Page 189 - LES DEUX BABYLONES
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          du paganisme fut si rapide et cependant si douce, que 28 ans seulement après la mort de Théodose (l'aîné),
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          l'oeil du législateur n'en distinguait plus les traces ." –

          Or, comment expliquer cette grande et soudaine révolution? La Parole de Dieu avait-elle eu un libre cours?
          Avait-elle été glorifiée? Alors que signifie le nouvel aspect que l'Église Romaine commence maintenant à
          prendre? Le paganisme se révèle à l'intérieur de l'Église dans la même proportion qu'il a disparu de l'extérieur.
          Les vêtements païens des prêtres, les fêtes païennes pour le peuple, les doctrines et les idées païennes de toute
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          espèce dominent partout . Le témoignage du même historien qui a parlé d'une manière si concluante de la
          rapide conversion des Romains à la profession de l'Évangile, n'est pas moins décisif à cet égard. Dans son
          tableau de l'Église Romaine sous le titre de "Introduction des rites païens", il s'exprime ainsi: "Comme les
          objets de religion étaient graduellement rabaissés aux besoins de l'imagination, on introduisit les rites et les
          cérémonies qui paraissaient devoir frapper le plus puissamment les sens de la foule. Si, au commencement
          du  Ve siècle, Tertullien ou Lactance était tout à  coup ressuscité  pour assister à la  fête de  quelque saint
          populaire, il aurait été muet d'étonnement ou d'indignation devant ce profane spectacle succédant au culte en
          esprit et en vérité d'une congrégation chrétienne. Voici qu'on a ouvert toute large la porte de l'Église. Ce qui
          le frappe, c'est la fumée de l'encens, le parfum des fleurs, l'éclat des lampes et des cierges qui brillent en plein
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          midi: une pareille lumière n'est-elle pas superflue, bien plus, sacrilège ?" Gibbon donne des détails plus
          concluants encore. Maintenant peut-on croire que tout cela fut accidentel? Non; c'était évidemment le résultat
          de cette politique sans principes dont nous avons vu, dans le cours de nos recherches, beaucoup d'exemples
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          fournis par la papauté .

          Le pape Damasus vit que dans une cité adonnée exclusivement à l'idolâtrie, s'il maintenait l'Évangile pur et
          entier, il devait porter la croix, affronter la haine, le mauvais vouloir, "endurer la peine comme un bon soldat
          de Jésus-Christ". D'un autre côté, il ne pouvait s'empêcher de voir également, que si en portant ce titre, autour
          duquel pendant tant de siècles s'étaient groupées toutes les espérances et les affections du paganisme, il
          donnait à ses sectateurs des raisons de penser qu'il voulait agir sur l'esprit original de ce titre, il pouvait
          compter sur la popularité, l'agrandissement et la gloire. Quelle alternative Damasus allait-il donc choisir?
          L'homme   qui entra à l'évêché  de Rome comme un voleur et un larron sur les cadavres de cent de ses
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          adversaires , ne pouvait point hésiter sur le choix qu'il avait à faire. Le résultat montre qu'il avait agi avec
          énergie; et qu'en prenant le titre païen de pontife, il s'était décidé même en faisant le sacrifice de la vérité, à
          justifier ses prétentions à ce titre aux yeux des païens, en se donnant comme le représentant légitime de leur
          longue série de pontifes. Il est impossible de faire aucune autre supposition. Il est évident aussi que lui et ses
          successeurs furent acceptés sous cette forme par les païens, qui entrant par troupes dans l'Église Romaine et
          se groupant autour du nouveau pontife, ne changèrent pas leur credo ou leur culte, mais les apportèrent tous
          deux avec leur personne dans l'Église romaine.

          Le lecteur a vu combien est parfaite et complète la copie de l'ancien paganisme Babylonien, qui, sous le
          patronage des papes, a été introduit dans l'Église romaine. Il a vu que le Dieu, adoré par la papauté comme
          Fils du Très-Haut, n'est pas seulement, en dépit d'un commandement divin, adoré sous la forme d'une image,
          faite comme à l'époque du paganisme déclaré, par l'art et l'invention de l'homme, mais qu'on lui prête des
          attribut  entièrement opposés à ceux qui appartiennent au Sauveur miséricordieux: ces    attributs sont
          précisément ceux que l'on prêtait à Moloch, dieu du feu, ou Ala Mahozim, dieu des fortifications. Il a vu que
          vers l'époque où l'évêque de Rome fut décoré du titre païen de pontife le Sauveur commence à être appelé




                       27     Déclin et chute, ch. XXVIII, vol. V, p. 90-93, 112.
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                              GIESELER, vol. II, p. 40, 45.
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                              Déclin et chute, ch. XXVIII, vol. V, p. 121, etc.
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                              Gibbon l'admet distinctement. "Il faut confesser franchement, dit-il, que les ministres de l'Église
                              catholique imitaient le modèle profane qu'ils étaient si impatients de détruire."
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                              BOWER, Vie des papes, vol. I, Damasus, p. 180-183, inclusivement.
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