Page 187 - LES DEUX BABYLONES
P. 187

185

          la justice quand un pareil pouvoir était décerné par l'autorité impériale à l'évêque Romain, et cela, à un évêque
          si désireux de se livrer à la propagation de cette fausse doctrine.


          Quelque formidable que fût le danger, la véritable Église, la fiancée, l'épouse de l'Agneau (et tant qu'elle se
          trouvait dans les limites de l'empire occidental) en fut merveilleusement préservée. Cette église fut pour un
          temps sauvée du péril, non seulement par les montagnes où beaucoup de ses membres dévoués trouvèrent un
          asile comme Jovinien, Vigilance, les Vaudois, et d'autres qui demeurèrent fidèles dans les régions sauvages
          des Alpes cottiennes, et dans d'autres pays isolés de l'Europe, mais aussi par une merveilleuse intervention
          de la Providence divine. Nous trouvons une allusion à cette intervention dans ces paroles: "La terre ouvrit sa
          bouche, et engloutit le fleuve que le Dragon avait jeté de sa gueule." (Apocalypse XII, 16). Que veut dire ce
          symbole de la terre qui ouvre sa bouche! Dans le monde naturel, quand la terre ouvre sa bouche, il y a un
          tremblement de terre, et un tremblement de terre dans le langage figuré de l'Apocalypse, comme chacun le
          sait signifie précisément une commotion politique. Or, si nous examinons l'histoire de la période qui nous
          occupe, nous verrons que le fait s'accorde exactement avec la prophétie; bientôt après que l'évêque de Rome
          fut devenu pontife, et comme pontife eut si ardemment travaillé à introduire le paganisme dans l'Église, ces
          convulsions politiques commencèrent dans l'empire Romain et ne cessèrent jamais que lorsque le tissu de cet
          empire se déchira, et fut mis en pièces. Cependant le pouvoir spirituel de la papauté aurait pu être fermement
          établi  sur toutes les nations de l'Occident longtemps avant le jour où il le fut en réalité. Il est évident
          qu'aussitôt après que Damasus, l'évêque Romain, eut reçu le pouvoir pontifical, l'apostasie prédite à l'égard
          de l'évêque de Rome (I Timoothée IV, 3) se développa largement. C'est alors qu'il fut défendu aux hommes
                                                                   20
                     19
          de se marier , et qu'on leur ordonna de s'abstenir de viandes . Alors, avec une fausse doctrine de péché, on
          inculqua aussi une sainteté factice; on amena les hommes à croire que ceux qui étaient baptisés étaient aussi
          nécessairement régénérés. Si l'empire romain d'Occident était demeuré sous un seul chef civil qui l'aurait
          soutenu, l'évêque de Rome aurait bientôt infecté toutes les parties de l'empire de la corruption païenne qu'il
          s'était évidemment donné pour mission de propager.

                                    21
          Si l'on considère la cruauté  avec laquelle Jovinien et tous ceux qui s'opposaient aux doctrines païennes
          concernant le mariage et l'abstinence étaient traités par le pontife de Rome sous la faveur de la puissance
          impériale, on verra aisément combien les suites auraient été funestes à la cause de la vérité dans l'empire
          d'Occident, si cet état de choses eût suivi son cours naturel. Mais le puissant chef de l'Église intervint. La
          révolte  des Goths et le sac de Rome par Alaric, en 410, imprimèrent à l'empire  Romain cette secousse
          nécessaire qui se termina vers 476, par la destruction complète et l'anéantissement de la puissance impériale.
          Bien que par suite de la tactique déjà inaugurée, l'évêque de Rome fut formellement reconnu par un édit
          impérial de 445 comme le chef de toutes les Églises de l'Occident, tous les évêques ayant reçu l'ordre "de
                                                                                             22
          garder et d'observer comme une loi tout ce qu'il lui plaisait d'ordonner ou de décréter ". Néanmoins, les
          convulsions de l'empire, et bientôt l'extinction de la puissance impériale elle-même, annulèrent, dans une large
          mesure les effets désastreux de cet édit. "La terre ouvrant sa bouche", en d'autres termes, la destruction de
          l'empire Romain et sa transformation en tant de souverainetés indépendantes, furent un bienfait pour la vraie
          religion, et empêchèrent le fleuve d'erreur et de corruption qui avait une source à Rome de couler aussi
          rapidement et aussi loin qu'il l'aurait fait sans elles. Lorsque tant de volontés différentes se furent substituées
          à la volonté unique de l'empereur, sur lequel s'appuyait le souverain pontife, l'influence de ce dernier fut
          profondément neutralisée. "Dans ces circonstances, dit Gieseler, parlant de l'influence de Rome dans les
          différents  royaumes que forma l'empire en se divisant, dans ces circonstances, les papes ne pouvaient
          s'interposer directement dans les questions  ecclésiastiques,  et leurs  rapports avec l'église  établie du  pays



                       19
                              Le célibat du clergé fut décrété par Syricius, évêque de Rome, 385 ap. J.-C. (GIESELER, vol. I, 2e
                              période, div. I, ch. 4, Monachisme, vol, II, p. 20 et BOWER, Vie des papes, vol. I, p. 285).
                       20
                              Contre l'usage de la viande et du vin, voyez ce qui est dit à la même époque par Jérôme, l'avocat de la
                              papauté. (JÉROME, ad. Jovin, liv, II, vol. I, p. 360-380).
                       21
                              Voir BOWER, Syricius, vol. I, 256.
                       22
                              BOWER, vol. II, p. 14
   182   183   184   185   186   187   188   189   190   191   192