Page 182 - LES DEUX BABYLONES
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          prétendre  à la dignité inhérente au vieux titre des rois de Pergame. Les pouvoirs originaux des pontifes
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          romains eux-mêmes, paraissent avoir diminué à cette époque ; mais lorsque Jules César qui déjà avait été
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          élu pontife suprême , devint aussi, comme empereur, le chef civil suprême des Romains, dès lors, comme
          il était la tête de l'état romain et la tête de la religion romaine, il fut investi de tous les pouvoirs et de toutes
          les  fonctions du véritable et légitime pontife babylonien, et il se trouva dans une position où il pouvait
          revendiquer tous ces pouvoirs. C'est alors qu'il paraît avoir prétendu à la dignité divine d'Attale et au royaume
          que ce roi avait légué aux Romains, comme y ayant naturellement droit; car sa devise bien connue "Venus
          Genitrix" qui signifiait que Vénus était la mère de la race de Julius, semble avoir tendu à faire de lui le fils
          de  la grande déesse; car c'est  ainsi  qu'on considérait Attale, à la tête de taureau 78  Alors à de certaines
          occasions, dans l'exercice de son grand office pontifical, il se montrait solennellement dans tout l'éclat de son
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          costume babylonien, comme aurait pu le faire Balthazzar lui-même avec une robe écarlate , portant la crosse
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          de Nemrod, la mitre de Dagon et les clefs de Janus et de Cybèle . Ainsi allaient les choses, nous l'avons vu,
          même sous les soi-disant empereurs chrétiens qui, comme pour sauvegarder leur conscience, nommèrent un
          païen pour les remplacer dans l'accomplissement des fonctions pontificales les plus ouvertement idolâtres (ce
          remplaçant néanmoins agissait en leur nom et par leur autorité) jusque sous le règne de Gratien qui, ainsi que
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          le montre Gibbon, refusa le premier de revêtir un appareil pontifical idolâtre ou d'agir comme Pontifex .
          D'après tout cela, il est donc évident que lorsque la pagaye fut aboli dans l'empire romain, lorsque l'office de
          Pontifex Maximus fut supprimé et que tous les dignitaires du paganisme furent renversés de leur trône qu'ils
          avaient encore en quelque sorte la permission de garder, ce ne fut pas simplement la chute du dragon de feu
          de Rome, mais la chute du dragon de feu de Babylone! C'était le nouvel accomplissement, dans un sens
          symbolique, à l'égard du véritable et légitime successeur de Nemrod, de ce qui lui était arrivé à lui-même,
          lorsque la profondeur de sa chute fit pousser cette exclamation: "Comment es-tu tombé des cieux, ô Lucifer,
          fils de l'aurore?" (Ésaïe XIV, 12).

























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                              NIEBUHR, vol. III, p. 27.
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                              DYMOCK, sub voce, Julius Caesai, p. 460, c. I.
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                              La déification des empereurs qui se succédèrent depuis le Divus Julius ou le Jules divinisé, ne peut
                              s'expliquer autrement que parce qu'ils représentaient Attalus aux cornes de taureau comme pontife et
                              comme souverain.
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                              La robe d'écarlate était la robe d'honneur, à l'époque de Balthazzar (Daniel V, 7, 29).
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                              Le lecteur verra en consultant TAYLOR, Note sur l'Hymne Orphique à Pluton, où ce dieu est appelé le
                              gardien des clefs, que la clef était un des symboles employés dans les Mystères. Or, le pontife, ou
                              Hiérophante, était revêtu et orné des symboles du grand créateur du monde dont il était censé, dans ces
                              mystères, être le substitut (MAURICE, Antiquités, vol. III, p. 356). Le dieu primitif ou créateur était
                              mystiquement représenté comme Androgyne, c'est-à-dire combinant dans sa personne les deux sexes
                              (ibid. vol. V, p. 933); il était donc à la fois Janus et Cybèle. Aussi était-il tout naturel que, dévoilant les
                              mystères de cette déesse mystérieuse, le pontife portât les clefs de ces deux divinités. Janus lui-même,
                              aussi bien que Pluton, était néanmoins représenté bien souvent avec plus d'une clef.
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                              L'autorité de Zosime a été déjà donnée pour ce passage. Le lecteur peut voir le même fait dans GIBBON,
                              vol. III, p. 397, note.
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