Page 86 - LES DEUX BABYLONES
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Le sens caché de cet oeuf mystique d'Astarté, sous l'un de ses aspects (car il avait une double signification)
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se rapportait à l'arche pendant l'époque du déluge, dans laquelle la race humaine était renfermée, comme le
poulet est renfermé dans l'oeuf avant son éclosion. Si on demandait comment l'idée a pu venir à l'esprit
humain d'employer un moyen si extraordinaire pour un pareil dessein, voici ma réponse: l'oeuf sacré du
paganisme, comme je l'ai déjà indiqué (p. 161) était bien connu sous le nom d'oeuf du monde, c'est-à-dire
l'oeuf dans lequel était renfermé le monde entier. Or, le monde a deux sens différents: il signifie ou bien la
terre matérielle, ou les habitants de la terre. Le dernier sens de ce mot se trouve dans la Genèse: "La terre
entière n'avait qu'un même langage et qu'une même parole" (Genèse XI, 1), c'est-à-dire tous les habitants de
la terre. Si donc le monde est renfermé dans un oeuf et flotte sur les eaux, il n'est pas difficile de croire, quelle
que soit l'origine de l'idée d'un oeuf, que l'oeuf flottant (fig. 32) ainsi sur la surface de la mer universelle, soit
simplement la famille de Noé contenant dans son sein le monde entier. – Voici dès lors l'application du mot
oeuf à l'arche: le mot hébreu pour oeuf est Baitz, ou au féminin, (car le mot a les deux genres) Baitza, qui en
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chaldéen et en phénicien devient Baith ou Baitha . Ce mot dans ces deux langues, est aussi employé
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d'ordinaire pour désigner une maison . L'oeuf flottant sur les eaux qui contenait le monde, c'était la maison
flottant sur les eaux du déluge, renfermant dans son sein les éléments du monde nouveau. L'oeuf tombant du
ciel se rapporte évidemment à l'arche préparée par le commandement formel de Noé; et la même chose semble
clairement impliquée dans l'histoire égyptienne de l'oeuf du monde qui, dit-on, était sorti de la bouche du
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grand dieu . Voilà donc une des deux significations de l'oeuf mystique.
Cependant, comme tout ce qui était bon ou utile à l'humanité était
représenté par les mystères chaldéens et provenait à quelques égards de la
déesse Babylonienne, de même la plus grande bénédiction pour la race
humaine que l'arche contenait dans son sein, était Astarté, la grande
civilisatrice, la grande bienfaitrice du monde. Quoique la reine déifiée que
représentait Astarté n'eût d'existence que quelques siècles après le déluge,
cependant, grâce à la doctrine de la métempsycose, fermement établie à
Babylone, il était facile de faire croire à ses partisans que dans une
Fig. 32 précédente incarnation, elle avait vécu dans le monde antédiluvien, et
qu'elle avait traversé le déluge pour y échapper.
Or, l'Église Romaine adopta cet oeuf mystique d'Astarté et le consacra comme un symbole de la résurrection
du Christ. Une formule de prière fut même désignée pour être faite à ce sujet par le pape Paul V, qui faisait
ainsi prier à Pâques ses superstitieux partisans: "Bénis, ô Dieu, nous t'en supplions, cette création qui est la
tienne ces oeufs qui sont l'oeuvre de tes mains afin qu'ils deviennent une nourriture fortifiante pour tes
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serviteurs, qui les mangent en souvenir de notre Seigneur Jésus-Christ ." – Outre l'oeuf mystique, il y avait
aussi un autre emblème d'Easter, la déesse reine de Babylone; c'était la Rimmon ou la grenade. Elle est
fréquemment représentée sur les anciennes médailles avec une grenade à la main, et la maison de Rimmon,
dans laquelle le roi de Damas, le maître de Naaman le Syrien, célébrait son culte, était aussi, selon toute
apparence, le temple d'Astarté, où cette déesse était publiquement adorée avec une grenade. La grenade est
un fruit rempli de graines; aussi a-t-on supposé qu'on l'employait comme l'emblème de ce vaisseau dans lequel
étaient conservés les germes de la création nouvelle, par lesquels le monde devait recevoir une nouvelle
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BRYANT, vol. III, p. 161.
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En chaldéen récent, l'oeuf est appelé Baiaa ou Baietha sous forme emphatique, mais Baith est aussi
formé d'après la règle, par Baitz; absolument comme Kaitz l'été, en chaldéen devient Kaith; et de même
pour beaucoup d'autres mots.
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Le mot Beth, maison, dans la Bible, est Baith sans points, comme dans le nom de Bethel donné dans
Genèse XXXV, I, version des Septante, où il devient Bait-el.
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BUNSEN, vol. I, p. 377.
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Le Gardien écossais, avril 1844.