Page 77 - LES DEUX BABYLONES
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          Ce n'était donc pas une fête astronomique que les païens célébraient au solstice d'hiver. Cette fête s'appelait
          à Rome la fête de Saturne et la manière dont on la célébrait montre bien son origine. Organisée par Caligula,
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          elle  durait cinq jours . L'ivrognerie et la débauche se donnaient libre carrière, les esclaves étaient
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          provisoirement émancipés  et avaient avec leurs maîtres toutes sortes de libertés . – C'était précisément de
          cette manière qu'on célébrait à Babylone, suivant Berose, la fête du mois Thebeth, correspondant à notre mois
          de décembre, ou en d'autres termes, la fête de Bacchus: C'était l'usage, dit-il, pendant les cinq jours qu'elle
          durait, que les maîtres fussent soumis à leurs serviteurs, et que l'un d'eux, vêtu comme un roi d'une robe de
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          pourpre, gouvernât la maison . On appelait ce domestique ainsi vêtu, Zoganes , l'homme du plaisir et de la
          dissipation; il correspondait exactement au "dieu du tumulte" qui dans les époques de ténèbres, fut choisi dans
          tous les pays catholiques pour présider aux fêtes de Noël. La coupe des festins de Noël a son contrepied dans
          "le festin de l'ivresse" à Babylone, et plusieurs autres coutumes encore observées à Noël ont la même origine.


          Les bougies à Noël

          Les bougies qu'on allume la veille de Noël dans quelques parties de l'Angleterre et qu'on garde pendant toute
          la durée des fêtes, étaient aussi allumées par les païens la veille de la fête de la naissance du dieu Babylonien
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          et en son honneur; car c'était l'une des particularités de son culte d'avoir des bougies allumées sur ses autels .

          L'arbre de Noël

          L'arbre de Noël, si connu aujourd'hui parmi nous, était aussi connu dans la Rome et dans l'Égypte païennes.



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          En Égypte c'était le palmier, à Rome le sapin ; le palmier dénotait le Messie païen, Baal-Tkmar, le sapin se
          rapportait à lui sous son caractère de Baal-Berith. La mère d'Adonis, le dieu soleil, la divinité médiatrice avait
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          été, disait-on, changée en arbre, et dans cet état elle avait enfanté son fils . Si la mère était un arbre, le fils
          doit avoir été reconnu comme l'homme-branche. Et c'est ce qui explique pourquoi on mettait au feu la bûche
          de Yule la veille de Noël, et pourquoi le lendemain on trouvait l'arbre de Noël. En qualité de Zero-ashta, la
          semence de la femme, qui signifie aussi Ignigena, ou né du feu, il doit entrer dans le feu pendant la nuit de
          la Mère, afin de pouvoir naître le lendemain, comme branche de Dieu, ou l'arbre qui donne aux hommes tous
          les dons célestes. Mais pourquoi, demandera-t-on, entre-t-il dans le feu sous le symbole d'une bûche? Pour



                              d'abord un sens différent, il était évidemment identifié par les prêtres avec le Chaldéen Zéro et
                              confirmait l'idée de la naissance du Soleil-dieu. Le nom en Prâcrit se rapproche encore davantage du
                              nom scripturaire de la semence promise; c'est Suro. On a vu dans un chapitre précédent (p. 118) qu'en
                              Égypte aussi le soleil était représenté comme né d'une déesse.
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                              Le nombre des jours des Saturnales fut plus tard élevé à sept. Voir JUSTE LIPSE, Oeuvres, tome II,
                              Saturnal, liv. I, ch. 4.
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                              Si Saturne, ou Chronos, était comme nous avons vu qu'il y a des raisons de le croire, "Phoronée
                              l'émancipateur" (p. 82), l'émancipation temporaire des esclaves à sa fête était exactement en accord avec
                              son caractère supposé.
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                              ADAM, Antiquités romaines, Religion, Saturne. Voir STAGE, Sylv. liv. I, ch. VI, v. 4, p. 65-66. Voici
                              les paroles de Stace:
                                                  Saturus mihi compede ezelutâ
                                                Et multo gravidus mero December
                                              Et ridens jocus, et sales protervi Adsint.

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                              Dans ATHENEUS, XIV, p. 639, C.
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                              De Tzohkh, se divertir et badiner, et anesh, homme, ou peut-être ânes, terminaison signifiant celui qui
                              fait, de asi, agir sur. Pour les initiés, il avait un autre sens.
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                              CRABB, Mythologie, Saturne, p. 12.
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                              Correspondance du London Times, décembre 1853.
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                              OVIDE, Métamorphoses, liv. X, v. 500-513.
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