Page 63 - LES DEUX BABYLONES
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          L'Église de Rome prétend que ce n'était pas tellement la postérité de la femme que la femme elle-même qui
          devait écraser la tête du serpent. Bravant toute règle de grammaire, elle traduit ainsi la parole divine: "Elle
          t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon." (Genèse III, 15). – Cette croyance était partagée par les anciens
          Babyloniens, et représentée symboliquement dans leurs temples. Dans l'étage supérieur de la tour de Babel
          ou temple de Bélus, il y avait, nous dit Diodore de Sicile, trois images des grandes divinités de Babylone;
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          l'une d'elles était une femme tenant la tête d'un serpent . – Chez les Grecs, on retrouve le même symbole.
          Diane, qui avait à l'origine le même caractère que la grande déesse de Babylone, était représentée tenant à la
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          main un serpent sans tête . Avec le temps, et à mesure que les traits de l'histoire de Sémiramis devenaient plus
          obscurs, en déclara audacieusement que la naissance de son fils était miraculeuse; aussi fut-elle appelée "Aima
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          Mater ", la Vierge Mère.

          Longtemps avant l'ère chrétienne, on savait au loin que le grand Libérateur naîtrait d'une manière miraculeuse.
          Pendant des siècles, d'autres disent pendant des milliers d'années, les prêtres Bouddhistes avaient une tradition
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          d'après laquelle une Vierge enfanterait un fils qui bénirait le monde . Cette tradition n'avait aucune origine
          romaine ou chrétienne; ce qui le prouve, c'est la surprise qu'éprouvèrent et que manifestèrent les missionnaires
          jésuites lorsque, pour la première fois, ils pénétrèrent dans le Thibet et dans la Chine, et qu'ils y trouvèrent
          non seulement une mère et un enfant adorés comme dans leur propre patrie, mais encore cette mère adorée
          sous un caractère entièrement semblable à celui de leur propre madone, "Virgo Deipara", la Vierge mère de
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          Dieu , et cela, dans des régions où il n'y avait pas la moindre trace qui révélât que le nom ou l'histoire de notre




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                              DIODORE, Bibliotheca, liv. II. p. 70 et fig. 23. p. 88, la déesse Égyptienne, perçant la tête d'un serpent,
                              à l'exemple d'Horus.
                       6      Voir SMITH, Dictionnaire classique, p. 320.
                       7      Aima est le terme Hébreu employé par Ésaïe (Ésaïe VII, 14) dans l'ancien Testament pour annoncer, 700
                              ans avant l'événement, que le Christ naîtrait d'une vierge. L'expression hébraïque Aima (dans un sens
                              hébreu et non romain) est venue jusqu'à Rome par l'Étrurie, en rapport étroit avec l'Assyrie (LAYARD,
                              Ninive et Babylone, p. 190). Le mot mater lui-même vient de l'Hébreu, dérivé de Msh, produire, en
                              égyptien Ms, mettre au jour (BUNSEN, vol. I, p. 540). Ce qui devient en Chaldéen Mt, d'où l'égyptien
                              Maut, mère. Erh ou Er, comme en anglais (ou en sanscrit) signifie "celle qui fait". Mater ou Mère
                              signifie donc "celle qui met au monde". On ne peut faire l'objection que l'épithète Aima est souvent
                              donnée à Vénus, qui n'était certainement pas une vierge. D'après le témoignage oculaire d'Augustin, les
                              rites de Vesta, appelée emphatiquement la déesse vierge de Rome, sous le nom de Terra, étaient
                              exactement ceux de Vénus, déesse de l'impureté et de la licence (Aug. De Civitate Dei, liv. II, ch. 26).
                              Augustin dit ailleurs que Vesta était appelée par quelques-uns "Vénus" (ibid. liv. IV, ch. 10).
                              Même dans la mythologie Scandinave, Aima Mater ou la Vierge Mère, avait été originairement connue
                              de ce peuple. Un de ses dieux s'appelait Heimdal; ses sens étaient si développés qu'il pouvait entendre
                              pousser l'herbe sur le sol ou la laine sur le dos des brebis. Lorsqu'il sonnait la trompette, on l'entendait
                              dans tous les pays; on l'appelait: "le fils des neuf Vierges" (MALLET, p. 95). Or, il y a évidemment là
                              une énigme, explicable en revenant au langage primitif de la religion d'Odin. En Chaldéen, le fils des
                              neuf vierges se dit Ben-Almet-Teshaah de prononciation identique à Ben-Almet-Ishaa, "le fils de la
                              Vierge du Salut". Ce fils était partout connu comme la semence qui sauve, Zera-hosha, (en Zind, çra-
                              osha) et sa mère vierge prétendait donc être la vierge du salut. Même dans les cieux la Providence divine
                              a forcé ses ennemis à écrire un témoignage de la grande vérité scripturaire proclamée par le prophète
                              hébreu à savoir "qu'une vierge enfanterait un fils dont le nom serait Emmanuel". La constellation de la
                              Vierge, comme l'admettent les plus savants astronomes, était dédiée à Gérés, (Dr. John HILL, dans
                              Urania, M. A. JAMESON, Atlas Céleste; voir LANDSEER, Recherches Sabéennes, p. 201), c'est-à-dire
                              la grande déesse de Babylone: Gérés, en effet, était adorée avec un enfant sur son sein (SOPHOCLE,
                              Antigone) comme la déesse Babylonienne. La Vierge primitivement la Vénus Assyrienne, mère de
                              Bacchus ou Tammuz était donc la Vierge Mère. La prophétie d'Ésaïe (Ésaïe VII, 14) fut apportée à
                              Babylone par les Juifs exilés, d'où le nouveau titre donné à la déesse Babylonienne.
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                              Recherches Asiatiques, vol. X, p. 27.
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                              Voir Sir J. F. DAVIS, La Chine, vol. II, p. 58, et LAFITAN: les récits faits par les missionnaires du
                              pape, dit-il, montrent que les livres sacrés des chinois parlent non seulement d'une Mère sainte, mais
                              d'une Vierge Mère (vol. I, p. 235, Notes). Voir aussi SALVERTÉ, Des Sciences occultes, Appendice,
                              note A, sec. 12. Le lecteur peut trouver d'autres témoignages tendant au même but dans PRESCOTT,
                              Conquête du Mexique, vol. I, p. 53, 54, notes. Voir enfin pour plus de lumière sur ce sujet, Appendice,
                              note H.
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