Page 193 - LES DEUX BABYLONES
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                                        Article 3 - La bête qui monte de la terre



          C'est au chapitre XIII de l'Apocalypse, verset 11, que nous trouvons les détails relatifs à cette
          bête: "Je vis une autre bête monter de la terre qui avait deux cornes semblables à celles de
          l'Agneau; mais elle parlait comme le dragon." Bien que cette bête soit mentionnée après la
          bête qui sort de la mer, il ne s'ensuit pas qu'elle ait existé après elle. L'oeuvre qu'elle fait
          semble indiquer exactement le contraire; car c'est par son moyen que les hommes furent
          entraînés (Apocalypse XIII, 12) à adorer la première bête après qu'elle eut été mortellement
          blessée; cela montre bien qu'elle avait dû exister avant elle. Elle est mentionnée la seconde,
          parce que comme elle a tous les pouvoirs de la première bête et qu'elle entraîne tous les
          hommes à l'adorer, on ne pouvait convenablement la dépeindre avant que la première ne fût
          apparue sur la scène. Or, dans l'ancienne Chaldée, on avait aussi le type de cette bête. C'était
                                                                                                     Fig. 55 – En
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          un dieu qu'on appelait Nebo; en Égypte Nub ou Num , et chez les Romains Numa, car Numa   comparant cette
          Pompilius  le grand prêtre-roi des Romains occupait exactement la même place    que le  figure avec ce qui
                                                                                                       est dit dans
          Babylonien Nebo. Chez les Étrusques auxquels les Romains ont emprunté la plupart de leurs
                                                                                                  WILKINSON, vol.
          rites, on l'appelait Tages; et on raconte en particulier à propos de ce Tages, que comme Jean  IV, p. 235, 238, on
          vit  la bête dont nous parlons sortir de la terre, de même Tages était né subitement et  verra que la tête de
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                       miraculeusement  dans un sillon ou un trou de la terre . En Égypte, on        bélier donne à
                                                                                                     cette figure les
                       représentait  ce dieu avec la tête et les cornes d'un bélier (fig. 55). Dans  attribut de Noub,
                       l'Étrurie, il semble qu'on l'ait représenté d'une manière à peu près semblable;  bien qu'elle soit
                                                                                                    appelée Almun.
                       car  nous trouvons dans ce pays un enfant divin et merveilleux  portant des
                       cornes de bélier (fig. 56).



                       Le nom de Nebo, nom distinctif de ce dieu, signifie le prophète, et comme tel il donnait des
                       oracles, pratiquait la divination, prétendait avoir des pouvoirs merveilleux et était adepte en
                       magie. C'était un grand faiseur de miracles, il répondait exactement aux termes de la prophétie
                       où il est dit: "Il fait de grandes merveilles, il fait même descendre le feu du ciel sur la terre à la
             Fig. 56
                       vue des hommes." (Apocalypse XIII, 13). Or, le Tages étrusque était précisément connu sous
           La figure ci-  ce  caractère; c'est lui, en effet, qui, dit-on, enseigna aux Romains la divination et toute la
            dessus, et
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            beaucoup   superstition et les merveilleuses jongleries qui s'y rattachent . On nous parle aujourd'hui des
          d'autres détails  statues qui pleurent, de Madones qui froncent le sourcil, et d'autres prodiges innombrables, qui
          qui m'ont servi
          à confirmer ma  ont lieu à chaque instant dans l'Église romaine, ce qui prouve, dit-on, la vérité de telle ou telle
          démonstration, doctrine de la papauté: il en était absolument de même dans le système de Babylone. Il n'y a pas
            m'ont été  une forme de fraude pieuse ou de sainte imposture pratiquée de jours sur les bords du Tibre, qui
          fournis par mon
          voisin et ami, le  n'ait son pendant sur les bords de l'Euphrate, ou dans les systèmes qui en sont dérivés. Il est bien
          Rév. Peebles de facile  de le prouver: la statue de la Vierge répand-elle des pleurs? Les statues païennes en
            Colliston.  versaient tout autant! Écoutez comment Lucain parle de ces idoles au coeur sensible; décrivant
                       les prodiges qui survinrent pendant les guerres civiles, il dit:



                               Les pleurs répandus par les dieux protecteurs de notre patrie,
                                                                                           4
                             Et la sueur qui coulait des Lares, disaient les malheurs de la cité .





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                              En Égypte, spécialement parmi les nations parlant grec, le b égyptien devenait souvent un m. Voir
                              BUNSEN, vol. I, p. 273-274.
                       2      AMMIEN MARCELLIN, liv. XXI, ch. I, p. 264.
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                              OVIDE, Métam., liv. XV, v. 558-559.
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                              LUCAIN, Civ. Bell, liv. IV, v. 356-357.
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