Page 84 - LES DEUX BABYLONES
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          la dévotion languissante de l'Église dégénérée, et n'ont pas trouvé de meilleur moyen pour la réveiller, que
          d'emprunter à une source si dépravée les absurdités et les abominations que les premiers écrivains chrétiens
          avaient livrées au mépris. C'était un mauvais signe que des chrétiens pussent jamais songer à introduire
          l'abstinence païenne du carême, cela prouvait la profondeur de leur dégradation, et c'était aussi la cause d'un
          grand mal; cela menait inévitablement à une dégradation encore plus profonde. À l'origine, même à Rome,
          on ne connaissait pas le carême avec les orgies du carnaval qui le précédaient; et même lorsqu'on crut qu'il
          était nécessaire de jeûner avant la Pâque chrétienne, ce fut insensiblement qu'on se conforma au rite païen.
          On ne voit pas trop combien de temps durait le jeûne dans l'Église Romaine avant le concile de Nicée; mais
          ce qu'on sait d'une manière certaine, c'est que bien longtemps après ce concile, il ne durait pas plus de trois
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          semaines .

          Voici ce que dit Socrate écrivant sur ce sujet, vers 450 après J.-C.: "Ceux qui habitent la grande cité de Rome
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          jeûnent avant Pâques pendant trois semaines excepté le samedi et le jour du Seigneur ." Mais à la fin lorsque
          le culte d'Astarté gagna la prépondérance, on prit des mesures pour faire observer le jeûne Chaldéen de six
          semaines ou 40 jours dans tout l'empire romain d'Occident. La voie fut préparée par un concile tenu à Aurélia
          à l'époque de Hormisdas évêque de Rome, vers l'année 519, qui décréta que le carême serait solennellement
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          observé avant Pâques . Ce fut certainement avec l'intention de faire exécuter ce décret que le calendrier fut
          peu d'années après modifié par Denys. Mais il ne pouvait pas être observé d'un seul coup. Vers la fin du VIe
          siècle, la première tentative décisive fut faite pour faire respecter le nouveau calendrier. Cet essai se fit en
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          Bretagne ;  mais il y rencontra une vigoureuse résistance. La différence, quant à l'époque, de  la Pâque
          chrétienne telle qu'elle était observée en Bretagne par les chrétiens indigènes, et de la Pâque païenne imposée
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          à Rome lorsqu'on l'établit, était d'un mois entier ; et ce ne fut que par violence et effusion de sang qu'on put
          à la fin remplacer par la fête de la déesse anglo-saxonne ou chaldéenne celle qu'on observait en l'honneur de
          Christ. Voilà l'histoire d'Easter. Les coutumes populaires qui caractérisent encore l'époque où on la célèbre
          confirment  amplement le témoignage de l'histoire sur son caractère Babylonien. Les galettes chaudes
          marquées d'une croix le Vendredi Saint, et les oeufs coloriés de Pâques, figuraient dans les rites chaldéens,
          exactement comme aujourd'hui. Les galettes connues aussi par leur même nom de buns étaient en usage dans




                       19     Gieseler, parlant de l'Église d'Orient au Ier siècle, à propos des coutumes pasquales, dit: Dans cette fête
                              (Pâques, en souvenir de la mort de Christ), les chrétiens d'Orient mangent du pain sans levain,
                              probablement comme les Juifs, pendant huit jours. Il n'y a point de trace d'une fête annuelle en souvenir
                              d'une résurrection, célébrée tous les dimanches (Église catholique, sect. 53, p. 178, note 35). Quant à
                              l'Église d'occident à une période plus rapprochée (époque de Constantin) on se livrait pendant 15 jours à
                              des exercices religieux sur la fête de Pâques, bien que la période du jeûne ne soit pas bien indiquée
                              (Origines Ecclés. vol. IX, p. 94): Les solennités de Pâques ont lieu les semaines avant et après le
                              dimanche de Pâques: la semaine de la Passion et celle de la Résurrection. Les anciens parlent de Pâques,
                              de la Passion et de la Résurrection comme d'une solennité de 15 jours. La loi de l'empire ordonnait 15
                              jours de fête, et les commandait à toute l'Église. Scaliger cite une loi de Constantin ordonnant deux
                              semaines de fête pour Pâques, et la suspension de toutes les affaires légales (BINGHAM, IX, p. 95).
                       20     SOCRATE, Hist. ecclés, liv. V, ch. 22, p. 234.
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                              Dr. MEREDITH HANMERS, Chronographie, jointe à sa traduction d'Eusèbe, p. 592. Londres, 1636.
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                              GIESELER, vol. I, p. 54.
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                              CUMNIANUS, cité par l'archevêque USSHER, Sylloge, p. 34. Ceux qui observent Noël et Pâques mais
                              abhorrent l'idolâtrie païenne et papale, peuvent voir la malice de ces explications. Un moment de
                              réflexion suffira pour bannir ce sentiment. Certains faits, utilisés par des écrivains infidèles et sociniens
                              célèbres en Angleterre et sur le continent, détruisent les principes de la foi chez les jeunes et les
                              ignorants. Il faut exposer la vérité dans sa pureté primitive pour qu'elle les fortifie puissamment contre
                              les séductions de la papauté. Si un païen a pu dire: "j'aime Platon, j'aime Socrate, mais j'aime encore
                              mieux la vérité", un chrétien ne montrera pas moins de grandeur d'âme. Ne faut-il pas rechercher toute
                              occasion de purger l'établissement national dans les Indes de ces coutumes répandues hors de la coupe
                              d'or de Babylone! Dans l'Église de Latimer, Cranmer, Ridley, de nobles âmes ont senti le pouvoir du
                              sang de notre Seigneur et éprouvé les consolations de son Esprit. Qu'elles se demandent, devant Dieu et
                              leur conscience, si elles ne devraient pas travailler de tout leur pouvoir à cette oeuvre! Alors l'Église
                              d'Angleterre serait la forteresse de la Réformation! Alors ses fils "parleraient avec ses ennemis à la porte"
                              et elle apparaîtrait "aussi resplendissante que le soleil, aussi brillante que la lune, aussi terrible qu'une
                              armée avec ses bannières". Mais si rien n'est fait, quel désastre pour elle et pour l'empire tout entier!
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