Page 184 - LES DEUX BABYLONES
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          Le culte de Dagon fut introduit par les mêmes personnes (à part Nemrod, bien entendu) qui avaient déjà
          entrainé le monde au culte du feu. Dans les mystères secrets qui furent alors établis, tandis que tout d'abord
          elles professaient sans doute la plus vive antipathie pour le culte proscrit, elles cherchèrent à regagner leur
          influence et leur pouvoir en représentant les scènes terrible du déluge dans lesquelles on mit Noé sous le nom
          de Dagon ou le dieu-poisson; toute la famille humaine, en raison même de la nature de cet événement et aussi
          de la parenté commune de tous avec le second père de la race humaine, ne pouvait manquer d'y prendre un
          puissant  intérêt. Les élaborateurs de ces mystères comprirent que  s'ils pouvaient seulement ramener les
          hommes à l'idolâtrie sous une forme quelconque, ils pourraient bientôt la développer assez pour rétablir ce
          même système qui avait été déjà renversé.

          C'est ainsi que le chemin étant préparé, Tammuz fut introduit sous le caractère d'un homme qui avait sacrifié
          sa vie pour le bien de l'humanité. On distingua entre les bons et les mauvais serpents, les uns étant représentés
          comme les serpents d'Agathodemon ou la Divinité du Bien, et les autres comme les serpents du Cacodoemon
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          ou la Divinité du Mal .

          Il fut dès lors facile d'amener peu à peu les hommes à croire qu'en dépit de toute apparence du contraire,
          Tammuz, au lieu d'être le patron du culte du serpent dans un mauvais sens, était en réalité le grand ennemi
          d'Apophis, ou du grand serpent méchant qui portait envie au bonheur de l'humanité, et qu'il était réellement
          la semence de la femme destinée à briser la tête du serpent. Par le moyen de la métempsycose, il fut aisé
          d'identifier Nemrod et Noé, et de faire voir que le grand patriarche, dans la personne de son descendant favori,
          avait gracieusement consenti à s'incarner de nouveau en Dagon, afin de rendre à l'humanité les bienfaits
          qu'elle avait perdus quand Nemrod fut tué. Il est certain que Dagon était adoré dans les mystères chaldéens,
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          partout où ils furent établis sous un caractère qui représentait l'un et l'autre .

          La doctrine de la régénération par le baptême

          Dans  le premier système, le feu était le grand moyen de purification. Maintenant, c'était l'eau. Alors
          commença la doctrine de la régénération par le baptême, rattachée comme nous l'avons vu, à ce fait que Noé
          passa à travers les eaux du déluge. Alors commença le respect pour les sources saintes, les lacs saints, les
          rivières saintes, respect qu'on trouve dans tous les pays; on en voit des traces non seulement chez les Parsis
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          qui, avec le feu, adorent aussi le Zereparankard, ou la mer Caspienne , parmi les Hindous qui rendent un culte
          aux eaux purificatrices du Gange et estiment que le grand passeport pour le ciel, c'est d'ensevelir leurs parents
          sous ses ondes; mais de nos jours nous voyons ce respect universellement répandu dans la catholique Irlande;
          on y révère les fontaines sacrées; on fait des pèlerinages annuels à Lough Dergh, pour se purifier du péché
          dans ses eaux bénies; cette coutume existe encore évidemment en Angleterre même, dans cette superstition
          populaire au sujet des fées qui apparaît dans ce vers bien connu de Burns: "Ils traversent le courant limpide."
          Voilà pour le culte de l'eau.


          L'ancien culte du feu de nouveau associé


          Cependant l'ancien culte du feu lui fut bientôt de nouveau associé. Dans les mystères, on réunissait les deux
          modes de purification. Bien que l'eau du baptême fût considérée comme ayant une vertu régénératrice, la
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          purification par le feu était regardée comme indispensable  et longtemps après que la régénération baptismale


                       7      WILKINSON, vol. IV. p. 239, 412 et vol. V, p. 243. En Égypte, l'Urée, ou le Céraste, était le bon
                              serpent, et Apophis, le mauvais.
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                              DAVIES, Les Druides, p. 180. Davies identifie Noé et Bacchus.
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                               WILSON, La religion Parsie, p. 192, 251-252, 262, 305.
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                              Tammuz, autre nom de Nemrod, équivalent de Alorus, dieu du feu, vient de tam, rendre parfait, et muz,
                              feu. C'est au sens de feu qui rend parfait et au caractère de Nernrod que renvoie ce passage de Zoroastre:
                              "Toutes choses sont le produit d'un seul feu. Le père a tout accompli et a tout livré au second esprit que
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