Page 52 - LES DEUX BABYLONES
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                                           Section 5 - Déification de l'Enfant



            Personne  ne fut mêlé à la mort de Nemrod plus que sa femme Sémiramis qui, sortie d'une humble
          condition, s'éleva au point de partager avec lui le trône de Babylone. Que fera-t-elle en cette circonstance?
          Résignera-t-elle tranquillement la pompe et le faste auxquels elle a été élevée? Non. Bien que la mort de son
          mari ait donné un rude choc à sa puissance, son orgueil, son ambition effrénée ne se décourageront pas. Bien
          au contraire, cette ambition ne fit que s'accroître. Vivant, son mari fut honoré comme un héros; mort, elle le
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          fera adorer comme un dieu, bien plus, comme la semence promise à la femme, Zero-ashta , qui était destinée
          à écraser la tête du serpent, et qui dans cette victoire devait aussi avoir le talon écrasé.


          Les patriarches de l'ancien monde en général connaissaient parfaitement la grande promesse faite autrefois
          en Éden, et ils savaient bien que l'écrasement du talon de la semence promise impliquait la mort du vainqueur,
          et que la malédiction ne pouvait être ôtée de dessus le monde que par la mort du grand libérateur. Si la
          promesse concernant l'écrasement de la tête du serpent raconté dans la Genèse fut réellement faite à nos
          premiers parents, et que toute l'humanité trouve en eux leur origine, il
          faut s'attendre à en trouver quelque trace chez tous les peuples. Or, c'est
          précisément ce qui a lieu. On trouverait à peine un seul peuple ou une
          seule tribu dont la mythologie n'y fasse allusion. Les Grecs représentaient
          leur grand dieu Apollon comme égorgeant le serpent Python, et Hercule
          comme   étouffant des serpents alors qu'il était encore au berceau. En
          Égypte,  dans l'Inde, en Scandinavie, au Mexique, nous trouvons des
          allusions évidentes à cette même vérité. Le mauvais génie des adversaires
          du dieu égyptien Horus, dit Wilkinson, est souvent représenté sous la      Fig. 23 –– Crishna est du Colonel
          forme d'un serpent dont il perce la tête avec une épée. On trouve la même  Kennedy et la dééesse éégyptienne, de
                                                                                                    WILKINSON.
          fable dans l'Inde, où le mauvais serpent est écrasé par Vichnou, dans son
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          avatar Crishna  (fig. 23).


          Et le dieu Scandinave Thor écrasa, dit-on, avec sa massue la tête du grand serpent. L'origine de cette légende,
          dit-il, doit se rattacher à la Bible. Les Mexicains avaient aussi la même croyance; ce qui le prouve, c'est que
          d'après Humboldt, le serpent écrasé par le grand esprit Teotl, alors qu'il prend la forme d'une des divinités
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          subalternes, est le génie du mal, un véritable Cacodasmon . Or, dans presque tous les cas, si l'on examine



                       1      Zéro, en Chaldéen, la semence. En Grèce il paraît parfois comme Zeira, devenu Zoro. Ainsi, Zerubbabel
                              devient Zorobabel. De là Zero-ashta, la semence de la femme, devint Zoroaster, le chef des adorateurs du
                              feu. On trouve dans Zeroastes le nom de Zoroastre (CLERICUS, tome II, De Chaldoeis, ch. 2, p. 194).
                              En lisant le Dr. Wilson, on verra qu'un Zoroastre existait avant celui du règne de Darius Hystaspes
                              (Religion Parsie). Dans l'histoire il y a plusieurs allusions au Zoroastre de Bactrie, mais la voix de
                              l'antiquité déclare que le grand Zoroastre était en Assyrie ou Chaldée où il fonda le système idolâtre
                              babylonien: c'était donc Nemrod. Il périt de mort violente, comme Nemrod, Tammuz ou Bacchus.
                              L'identité avec Bacchus est montrée par l'épithète Pyrisporus dans les Hymnes orphiques. Ashta signifie
                              feu et femme en chaldéen, et comme les rites de Bacchus ressemblaient au culte du feu, Zero-ashta
                              signifia "par la semence du feu": d'où l'épithète Pyrisporus ou Ignigena, enfanté par le feu, appliquée à
                              Bacchus. De cette corruption du sens de Zero-ashta, vint l'histoire de Bacchus arraché aux flammes qui
                              dévorèrent sa mère Sémélé. Zoroastre était aussi connu par Zar-adas, le seul rejeton. Les anciens païens
                              confessaient un seul dieu sous le nom de Zéro ou Zer, caractérisé par une épithète signalant son unicité
                              et reconnaissaient une seule semence, espérance du monde. On reconnaissait aussi une grande déesse
                              sous le nom d'Ashta ou Isha la femme. Le nom Zarades ou Zaradus illustre la parole de Paul: "Il ne dit
                              pas: et à sa postérité, comme s'il parlait de plusieurs, mais d'une seule qui est Christ." (Galates III, 16).
                              Le Parsisme moderne rejeta le culte de la déesse mère et le nom de Zoroastre. En Zend, le grand
                              réformateur est Zarathustra i.e. la semence qui délivre. La dernière partie vient du chaldéen, nthsh,
                              lâcher ou laisser aller. Thusht est l'infinitif, et ra, en sanscrit, langue proche du Zend, l'agent d'une
                              action, comme "er" en anglais. Zarathustra ressemble donc à Phoroneus, l'émancipateur.
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                              WILKINSON, vol. IV, p. 395.
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                              HUMBOLD, Recherches Mexicaines, vol. I, p. 228.
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