de spontanéité pour le culte particulier comme pour le culte public, et ne régla rien de ce qui la concernait, parce qu'il n'y avait rien à régler. Les Israélites récitèrent peut-être moins de prières, mais ils prièrent davantage. Au dire de quelques rabbins, les sacrifices journaliers qui se faisaient matin et soir dans le temple, auraient été, même avant l'exil, accompagnés de prières, et quoiqu'on ne puisse guère regarder cet usage comme fort ancien, l'on trouve cependant en effet quelques traces de son existence, 1 Chroniques 23:30; cf. Néhémie 11:17. Après l'exil, l'usage semble en être devenu plus ordinaire; Esdras a composé, dit-on, dix-huit prières, auxquelles Gamaliel en a joint une dix-neuvième, et toutes célèbrent Dieu, en le glorifiant et le suppliant: quoi qu'il en soit de l'authenticité de ces prières plus que douteuses, plusieurs sont belles, et elles firent partie de la liturgie publique après le retour de la captivité. Le peuple restait dehors en prière pendant le sacrifice, Luc 1:10, soit en gardant le silence du recueillement, soit en se joignant aux prières du sacrificateur. Le plus bel exemple que l'Ancien Testament ait conservé d'une prière officielle, est celle que prononça le roi Salomon lors de la dédicace du temple, 1 Rois 8:22; plusieurs des psaumes de David sont également des prières, et ils étaient destinés au culte public.

L'Ancien Testament, et surtout l'histoire des anciens temps de la nation juive, ne nous fournit pas beaucoup d'exemples de prières particulières, et c'est assez facile à comprendre; la vie particulière de chacun appartient peu à l'histoire. Il résulte cependant de Ésaïe 1:15 (et cela résulterait déjà de la nature des choses), que la prière était un des actes ordinaires du culte individuel;

Voir: aussi 1 Rois 18:42.

Plus tard, vers les temps de l'exil, depuis l'exil, et aux jours de Jésus-Christ, à mesure que l'histoire des temps et des hommes prend un caractère plus biographique, et détaillé, on trouve des mentions plus fréquentes de la prière individuelle; Néhémie en est un exemple frappant, ainsi que Daniel, David déjà dans plusieurs de ses psaumes, et d'autres encore. La prière et le jeûne étaient devenus deux des caractères les plus saillants de la vie religieuse de chacun, Tobie 12:8; Judith 4:12. On invoquait le secours de Dieu avant de se mettre en voyage, avant une déclaration de guerre, avant une bataille, en général avant de commencer une entreprise quelconque un peu importante, 1 Maccabées 5:33; 11:71; 2 Maccabées 15:26; cf. 8:29; Judith 13:7; Actes 9:40. D'ordinaire on se recueillait trois fois le jour pour adresser à Dieu une prière spéciale, indépendamment de la prière continuelle d'un cœur pieux, Daniel 6:10; Psaumes 55:17. Les heures fixées étaient: le moment du sacrifice du matin dans le temple, la troisième heure du jour, 9 heures d'après notre manière de calculer le temps; la sixième, ou midi, le milieu du jour; et la neuvième, ou 3 heures de l'après-midi, lorsqu'on offrait le sacrifice du soir, Actes 2:15; 3:1; 10:9,30. On prononçait aussi avant et après chaque repas une prière d'actions de grâces, Matthieu 15:36; Jean 6:11; Actes 27:35. Les pharisiens et les esséens tenaient beaucoup à la prière, mais les premiers s'y livraient avec une ostentation qui est sévèrement blâmée par notre Seigneur, Matthieu 6:5,7, et l'oraison dominicale qu'il donne pour modèle à ses disciples est, par sa riche brièveté, une censure des longues et vaines redites que les pharisiens avaient inventées, et qu'ils avaient enseignées à leurs sectateurs. On voit par Luc 11:1, que Jean-Baptiste avait aussi donné à ses disciples des modèles de prières toutes faites, et Jésus eut moins dans l'esprit de donner aux siens une prière à réciter, qu'un exemple de prière chrétienne, et l'idée de la marche à suivre, des demandes à faire, de l'esprit qui doit régner dans l'âme lorsqu'elle s'élève à Dieu. L'oraison dominicale est en plusieurs points l'abrégé d'une prière qui se prononçait dans les synagogues, et qui selon toute apparence fut composée pendant la captivité; elle commençait ainsi: O Dieu, que ton nom soit magnifié et sanctifié dans le monde que tu as créé selon ton bon plaisir; fais régner ton règne; que la rédemption fleurisse, que le Messie vienne promptement et que son nom soit célébré, etc. Le peuple répondait Amen.

Les Israélites choisissaient, pour prier, des endroits retirés et solitaires, dans leurs maisons des cabinets particuliers, une chambre haute, le toit; dans la campagne, ils montaient, lorsque cela pouvait se faire, sur une petite hauteur; à Jérusalem, ils se rendaient volontiers dans les parvis du temple; et d'après les rabbins, mais cela a une couleur toute formaliste, celui que l'heure de la prière surprenait au milieu de son chemin, s'arrêtait tout court pour remplir son devoir; cf. Matthieu 6:6; 14:23; Marc 6:46; Luc 6:12; 18:10; Actes 1:13; 3:1; 10:9; Daniel 6:11; Judith 8:5; Tobie 3:11; cf. 1 Rois 18:42; Ésaïe 56:7. Il paraît que c'était une habitude assez ordinaire aux Juifs, quoique ce ne fût point une obligation, de tourner leur visage vers la sainte montagne où se trouvait le sanctuaire du Dieu qu'ils invoquaient; on le voit par Daniel 6:10; 2 Chroniques 6:34; 1 Rois 8:44; cf. Psaumes 5:7; les Samaritains se tournaient vers le mont Guérizim. Quant à la posture, elle n'importait pas plus que le reste; elle était dictée par les besoins de l'âme, et ne se commandait pas; on se tenait debout ordinairement, 1 Samuel 1:26; 1 Rois 8:22; Daniel 9:20; Matthieu 6:5; Marc 11:25; Luc 18:11. Dans l'humiliation, ou dans de plus vifs sentiments de piété et de besoin, on s'agenouillait, 2 Chroniques 6:13; 1 Rois 8:54; Esdras 9:3; Daniel 6:10; Luc 22:41; Actes 9:40; quelquefois même on se prosternait en terre dans de grandes douleurs, Néhémie 8:6; Judith 9:1; Matthieu 26:39. Tantôt on élevait vers le ciel ses mains après les avoir lavées, 1 Rois 8:22; Néhémie 8:6; Lamentations 2:19; 3:41; 2 Maccabées 3:20, et saint Paul, insistant sur la nécessité d'une purification spirituelle représentée par la purification matérielle, veut que celui qui prie élève vers Dieu des mains pures, 1 Timothée 2:8. (Quicunque manibus sordidis orat, mortis reus est, dit un rabbin; cf. aussi Odyss. 2, 261); d'autres fois on étendait les mains, Ésaïe 1:15, ou bien on les croisait sur la poitrine en se frappant, Luc 18:13; on baissait la tête en signe d'humiliation; on la plaçait entre ses genoux, ce qui ne se faisait que dans un grand deuil, ou dans une fervente prière, 1 Rois 18:42.

L'intercession, la prière pour d'autres que pour soi, étaient fréquentes, et l'on voit souvent des personnes se recommandera d'autres, notamment à des hommes connus par leur sainteté; on attachait à leurs prières une importance quelquefois exagérée, cf. Genèse 20:7,17; Exode 32:11; 1 Rois 17:20; 2 Corinthiens 1:11; Philippiens 1:19; 1 Timothée 2:1; 1 Thessaloniciens 5:25; 2 Thessaloniciens 3:1; Hébreux 13:18; Jacques 5:16. Notre Seigneur lui-même nous a donné l'exemple de l'intercession dans sa prière sacerdotale, comme nous voyons aussi que l'Esprit prie pour nous par des soupirs qui ne se peuvent exprimer, Jean 17, Romains 8:25. Deux espèces d'intercessions, en usage dans l'Église romaine, sont les seules défendues et inutiles, celle des vivants pour les morts, celle des morts pour les vivants; elles ne reposent sur aucun précepte de la parole de Dieu, et sont contraires à tout son esprit. La première cherche à s'appuyer d'un passage apocryphe, 2 Maccabées 12:43, où nous voyons Judas Maccabée offrir un sacrifice pour des soldats morts, qui avaient violé la loi par une espèce de sacrilège, en prenant des choses consacrées aux idoles: cette prière «pour un péché mortel qui ne s'expie pas par ces sortes de choses», dit Calmet, est déjà fort embarrassante pour l'Église romaine, et cependant, c'est le seul passage qui puisse un peu servir de point d'appui à cette fatale doctrine; il ne serait pas étonnant que tous les livres apocryphes en masse aient été canonisés par le concile de Trente, en faveur de ces quelques lignes, qui n'en resteront pas moins apocryphes. L'opinion de Judas Maccabée n'est pas même prouvée, puisque son historien n'est pas une autorité, mais le fut-elle, à son tour elle ne prouverait rien. Si dom Calmet ajoute: «Nous n'en demandons pas davantage ici», on peut conclure qu'il n'est pas difficile en matière de preuves. Il argue encore d'une notice sur la maison d'Onésiphore, dont nous avons parlé à cet article, et il termine en disant: Si cela est, voilà la prière des morts bien établie par saint Paul même. Oui, si. On pourrait se procurer pour toutes les doctrines des preuves de cette force.

La même Église a hérité des pharisiens leurs vaines redites, et quand on peut croire que, dans la catholicité tout entière, il se prononce chaque jour des cent millions de Pater incompris, sous toutes les formes, comme devoirs, comme tâches, comme punitions, par zèle sans connaissance, par vanité, par crainte, par habitude, on ne peut que penser à ce que disait le chef de l'Église en parlant de ces vaines redites: Malheur à vous! Qu'attendre, en effet, de pareilles prières, sinon le sommeil et la mort des âmes, leur endurcissement. Pourquoi dégrader ainsi l'homme et la prière tout ensemble, et faire de Dieu même une espèce de teneur de livres qui enregistre en débit et crédit les prières émises par la bouche des pécheurs? Il est triste, pour la plus grande secte de la chrétienté, d'être ainsi descendue au-dessous du judaïsme, au niveau, même au-dessous du mahométisme, et ce reproche qui tombe, non point sur tous ses prêtres, ni sur tous ses fidèles, mais sur tout son système, suffit à lui seul pour le caractériser et le stigmatiser.


PRIMOGÉNITURE.


Les premiers-nés des hommes et des animaux étaient saints à l'Éternel; ils lui étaient consacrés, et devaient lui être présentés dans le temple ou devant le tabernacle, Exode 13:2,15; Nombres 8:17. Les enfants mâles, premiers-nés des Israélites, et primitivement destinés au service du sanctuaire, mais dispensés de cette charge par la vocation de la tribu de Lévi, Nombres 3:12, devaient être présentés à Dieu, un mois après leur naissance, dans le temple, où ils étaient rachetés d'après une estimation fixée par les prêtres, et qui ne pouvait pas dépasser cinq sicles, Exode 13:13; Nombres 18:16; cf. Luc 2:27. Les premiers-nés des animaux impurs qui ne pouvaient point être offerts en sacrifice, étaient également rachetés, d'après leur valeur, à laquelle il fallait encore ajouter un cinquième en sus; s'ils n'étaient pas rachetés, ils étaient vendus par les prêtres, suivant l'estimation qui en était faite, Nombres 18:15; Lévitique 27:26. Les premiers-nés, mâles, des animaux purs, lorsqu'ils étaient sans défaut et sans tache, devaient être sacrifiés dans les huit jours qui suivaient leur naissance; lorsqu'ils avaient quelque défaut, ils étaient abandonnés aux prêtres comme leur propriété, Nombres 18:17; Lévitique 27:26; Deutéronome 15:19; sq. Les Targums donnent des directions sur ce qu'il fallait entendre par des défauts chez un animal nouveau-né, comme sur tout le reste de ces prescriptions relatives à la primogéniture. Michaélis, Jahn et Rosenmuller, ont conclu de Deutéronome 15:19; cf. 12:6; 14:23, que, dans ces derniers passages, il était question d'une seconde offrande des premiers-nés; Winer pense qu'il ne s'agit là que des animaux offerts dans les festins qui suivaient certains sacrifices, et dont on mangeait une partie.

Le fils aîné d'un père, quelle que fut sa mère, jouissait d'une grande considération dans sa famille, et recevait en héritage une portion double de celle de ses frères et de ses sœurs, sur lesquels il exerçait, lorsqu'ils n'étaient pas mariés, une espèce de tutelle et d'autorité, Deutéronome 21:15-17; aussi ce titre d'honneur de premier-né était-il rarement omis dans les généalogies et les registres de familles, Genèse 22:21; 25:13; 35:23; 46:8; Nombres 3:2; 26:5; 1 Samuel 8:2, etc. C'est également ensuite de ce privilège que le fils aîné du roi lui succédait ordinairement sur le trône,

Voir: l'article Rois, et 2 Chroniques 21:3.

Il était défendu à un père de faire passer à un fils plus jeune, en faveur d'une mère plus aimée, les droits de primogéniture, à moins de circonstances qui motivassent une substitution d'un frère à son frère aîné, par suite de l'indignité de celui-ci, comme ce fut le cas pour Ruben, 1 Chroniques 5:1. Isaac a été trompé par Jacob, et lui a donné, par erreur, une bénédiction qui était irrévocable; d'ailleurs, il y avait eu de la part d'Ésaü abandon de son droit d'aînesse, Genèse 25:31. Jacob, en assurant à Éphraïm des droits qui appartenaient à Manassé, l'a fait comme prophète; d'autres motifs que nous expliquons en leur place, donnèrent également à Jéhoachaz le trône qui revenait, par droit de naissance, à son frère aîné Jéhojakim; de même encore probablement Sédécias, q.v., succéda à son frère plus jeune Jéhojachin. Salomon, enfin, fut substitué à Adonija.

L'expression de premier-né se prend, dans l'Écriture, en divers sens figurés; elle est appliquée à Jésus, Colossiens 1:15. Apocalypse 1:5, et signifie, dans ces passages, qu'il a été engendré du Père avant qu'aucune créature eût été produite, et qu'il est le premier qui soit ressuscité par sa propre vertu. Dans Ésaïe 14:30, les premiers-nés des misérables (texte hébreu) signifie les plus misérables; et le premier-né de la mort, Job 18:13, désigne, soit la plus terrible des morts, soit la plus terrible des maladies.


PRISCE ou, plus ordinairement, Priscille,


femme d'Aquilas, qu'elle accompagnait dans ses voyages, et quelquefois nommée avant lui, mais jamais sans lui, Actes 18:2; Romains 16:3; 1 Corinthiens 16:19; 2 Timothée 4:19. Quelques-uns croient qu'elle était diaconesse.


PRISON.


Fort connue des Égyptiens, comme on peut s'en convaincre par l'histoire de Joseph chez Potiphar, la prison était inconnue des anciens Hébreux; il n'en est pas parlé dans toute la législation de Moïse, et ce n'est que plus tard qu'elle devint un châtiment assez ordinaire, cf. Esdras 7:26. Quelques passages du livre de Job ne peuvent rien prouver, malgré son ancienneté, parce qu'il décrit des mœurs étrangères à la Palestine. Deux exemples d'arrestations préventives, celui d'un Israélite lapidé pour avoir ramassé du bois le jour du sabbat, Nombres 15:32-36, et celui du fils de l'Égyptien, lapidé aussi pour avoir blasphémé, Lévitique 24:10-12, non seulement ne prouvent rien, puisque le mot de prison, employé par quelques traducteurs, signifie proprement garde, ainsi que l'ont rendu nos versions, et que rien n'indique qu'il soit question du dépôt dans un lieu spécial, plutôt que d'un simple état de surveillance et d'arrêt; mais encore, ils ne peuvent rien prouver si l'on se rappelle que ces deux scènes se passent dans les campements du désert, où certes on ne supposera pas que les Israélites traînassent une prison après eux. Lors donc que M. Pastoret (dans son Moïse considéré comme législateur, p. 342), dit que dès qu'un homme était soupçonné ou accusé d'un forfait, on s'assurait de lui par l'emprisonnement, et que l'Écriture en offre plusieurs exemples, il parle d'une manière un peu hasardée, et M. Cellérier (Espr. de la Lég. Mos. II, 325) n'a fait que justice en lui reprochant un esprit superficiel. La prison préventive peut toujours être remplacée par un cautionnement, et la prison, comme peine, par une amende. Or, au milieu d'un peuple agriculteur, où chacun possédait un bien de terre, chacun pouvait être puni par une amende; la prison n'était pas indispensable, et, d'un autre côté, elle eût pu être nuisible en arrachant aux travaux de la terre les hommes qui devaient la travailler; elle eût été pour eux tout à la fois une privation de la liberté, et une amende souvent considérable, en occasionnant un temps plus ou moins long de jachère, et une diminution dans le revenu.

Sous les rois, alors que par l'accumulation des richesses entre certaines mains, la pauvreté, qui devait être inconnue dans le pays, avait fini par se montrer, la prison put être aussi substituée à l'amende, mais ce ne fut pas législativement; ce fut plutôt arbitrairement, sous de méchants rois, et contre des hommes de Dieu trop libres dans leurs censures, 2 Chroniques 16:40; Jérémie 20:2; 32:2; 33:1; 37:15. Après l'exil, elle devint beaucoup plus habituelle, notamment sous la domination étrangère, Matthieu 11:2; Luc 3:20, et on l'appliqua soit à ce que les Juifs appelaient des délits religieux, la prédication de l'Évangile, Actes 5:18,21; 8:3; 12:4; 22:4; 26:10, soit à l'insolvabilité des débiteurs, Matthieu 18:30.

Les plus anciennes prisons consistaient simplement parmi les Juifs en des citernes sans eau, dont la profondeur et l'étroite ouverture suffisaient pour empêcher les détenus de s'échapper sans un secours du dehors, Genèse 37:20,22; quelquefois une vase épaisse, comme celle dans laquelle Jérémie enfonça, 38:6, rendait l'emprisonnement une peine beaucoup plus grave et plus douloureuse. Il y avait des espèces de prisons d'état souterraines comme celle de Jérémie 37:16, d'autres aux portes des villes, ou au-dessus de ces portes, Jérémie 20:2, comme on en trouve de nos jours encore dans plusieurs de nos villes fortifiées, et qui servent à détenir préventivement pendant la nuit ceux qui ne justifient pas suffisamment de leurs personnes ou de leurs intentions; il y en avait d'autres attachées aux palais des rois, Jérémie 32:2, dans les loges des gardes royaux: d'autres enfin dans la maison du chef des gardes du roi, qui servait en même temps d'exécuteur des hautes œuvres, Genèse 39:20; 40:4; Jérémie 37:15,21.

Les prisonniers étaient serrés de chaînes, Juges 16:21; 2 Samuel 3:34; Jérémie 40:1, et sous la domination romaine ils étaient attachés par une ou par les deux mains, aux soldats chargés de les garder, Actes 12:4; 21:33; quelquefois leurs pieds étaient enfermés dans des ceps de bois, quelquefois aussi les pieds et le cou, Job 13:27; 33:11; Actes 16:24, quelquefois encore les pieds et les mains; ils étaient traités comme le sont les esclaves dans les colonies où l'émancipation n'a pas encore eu lieu: Jérémie fut mis aux ceps, 20:2. Une nourriture maigre et rare était une aggravation de peine, 2 Chroniques 18:26. Simhi est un exemple d'arrêts privés, 1 Rois 2:37.

— On peut conclure de Matthieu 25:36; cf. Jérémie 32:8, que les visites aux prisonniers étaient, en Orient, moins difficiles, moins entourées de formalités qu'elles ne le sont chez nous.


PROCHORE


n'est connu que pour avoir été l'un des sept premiers diacres, Actes 6:5. D'après Dorothée, après avoir été l'un des soixante-dix disciples, il serait devenu plus tard évêque de Nicomédie en Bithynie.


PROCURATEURS.


Espèce de sous-officiers chargés, dans les provinces, de l'administration des revenus impériaux, et des cas de justice qui pouvaient surgir à ce sujet: c'étaient, pour ainsi dire, des chefs d'administration adjoints aux gouverneurs des provinces impériales ou sénatoriales; (Auguste, ayant fait un nouveau partage des provinces, avait conservé sous le nom de sénatoriales celles qui étaient paisibles et peu exposées aux attaques des ennemis, et s'était attribué le gouvernement des autres sous le nom d'impériales: sous prétexte de délivrer le sénat et le peuple de soins importants, il s'était ainsi arrogé le commandement suprême de toutes les armées de l'empire.) Ces gouverneurs étaient ordinairement des chevaliers. Les procurateurs remplaçaient même entièrement les gouverneurs dans de petites provinces, ou dans des districts qui, bien que joints à une province plus grande, en étaient séparés géo-graphiquement, ou possédaient une administration à part; ils avaient le commandement des troupes, et rendaient la justice, même la justice criminelle, quoique en bonne règle le gouverneur en chef de la province eût la haute main dans toutes ces affaires, et qu'il fût appelé à examiner, lorsqu'il y avait lieu, les sujets de plaintes contre le procurateur: les proconsuls pouvaient renvoyer à Rome et casser les procurateurs qui s'étaient rendus coupables.

Des procurateurs furent envoyés en Palestine après que, par l'éloignement de l'ethnarque Archélaüs (6 ans avant J.-C.), la Judée et la Samarie eurent été réunies à la province de Syrie qui existait déjà, et ils établirent leur résidence ou quartier général à Césarée sur les bords de la mer. Après Coponius, chevalier romain, Marcus Ambivius, Annius Rufus, et Valerius Gratus, Ponce Pilate, le seul nommé dans les Évangiles, occupa cette charge. Puis la Judée et la Samarie ayant été réunies au royaume d'Hérode Agrippa, ce ne fut que l'an 44, à la mort de ce prince, que de nouveaux procurateurs furent donnés à la Palestine, Cuspius Fadus, Tibère Alexandre, Cumanus, Félix, et Festus: ces deux derniers seuls sont nommés dans le livre des Actes. C'étaient généralement des hommes cruels, arrogants, avides jusqu'au point de faire des accords avec des chefs de brigands, et de leur assurer moyennant un tant pour cent une libre carrière. Ils suçaient le pays systématiquement, et l'irritaient encore par leur justice toute vénale. Leur avidité et leur arbitraire despotisme ne respectaient pas même la dignité sacerdotale; les installations, nominations, ou dépositions de souverains sacrificateurs étaient à l'ordre du jour. Les sujets de plaintes, les griefs, les accusations même ne manquaient pas contre eux, mais ils savaient en paralyser les effets, la crainte faisait abandonner les poursuites, et les appels à Rome ne parvenaient pas à dominer les cris des factions qui se déchiraient.

Lorsqu'ils venaient à Jérusalem pour y faire un séjour plus ou moins prolongé, ils descendaient ordinairement au palais d'Hérode, sur le pavé duquel, en plein air, ils étaient censés rendre la justice;

Voir: Pavé, Prétoire.


PRONOSTIQUEURS,


Voir: Devins.


PROPHÈTES.


Le judaïsme, charnel et matériel, même imparfait, renfermait cependant, du moins en germe, toute l'idée de la religion divine et véritable. L'esprit pouvait circuler dans ses formes; elles n'étaient pas l'esprit, elles ne le supposaient pas, mais elles ne le repoussaient pas non plus, et plusieurs l'annonçaient. Le sacerdoce était comme la charpente osseuse du mosaïsme, et le résumé, le dessin de ses formes. Le prophétisme en était le cœur, le sang qui circule dans les veines, qui vivifie tout sur son passage et qui laisse dans la mort les organes dont il s'éloigne. Ou si l'on aime mieux, le sacerdoce était le canal, mais le prophétisme était l'eau qui le remplit et qui fertilise les champs qu'il parcourt. La mission des prêtres était permanente et suivie, celle des prophètes était momentanée, temporaire, individuelle; les premiers enseignaient par leurs actions, les seconds par la parole; les uns regardaient davantage à l'extérieur, les autres à l'intérieur; la correction des mœurs était confiée au sacerdoce, les prophètes demandaient le renouvellement du cœur, Deutéronome 10:16; 30:2, sq. La loi de Moïse n'avait pas eu pour but unique ou principal de faire d'Israël un État, ni même un État théocratique, quelque spirituel qu'on se le représente. La loi tendait à la circoncision du cœur, elle voulait remplir l'âme d'amour pour Dieu, la sanctifier, la rendre semblable à ce qu'elle était avant la chute, la former ou la reformer à l'image de Dieu. Cet esprit régénérateur perce à travers toutes les prescriptions, à travers tous les détails nombreux et variés du mosaïsme, comme s'il voulait se graver dans les cœurs de tous en traits de vie, et son expression la plus pure, la plus vraie, la plus fécondante, mais ce n'est pas la seule, se trouve dans le prophétisme. La loi ne donne pas sans doute aux prophètes une position absolument et rigoureusement légale; elle n'établit pas cette institution, mais elle la suppose comme elle-même en émane, comme elle fut proclamée par l'activité et le ministère prophétique. Moïse apparaît sous l'ancienne économie comme un prophète qui n'a plus retrouvé son égal jusqu'au jour où le Christ, son supérieur, est venu accomplir, achever, plutôt que détruire son œuvre, Deutéronome 34:10. La prophétie existait avant la loi, cf. Jude 14; et déjà plusieurs manifestations prophétiques avaient eu lieu, Nombres 11:17; 12:6; 23:23; Exode 15:20, lorsque la loi dut intervenir pour fixer les caractères qui distinguaient les vrais des faux prophètes, Deutéronome 13:2; 18:15. La prophétie est plutôt une des promesses qu'une des prescriptions de la loi; les prophètes sont annoncés comme un libre don de la grâce divine, comme une bénédiction promise à la théocratie, comme un instrument de Jéhovah et un signe de sa bienveillance particulière pour un peuple qu'il veut conduire à la sainteté. La liberté de l'esprit succède à la servitude de la chair; et quand des lois minutieuses règlent la naissance, l'extraction, l'onction, la personne, la vie, le costume des prêtres, rien de pareil ne préside au ministère des prophètes; leur sexe même n'est pas une des conditions de leur activité, et des femmes prophétisent, Exode 15:20; Juges 4 et 5, 2 Rois 22:14.

Trois noms différents, ayant chacun une signification spéciale, désignaient en hébreu la charge des messagers extraordinaires de l'Éternel, roèh, nâbi et hhosèh; tous les trois sont réunis dans le même passage, 1 Chroniques 29:29, et appliqués à des individus différents, Samuel, Gad et Nathan. Celui qui voit, celui qui parle, celui qui a des visions, tel est le sens littéral des termes hébreux. Le premier et le troisième ne se distinguent que par des nuances, et le premier semblerait indiquer, si l'on peut se hasarder sur le terrain des hypothèses, un état prophétique plus habituel, le dernier, quelque chose de plus temporaire, en quelque sorte de plus accidentel; l'un est celui qui voit, qui a pour ainsi dire la vue prophétique, l'autre, c'est celui qui a quelquefois des visions. L'expression nâbi, celui qui parle, qui se répand en paroles, est celle qui caractérise le mieux la mission du prophète, et son activité comparée à celle du sacerdoce. En effet, le prêtre ne parlait pas, ou du moins, chez lui la parole était subordonnée à l'accomplissement des cérémonies du culte; son ministère était éminemment symbolique, cf. Lévitique 10:10-11. Le prophète, au contraire, parlait. Et il se distinguait d'autres hommes de Dieu, pieux, sages et savants, en ce qu'il ne proposait pas ses propres idées, mais que ce qu'il disait lui était communiqué immédiatement de Dieu par son saint Esprit. Par la même raison, les prophètes se distinguaient des magiciens, des enchanteurs, des diseurs de bonne aventure, des esprits de Python et des autres faux prophètes païens, dont la mission n'était que de prédire l'avenir et de prêter un secours surnaturel à des entreprises mondaines et à des intérêts matériels.

Les prophètes de Dieu surgissent surtout dans des temps où la connaissance du Seigneur a été altérée par des erreurs, et où les erreurs ont gagné assez de force pour séduire même les élus, si c'était possible. C'est pour de pareils temps, pour de pareilles ténèbres, que Dieu a posé les prophètes comme des lumières, avant que les ténèbres aient atteint assez d'intensité pour ébranler et obscurcir la foi des fidèles, conformément à ce que notre Seigneur lui-même dit à ses apôtres, Matthieu 24:24. Les prophètes étaient dans la main de Dieu des moyens extraordinaires, lorsque les moyens ordinaires ne suffisaient plus. Leur parole était une épée à deux tranchants, et le chapitre, Deutéronome 18, surtout les versets 15 et 18-22, nous donnent sur ce point de précieux éclaircissements, dont l'étude n'est pas sans fruit lorsqu'on veut essayer de lire et de comprendre les prophètes.

C'est à tort qu'on a voulu conclure de Actes 3:24, que le ministère prophétique ne datait que des jours de Samuel, comme aussi l'on a donné aux écoles dont ce prophète était le chef, peut-être le fondateur, une importance qu'elles n'avaient point, et une organisation trop compliquée, dont les détails ne reposent d'ailleurs que sur des hypothèses: le passage 1 Samuel 2:27, suffit à montrer que, même aux jours de Samuel, on voyait des hommes inspirés de Dieu, indépendants de l'action de ce prophète, et avant que son ministère public eût commencé.

La vision et la prophétie dont parle Daniel, 9:24, remontent aux premiers âges du monde, et si à cause de l'obscurité de leur foi, l'on veut contester à Énoch, à Noé, à Abraham, à Jacob le titre de prophètes, on ne pourra du moins pas méconnaître que Moïse et Marie ne l'aient mérité. Évidemment un esprit et une vie prophétiques ont présidé à la formation du système théocratique, et pendant cette période cet esprit a soufflé sur plusieurs, comme l'importance des temps le ferait déjà supposer, et comme le prouvent des passages tels que Nombres 11, et Deutéronome 13. Sous les juges quelques voix prophétiques se font entendre encore, mais elles sont isolées, 1 Samuel 3:1. Le cantique de Débora est un écho des beaux temps qui ne sont plus; les autres oracles ne sont que des annonces de châtiments; les prophètes ne sont pas nommés, Juges 2:1-5; 6:8; 1 Samuel 2:27. La conquête de Canaan avait tourné les cœurs vers la possession des biens de la terre; des juges avaient remplacé les prophètes.

— Une époque nouvelle commence avec Samuel; sa naissance, son éducation, sa destinée, les grâces que Dieu lui accorde, les ordres qu'il lui donne, font de lui un nouveau législateur, un second Moïse, Jérémie 15:1. Psaumes 99:6; il doit montrer que la conduite extérieure du peuple de l'alliance ne peut reposer que sur une base intérieure et morale. Il prépare la prospérité que le culte et la royauté atteignent sous David et sous Salomon. Il rompt en visière avec la sacrificature corrompue de la famille d'Héli, qui ne tarde pas à être réorganisée en rentrant dans la branche aînée. Saül mérite par moments le titre de nâbi. Gad et Nathan sont la continuation de Samuel, et tous ensemble contribuent à remettre la royauté entre des mains aimées de Dieu.

— Le schisme d'Israël, et la division en deux royaumes, est une crise dans la vie du peuple, par conséquent une époque nouvelle dans l'activité prophétique. Les hommes de Dieu ont pour mission de faire envisager cette catastrophe sous son vrai point de vue. La maison de David a les promesses, mais une grande partie de son territoire est donnée à Jéroboam, qui la conservera avec la bénédiction de l'Éternel s'il marche dans la piété, lui et ses descendants, 1 Rois 11:29-39. Cet oracle d'Ahija est le thème de tous ceux qui se reproduisent dans le cours de cette période, 1 Rois 12:15; 13:1; sq. 14:7; 2 Chroniques 11:2. Dans le royaume des dix tribus les prophètes forment presque une corporation, une chaîne non interrompue, comme s'ils devaient remplacer une sacrificature qui n'existe pas: Élie consacre solennellement son successeur, 1 Rois 19:16, et c'est sous les yeux des prophètes que la portion pieuse du peuple célèbre les fêtes de la loi; c'est entre leurs mains qu'ils déposent les offrandes dues aux prêtres, 2 Rois 4:23,42. Jérico, Béthel, Guilgal, et d'autres lieux qui étaient saints avant que le tabernacle eût été fixé à Jérusalem, sont leurs demeures habituelles. Ils sont pour Israël un souvenir des temps passés, et les fonctions qu'ils remplissent tendent à faire revivre la loi dans les cœurs, et à rappeler l'image de Dieu. Telle est jusqu'à la fin, et même pendant la captivité, leur mission de paix et de sainteté, de lumière et de vérité. Mais elle doit s'étendre au-delà du moment présent; l'impiété gagne du terrain, les cœurs se durcissent, et les prophètes dont les paroles ne sont plus écoutées de leurs contemporains, doivent annoncer des châtiments et servir de témoins aux générations suivantes; leurs oracles sont déposés par écrit; ils serviront de commentaire à la loi quand le jour sera venu; la littérature prophétique prend naissance,

Voir: pour les détails les différents articles.

C'est vers le neuvième siècle avant Christ que commence ce qu'on peut appeler dans le sens le plus restreint du mot, la littérature prophétique. Cependant les prophètes écrivaient même avant ce temps, mais ils s'adonnaient surtout à des ouvrages historiques; comme ils parlaient pour le présent, ils écrivaient aussi pour le présent. Lorsqu'ils parlèrent pour l'avenir, leurs écrits prirent un caractère analogue, et il faut remarquer avec quel soin ils rappellent souvent que c'est par la volonté de Dieu, d'après son ordre, qu'ils déposent leurs prophéties par écrit, Jérémie 29:4; 30:2-3; 36:1; Ésaïe 8:1-16; 30:8; Daniel 7:1; 12:4,9; leur intention formelle était donc que leurs oracles fussent soigneusement conservés, et on les réunit au fur et à mesure qu'ils les prononçaient, au recueil des livres historiques existants. Il est aisé de reconnaître que la collection des prophètes, et notamment des douze petits prophètes, est arrangée chronologiquement, sauf quelques détails (nous parlons de l'ordre des livres dans le canon hébreu); quant aux différents oracles d'un même prophète, cet ordre n'existe pas toujours, et Jérémie offre de nombreux exemples de morceaux transposés; on y reconnaît plutôt un ordre des matières et des sujets, qu'un ordre des temps; cela se voit pareillement, et d'une manière frappante, chez les petits prophètes.

La question de l'inspiration des prophètes, du mode et du degré de cette inspiration, appartient à la dogmatique, de même que la question, plus grave encore, du degré de cette inspiration chez les saints hommes de Dieu qui ne sont pas ordinairement considérés comme prophètes. Nous restons dans les limites de notre travail en rappelant les faits suivants.

  1. Toute l'Écriture est divinement inspirée. 2 Timothée 3:16. (peu importe, quelque traduction que l'on donne de ce passage).
     

  2. Aucune prophétie ne procède d'aucun mouvement particulier, mais les saints hommes de Dieu, étant poussés par le saint Esprit, ont parlé, 2 Pierre 1:20-21.
     

  3. Il n'est fait nulle part ni réserve, ni restriction, ni exception à l'inspiration des livres de l'Écriture, ni différence quant à la nature de cette inspiration.
     

  4. Les difficultés ne sont jamais des objections en présence d'un principe reconnu juste.
     

  5. L'individualité qu'on remarque chez les historiens et chez les auteurs dogmatiques, se remarque également chez les prophètes.
     

  6. Quant aux prophètes en particulier, comme ils revendiquent pour eux-mêmes une inspiration pleine et entière, ou plutôt, comme ils ne donnent jamais leurs paroles comme les leurs, mais comme celles de l'Éternel, on ne peut méconnaître ce caractère de leur inspiration sans leur refuser en même temps toute créance.

    Voir: la Théopneustie de M. Gaussen.

Quant au nombre des prophètes, comme il y a beaucoup d'arbitraire dans l'idée qu'on s'est faite de cette charge, il y a eu également des différences dans les listes qu'on a faites des hommes et des femmes qui l'ont remplie. Outre les quatre grands et les douze petits prophètes, d'autres, comme nous l'avons vu, doivent être comptés: Énoch, Noé, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, Aaron, Josué, Job, Débora, Nathan, David, Gad, Jiddo, Jéduthun, Élie, Élisée, les apôtres, les évangélistes Philippe, Étienne, Barnabas, etc., Clément d'Alexandrie, Strom. I, en a voulu compter dans l'Ancien Testament cinq avant Moïse, trente-cinq depuis Moïse et cinq prophétesses. Épiphanes en compte soixante-treize outre dix prophétesses, tant dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament; mais ces calculs sont incomplets et arbitraires.

L'étude des prophéties, bien négligée par beaucoup de chrétiens, est un devoir; rien ne peut nous en dispenser, ni l'obscurité des oracles non accomplis, ni la pensée que d'autres parties de l'Écriture nous offrent une nourriture plus facile et en quelque sorte une lecture plus édifiante. La meilleure nourriture de l'âme, c'est l'obéissance, c'est de faire la volonté de Dieu, et plus la tâche est ardue, plus le Seigneur est près de nous. On exagère d'ailleurs les difficultés de cette étude, et l'on oublie que trop souvent la première cause de cette obscurité vient de ce qu'on n'étudie pas, de ce qu'on ne lit pas, ou de ce qu'on lit mal et avec indifférence. Il faut avouer, qu'en français, nous ne possédons que peu d'ouvrages qui puissent aider à la lecture des prophètes (dans le nombre, quelques publications de MM. Digby, Darby, Basset, Vivien, Barbey, Fivaz, Gaussen, Newton, l'histoire ecclésiastique de M. Guers, etc.), et en outre, que cette portion des études théologiques est complètement perdue de vue dans l'éducation de ceux qui se destinent au ministère de la parole; il devrait y avoir des cours de Prophétique comme il y a des cours d'Apologétique, de Polémique, etc., et s'il est vrai qu'à propos d'Eschatologie on dise quelques mots de millénium, etc., ce n'est guère, et ce ne peut être que d'une manière fort superficielle, parce que l'étude de la prophétie forme tout un ensemble dont il est impossible de traiter un détail isolément. Mais n'oublions pas que c'est par la prophétie que la prophétie s'éclaircit, comme la Bible par la Bible, et que la plus ou moins grande abondance de livres ou de secours humains ne doit ni ne peut augmenter ou diminuer pour nous le devoir de sonder les prophéties,

Voir: Apocalypse.

— L'Écriture donne quelquefois le nom de prophètes à des personnages qui ne le méritent pas dans le sens religieux du mot, à des imposteurs, à de faux prophètes, à des poètes païens; dans ces cas elle ne fait que se conformer soit à l'usage, soit aux prétentions de ceux qui revendiquaient un titre qu'une foule aveuglée leur laissait prendre sans contestation.


PROPOSITION


(pains de),

Voir: Pain.


PROSÉLYTES,


nom grec qui signifie étranger, comme l'hébreu ger. C'est le nom par lequel les Juifs désignaient les gentils qui s'étaient convertis au judaïsme. On distinguait, d'après les rabbins, deux espèces, ou deux degrés de prosélytes: ceux de la porte, et ceux de la justice.

  1. Les prosélytes de la porte étaient ces étrangers, esclaves ou libres, qui, pour avoir le droit de résider en Palestine au milieu des Israélites, étaient obligés d'adorer le vrai Dieu et de souscrire aux sept préceptes donnés à Noé, lesquels comprenaient, au dire des rabbins, le droit naturel commun à tous les hommes indifféremment. Ces préceptes défendaient le blasphème contre Dieu, le culte des astres et des divinités étrangères, la désobéissance aux magistrats, l'inceste et les crimes contre nature, le meurtre, le vol et le manger de viandes sanglantes ou de bêtes étouffées (cf. Actes 15:20,29; 21:25). Rien ne prouve que ces préceptes aient été donnés à Noé, et l'on n'en trouve aucune trace, ni dans l'Ancien, ni dans le Nouveau Testament, ni chez Flavius Josèphe, ni dans Philon, Onkélos, Origène, Jérôme, ni dans aucun des Pères. Ces préceptes sont connus d'ancienneté, mais leur origine noachique n'est rien moins qu'assurée. Quoi qu'il en soit, les prosélytes de la porte étaient tenus de les observer, et à ces conditions ils pouvaient non seulement habiter dans le pays, mais encore travailler comme manœuvres pour le service du temple et de la religion, Exode 12:19; Lévitique 17:12; 24:16; Ézéchiel 14:7. Ils n'étaient pas considérés comme Juifs, cependant ils n'étaient déjà plus païens; ils formaient une espèce de classe intermédiaire; ils étaient encore impurs, mais pas assez pour que des rapports avec eux fussent de nature à souiller les Juifs. Leur nom venait de ce qu'ils avaient le droit de demeurer dans le pays et chez les Hébreux; ils étaient appelés: «l'étranger qui est dans tes portes», Exode 20:10, etc, cf. Lévitique 25:47. En bornant provisoirement ses exigences à l'observation des commandements noachiques, la loi avait peut-être pour but de leur frayer doucement et sans les effaroucher, la voie à l'acceptation pleine et entière du judaïsme. C'est des prosélytes de la porte qu'il s'agit probablement lorsqu'il est parlé de prosélytes qui servaient ou qui craignaient Dieu, Actes 13:43; 16:14; 17:4,17; 18:7, etc.. Le syrien Naaman, le général Nébuzar Addan, l'eunuque de Candace, le centenier Corneille, et d'autres encore, appartenaient probablement à cette classe de prosélytes.
     

  2. Les prosélytes de la justice devenaient de vrais Juifs; ils s'engageaient à recevoir la circoncision, et à observer tous les usages et toutes les lois de l'alliance divine: ils étaient solennellement admis dans la théocratie, et on les appelait de parfaits Israélites. La circoncision, le baptême, et une offrande (pour les femmes le baptême et l'offrande seulement), étaient les cérémonies de la réception. Le baptême s'administrait après que la plaie de la circoncision était guérie; on plongeait tout le corps dans un bassin d'eau en présence de trois juges appelés comme témoins, car cet acte était considéré comme appartenant à l'ordre judiciaire: cette cérémonie ne se réitérait jamais ni à l'égard du prosélyte, lors même qu'il aurait apostasie depuis sa conversion, ni à l'égard de ses enfants, à moins qu'ils ne fussent nés d'une mère païenne, auquel cas on les baptisait comme païens de naissance; car on partait de l'idée, si généralement admise partout, excepté chez les peuples très civilisés, qui cependant seraient le mieux en position de l'admettre, que l'enfant suit la condition de sa mère: partus sequitur ventrem. La Gemara, du reste, est la source la plus ancienne qui parle du baptême des prosélytes; Philon, Flavius Josèphe, et les plus anciens targumistes qui auraient eu cependant l'occasion d'en parler, n'en disent mot, de sorte que c'est encore une question de savoir si la Gemara parle d'un usage antérieur à l'établissement du christianisme, ou d'un usage qui se serait introduit plus tard. Mais l'amour des purifications par l'eau était tellement invétéré chez les Israélites, qu'il est très possible qu'ils aient soumis à des lustrations de ce genre les païens impurs qui demandaient l'entrée de leur sanctuaire; le silence de Flavius Josèphe et de Philon s'expliquerait par le fait même qu'il n'était pas besoin de mentionner quelque chose d'aussi naturel. Il est plus probable toutefois que le baptême a été emprunté des chrétiens, et qu'il a été introduit obligatoirement après la destruction du temple, lorsque le règne des offrandes cessant, une nouvelle cérémonie dut remplacer celle qui venait d'être forcément abolie.

On a cru que «le grand nombre de toutes sortes de gens» qui suivirent les Israélites à leur sortie d'Égypte, Exode 12:38, étaient des prosélytes de la justice; de même encore Jéthro, Exode 18:10-12. Il est évident aussi que les Sichémites auxquels Jacob imposa la circoncision, devinrent par ce fait des prosélytes de la justice, Genèse 34:14-15, bien que l'on ne puisse pas donner à cette expression le sens précis qu'elle eut plus tard. L'esprit de prosélytisme, qui est inséparable de toute conviction profonde, religieuse ou autre, ne faisait pas défaut aux Juifs, notamment aux Pharisiens, Matthieu 23:15. Ils étaient autorisés à travailler dans ce sens par des oracles de Dieu, Ésaïe 9:2; 42:7; 56:6; Michée 4:2, mais comme ils méconnaissaient l'esprit de leur religion, ils méconnaissaient la mission du prosélytisme, et ils travaillaient avec zèle à augmenter le nombre des professants, peu scrupuleux sur les moyens qu'ils employaient, peu soucieux des motifs qui leur amenaient de nouveaux convertis; la ruse ou la violence étaient leurs moyens, la cupidité, la pauvreté, l'orgueil ou l'intérêt, la nationalité ou des alliances en perspective, l'espérance ou la peur étaient les mobiles de la conversion de ces nouveaux Juifs, et il n'est pas étonnant qu'après avoir «couru la mer et la terre pour faire un prosélyte», de pareils convertisseurs ne le rendissent «fils de la géhenne deux fois plus qu'eux-mêmes;» c'est de l'histoire ancienne et de l'histoire moderne.

— Il est parlé, Néhémie 10:28; Esther 8:17, de quelques conversions isolées; mais depuis l'époque des Maccabées, le judaïsme, tout à la fois mort spirituellement, et mourant comme théocratie, aspira à faire les choses plus en grand, pour, essayer de se maintenir comme puissance et comme nationalité. Des tribus entières furent converties de force, les Iduméens sous Jean Hyrcan, les Ituréens sous Aristobule. Les femmes, qui n'avaient pas à se soumettre à une opération douloureuse, étaient en général plus accessibles à l'action du prosélytisme, Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 18, 3, 5, cf. Actes 13:50; 16:14. Les païens qui habitaient au milieu des Juifs avaient assez de raisons pour désirer d'être reçus dans leur assemblée. C'était d'abord pour eux l'acquisition d'une bourgeoisie. C'était aussi l'échange de l'opprobre contre l'honneur et le respect. C'était l'exemption du service militaire, Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 14, 10, 13. C'était la faculté de se marier avec des femmes du pays. Mais pour plusieurs aussi qui étaient dégoûtés du paganisme et du scepticisme, c'était un besoin profond d'une foi positive qui satisfit aux besoins de leur cœur, et souvent de leur intelligence, comme le montre l'exemple de ceux qui, lors de l'apparition du christianisme, n'hésitèrent pas à se joindre à la nouvelle Église, Actes 6:5; 13:43; 16:14; 17:4.

Cependant dans la pratique, et même devant la loi, il paraît que les prosélytes ne furent jamais mis sur le même rang que les Juifs de naissance, et, pendant plusieurs générations, les Juifs bien bigots continuaient de regarder les prosélytes avec le même mépris que les païens, hélas! comme on fait encore de nos jours, en bien des lieux, à l'égard des Juifs qui se convertissent. On les nommait la lèpre d'Israël, et l'on disait, par manière de proverbe, qu'il ne fallait pas se fier à un prosélyte avant la vingt-quatrième génération. Ce mépris n'était, au reste, pas général, et, dans tous les cas, si la position des prosélytes n'était guère améliorée sur la terre, un grand résultat était obtenu aux yeux de tous, la participation des païens convertis aux bienfaits de l'alliance divine pour l'éternité.

Avec l'introduction du christianisme, le prosélytisme prit naturellement une direction plus spirituelle; on ne fit plus de prosélytes pour grossir le nombre des adhérents d'un système, mais pour sauver les pécheurs, et ceux-là seuls qui sont sauvés sont les vrais prosélytes de l'Évangile.


PROSTITUTION.


Cette lèpre de presque toutes les sociétés, de tous les temps, et de tous les peuples, était bannie d'Israël par la loi,

Voir: Deutéronome 23:17-18; Lévitique 19:29; cf. 21:9.

Comme métier, elle était interdite aux femmes et aux hommes, à ces derniers en vue du voisinage de la Phénicie. Le salaire de la prostitution ne pouvait même être accepté des prêtres comme offrande pour le service du sanctuaire, Deutéronome 23:18; Ézéchiel 16:33. Mais la passion ne reconnaît pas plus de lois que de frein, et certains gouvernements du monde moderne ont fléchi devant la force du mal; ils ont sanctionné le péché pour éviter le crime; ils ont légalisé la prostitution, croyant devoir faire le mal pour qu'il en résulte le bien, ou du moins autorisant un mal pour essayer d'en conjurer un plus grand. Le législateur des Hébreux, dont la loi devait être la sainteté à l'Éternel, n'ignorait pas sans doute qu'il est des misères que la loi ne peut guérir, et des passions que rien n'effraie; mais il n'a pas cru pouvoir parlementer avec le mal, ni devoir le flatter pour l'adoucir. Il a défendu la prostitution là où cependant un climat plus ardent et des habitudes plus libres semblaient la rendre une nécessité publique; mais, en faisant cela, il n'a pas espéré la détruire et la supprimer. En la défendant, il rendait la conscience attentive, et pouvait, au besoin, la convaincre de péché; la loi a fait abonder l'offense, Romains 5:20; elle a été une manifestation, un témoignage. Peut-être, pour quelques-uns, a-t-elle été davantage, mais, en général, elle n'a pu être que cela. Aussi Moïse n'a-t-il pas même prononcé de pénalité contre cette pratique immorale, et des courtisanes Israélites ou étrangères vivaient notoirement dans la prostitution, sans que la société eût contre elles d'autre garantie que sa propre moralité, et la réprobation dont l'opinion publique frappe toujours la femme qui se vend. Les Hébreux eurent, dans tous les temps, des prostituées ou bayadères, qui vraisemblablement, comme de nos jours en Perse, en Arabie et dans l'Inde, se faisaient connaître en dansant et s'accompagnant au son de la musique, Juges 16:1; 1 Rois 3:16; Proverbes 2:16; 5:3; 6:26; 7:10; 23:27; Amos 2:7; 7:17, etc.; c'étaient d'ordinaire des étrangères. Elles se promenaient ou s'asseyaient sur les places publiques ou dans les rues, attirant les passants par des gestes ou des propos séducteurs, Proverbes 7:11. Parfois elles étaient voilées, Genèse 38:14, et gardaient l'anonyme que leur complice respectait. Depuis le schisme des deux royaumes, lorsque l'idolâtrie se fut établie en Israël, la prostitution se fit souvent, et notamment en Éphraïm, au nom des divinités dont le culte avait envahi les autels du Dieu vivant, au nom d'Astarté en particulier, Osée 4:14; 1 Rois 14:24; 15:12; 22:47; 2 Rois 23:7.

— Au dire de Flavius Josèphe, tout mariage avec une prostituée était déclaré contraire à la loi, ce qui était d'autant plus naturel que les enfants de la prostitution ou du désordre étaient, jusqu'à la dixième génération, exclus de l'assemblée de l'Éternel, Deutéronome 23:2. Jephthé semble avoir fait exception devant Dieu, Juges 11:1, puisque son nom est rappelé avec honneur, Hébreux 11:32; mais la conduite de ses frères à son égard prouve que cette loi d'exclusion était en vigueur de son temps.

Lors de l'apparition du christianisme, la prostitution régnait en maîtresse à Rome et en Grèce: elle n'était ni le résultat absolu, ni le monopole de certaines religions et de certains cultes (Sapience 14, 26), mais la conséquence de la frivolité et de la corruption qui s'étaient introduites dans les mœurs publiques avec la prospérité matérielle. La mollesse est la mère de l'impureté. Les femmes de mauvaise vie étaient légalement établies à Rome. Plus les principes de la pureté étaient foulés aux pieds, plus les maximes corruptrices étaient avouées, professées avec audace (— Voir: par exemple, Térence, Adelph. 1, 2. 21. Eunuq. 3, 5. 34), plus aussi les apôtres devaient protester avec force contre ce relâchement général qui avait gagné la société chrétienne, 1 Corinthiens 5:1; 2 Corinthiens 12:21; 1 Thessaloniciens 4:3; 1 Timothée 1:10, et le décret du concile de Jérusalem, Actes 15:20,29; cf. 21:25, s'explique amplement par la nécessité d'opposer une barrière puissante aux débordements du paganisme. On voit par Romains 2:22; Jean 8:7, que l'impureté régnait aussi parmi les Juifs, tant dans les basses que dans les hautes classes;

Voir: aussi Luc 7:37,

et les fréquentes mentions qui sont faites de gens de mauvaise vie dans le Nouveau Testament.


PROVERBES.


Le livre de l'Ancien Testament qui porte ce nom, ne renferme pas des proverbes proprement dits, mais plutôt, comme l'indique son nom hébreu Mischlé, des sentences plus ou moins longues sur la vertu et le vice, sur le péché en général, des règles et des préceptes divers, applicables aux différentes circonstances de la vie humaine, des conseils détaillés sur la conduite et la manière de vivre. C'est un genre d'écrire ou de parler que Cicéron attribue aux Asiatiques, et qu'il appelle: «Genus dicendi sententiosum et argutum, sententiis non tam gravibus et severis, quam concinnis et venustis.» De Clar. Orat. 9. D'autres littératures ont été également riches en productions du même genre, celle des Arabes, par exemple, et celle des Perses, dont le Pend-Nameh, ou Livre du Conseil, attribué à Férideddin-Attar, a été publié en français par Sylv, de Sacy; mais les proverbes hébreux qui, pour la richesse de la pensée et la finesse de l'expression, ne le cèdent à aucun, se distinguent en outre par une psychologie profonde, et par un caractère universel et populaire qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Les sentences arabes sont ordinairement locales, et ne peuvent être comprises qu'à l'aide de très bons scholiastes. La vie, telle qu'elle est dépeinte par Salomon, apparaît comme pénétrée de la religion et des effets de la loi divine.

Les Proverbes se divisent en cinq parties, par les inscriptions qui indiquent les différents morceaux:

  1. Chapitres 1-9; le titre attribue ces neuf chapitres à Salomon, fils de David, roi d'Israël; ils contiennent une exhortation à la sagesse.
     

  2. 10-24:22. Chapitres également attribués à Salomon; ils renferment des morceaux assez longs, bien liés, et très beaux, surtout celui qui traite de la sagesse divine, depuis 22:17.
     

  3. Un fragment de douze versets, 24:23-34, recueillis par des sages (et non pour les sages, comme le traduisent nos versions); la tradition avait probablement conservé les noms de ces hommes, de sorte qu'ils étaient connus des Hébreux, mais ils sont perdus pour nous.
     

  4. Chapitres 25-29. Proverbes de Salomon, recueillis par les hommes d'Ézéchias, c'est-à-dire par une commission qu'Ézéchias avait chargée de ce travail, peut-être par Éliakim, Sebna et Joach, 2 Rois 18:26.
     

  5. Les deux derniers chapitres ont été composés par des auteurs inconnus. Le 30e est attribué à un certain Agur, q.v., et forme une espèce d'entretien, de discussion, ou de dialogue religieux entre Agur et deux amis, ou disciples, Ithiel et Ucal; ces personnes étaient peut-être du nombre des sages dont il est parlé 24:23. Quant au dialogue lui-même, il doit être regardé naturellement comme une fiction, une invention poétique. Le chapitre 31e renferme des préceptes qui furent communiqués au roi Lémuel, q.v., par sa mère; dans les neuf premiers versets, le sage dessine l'idéal d'un roi; dans les derniers, celui d'une femme vertueuse. Quoi qu'il en soit de la personne de Lémuel, la forme de ce chapitre paraît être, comme le précédent, une fiction poétique.

L'antiquité tout entière a regardé Salomon comme l'auteur de la plus grande partie de ce recueil, de toute celle au moins qui porte son nom, et rien ne contredit cette opinion. Quelques différences de style et de méthode, quelques répétitions assez nombreuses,

Voir: par exemple, 17:1; 19:13; 21:9,19; 25:24,

prouveraient tout au plus que Salomon n'a pas publié lui-même ses maximes dans l'ordre dans lequel elles nous sont parvenues, et rien n'oblige à le croire. On voit par 25:1, qu'une partie de ces sentences ont été recueillies au temps d'Ézéchias, et il est probable aussi que le livre entier a reçu sa forme actuelle à la même époque. Les inscriptions sont trop précises pour laisser subsister des doutes sur la connaissance exacte que les auteurs du recueil doivent avoir eue de l'auteur et des auteurs des Proverbes. L'opinion de Grotius, qui pensait que Salomon, comme plus tard plusieurs empereurs byzantins, avait fait faire pour son usage une collection ou compilation des meilleures maximes des auteurs contemporains ou antérieurs, est abandonnée. Celle de De Wette, qui s'appuie sur Théodore de Mopsueste seul, et sur le scepticisme le plus radical, n'a guère de partisans: le principal argument qu'il oppose à l'unanimité de la tradition, se rapporte à la description de la vie privée et de la vie champêtre que l'on trouve dans plusieurs morceaux de ce livre, vie que Salomon, dit-il, ne pouvait pas connaître, Einl. § 281. Mais, outre que les sujets de ses trois mille paraboles et de ses cinq mille cantiques durent être extrêmement variés, outre que le cœur plein de sagesse et de génie dont Dieu l'avait doué, devait faire de lui un des hommes les plus versés dans toutes les connaissances humaines qui furent jamais, il est fait une mention spéciale de ses études en histoire naturelle, et, dans la pratique, l'histoire naturelle n'est pas loin de la vie champêtre. Le Cantique des Cantiques, que nous avons reconnu être de Salomon, est une nouvelle preuve de la facilité avec laquelle le puissant monarque de Juda savait descendre aux détails de la vie des champs.

On ne saurait déterminer avec certitude à quelle époque de sa vie Salomon a prononcé ces sentences. Les Hébreux disent que le Cantique est l'ouvrage du jeune homme, les Proverbes celui de l'homme fait, l'Ecclésiaste celui du vieillard. Jérôme et Cyrille veulent que ces deux derniers ouvrages aient été composés après sa chute et son relèvement. Ce qui est probable, comme le dit Heidegger, c'est que les Proverbes ne furent l'ouvrage ni d'un mois, ni d'une année; et peut-être vers la fin de sa vie mit-il lui-même en ordre de sa propre main les 24 premiers chapitres, comprenant des maximes qu'il avait énoncées et peut-être écrites en divers temps.

Luther fait remarquer combien c'était un homme «excellent, sage et fin, «que ce roi Salomon, qui, au milieu de toutes les occupations que lui imposaient les affaires de son royaume, ne dédaignait pas d'entreprendre l'œuvre d'un instituteur de la jeunesse, et de donner à celle-ci des directions dans l'étude de la plus nécessaire de toutes les sciences. Un autre homme pieux disait que chaque fois qu'il se trouvait dans quelque circonstance difficile où son devoir ne lui paraissait pas clairement tracé, il se mettait à lire les Proverbes d'un bout à l'autre, bien sûr d'y trouver le conseil dont il avait besoin.

Le livre des Proverbes est fréquemment cité dans Je Nouveau Testament; plusieurs passages lui sont empruntés, Luc 4:8,10; Romains 12:20; Jean 1:1; Jacques 1:19; 2:1; 4:6,13; 5:1,20; Hébreux 12:5-6; 1 Pierre 4:8,18; 5:5.

Parmi les commentaires à consulter, on peut indiquer surtout celui de Mélanchthon, et celui d'Umbreit; C. B. Michaélis et Rosenmuller renferment aussi de bonnes explications. M. Vivien a donné une traduction française du livre des Proverbes.


PSAUMES,


(hébreu Sépher Thehillim, livre des hymnes, ou des louanges). Cet admirable ouvrage, dont l'éloge épuiserait toutes les épithètes, si celle d'ouvrage inspiré de Dieu ne faisait pas sa plus grande beauté, et ne résumait pas tout ce que l'on peut dire et sentir de plus profond, a été dans tous les siècles lob-jet d'un amour et d'un respect tout particulier clans l'Église. C'est une bibliothèque spirituelle, dit Cassiodore, où l'on rencontre tout ce qui est nécessaire pour le salut. Il contient un abrégé de tout ce que l'on trouve dans les autres livres, dit saint Augustin. Et Ambroise: L'histoire sacrée nous instruit, la prophétie annonce l'avenir, les corrections répriment les méchants, la morale persuade; mais les Psaumes produisent tous ces effets à la fois: l'utile et l'agréable y sont partout si sagement mêlés qu'il est difficile de décider lequel des deux l'emporte sur l'autre. Saint Athanase écrivant à Marcellin, et lui recommandant la lecture des Psaumes, dit que telle partie des Écritures nous porte à imiter le bien dont telle autre nous donne l'exemple ou le précepte, mais qu'en lisant les Psaumes, il semble que ce soient nos propres prières et nos propres désirs que nous exprimions; ce volume, ajoute-t-il, est comme un paradis dans lequel on trouve toutes les espèces d'arbres et de plantes. Saint Basile: Le livre des Psaumes contient tout; il annonce les choses futures par des oracles non équivoques; il rappelle l'histoire des temps passés; il sanctionne les lois d'une vie sainte; il renferme les préceptes et les exhortations les plus admirables, et pour tout dire en un mot, il abonde en toute bonne doctrine (bonæ omnis doctrinæ uberrimum quoddam est), rappelant et développant avec un soin plein de grâce et d'intelligence tout ce qui peut le plus nous conduire au salut. Luther, dans son langage si simple et si plein, appelle les Psaumes une petite Bible, un manuel, un abrégé de tout ce qu'il y a de plus beau; et Calvin dit qu'ils sont comme une anatomie de toutes les parties de l'âme, tellement qu'il n'est aucun de nos besoins auquel ils ne répondent, aucune de nos dispositions intérieures qu'ils ne reflètent; de sorte que ce livre peut servir à l'étude de la plus belle et la plus difficile de toutes les sciences, celle que Socrate résumait en ces mots: Connais-toi toi-même.

Les Psaumes ne sont pas tous du même auteur, quelque grande que soit à cet égard l'autorité de saint Augustin, d'Aben Esra, d'Euthymius, qui les attribuent tous à David. David, l'homme qui composait les doux cantiques d'Israël, 2 Samuel 23:1, en est, il est vrai, le principal auteur; c'est lui, dit Athanase, qui reçut le premier le don de psalmodier à l'Esprit, d'écrire et de composer des psaumes; c'est encore lui qui a composé le plus grand nombre de ceux qui se trouvent dans le recueil qui porte son nom, 2 Chroniques 7:6; 29:30; Amos 6:5: mais il ressort des inscriptions mêmes de plusieurs de ces psaumes, qu'ils ont été écrits par d'autres que lui. Cinq auteurs sont nommés outre David. Le psaume 90 est de Moïse; le 127 de Salomon; le 88 de Héman, Ezrahite, peut-être un petit-fils de Samuel, 1 Chroniques 6:33; 2 Chroniques 5:12; le 89 est d'Éthan, Ezrahite, et Asaph, un prophète, 1 Chroniques 25:2, a composé le psaume 50, et les psaumes 73 à 83. On a discuté beaucoup sur le sens de la préposition hébraïque qui sert à désigner l'auteur (le Lamed auctoris). On peut traduire en effet: psaume d'Asaph, ou psaume pour Asaph; mais comme c'est la même formule ordinairement employée pour les psaumes de David, et que d'ailleurs on se sert d'une autre tournure pour indiquer les cantiques destinés à Asaph, comme fait la tradition qui donne les psaumes 96, 105 et 106 comme devant être chantés par Asaph, sans que les titres indiquent qu'ils soient d'Asaph, on peut ne pas attacher une grande importance à cette controverse philologique. Les noms de Jéduthun, et des trois fils de Coré (Asir, Éléanah, et Abiasaph) sont encore en tête de quelques psaumes, non qu'ils en soient les auteurs, mais parce qu'ils devaient en être les chantres; c'est pour eux que ces psaumes avaient été composés, comme d'autres le furent aussi pour le maître-chantre, c'est-à-dire pour celui qui dirigeait dans le temple les chœurs des chantres lévites. Vingt-cinq psaumes environ sont sans aucune inscription; on peut croire qu'ils sont de David, quoique saint Jérôme pense qu'ils appartiennent plutôt au même auteur que celui ou ceux qui précèdent; d'autres, et spécialement les commentateurs anglais, attribuent le psaume 44 à Ézéchias, le 102 à Daniel, le 1 et le 119 à Esdras, le 129 à Néhémie, le 137 à Aggée ou à Zacharie, etc.; mais, non seulement ce n'est pas prouvé, c'est encore peu probable.

Les Psaumes n'ont tous été, ni composés dans les mêmes circonstances, ni destinés au culte public. Souvent le roi-prophète ne chante que ses propres impressions, celles du moment, l'effet que produit sur lui la pensée de Dieu contemplé dans ses ouvrages, ou celle des dispensations de Dieu à l'égard de ses enfants, et de ses ennemis; ailleurs il se réjouit dans l'attente d'un Sauveur, et dans la perspective du règne messianique. Il a composé plusieurs de ses psaumes pendant son séjour à la cour de Saül, d'autres pendant qu'.il fuyait devant ce roi qu'il avait déjà remplacé, d'autres à Hébron, d'autres à Jérusalem, plusieurs pendant qu'il fuyait devant les troupes de son fils Absalon; quelques-uns de ses cantiques appartiennent à la partie la plus agitée de sa carrière, d'autres ont été composés dans le calme et la tranquillité d'un règne heureux; toute la vie de David est rappelée dans ses hymnes, et souvent cet homme élu de Dieu, ce type de Jésus-Christ, parle de lui-même en termes qui annoncent un autre roi d'Israël, un autre règne, un autre temps, et que le Saint-Esprit rapporte à celui qui devait venir de la tribu de Juda et de la famille de Jessé; l'image et la réalité se confondent dans la perspective prophétique; les douleurs et le triomphe de David disent les douleurs et le triomphe de Jésus.

On a fait différentes tables des psaumes par ordre de matières, mais la nature même du psaume qui embrasse souvent plusieurs sujets et passe de l'un à l'autre, ne permet pas toujours d'insister beaucoup sur une division de ce genre. Quelques psaumes s'y prêtent, d'autres s'y refusent. Une division générale en prières, actions de grâces, cantiques d'adoration, psaumes sentencieux, psaumes prophétiques, psaumes historiques, est naturelle; c'est à peu près la division d'Athanase; Bickersteth subdivise encore chacune de ces parties en plusieurs autres, et alors sa table n'est plus un guide très sûr.

— On a fait également quelques essais de classification des psaumes par ordre chronologique, mais comme la date d'un assez grand nombre est inconnue et fort douteuse, il est inutile de s'y arrêter; il faut se contenter d'un à peu près. Nous ne reproduirons donc pas des listes de ce genre; on les trouvera dans l'Introduction de Home, dans l'ouvrage anglais, Companion to the Bible (traduction par Mme Rilliet-Constant), et dans plusieurs commentaires français sur les Psaumes. La Polyglotte française de Bagster, et la Concordance de Mackenzie, indiquent aussi l'ordre chronologique.

Les Juifs divisaient les Psaumes comme la loi de Moïse, en cinq livres qui unissaient aux psaumes 41, 72, 86, 106, et 150. Les quatre premiers se terminent par les mots Amen, Amen, le cinquième par Alléluia! Épiphanes, en conséquence de cette division, appelait les Psaumes un second Pentateuque. À ce propos encore, on a voulu parler de tables des matières, et l'on a dit que le premier de ces cinq livres chantait des sujets tristes, le second des sujets de joie, le troisième des sujets tristes, le quatrième des sujets de joie, et le cinquième la tristesse et la joie tout ensemble: mais il y a une futilité qui saute aux yeux de tout lecteur attentif dans cette manière de parquer les psaumes. On admettrait plus volontiers le sentiment d'Augustin qui, divisant les Psaumes en trois cinquantaines, voit dans la première la vocation, dans la seconde la justification, dans la troisième la sanctification et la glorification des saints. Au reste la division du Psautier en cinq livres n'est pas même prouvée; Eusèbe et Ambroise l'admettaient comme fort ancienne, mais Hilaire, Jérôme et Augustin la repoussaient comme contraire à l'Écriture qui ne cite jamais les Psaumes que comme formant un seul livre. Quoi qu'il en soit de cette division, qu'elle remonte aux auteurs de la collection, ou qu'elle soit d'une date plus moderne, le recueil des Psaumes n'a jamais compté que comme un seul livre dans l'énumération des livres canoniques de l'Écriture.

Les versions grecque et romaine ont réuni en un seul les psaumes 9 et 10, séparés dans le texte hébreu, de sorte qu'à partir de ce psaume, il y a entre ces versions et les nôtres traduites sur l'original, une différence dans la manière de noter les psaumes. Pour retrouver les 150, ceux qui ont réuni deux psaumes en un, ont dû en dédoubler un en deux, et ils ont choisi le 147e (leur 146e) qu'ils partagent au verset 12. Les catholiques réunissent encore les Psaumes 114 et 115 en un seul, et partagent le 116e en deux au verset 10.

Plusieurs psaumes portent en hébreu des inscriptions qui leur servent de titre, et que nos versions ont quelquefois transcrites, quelquefois traduites (plus ou moins bien): l'édition française de Bagster les a même supprimées. Voici les principales.

Mictam. Psaumes 16, 56, 57, 58, 59, 60. On a donné à ce mot obscur bien des significations. Les Juifs entendent: cantique de David qui a été humble et intègre; ce sens obtenu à grand'peine par la décomposition du mot, n'est qu'un expédient rabbinique. D'autres, tels que les Septante et la Vulgate, traduisent inscription, titre qui ne signifierait rien. D'autres encore, dont Heidegger, le rendent par cantique d'or, cantique précieux, en s'appuyant sur un sens possible de son étymologie. Nos savants modernes enfin, lisant Mictab, comme Ésaïe 38:9, le traduisent simplement par écrit. L'opinion de Heidegger nous paraîtrait le plus conforme au génie de l'hébreu, et ne serait pas en désaccord avec le contenu de ces psaumes. La dernière est cependant plus simple.

Héduth (témoignage), Psaumes 80,

Voir: Musique #2, g.

Le Lammed. Nos versions le rendent par «propre à enseigner», Psaumes 60: c'est en effet sa signification, comme celle de Maskil, Psaumes 32, que nos versions ne traduisent pas.

Mismor, Psaumes 3, 4, 5, 6, 8, 9, que nos versions traduisent par psaume, et

Siggajon, Psaumes 7, (chant, cantique), cf. Habacuc 3:1; Jérémie 7:16.

— On ne connaît pas la différence qu'il y avait entre ces deux mots.

Muth-Labben, Psaumes 9; Psaume donné au maître chantre sur Muth-Labben, littéralement en hébreu: «sur la mort de Labben.» On a voulu lire Natal au lieu de Labben, par la transposition des lettres; d'autres lisent Halamoth Labben, ce qui signifierait: pour être chanté par les filles de Ben (cf. 1 Chroniques 15:18), etc.

Voir: aussi plus bas.

Altascheth, Guittith.

Voir: ces mots.

Ajeleth-Hassachar, Psaumes 22, (la biche de l'aurore), peut-être le commencement d'un ancien cantique sur l'air duquel ce psaume devait être chanté.

Néhiloth, Psaumes 5, Mahalath, 53 et 88,

Voir: Musique #2, d. Nehil.

Néguinoth, Psaumes 6,

Voir: Musique #3.

Le Hannoth, Psaumes 88, Halamoth, 46, Séminith, 6, et 12, désignaient peut-être des modulations de la voix, des modes de chanter, des voix particulières; le premier de ces mots indiquerait des entre-répons, le second des voix de jeunes filles, ou de soprano, le dernier des voix grasses, ou basses. Selon quelques-uns Muth-Labben serait le ténor.

Le maître-chantre, ou Menazéach,

Voir: Chantres.

Mahaloth, Psaumes 120-134. Cantiques des degrés, ou des montées. On ne saurait pas dire au juste ce que signifie ce titre, au milieu de tous les essais d'explication que l'on a mis en avant. Les uns ont cru que c'étaient les cantiques que l'on chantait sur les quinze degrés du temple, dont parle Flavius Josèphe, degrés qui conduisaient de l'enclos des femmes dans le grand parvis; d'autres entendent ces degrés de ceux qui conduisent du parvis des prêtres au vestibule qui était devant le lieu saint, mais on ne voit nulle part qu'il y en eût quinze; le contraire ressort de Ézéchiel 40:22,26,31,37,49. On ne voit d'ailleurs nulle part non plus que les lévites chantassent sur les degrés du temple.

— D'autres pensent qu'on chantait ces cantiques sur la tribune de laquelle les lévites faisaient quelquefois la lecture de la loi, Néhémie 9:4; mais ce n'est qu'une conjecture, et rien ne lui donne un air de vraisemblance.

— Quelques rabbins, et quelques commentateurs traduisent mahaloth par cantiques d'élévation, soit qu'on les chantât sur un ton élevé, soit qu'à chaque psaume on élevât la voix d'un ton.

— Calmet enfin et beaucoup d'autres avec lui, traduisent cantiques de la montée, ou du retour de la captivité de Babylone: on voit en effet par plusieurs passages, Esdras 1:3,5; 2:1; 7:6-7; Néhémie 7:5-6; Jérémie 27:22; Ézéchiel 39:2; Psaumes 122:4, que pour exprimer l'idée du retour de Babylone, on se servait souvent de l'expression monter, et comme ces quinze psaumes ont presque tous un rapport direct avec ce grand événement de l'histoire juive, il est bien possible que ce soit à cette opinion que l'on doive s'arrêter. Heidegger la spiritualise en l'appliquant à l'Église chrétienne qui s'élève au-dessus de toutes les autres; il dit que ces psaumes sont ainsi nommés à cause de l'excellence de l'Église.

Le Hazkir (pour réduire en mémoire), Psaumes 38, et 70. Ce titre peut avoir plusieurs sens, cantique destiné à être appris par cœur, cantique destiné à rappeler certain événement ou certaine époque de la vie, etc.

Thephiloth (requête), Psaumes 17, 86, 90, et 102.

Thodah (confession ou action de grâces), Psaumes 100.

Thehillah (louange), Psaumes 145.

Halléluiah (louez l'Éternel), Psaumes 106, 111, 112, 113, 135, etc.

Yedidoth (cantique nuptial), Psaumes 45. D'autres psaumes enfin ont des inscriptions plus développées, disant les circonstances dans lesquelles ils ont été composés. On a discuté longuement sur la date, la valeur et l'autorité de ces inscriptions. Augustin, Hilaire, Théodoret estiment, que non seulement chaque titre correspond exactement au sujet du psaume, qu'il en est en quelque sorte la clef, mais encore que ces titres sont inspirés comme Je reste du psaume, quoiqu'ils aient été ajoutés peut-être après coup par les auteurs inspirés de la collection, notamment par Esdras; les Juifs, les Septante, la Vulgate et nombre d'autres traducteurs ou commentateurs de la Parole divine, ont parlé à peu près de la même manière. Origène parle autrement; il ne conteste pas l'utilité de ces titres en général, mais il estime qu'il y a eu diverses transpositions, «que chaque pièce de ce grand appartement a une clef à sa porte, mais que cette clef n'est pas celle qui convient, et qu'il faut souvent la chercher ailleurs. Calmet, cherchant un juste milieu entre les opinions contraires des Pères, dit qu'il faut parler des titres des psaumes avec beaucoup de respect, quoiqu'on ne puisse pas les regarder tous comme canoniques. Mais en parlant ainsi, il parle des Septante et de la Vulgate qui ont souvent ajouté quelques mots, quelques explications aux paroles du texte hébreu, et sa réserve ne saurait porter sur les titres de l'original, tels que nous les avons conservés dans nos versions. Nous pouvons donc nous borner dans cette discussion, à reconnaître comme authentiques et inspirés les titres hébreux, laissant le champ libre sur l'exactitude des additions et changements ajoutés par voie de commentaires dans les versions grecque et latine.

Mentionnons encore, comme se distinguant par un caractère extérieur, les psaumes acrostiches dont chaque pause, verset ou demi-verset commence par une des lettres de l'alphabet, rangées selon l'ordre alphabétique; ce sont les Psaumes 25, 34, 37, 111, 112, 119 et 145. Sur cet arrangement, qui se reproduit ailleurs encore,

Voir: ce que nous avons dit à l'article Jérémie (Lamentations).

Les psaumes sont des poésies, mais dont la forme est perdue pour nous,

Voir: à l'article Poésie.

On y reconnaît d'une manière générale des vers, quelquefois des strophes, un certain parallélisme de pensées et même d'intonations, mais il faut renoncer à y trouver des pieds et ce qu'on appelle même la quantité dans les syllabes. Les découvertes que l'on a cru faire sous ce rapport, n'ont pas résisté à un examen plus approfondi, et si l'on se rappelle que la véritable prononciation hébraïque est encore un problème, on comprendra que la versification, le rythme, la prosodie des Hébreux, le soit également.

L'authenticité et la canonicité du livre des Psaumes ont toujours été reconnues par les Juifs et par les chrétiens; quelques sectes, les nicolaïtes, les gnostiques, les manichéens, parfois des anabaptistes, ont seuls contesté que David ait été prophète, et que les psaumes soient l'ouvrage du saint Esprit. L'une des raisons que l'on a fait valoir avec une apparence de solidité contre l'inspiration de quelques psaumes, ce sont les imprécations du prophète contre ses ennemis et contre les méchants. Les Pères expliquent ordinairement ces passages comme ne contenant que de simples prédictions des maux que Dieu réserve à ceux qui font le mal; Chrysostôme dit que le prophète n'exprime pas ses propres sentiments, mais ceux des autres; Athanase spiritualise ces ennemis et pense qu'il ne s'agit pas des hommes, mais des démons. Cette opinion n'est pas un expédient, mais une vérité peut-être trop spiritualisée; il est probable que David pensait aux hommes visibles et non à des ennemis invisibles, mais pour le roi théocratique, les ennemis de la théocratie étaient les ennemis de Dieu, les agents et les représentants du malin, et celui qui, vivant, pardonnait comme individu à Simhi, prophète, sur son lit de mort, ne lui pardonnait plus. Au point de vue de la théocratie, et il importe que l'on s'y place, les paroles du prophète ont, non pas une signification, mais une portée toute différente de celle qu'elles auraient dans le langage ordinaire; elles partent de la glorification de Dieu, et lui subordonnent tout; l'établissement du règne de Dieu a une bien autre importance que la vie ou la mort de ses ennemis, et d'ailleurs, ce n'est pas de leur mort qu'il s'agit, mais de leur cessation, de leur destruction, sous quelque forme qu'elle se présente; ce peut être la mort, ce peut être la conversion, ce doit être une fin d'opposition et d'antagonisme. Nous n'oublions pas que l'Église romaine, qui confond habituellement sa cause avec la plus grande gloire de Dieu, a pris l'habitude aussi, depuis qu'elle s'est manifestée, de vomir la mort contre ses ennemis et qu'elle conclut facilement de l'usage à l'abus, en matière d'autorité. Mais Dieu et l'Église romaine sont deux choses distinctes, et les droits de l'un ne font pas les privilèges de l'autre. Nous ne pouvons confondre l'Église avec son chef sous aucun rapport, et celui-ci peut, seul mettre toutes choses sous ses pieds. L'Église chrétienne même ne saurait adopter à son usage une pareille doctrine, et elle l'a répudiée depuis qu'elle a répudié le moyen âge, Rome et ses traditions. Il suffirait, d'ailleurs, de voir l'usage que le papisme a fait de la formule ad majorem Dei gloriam, pour être bien persuadé que l'Église de Rome n'a rien à démêler avec le sainte indignation du psalmiste contre ses ennemis.

On trouve des difficultés de plus d'un genre dans l'étude des psaumes, mais ce n'est pas à ces difficultés qu'il faut attribuer, comme le fait Calmet, le grand nombre de commentaires qui ont paru sur ce livre. S'il a mérité de fixer l'attention des théologiens de tous les temps, c'est, non point à cause de ce qu'on n'en comprend pas, mais à cause de ce qu'on en comprend. Ce livre est unique, seul de son espèce dans la Parole de Dieu. Tous les autres nous représentent Dieu parlant à l'homme, celui-ci nous montre l'homme parlant à Dieu. Les psaumes sont en quelque sorte la réponse de l'homme aux révélations divines, à la loi, à la grâce, à la sainteté, à l'amour, à la justice, et à la vérité de Dieu. Et chaque homme peut trouver dans chaque psaume l'expression de ses sentiments chrétiens, de ses désirs, de ses actions de grâces. De là vient cette vénération, cet amour universel, presque exclusif chez quelques-uns, que l'on rencontre pour cette portion de l'Ancien Testament; et plus le fidèle croît dans la grâce et dans l'expérience, plus il ajoute de prix à la méditation de ces pensées de Dieu, devenues les pensées de l'homme régénéré.

Parmi les deux mille commentaires, et plus, qui ont été faits sur les Psaumes, nous n'indiquerons que ceux d'Ambroise, d'Athanase, de Basile, entre les Pères, celui de Luther, et ceux de Bucer. Bullinger, Calvin, Étienne et Zwingle, entre les réformateurs. Les commentaires modernes les plus estimés sont, en anglais, Henry et Scott, en allemand, Stier et surtout Hengstenberg. M. A, de Mestral annonce une traduction française de cet important travail.

On a essayé, à diverses reprises, de mettre les Psaumes en vers français. Le psautier, tel qu'on le chante maintenant dans nos églises, a paru, pour la première fois, en 1562, avec privilège du roi, «traduit selon la vérité hébraïque, et mis en rime française et bonne musique, comme il a esté veu et cognu par gens doctes en les S. Escriptures et ès dites langues, et aussi en l'art de musique.» Les cinquante premiers ont été traduits par Marot, les cent autres par Théodore de Bèze (Crottet, Chronique prot., p. 130). Le dernier essai qui a été fait en ce genre, est la traduction de M. Malan, publiée sous le titre de Chants d'Israël. La réputation des Chants de Sion, du même auteur, a jeté de l'ombre sur son dernier recueil.

— On peut recommander aussi les traductions en prose de Vivien, et de Perret-Gentil.


PTOLÉMAÏS,


Voir: Hacco.


PUBLIUS,


gouverneur de Malte, lorsque saint Paul fut jeté sur les côtes de l'île par un naufrage, Actes 28:7-8. II ne demeurait pas loin du lieu où le navire avait échoué, et il fut des premiers à pourvoir aux besoins de Paul et des siens, qui trouvèrent dans sa maison, pendant les trois premiers jours, une hospitalité que Publius continua sans doute jusqu'à la fin à l'apôtre qui avait guéri son père d'une maladie, dangereuse.

— Saint Luc donne au gouverneur de Malte le titre de premier ou de principal, que l'on a retrouvé dans une inscription antique, comme désignant la charge du magistrat exerçant dans cette île l'autorité suprême.


PUDENS,


2 Timothée 4:21; Inconnu.

Voir: Claudia.


PUHA,


Exode 1:15,

Voir: Siphra.


PUITS,


Voir: Citernes, et Maisons.

Ils servaient souvent de retraites ou de magasins, et cet usage s'est conservé chez plusieurs peuples et peuplades de l'Orient. «Les habitants du Caucase qui, pour la plupart, sont à demi nomades et souvent exposés aux incursions de leurs voisins, ont toujours, auprès de leurs maisons, des souterrains dans lesquels ils cachent leurs provisions et leurs effets. Ces magasins, de la forme d'un puits étroit, sont fermés avec une planche, ou une large pierre recouverte soigneusement de terre, et sont toujours placés dans des endroits où le gazon manque, de peur que la couleur de l'herbe ne trahisse le dépôt. Malgré ces précautions, les soldats russes les découvrent souvent; ils frappent la terre avec la baguette de leurs fusils, dans les sentiers battus qui sont près des habitations, et le son leur indique les cavités qu'ils recherchent. Ivan en découvrit une sous un hangar attenant à la maison, dans laquelle il trouva des pots de terre, quelques épis de maïs, un morceau de sel gemme et plusieurs ustensiles de ménage.» Xavier De Maistre, les Prisonniers du Caucase.


PUL, ou Phul,


  1. 2 Rois 15:19, le premier roi d'Assyrie dont il soit parlé dans la Bible. Il envahit Israël sous le règne de Ménahem, peut-être pour venger les revers que l'Assyrie avait éprouvés sous Jéroboam II; mais un tribut de 1,000 talents, que Ménahem perçut sur les plus riches de son royaume, apaisa le roi conquérant, qui l'affermit sur le trône qu'il venait d'usurper par la violence et le meurtre. Pul devait voir avec joie le renversement de la 5e dynastie, qui l'avait vaincu, et il croyait laver sa honte en appuyant l'avènement d'une dynastie nouvelle. Il ne laissa pas cependant que d'emmener en captivité les habitants des tribus transjourdaines, 1 Chroniques 5:26. On pense que Pul est l'Anacindaraxès ou Anabaxarès des historiens profanes, le père de Sardanapale, appelé, selon la coutume des Orientaux, Sardan-Pul, c'est-à-dire Sardan, fils de Pul (Calmet, Bossuet); cette opinion est peu probable. On ajoute que Pul est ce roi de Ninive qui fit pénitence avec tout son peuple à la prédication de Jonas, et si l'on se rappelle que Jonas était contemporain de Jéroboam II, on peut croire que, dans sa jeunesse, Pul a entendu la voix du prophète. D'autres croient que Pul est Sardanapale lui-même; d'autres enfin qu'il fut son fils et successeur, Sardanapale II. Le nom de Sardanapale, en caldéen, signifie encore: donné de Dieu.
     

  2. Pul, Ésaïe 66:19, peuplade nommée à côté de Lud, au milieu d'autres contrées éloignées d'Israël. Bochart pense à la petite île de Philœ située sur le Nil, entre l'Égypte et l'Éthiopie, au sud d'Éléphantine, et commune aux habitants de ces deux pays, Strab. 17, 818. Diod. de Sicile, 1, 22. Pline 5, 10. La position de cette île frontière cadrerait assez bien avec le contexte.


PUNITIONS,


Voir: Peines, et Châtiments.


PURAH,


Juges 7:10-11, serviteur de Gédéon, choisi de Dieu pour accompagner son maître jusqu'aux avant-postes des Madianites, et partager ses dangers.


PURETÉ, Purifications.


La malpropreté du corps est plus commune et plus dangereuse dans les pays chauds de l'Orient, que dans nos climats froids ou tempérés, plus ordinaire parce qu'elle résulte de la transpiration, plus dangereuse parce qu'elle engendre facilement ces maladies de la peau dont la lèpre est le dernier terme. De là ces nombreux usages et observances des Orientaux, ces préceptes de leurs lois, cette sanction que leurs religions donnent aux habitudes de propreté pour leur imprimer un caractère d'impérieuse nécessité.

— Comme tous les peuples de l'Orient, comme les Égyptiens en particulier (Hérodote 2, 37), les Israélites ont eu des lois de propreté qui étaient tout ensemble pour eux, des lois sanitaires et des lois morales; Mahomet les leur a presque toutes empruntées. Les ablutions et le bain étaient naturellement au premier rang de ces mesures; on se baignait notamment lorsqu'on se disposait à visiter un supérieur, Ruth 3:3; Judith 10:3. On fut particulièrement exact à observer toutes ces formalités dans la période qui suivit l'exil, et les pharisiens s'étaient fait, à cet égard, une réputation de minutie qui touchait au ridicule pour les petites choses, et qui était bien loin d'être méritée pour les plus importantes, Matthieu 15:2; Marc 7:3; Luc 11:38.

La propreté du corps étant le symbole, bien souvent méconnu, de la pureté intérieure, il en résultait pour le culte, d'abord que personne ne pouvait se présenter dans le temple ou dans une synagogue, ni remplir un acte de culte quelconque, prière ou sacrifice, sans s'être auparavant lavé, ou même baigné, suivant l'importance de ce qu'il allait faire, 1 Samuel 16:5; cf. Josué 3:5; 2 Chroniques 30:17; Exode 19:10. Il en résultait ensuite que cette pureté extérieure était plus rigoureusement exigée à mesure qu'on avait le droit d'approcher de plus près de l'Éternel, et que les prêtres, à leur entrée en fonctions, ou lorsqu'ils étaient sur le point de vaquer à certains offices, devaient se purifier avec soin, Exode 29:4; Lévitique 8:6; des cuves spéciales, destinées à ces lustrations, étaient placées dans les parvis du temple,

Voir: Prêtres.

Les idées de pureté et de souillure portaient sur les animaux et sur les choses, aussi bien que sur les personnes. Certains animaux étaient déclarés impurs par la loi, et il était défendu d'en manger. Les habits, les maisons, les lits, et quelques ustensiles de ménage, étaient susceptibles de certaines impuretés, et il était défendu de s'en servir aussi longtemps qu'ils n'avaient pas été purifiés; on appelait encore impures, d'une manière générale, toutes les choses dont les Israélites ne pouvaient user ou s'approcher sans être souillés. Les motifs qui avaient dicté au législateur ces interdictions étaient, la plupart, fondés sur la nature même des choses; ils étaient à la fois hygiéniques, politiques, symboliques et religieux, et ne tenaient, ni les uns ni les autres, exclusivement de l'un de ces caractères pris à part. Prévenir certaines maladies, isoler le peuple des peuples voisins, lui rappeler la pureté du cœur, et le maintenir dans la dépendance de l'Éternel, tel était le but de la loi de Moïse, et chacune de ses prescriptions sur la pureté légale et sur les purifications, tendait au même résultat. On peut dire que les défenses sur le toucher ou sur le manger étaient toutes fondées, sans aucun caractère arbitraire, sur des impuretés réelles, sur une insalubrité constatée, et sur un dégoût naturel à l'homme pour les objets dont il avait à s'abstenir; ainsi les cadavres des animaux ou des hommes, Nombres 19:11, les maisons et les vêtements atteints de la lèpre, les lépreux, les hommes et les femmes souillés de diverses infirmités, dont plusieurs étaient une suite du péché, Lévitique 11-15, Nombres 19, les femmes nouvellement accouchées, etc. À l'exception des animaux dont la chair était impure, mais que l'on pouvait cependant toucher sans en être souillé, le contact avec les personnes ou objets qui viennent d'être énumérés, suffisait pour procurer une souillure plus ou moins longue; dans plusieurs cas, celui qui était devenu impur communiquait son impureté à ceux qui l'approchaient et à ce qu'il touchait; dans d'autres, sa souillure demeurait individuelle, et n'était pas contagieuse. On peut voir, aux articles spéciaux, quelques détails sur les principales causes d'impureté légale; nous rappellerons seulement encore la souillure que la loi imposait, en les obligeant de la contracter, à ceux qui sacrifiaient la vache rousse, et qui en répandaient les cendres, Nombres 19, et à ceux qui devaient conduire au désert le bouc Hazazel, et brûler au feu la chair des deux victimes pour le péché, dans le jour des expiations, Lévitique 16:26,28. Cette dernière souillure était la moindre de toutes, et il suffisait de se baigner et de laver ses vêtements pour en être immédiatement purifié.

Dans la plupart des cas, les souillures contractées duraient, les moindres un jour, c'est-à-dire jusqu'au soir, les autres sept jours, ou une semaine; les habits devaient être lavés aussitôt, et un bain pris au troisième jour rendait au septième la pureté légale à celui qui l'avait perdue. Lorsque les souillures tenant à des causes naturelles, étaient à la fois plus graves et plus longues, des sacrifices de purification devenaient nécessaires. Deux tourtereaux sont mentionnés Lévitique 15. Une mère, trente-trois jours après la naissance d'un fils, soixante-six après celle d'une fille, devait présenter au sacrificateur un agneau d'un an en holocauste, et un pigeonneau ou une tourterelle, Lévitique 12:6,8; si elle était trop pauvre, deux pigeonneaux, l'un pour l'holocauste, l'autre en offrande pour le péché, pouvaient suffire. Quant aux offrandes du lépreux nettoyé,

Voir: Lévitique 14.

Sa purification devait se faire en deux fois: la première il apportait deux passereaux, dont l'un était égorgé au-dessus d'un vaisseau de terre plein d'eau vive, dont l'autre, trempé dans le sang du passereau mis à mort, avec un bouquet de cèdre, d'hysope, et de laine écarlate, servait à faire aspersion par sept fois sur le lépreux, puis était rendu à la liberté, comme s'il devait emporter la souillure; le lépreux se lavait alors, rasait tout son poil, était déclaré net, rentrait dans la ville, mais ne pouvait pas encore habiter sa maison. La seconde fois, au septième jour, il se lavait et se rasait de nouveau; puis au huitième, après avoir offert deux agneaux et une brebis d'un an sans tare, avec de l'huile et trois dixièmes de fine farine, il se présentait devant le sacrificateur, qui le touchait avec du sang en trois endroits et répandait de l'huile sur sa tête, faisant propitiation pour lui devant l'Éternel. Un holocauste était offert, et le lépreux purifié recouvrait toute la pureté légale.

Celui qui était dans un état d'impureté légale était exclu du culte, des repas eucharistiques, et de la libre communication avec les autres Hébreux. Son état ne constituait pas un délit, pourvu qu'il fît ce qui dépendait de lui pour le faire cesser, mais s'il restait volontairement impur, s'il cachait son état, ou s'il en bravait les conséquences, il devenait d'autant plus criminel que la loi, plus facile à violer, exigeait davantage le concours de la conscience pour conserver son action. L'Hébreu, et l'Hébreu fidèle, étant seul pur devant la loi, tout autre étant nécessairement impur, les Israélites étaient isolés au milieu des autres peuples, et considéraient leur pureté comme une décoration extérieure, comme un privilège, comme un titre de gloire, auquel ils s'attachaient d'autant plus qu'il était comme le signe de la faveur divine.

— C'en était le signe en effet; le pharisaïsme a voulu en faire la réalité, et la lettre a tué l'esprit.


PURIM ou Pur,


mot persan plutôt qu'hébreu, et qui signifie le sort ou les sorts. Haman voulant faire périr la nation juive, mais n'ayant pas la résolution qui parfois mène à bien les projets les plus criminels, s'en remit au sort pour fixer l'époque de cette horrible exécution, Esther 3:7. Il ignorait que l'homme met la main au giron, mais que ce qui en sort est de par l'Éternel, Proverbes 16:33. Le sort jeté au premier mois décida, puisque Dieu l'avait ainsi décidé, que l'entreprise tentée contre les Juifs ne serait pas exécutée avant le douzième mois, celui d'adar. Ce long délai permit aux Juifs de détourner le coup qui les menaçait, et à Ester d'effacer dans l'esprit d'Assuérus les mauvaises impressions qu'on lui avait données contre Israël. Haman tomba victime de sa cruelle et trop confiante vanité. Les Juifs, heureux et reconnaissants de cette délivrance toute miraculeuse, instituèrent la fête des sorts ou de Purim pour en conserver le souvenir. On la célèbre le 14 adar, Esther 9:21, et par deux fois si l'année complémentaire compte les deux mois d'adar et de beadar, mais alors la seconde fêle n'est qu'un souvenir de la première, et porte le nom de petit Purim par opposition au grand Purim qui est la fête véritable. La veille on observe un jeune rigoureux, si c'est un jour où l'on puisse jeûner; si c'est un sabbat ou une veille de sabbat, on anticipe le jeune; on observe pendant vingt-quatre heures l'abstinence la plus complète, et les enfants y sont astreints déjà depuis l'âge de treize ans: on fait des aumônes abondantes pour que les pauvres puissent participer à la joie générale, et le jour de la fête on leur fait part des biens dont Dieu a couvert les tables de ceux qui vivent dans l'aisance. Le soir du 13, la veille encore, on se réunit dans les synagogues, et à la lueur des lampes, au moment où les étoiles commencent à se montrer, on fait la lecture du livre d'Ester sans en rien omettre; ce livre ou rouleau de vélin, est appelé le livre par excellence. Le lendemain matin, jour de la fête, on retourne à la synagogue, où après avoir lu la déroute d'Hamalec dans l'Exode, on recommence la lecture de l'histoire d'Ester; puis chacun retourne dans sa maison, et le jour se passe dans le jeu et dans toutes sortes de réjouissances; la dissolution va jusqu'aux déguisements les plus sévèrement défendus, Deutéronome 22:5, et les rabbins enseignent qu'il est permis de boire du vin jusqu'à ne plus pouvoir distinguer entre maudit soit Haman, et maudit soit Mardochée. Véritables bacchanales! Les Juifs ajoutaient à la fête l'érection d'une croix ou gibet; on y suspendait un homme de paille que l'on nommait Haman, et que l'on finissait par brûler. Cette portion de la fête qui parut plus tard une insulte faite aux chrétiens, fut supprimée en 408 par ordre de Théodose II, et quelques Juifs ayant non seulement bravé cette défense, mais attaché au gibet un jeune chrétien qu'ils fouettèrent jusqu'à la mort, furent punis du dernier supplice.

— La fête qui se célébrait le 14 à Suse, et dans les villes murées, se célébrait le 15 dans les bourgs et les villes non murées, Esther 9:18-21,24,26. Elle est appelée le jour de Mardochée, 2 Maccabées 15:37; et plusieurs commentateurs pensent que la fête des Juifs mentionnée Jean 5:1, n'est autre que celle des sorts ou de Purim, Lücke, Olshausen, Tholuck.


PUT ou Phut,


peuple camite que Moïse place, Genèse 10:6, entre Mitsraïm et Cus, et qui est nommé encore ailleurs avec Cus, Ludim, et Lubim, Jérémie 46:9; Ézéchiel 27:10; 30:5; 38:5; Nahum 3:9. Flavius Josèphe (Antiquités Judaïques 1, 6, 2) pense qu'ils habitaient la Mauritanie (le Maroc), et il cite un fleuve de cette contrée qui portait le même nom; Pline appelle ce fleuve Fut, et Ptolémée Phtuth; il se jetait dans l'Atlantique. Selon l'interprète alexandrin et la Vulgate, Put désignerait les Lybiens (Dahler, Hævernick). On ne peut rien fixer de précis, mais on peut croire d'une manière générale que Put avait peuplé le nord, le nord-est, et le centre de l'Afrique, et que ses descendants sont nègres. Les habitants de Put servaient comme soldats dans la marine tyrienne, et dans l'armée d'Égypte; ils sont même indiqués comme faisant partie de l'armée de Gog. On sait que les Mauritaniens étaient aussi de bons soldats, et qu'ils servaient dans les troupes de Carthage, Tite-Live 21, 22.


PYTHON, Pythonisse.


Apollon, le dieu de la divination, avait reçu des Grecs le nom de Python, en souvenir du fameux serpent qu'il avait tué; ce nom ou surnom fut appliqué plus tard à ceux en qui l'on croyait reconnaître des dons divinatoires, et qui avaient été nommés d'abord ventriloques parce qu'on estimait qu'un démon renfermé dans leur corps parlait par leur bouche, puis eurycléites du nom d'Euryclès, en qui le premier l'on avait remarqué ce phénomène. Le Nouveau Testament nous parle d'une femme qui avait l'esprit de Python et qui rapportait un grand profit à ses maîtres, Actes 16:46-18. Dans l'Ancien Testament nos versions ont traduit l'hébreu oboth par python, esprit de python, pythonisse, qui ne correspond pas exactement au sens de l'original, Lévitique 19:31; 20:6; Deutéronome 18:11. Les esprits de python annonçaient les choses futures, les oboth étaient les âmes des morts revenant à la surface de la terre; on appelait maîtres et maîtresses des oboth ceux qui avaient la puissance de les faire revenir, et il est remarquable que des femmes seules soient mentionnées comme exerçant ce métier. La loi de Moïse interdisait sous peine de mort de les consulter, mais comme on en trouvait en Égypte, Ésaïe 19:3, on en trouva toujours aussi dans le royaume d'Israël, surtout aux époques où des rois idolâtres occupèrent le trône de David, 1 Samuel 28:3; sq. 2 Rois 21:6; 2 Chroniques 33:6; Ésaïe 8:19; 29:4. Saül qui avait chassé ou exterminé toutes les espèces de sorciers, et qui s'était rendu redoutable à ces industriels par la guerre qu'il leur avait faite, passa par une transition naturelle de l'intolérance à la superstition, et se rendit auprès d'une femme célèbre dans l'art de conjurer et d'évoquer les morts. Samuel apparut et prédit à Saül sa mort prochaine et la défaite d'Israël. C'est une controverse déjà bien ancienne que celle qui a été soulevé par ce récit, et nous ne pouvons pas y entrer. Samuel est-il réellement apparu, ou n'a-ce été qu'une tromperie de la magicienne, une illusion de Saül? Si Samuel est apparu, a-ce été en suite de l'évocation de la femme, par la puissance du démon, ou par la puissance et la volonté de Dieu? Le démon a-t-il de la puissance sur l'âme des morts, et notamment sur l'âme de ceux qui sont morts au Seigneur? A-t-il eu cette puissance au moins jusqu'aux jours où notre Seigneur étant descendu aux enfers a vaincu l'esprit malin? Et si Satan a cette puissance, peut-il la mettre au service de créatures humaines, de conjureurs et de conjureuses? Autant de questions, autant de doutes. Il parait cependant par le récit biblique que l'ombre de Samuel est réellement apparue, et qu'elle a fait entendre les paroles prophétiques qui renversèrent Saül. Mais quant à la force qui a fait sortir du tombeau l'âme du prophète, nous repoussons d'abord la pensée que ce puisse être une force infernale, puis celle que les conjurations de la femme aient été de nature à produire cet étrange phénomène, et nous pensons que pour punir Saül de son impie curiosité, Dieu a permis, à l'occasion des paroles de la magicienne, que l'esprit du vieux prophète, troublé dans la paix du sépulcre, retrouvât quelque forme et quelques accents pour déclarer encore une fois la déchéance de celui qu'il avait sacré roi quarante ans auparavant.

— Tous les peuples de l'antiquité étaient d'accord à attribuer une voix extrêmement faible à ces esprits revenant sur la terre, et cela est naturel; la voix tient du corps: on peut citer la vocem exiguam de Virgile, Æneid. 6, 493, cf. 3, 39. Iliad. 23, 101.

Voir: aussi Ésaïe 8:19; 29:4.

La ventriloquie venait pour cela merveilleusement en aide aux imposteurs, qui, par un murmure à peine sensible, savaient faire parler les morts qu'ils prétendaient faire apparaître dans l'ombre, et visibles seulement pour une imagination déjà frappée.


PYTHONISSE.


Le jugement de M. Haldane sur l'évocation de l'ombre de Samuel, ne diffère de l'opinion que nous avons exprimée que par quelque chose de plus absolu pour la forme et pour le fond. Il n'est point à supposer, dit-il, que cette femme eût le pouvoir d'évoquer Samuel, que Saül désirait de consulter; et cela ne paraît en aucune manière par la narration. Mais avant que la sorcière eût préparé ses enchantements dans la vue d'adoucir et de flatter Saül, le prophète Samuel, à qui Dieu en avait donné la commission, apparut, ce qui la frappa également de surprise et de terreur, et il dénonça son jugement de mort à Saül. Nous sommes certains que, dans cette circonstance, Samuel fut envoyé par Dieu-même, parce que le message dont il était chargé regardait un événement à venir. Il n'appartient qu'à Dieu seul de prévoir ce qui doit arriver. Ésaïe 41:22-23; 45:21.