Page 179 - LES DEUX BABYLONES
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         littérature ou l'art romain. Voici ce que Virgile dit de Latinus: "Cependant les rois s'avancent. Latinus se
          montre dans un pompeux appareil, sur un char attelé de quatre chevaux; son front est ceint de douze rayons
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          d'or resplendissants, symbole du soleil, son aïeul ."

          Les rayons d'or qui entourent la tête d'Esculape avaient la même signification: ils le désignaient comme
          l'enfant du soleil ou le soleil incarné. Les rayons d'or qui entourent la tête des peintures et des statues appelées
          du nom de Christ, voulaient dire pour les païens qu'on pouvait sans crainte les adorer comme les statues de
          leurs divinités bien connues, quoiqu'elles portassent un nom différent. Or, Esculape pendant une terrible
          épidémie fut appelé d'Epidaure à Rome. Le dieu, sous la forme d'un grand serpent, entra dans le navire qu'on
          lui avait envoyé pour l'amener à Rome, et, étant arrivé sain et sauf sur le Tibre, fut solennellement consacré
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          comme dieu protecteur des Romains . Depuis ce jour, en particulier comme parmi le peuple, le culte du
          serpent d'Epidaure, le serpent qui représentait le soleil comme divinité incarnée, en d'autres termes, du serpent
          de feu devint presque universel. Dans presque toutes les maisons, on trouvait le serpent sacré, qui était d'une
          espèce innocente.



                                 Ces serpents nichaient près des autels domestiques, dit l'auteur des Pompéiens: ils
                                 se  promenaient comme des chats ou des chiens, pour se faire caresser par les
                                 visiteurs, et venaient leur demander à manger. Et même, à table (si nous pouvons
                                 nous  en rapporter à des passages isolés), ils se glissaient entre les coupes des
                                 convives, et quand il faisait chaud, les dames s'en servaient comme de boas vivants,
                                 et se les enroulaient autour du cou pour éprouver de la fraîcheur. Ces animaux sacrés
                                 faisaient la guerre aux rats et aux souris et en détruisaient ainsi une grande quantité;
                                 mais  comme leur vie était sacrée, et que personne ne leur faisait de mal, ils se
                                 multipliaient  si rapidement, qu'ils devinrent, comme les singes de Bénarès, une
                  Fig. 53        engeance insupportable. Les feux qu'on faisait souvent à
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                                 Rome étaient le seul moyen de s'en débarrasser .

          Le lecteur verra (fig. 53) la représentation du culte Romain du feu et du culte du
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          serpent à la fois distinct et réuni . Je ne puis expliquer ici la raison de la double
          représentation de ce dieu; mais il est évident d'après les passages de Virgile déjà
          cités,  que les figures de la partie supérieure avec les têtes entourées de rayons
          représentent le dieu du feu ou la divinité du soleil; et ce qui est digne de remarque,
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          c'est que ces dieux du feu sont noirs  (fig. 54). Cette couleur les identifie ainsi avec
          le Phaéton Éthiopien ou noir; tandis que (l'auteur des Pompéiens lui-même l'admet)
          ces mêmes dieux du feu sont représentés dans la partie inférieure par d'énormes
          serpents.


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          Or, si ce culte du serpent sacré du soleil, le grand dieu du feu, était si répandu à     Crishna (appelé
                                                                                           emphatiquement dieu noir),
          Rome,  quel autre symbole que le grand serpent de feu pouvait dépeindre plus       porté dans les bras de la
          exactement le pouvoir de la Rome païenne impériale! C'était évidemment dans ce  déesse Devaki, est représenté
          but que l'étendard impérial lui-même, l'étendard de l'empereur païen de Rome, du  avec les cheveux laineux et les
                                                                                           traits distinctifs du nègre ou
          Pontifex Maximus, le chef du grand système du culte du feu et du culte du serpent,    de la race africaine.



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                              VIRGILE, liv. XII, v. 161-164.
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                              LACTANTIUS, De Origine Erroris, p. 82.
                       60     Les Pompéiens, vol. II, p. 114-115.
                       61
                              Les Pompéiens, vol. II, p. 105.
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                              Toutes les figures de ces gravures (celles de MAZOI) sont noires. (Les Pompéiens, vol. II, p. 106).
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