Page 78 - LES DEUX BABYLONES
P. 78

76

         le comprendre, il faut se rappeler que le divin enfant né au solstice d'hiver était comme
         une nouvelle incarnation du grand dieu (après que ce dieu eut été mis en pièces) afin de
                                         32
         venger sa mort sur ses meurtriers . Or, le grand dieu, brisé au milieu de son pouvoir et
         de sa gloire, était représente sous la forme d'un gros arbre, dépouillé de ses branches, et
                                        33
         coupé presque à hauteur de terre . Mais le grand serpent, symbole d'Esculape qui rend
               34
         la vie , s'enroule autour du tronc sans vie, et voici (fig. 27) qu'à ses côtés surgit un jeune
          arbre, un arbre d'une espèce entièrement différente, qui ne doit jamais être abattu par  Fig. 27 –– D'après MAURICE,
          aucune puissance ennemie, un palmier, symbole bien connu de la victoire.              Antiquités Hindoues,
                                                                                                vol. VI, p. 368-1796.


          L'arbre de Noël, comme on l'a déjà vu, était ordinairement à Rome un arbre différent, c'était le sapin; mais
          le palmier rappelait la même idée que le sapin de Noël; car il symbolisait mystérieusement le dieu né de
                                                      35
          nouveau, Baal-Berith, le Seigneur de l'alliance , et ainsi témoignait de la perpétuité et de la nature de son
          pouvoir, maintenant qu'après avoir succombé sous ses ennemis, il s'était élevé en triomphe au-dessus d'eux.
          Aussi le 25 décembre, jour qu'on observait à Rome comme le jour où le dieu victorieux était réapparu sur la
                                                                                                 36
          terre, était-il considéré comme "natalis invicti solis", le jour de naissance du soleil invaincu . Or, la bûche
          de Yule est le tronc mort de Nemrod, déifié comme dieu-soleil, mais renversé par ses ennemis; l'arbre de Noël
          est Nemrod redivivus, le dieu mis à mort rendu de nouveau à la vie. À la lumière jetée par ce fait sur les
          coutumes qui persistent encore en Angleterre, et dont l'origine s'est perdue au milieu d'une antiquité reculée,
          que  le lecteur considère la singulière pratique encore en usage dans le sud la veille de  Noël, celle de
          s'embrasser sous la branche de gui. La branche de gui, dans la superstition druidique, qui nous l'avons vu,
          venait de Babylone, était une représentation du Messie, l'homme-branche. Le gui passait pour une branche
                37
          divine , une branche qui venait du ciel et poussait sur un arbre qui sortait de la terre. Ainsi en greffant la
          branche céleste sur un arbre terrestre, le ciel et la terre que le péché avait séparés, étaient réunis, et ainsi la
          branche de gui devint le gage de la réconciliation de Dieu avec l'homme; le baiser en effet, est le gage bien
          connu du pardon et de la réconciliation. D'où pouvait venir une pareille idée? Ne serait-ce pas des versets du




                       32
                              Voir p. 107.
                       33     Ail ou II, synonyme de Gheber, le puissant (Exode XV, 15) signifie aussi un arbre qui s'étend au loin, ou
                              un cerf aux cornes en rameaux (voir PARKHURST, sub voce). Aussi, à diverses époques, le grand dieu
                              est-il symbolisé par un arbre élevé, ou par un cerf. Dans la figure 27, la décapitation du puissant est
                              symbolisée par la décapitation d'un arbre. Sur une pièce de monnaie d'Éphèse (SMITH, p. 289), il est
                              symbolisé par un cerf coupé en morceaux, et il y a un palmier représenté comme poussant à côté du cerf,
                              absolument comme ci-contre il pousse à côté du tronc mort. Dans Sanchoniathon, Chronos est
                              expressément appelé Ilos, c'est-à-dire le puissant. Le grand dieu étant décapité, la coupe d'abondance à
                              gauche de l'arbre est vide, mais le palmier répare tout.
                       34
                              Le lecteur se rappellera qu'Esculape est représenté d'ordinaire avec un bâton ou une branche d'arbre à ses
                              côtés, et un serpent enroulé autour de la branche. La figure dans le texte explique évidemment l'origine
                              de cette figure. Pour son caractère de restaurateur de la vie, voyez PAUSANIAS, liv. II, Corinthiaca, ch.
                              26. VIRGILE, Enéide, liv. VII, v. 769-773.
                       35     Baal-bereth, qui diffère seulement par une lettre de Baal-berith, le Seigneur de l'alliance, veut dire le
                              Seigneur du sapin.
                       36     GIESELER, p. 42, note.
                       37     Dans l'histoire Scandinave de Balder (p. 90), le gui est un élément distinct du dieu dont on déplore la
                              perte. Les mythes druidiques et les mythes Scandinaves différent quelquefois mais cependant, même
                              dans l'histoire Scandinave, il est toutefois évident qu'on attribuait à la branche de gui un pouvoir
                              surnaturel: car elle pouvait faire ce que rien d'autre au monde ne pouvait accomplir; elle avait détruit la
                              divinité sur laquelle reposait, d'après les Anglo-Saxons, leur empire du ciel. Or, pour expliquer cette
                              contradiction apparente, il ne faut que comprendre que cette branche qui avait un tel pouvoir, était une
                              expression symbolique du vrai Messie. Le Bacchus des Grecs en vint évidemment à être reconnu comme
                              la semence du serpent; car, dit-on, il fut le fruit de relations de sa mère avec Jupiter, quand ce dieu lui
                              apparut sous la forme d'un serpent. (Voir aussi DYMOCK, Dictionnaire classique, sub voce Deois). – Si
                              le caractère de Balder était le même, voici ce que l'histoire de sa mort signifierait exactement: que la
                              semence du serpent avait été détruite par la semence de la femme. Cette histoire doit certainement être
                              née parmi ses ennemis. Mais les idolâtres firent en sorte d'en prendre ce qu'ils ne pouvaient pas
                              entièrement nier, avec comme intention évidente, celle de l'expliquer.
   73   74   75   76   77   78   79   80   81   82   83