Page 83 - LES DEUX BABYLONES
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          venait donc cette observation? Les 40 jours de jeûne du carême étaient directement empruntés aux adorateurs
          de la déesse Babylonienne. Le jeûne de 40 jours au printemps de l'année est encore observé par les Yezidis
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          ou adorateurs païens du diable dans le Kourdistan , qui l'ont emprunté à leurs anciens maîtres les Babyloniens.
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          Les païens du Mexique célébraient la même coutume. Humboldt, en effet , nous donne les détails suivants
          sur les usages des Mexicains: "Trois jours après l'équinoxe du printemps commençait un jeûne solennel de
          40  jours en l'honneur du soleil." – Il en était de même en Égypte comme on peut le voir en consultant
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          Wilkinson .  – Ce jeûne égyptien de 40 jours, nous dit Landseer dans ses recherches Sabéennes, était
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          expressément pratiqué en souvenir d'Adonis ou Osiris, le grand dieu médiateur . Le rapt de Proserpine paraît
          avoir été célébré de la même manière, car Julius Firmicus nous apprend que pendant 40 jours on se lamentait
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          sur Proserpine , et Arnobe nous dit que le jeûne observé par les païens, et appelé Castus, ou la fête sacrée,
          passait chez les chrétiens de son temps, pour avoir été à l'origine une imitation du long jeûne de Gérés, alors
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          que pendant bien des jours elle refusa toute nourriture, à cause de sa profonde douleur (violentia moeroris) ,
          c'est-à-dire à cause de la perte de sa fille Proserpine, qui lui fut enlevée par pluton, dieu de l'enfer. Comme
          les histoires de Bacchus, d'Adonis et de Proserpine, distinctes à l'origine, se confondirent plus tard, de telle
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          sorte que Bacchus fut appelé Liber et sa femme Ariadne, Libéra , nom qui était l'un de ceux de Proserpine ,
          il est fort probable que les 40 jours de jeûne du carême eurent plus tard rapport à toutes les deux. Chez les
          païens, ce jeûne paraît avoir été le préliminaire indispensable de la grande fête annuelle célébrée en souvenir
          de la mort et de la résurrection de Tammuz, par des larmes, puis par des réjouissances. – Dans bien des pays
          cette mort était célébrée beaucoup plus tard que la fête chrétienne; en Palestine et en Assyrie, c'était au mois
          de  juin, aussi disait-on de ce mois: c'est le mois de Tammuz; en Égypte, vers le milieu de mai, et en
          Angleterre, dans le mois d'avril. Afin de gagner les païens à un christianisme nominal, Rome poursuivant sa
          tactique habituelle, s'arrangea pour fondre ensemble les fêtes païennes et les fêtes chrétiennes, et par un
          ajustement  compliqué mais habile de son calendrier, elle n'eut pas de peine en général à faire que  le
          christianisme et le paganisme ne se donnassent la main sur cette question comme sur beaucoup d'autres. Celui
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          qui servit à faire cet amalgame fut Denys-le-Petit  auquel nous devons aussi, comme l'ont démontré des
          chronologistes  modernes, d'avoir reculé de quatre années au-delà de sa véritable date, la date de l'ère
          chrétienne,  ou de la naissance du Christ lui-même. Le fit-il par ignorance ou volontairement? On peut le
          discuter, mais il est hors de doute que la naissance du Seigneur Jésus fut placée quelques années plus tard
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          qu'elle n'a eu réellement lieu . Ce changement dans le calendrier à propos de Pâques eut les plus désastreuses
          conséquences.

          Il fit entrer dans l'Église la plus grossière corruption et la superstition la plus vile au sujet de l'abstinence du
          carême. Lisez seulement les atrocités commémorées pendant le jeûne sacré, ou le carême païen tel qu'il est
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          décrit par Arnobe ou Clément d'Alexandrie , et certainement vous rougirez pour le christianisme de ceux qui
          dans la pleine connaissance de ces abominations, "sont allés demander du secours à l'Égypte" pour secouer



                       8      LAYARD, Ninive et Babylone, p. 93.
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                              HUMBOLDT, Recherches Mexicaines, vol. I, p. 404.
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                              WILKINSON, Antiquités Égyptiennes, vol. I, p. 278.
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                              LANDSEER, Recherches Sabéennes, vol. I, p. 112.
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                              De Errore, p. 70.
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                              ARNOBIUS, Adversus Gentes, liv. V, p. 403. Voyez aussi ce qui précède dans le même livre à propos
                              de Proserpine.
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                              OVIDE, Fastes, liv. III, 1. 512, vol. 3, p. 184.
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                              SMITH, Dictionnaire classique, Liber et Libéra, p. 281.
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                              Vers l'an 525, ap. J.-C.
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                              GIESELER, vol. I, p. 51. Gieseler cite comme autorité, à propos de ses déclarations, HUMBERGER, De
                              epochoe Christianoe ortu et auctore (in MARTINI, Thesaur. Dissertat; JANI, Historia Aeroe
                              Dionysianoe, Viteb. 1715 et IDELER, Chronologie). C'est aussi la déclaration faite dans presque toutes
                              les chronologies anglaises.
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                              CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Protrepticos, p. 13.
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