Page 87 - LES DEUX BABYLONES
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semence de l'homme et de l'animal, lorsque le déluge aurait achevé son oeuvre de
dévastation. Mais en allant plus au fond, on trouve que Rimmon ou la grenade se
rapporte à quelque chose d'entièrement différent. Astarté ou Cybèle était aussi appelée
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Idaia Mater , et la montagne sacrée de Phrygie, fameuse par la célébration des
mystères de cette déesse, était appelée mont Ida, c'est-à-dire en Chaldéen, langue
sacrée de ces mystères, le mont de la science. Idaia Mater, signifie donc la mère de la
Science, en d'autres termes, notre mère Ève, qui la première convoita la connaissance
du bien et du mal, et l'acheta si chèrement pour elle-même et pour ses enfants. Astarté,
comme il est bien facile de le prouver, était adorée non seulement comme incarnation
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de l'Esprit de Dieu, mais aussi comme la mère de l'humanité . Aussi quand la mère des
dieux et de la science était représenté avec la grenade à la main (fig. 33) invitant ceux
Fig. 33 – Selon Bryant,
qui gravissaient la montagne sacrée à l'initiation de ses mystères, peut-on douter de la
la figure représente Junon,
signification de ce fruit? Elle se rapporte évidemment à son caractère présumé; il doit la "Colombe et Rhoia".
être le fruit de l'arbre de la connaissance, "le fruit de cet arbre dont le goût mortel Mais selon Pausanias,
amena dans le monde la mort et tous nos malheurs". l'oiseau sur le sceptre de
Junon représentée avec la
grenade, n'est pas la
La connaissance à laquelle on admettait les sectateurs de la déesse du mont Ida était colombe ou la tourterelle,
précisément de la même espèce que celle qu'Ève obtint en mangeant le fruit défendu, mais le coucou. Junon
figure alors non pas une
connaissance pratique de tout ce qui était moralement mal et hideux. Quant à Astarté, Incarnation de l'Esprit de
à cet égard, les hommes étaient accoutumés à regarder leur grande bienfaitrice comme Dieu mais la mère de
obtenant pour eux la connaissance, et les bénédictions en rapport avec cette l'humanité. Mais je ne puis
m'arrêter ici à l'histoire du
connaissance qu'ils auraient en vain attendues de Celui qui est le Père des lumières, et
coucou.
de qui procède tout bien ou tout don parfait. La papauté inspire le même sentiment à
l'égard de la déesse romaine, la reine des cieux, et entraîne ses sectateurs à considérer la faute d'Ève de la
même manière que le faisait le paganisme. Dans le canon de la messe le service le plus solennel du missel
romain, on trouve l'expression suivante, dans l'apostrophe à la faute de nos premiers parents: "O beata culpa,
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quas talem meruisti Redemptorem !" Ô faute bénie, qui nous a procuré un tel Rédempteur. – L'idée contenue
dans ces paroles est entièrement païenne. Voici à quoi elles reviennent: "Grâces soient rendues à Ève, dont
la faute nous a obtenu le glorieux Sauveur." – Il est vrai que l'idée contenue dans ces mots se trouve
identiquement dans les écrits d'Augustin; mais c'est une idée entièrement opposée à l'esprit de l'Évangile, qui
fait le péché d'autant plus coupable qu'il a fallu une telle rançon pour nous délivrer de sa malédiction
épouvantable. Augustin avait bien des sentiments païens qu'il ne dépouilla jamais complètement. Il est étrange
qu'un homme sérieux, éclairé comme Merle d'Aubigné ne voie aucun mal dans ce langage! Comme Rome
entretient les mêmes sentiments que le paganisme, elle a adopté les mêmes symboles selon qu'elle le jugeait
opportun. En Angleterre et dans beaucoup de pays de l'Europe, on ne trouve pas de grenades; et cependant
même en Angleterre, on cherche à entretenir la superstition de la grenade. Au lieu de la grenade, on a l'orange;
c'est ainsi que les papistes d'Irlande unissent à Pâques les oranges et les oeufs: c'est ainsi que dans cette
cérémonie vaine et prétentieuse où l'évêque Gillis d'Edimbourg il y a quelques années, lava les pieds à douze
Irlandais en haillons, il offrit à chacun d'eux une orange et deux oeufs.
Or, cet usage de l'orange comme symbole du fruit "de l'arbre mystérieux de l'épreuve" en Éden, n'est pas, il
faut le remarquer, d'invention nouvelle; il date des temps les plus reculés de l'antiquité classique. Les jardins
des Hespérides de l'Occident étaient exactement, d'après tous ceux qui ont étudié le sujet, la contrepartie du
paradis d'Éden dans l'Orient. La description de ces jardins sacrés situés dans les îles de l'Atlantique, le long
de la côte d'Afrique, montre que leur site légendaire correspond parfaitement au Cap-Vert ou aux Îles
Canaries, ou à d'autres de ce groupe, et que le fruit doré de l'arbre sacré, gardé avec un soin si jaloux, n'était
autre que l'orange.
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DYMOCK, Dictionnaire classique, sub voce.
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Comme preuve sur ce sujet, voir Appendice, note J.
42 MERLE D'AUBIGNÉ, La Réformation, vol. I, p. 179.