Page 66 - LES DEUX BABYLONES
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Qui entretiens la vie, et que toute vie désire.
Mère des pluies et des vents,
C'est toi seule qui produis toute chose, c'est de toi
que vient la vie mortelle,
Tous les êtres témoignent de ta nature divine,
seule tu as le pouvoir universel!
À toi la mer tumultueuse, les tempêtes bruyantes,
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les fleuves mugissants .
Ainsi la reine divinisée, considérée à tous égards comme une véritable femme, était adorée en même temps
comme l'incarnation du Saint-Esprit, l'Esprit de paix et d'amour. Il y avait dans le temple d'Hiérapolis en Syrie
une magnifique statue de la déesse Junon que la multitude venait adorer de toutes parts. La statue de la déesse
était richement ornée, sur sa tête était une colombe dorée, et on l'appelait d'un nom particulier à ce pays
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"Seméion". – Que veut dire ce mot? Il signifie évidemment l'habitation ; et la colombe dorée montre
clairement que l'Esprit de Dieu était censé demeurer dans cette déesse. Faut-il donc s'étonner qu'elle fût
partout adorée avec enthousiasme, puisqu'on lui attribuait une si haute dignité, qu'on lui donnait un si
séduisant caractère, et que surtout ses images la présentaient aux regards humains comme Vénus Uranie, la
céleste Vénus reine de la beauté, qui assurait le salut à ses adorateurs, tout en leur permettant de donner libre
carrière à leurs mauvaises passions, et à leurs appétits sensuels et dépravés! Sous le nom de "mère des dieux",
la déesse reine de Babylone devint un objet d'adoration presque universelle. "La mère des dieux, nous dit
Clericus, était adorée par les Perses, les Syriens, et tous les rois d'Europe et d'Asie, avec les marques de la plus
profonde vénération." Tacite dit que cette déesse était adorée au milieu de la Germanie, et César reconnut,
en envahissant la Grande-Bretagne, que les prêtres de cette même déesse, connus sous le nom de Druides, y
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étaient venus avant lui .
Hérodote, d'après des informations particulières, déclare qu'en Égypte cette reine des cieux était la plus grande
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des divinités et celle qu'on adorait le plus . – Partout où son culte fut introduit, il exerça une fascination
vraiment inouïe. Il faut en vérité que les nations "aient été rendues folles" par le vin de son impudicité. Les
Juifs, en particulier, furent tellement enivrés par son breuvage aux jours de Jérémie, tellement ensorcelés par
son culte idolâtre, que même après la ruine de Jérusalem, lorsque le pays fut ravagé à cause même de cette
idolâtrie, ils ne purent se résoudre à l'abandonner. Pendant leur exil en Égypte, au lieu d'être témoins de Dieu
contre le paganisme qui les entourait, ils étaient aussi passionnés pour cette forme d'idolâtrie que les
Égyptiens eux-mêmes. Jérémie fut envoyé de Dieu pour dénoncer sa colère s'ils continuaient à adorer la reine
des cieux, mais ses avertissements furent inutiles: "Alors, dit le prophète, tous ceux qui savaient que leurs
femmes faisaient des encensements à d'autres dieux, et toutes les femmes qui étaient là en grand nombre, et
tout le peuple qui demeurait dans le pays d'Égypte, à Patros, répondirent à Jérémie et lui dirent: Nous ne
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Les classiques affirment que Junon était identifiée à l'air. Proclus dit ainsi: Notre souveraine et maîtresse
Junon règne partout. Du haut des cieux, elle pénètre toutes choses: dans la région sublunaire l'air lui
appartient, car l'air est le symbole, c'est pour cela que l'âme est appelée un esprit, B<,L:" (PROCLUS,
ibid).
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De Ze, ce ou le grand, et Maaon ou Maïon, demeure, et en dialecte Ionien, Meion.
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CAESAR, De Bello Galico, liv. ch. 13, p. 124. Druide semble de manière erronée venir du grec Drus ou
du celte Deru, chêne. Le système druidique était pareil au système babylonien: selon Denys, les rites de
Bacchus étaient célébrés dans les Îles Britanniques (Periergesis, v. 565) et Strabon cite Artémidore qui
signale une île près de la Bretagne où le culte de Gérés et Proserpine ressemblait aux orgies de
Samothrace (liv. IV, p. 190). D'après le druide Ceridwen et son fils (ch. 4, art. 3), une analogie existait
entre son caractère et celui de la déesse mère de Babylone. Le nom gallois Dryw, s'accorde à ce système.
Zéro, nom en Hébreu ou Chaldéen primitif du fils de la grande déesse devint Dero, la semence. Son
prêtre fut nommé, comme c'est souvent le cas, d'après le dieu: "Druid", prêtre de "Dero", la semence
promise à la femme. Les Hamadryades classiques, prêtresses de "Ha-med-dero", représentaient la
semence désirée, soit le désir de toutes les nations.
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HÉRODOTE, Histoires, liv. II, cap. 66, p. 177. D.