Page 55 - LES DEUX BABYLONES
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devenu l'objet d'une enquête judiciaire. Il y avait naturellement deux tribunaux chargés de trancher la question.
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D'abord les juges ordinaires, qui avaient pouvoir de vie et de mort, et qui étaient au nombre de trente , puis
il y avait au-dessus un tribunal composé de quarante-deux juges qui avait à décider, dans le cas où Osiris
serait condamné à mort, si son corps serait enterré ou non, car avant l'ensevelissement chacun devait, après
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la mort, passer par l'ordalie de ce tribunal . – Comme la sépulture lui fut refusée les deux tribunaux devaient
nécessairement être en cause; ainsi il devait y avoir exactement soixante-douze personnes sous la présidence
de Typhon pour condamner Osiris à mort et à être coupé en morceaux. Que signifie donc cette déclaration
à propos de la conspiration, si ce n'est que l'adversaire du système idolâtre introduit par Osiris avait si bien
convaincu les juges de l'énormité de la faute qu'ils allaient commettre, qu'ils livrèrent le coupable à une mort
horrible et ensuite à l'ignominie, afin d'effrayer tous ceux qui plus tard seraient tentés de l'imiter. Le
déchirement du cadavre et la dispersion de ces débris dans les différentes cités trouvent leur parallèle et leur
explication dans ce que la Bible raconte de la mort et du démembrement de la femme d'un Lévite (Juges XIX,
29) et de l'envoi de chacun de ces débris à chaque tribu d'Israël; nous en voyons encore le pendant à propos
de l'histoire de Saül coupant en morceau une paire de boeufs, et les envoyant dans toutes les villes du royaume
(I Samuel XI, 7). Les commentateurs admettent que le Lévite et Saül agissaient d'après une coutume des
patriarches, suivant laquelle il fallait qu'une vengeance sommaire punisse ceux qui manquaient de se rendre
à l'assemblée où ils étaient solennellement convoqués. C'est ce que déclare si explicitement Saül, lorsqu'il
envoie les débris des boeufs: "Quiconque ne suivra pas Saül et Samuel, sera traité comme ces boeufs." De
même quand les soixante-douze conspirateurs envoyèrent dans les différentes villes les débris du corps
d'Osiris, cela équivalait à déclarer solennellement ceci: "Quiconque fera comme Osiris aura le même sort, il
sera comme lui mis en pièces."
Quand l'irréligion et l'apostasie se développèrent de nouveau, cette action à laquelle furent entraînées les
autorités constituées qui avaient à faire avec le chef des apostats pour détruire le système combiné d'irréligion
et de despotisme élevé par Osiris ou Nemrod, cette action causa naturellement une profonde horreur à tous
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ses amis; et pour y avoir pris part, le principal acteur fut stigmatisé du nom de Typho, ou le Méchant .
L'influence que Typho avait sur les esprits de ces soi-disant conspirateurs, si on considère la force physique
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DIODORE, liv. I, p. 48.
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DIODORE, liv. I, p. 58. Les paroles de Diodore, telles qu'elles sont imprimées dans les éditions
ordinaires indiquent que le nombre des juges s'élevait simplement au-dessus de quarante, sans spécifier
combien il y en avait au-delà. Dans le Codex Coislianus, il est dit qu'il y en avait deux au-dessus de
quarante. Les juges terrestres qui jugèrent la question de l'enterrement correspondaient en nombre,
d'après Wilkinson (vol. V, p. 75 et BUNSEN, vol. I, p. 27), aux juges des régions infernales. Or, ces
juges, sans compter leur président, étaient (les monuments en font foi) exactement quarante-deux. Les
juges terrestres des funérailles doivent donc avoir été au nombre de quarante-deux. En faisant allusion à
ce nombre, comme s'appliquant également aux juges de ce monde et à ceux du monde des esprits,
Bunsen, parlant du jugement d'un mort dans le monde invisible, s'exprime ainsi dans le passage cité plus
haut: "Quarante-deux dieux (le nombre composant le tribunal terrestre des morts) occupent le siège du
tribunal." Diodore lui-même soit qu'il écrive "deux au-dessus de quarante" ou tout simplement plus de
quarante, donne des raisons de croire que c'était le nombre quarante-deux qui était présent à son esprit
car, dit-il, toute la fable des ombres apportées de l'Égypte par Orphée, était copiée sur des cérémonies
des funérailles égyptiennes dont il avait été le témoin au jugement avant l'ensevelissement des morts
(DIODORE, liv. I, p. 58.) Si donc, il y avait exactement quarante-deux juges dans les régions
inférieures, cela même prouve, d'après les paroles de Diodore, quelle que soit l'explication qu'on adopte,
que le nombre des juges dans le jugement terrestre doit avoir été le même.
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Wilkinson admet que différents individus ont à différentes époques porté le nom détesté en Égypte. L'un
des noms les plus connus par lesquels on désigne Typho ou le Méchant était Seth (EPIPHANUS, adv.
Hoeres., liv. III). Or Seth et Sem sont synonymes, tous les deux signifiant le prédestiné. Comme Shem
était le plus jeune fils de Noé, étant le frère de Japhet l'aîné (Genèse X, 21), et comme la prééminence lui
était divinement destinée, le nom de Shem, le prédestiné, lui avait été donné par un ordre divin, soit à sa
naissance, soit après, pour le désigner à l'exemple de Seth, comme l'enfant de la promesse. Shem,
cependant, semble avoir été connu en Égypte comme Typho, non seulement sous le nom de Seth, mais
sous son propre nom, car Wilkinson nous dit que Typho était caractérisé par un nom qui signifiait
détruire et rendre désert (Égyptiens, vol. IV, p. 434). Or, le nom de Shem aussi, dans l'un de ces sens
veut dire détruire ou dévaster. Ainsi Shem le prédestiné était nommé par ses ennemis Shem le
destructeur ou le ravageur, c'est-à-dire le diable.