Page 74 - LES DEUX BABYLONES
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naissance, les bergers veillaient avec leurs troupeaux pendant la nuit, et cela ne pouvait se faire au milieu de
l'hiver. Et si quelqu'un pense que l'hiver n'est pas rigoureux dans ce pays, qu'il se rappelle les paroles de Christ
dans l'Évangile: "Priez que votre fuite n'arrive pas en hiver." (Matthieu XXIV, 20). Or, si l'hiver était une
mauvaise saison pour fuir, ce n'était assurément pas une saison où les bergers pouvaient demeurer dans les
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champs, où les femmes et les enfants pouvaient voyager .
Les écrivains les plus instruits et les plus sincères de tous les partis 4 reconnaissent que l'on ne peut pas
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déterminer le jour de naissance de notre Seigneur , que dans l'église chrétienne on n'entendit jamais parler
d'une fête pareille avant le IIIe siècle, et qu'elle ne fut guère observée que bien avant dans le IVe siècle.
Comment donc l'Église Romaine a-t-elle fixé au 25 décembre la fête de Noël? En voici la raison: longtemps
avant le IVe siècle, et même bien avant l'ère chrétienne, les païens célébraient une fête à cette même époque
de Tannée, en l'honneur de la naissance du fils de la reine Babylonienne; or on peut présumer que pour se
concilier les païens, et augmenter le nombre de ceux qui adhéraient de nom au christianisme, la même fête
fut adoptée par l'Église Romaine qui se contenta de lui donner le nom de Christ. Cette tendance de la part des
chrétiens à faire des concessions au paganisme se développa de bonne heure; et nous voyons Tertullien lui-
même, vers l'an 230, déplorer amèrement la faiblesse des chrétiens à cet égard, et l'opposer à la stricte fidélité
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des païens à leur propre superstition: "C'est nous, dit-il, nous qui sommes étrangers aux sabbats , aux
nouvelles lunes, et aux fêtes, nous qui étions autrefois agréables à Dieu, c'est nous qui fréquentons maintenant
les Saturnales, les fêtes du solstice d'hiver, les Matronales; on porte ça et là des présents, les cadeaux du
nouvel an se font avec fracas, les jeux, les banquets se célèbrent avec des cris; oh! comme les païens sont plus
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fidèles à leur 140 religion; comme ils prennent soin de n'adopter aucune solennité chrétienne !"
Des hommes vertueux s'efforcèrent d'arrêter le flot, mais en dépit de tous leurs efforts, l'apostasie se
développa, jusqu'à ce que l'Église, à l'exception d'un petit reste, fut engloutie sous la superstition païenne. Il
est hors de doute que Noël était à l'origine une fête païenne. Ce qui le prouve, c'est l'époque de l'année où on
la célèbre et les cérémonies qui l'accompagnent. En Égypte, le fils d'Isis, titre égyptien de la reine des cieux,
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naquit à cette même époque, au moment du solstice d'hiver . Le nom même sous lequel Noël est
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MÈDE, Oeuvres, Discours, XLVIII, 1672. L'argument de Mède repose sur l'hypothèse du bon sens et de
la sagesse qui, on le sait, caractérisaient les lois romaines.
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Archidiacre WORD, dans l'Annotateur chrétien, vol. III, p. 2. LORIMER, Manuel du Presbytère, p.
180. Lorimer cite Sir Peter King, qui dans ses Recherches sur le culte de la primitive église, etc. conclut
que cette fête n'était pas observée dans l'Église, et ajoute: "Il paraît invraisemblable qu'on ait célébré la
naissance de Christ quand on n'était pas d'accord sur le mois et le jour de sa naissance." Voyez aussi
Révérend J. RYLE, dans son Commentaire sur Luc XI, note du v. 8; il admet que l'époque de la
naissance du Christ est incertaine, tout en contestant que les troupeaux aient pu être en plein champ
pendant le mois de décembre, il s'appuie sur la plainte de Jacob à Laban: "Le jour la chaleur me dévorait,
et la nuit le froid me glaçait." (Genèse XXXI, 40). Or, toute la force de la plainte de Jacob contre son
cruel parent repose sur ceci: Laban lui faisait faire ce qu'aucun autre homme n'aurait fait, et dès lors, s'il
parle des froides nuits de l'hiver, (ce qui toutefois, n'est pas l'explication ordinaire de cette expression)
cela prouve exactement l'opposé de ce que voudrait prouver M. Ryle: les bergers n'avaient pas l'habitude
de laisser leurs troupeaux dehors pendant les nuits d'hiver.
5 GIESELER, vol. I, p. 54 et notes. CHRYSOSTOME, (Monitum in hom. de Natal. Christi) écrivant à
Antioche vers l'an 880 après J.-C. dit: "Il y a à peine dix ans que nous connaissons ce jour", vol. II, p.
352. – "Ce qui suit, ajoute Gieseler, confirme d'une manière éclatante la facilité avec laquelle des
coutumes de date récente ont pu revêtir le caractère d'institutions apostoliques." Voici comment continue
Chrysostome: "Parmi les peuples de l'Ouest il était connu auparavant depuis des temps primitifs et fort
reculés, et les peuples qui habitent depuis la Thrace jusqu'à Gadeira (Cadix) le connaissaient avant nous,
c'est-à-dire, que le jour de naissance de notre Seigneur, inconnu à Antioche dans l'est sur les frontières
même de la Terre Sainte où il était né, était parfaitement bien connu dans toute l'Europe occidentale,
depuis la Thrace jusqu'en Espagne!"
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Il parle des sabbats juifs.
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TERTULLIEN, De l'idolâtrie, c. 44. vol. I, p. 692 et GIESELER, vol. I, sect. 79.
8 WILKINSON, Les Égyptiens, vol. IV, p. 405. PLUTARQUE (Isis, vol. XI, p. 877, 13. B) dit: "Les
prêtres Égyptiens affirmaient que la naissance du divin fils d'Isis à la fin de décembre était prématurée.
Mais ceci est la contrepartie exacte de l'histoire classique de Bacchus: lorsque sa mère Sémélé était
consumée par le feu de Jupiter, ce dieu fut arraché, à l'état embryonnaire, aux flammes qui la