Page 60 - LES DEUX BABYLONES
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Or quel est le sens de ce mot Ichor? En Grec, il n'a aucune signification étymologique, mais en Chaldéen, ce
mot veut dire: la chose précieuse. Un tel mot, appliqué au sang d'une divinité, ne pouvait avoir qu'une origine.
Il porte en lui-même la preuve de la source dont il est sorti: il vient de la grande tradition des patriarches qui
amena Abel à regarder au précieux sang de Christ, le don le plus précieux que l'amour divin ait pu faire à un
monde coupable, et qui en même temps que le sang de la vraie et seule victime humaine, est aussi en fait et
en vérité le sang de Dieu (Actes XX, 28). Même en Grèce, quoique la doctrine fût complètement corrompue,
elle ne s'était pas entièrement perdue. Elle était mêlée à des fables et à des faussetés, cachée à la multitude;
et néanmoins, elle occupait nécessairement dans le système mystique secret, une place importante. Servius
nous apprend que le grand but des orgies Bacchiques était la purification des âmes.
Or comme dans ces orgies on immolait régulièrement un animal pour verser ensuite son sang, en souvenir
de la grande divinité qui avait répandu son propre sang, cette aspersion symbolique du sang de la divinité
pouvait-elle n'avoir aucun rapport avec cette purification des péchés que les rites mystiques étaient censés
opérer! Nous avons vu que les souffrances du Babylonien Zoroastre et de Belus étaient expressément
représentées comme volontaires et comme subies dans l'intérêt de l'humanité, et cela, en conformité avec
l'écrasement de la tête du serpent qui impliquait la destruction du péché et de la malédiction. Si le grec
Bacchus était précisément une autre forme de la divinité Babylonienne, ses souffrances et l'aspersion du sang
doivent donc avoir été représentés comme ayant été endurés pour le même but, savoir, la purification des
âmes. Considérons de ce point de vue le nom bien connu de Bacchus en Grèce. Ce nom était Dionysus ou
Dionusos. Que peut-il signifier? Jusqu'ici, il a défié toutes les interprétations. Mais examinez-le comme
appartenant au langage de ce pays d'où le dieu tire son origine, et vous en comprendrez aisément le sens.
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D'ion-nuso-s signifie celui qui porte le péché , nom entièrement approprié au caractère de celui dont les
souffrances étaient représentées comme étant si mystérieuses, et qui était considéré comme le grand
purificateur des âmes.
Or ce dieu Babylonien connu en Grèce sous le nom de Celui qui porte le péché, et dans l'Inde sous celui de
l'Homme-Victime, était généralement invoqué, chez les Bouddhistes de l'Orient, dont le système contient des
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principes Babyloniens incontestables, comme le "Sauveur du monde ". – On a toujours su que les Grecs
adoraient quelquefois le Dieu suprême sous le nom de Jupiter Sauveur; mais ce titre pensait-on, avait
simplement rapport à la délivrance dans la bataille, ou à quelque délivrance semblable. Or, si on considère
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que Jupiter Sauveur n'était qu'un titre de Dionysus le Bacchus qui porte le péché, son caractère de Sauveur
apparaît sous une lumière entièrement différente. En Égypte, le dieu Chaldéen était un grand objet d'amour
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et d'adoration; c'était le dieu par lequel la bonté et la vérité furent révélées à l'humanité . Il était regardé
comme l'héritier prédestiné de toutes choses, et le jour de sa naissance, on avait entendu, disait-on, une voix
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qui proclamait la naissance du seigneur de toute la terre . Sous ce caractère on l'appelait le roi des rois, le
seigneur des seigneurs et c'était parce qu'il représentait ce dieu héros que le fameux Sésostris fit donner ce
37 L'expression (Exode XXVIII, 38) dans le sens sacerdotal est nsha eon. En chaldéen, la première lettre a
devient i (iôn, iniquité). Et, nsha, porter, devient nusha au participe présent, soit nusa car les Grecs
n'avaient pas de sh. De ou Da, est le pronom démonstratif pour ce ou le Grand. Dionnusa signifie donc le
grand porteur des péchés. Les païens classiques avaient la même idée de l'imputation du péché comme le
montre le langage d'Osiris à propos d'Olenos qui prit sur lui une faute injustifiée:
Quique in se crimen traxit, voluitque videri,
Olenos esso nocens.(OVIDE, Métam,, vol. II, p. 486)
Sous le poids du péché imputé, Olenos souffrit tant qu'il en mourut et fut pétrifié sur la sainte montagne
d'Ida, ce qui montre son caractère sacré. Voir Appendice, note F.
38 MAHAWANSO, XXXI, apud POCOCKE, L'Inde en Grèce, p. 185.
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ATHENAEUS, liv. XV, p. 675.
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WILKINSON, Les Égyptiens, vol. IV, p. 189.
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ibid. p. 310.