Page 197 - LES DEUX BABYLONES
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          ministres de Christ et disciples de l'Agneau, ne cherchaient que leur propre accroissement, et pour assurer cet
          accroissement, n'hésitèrent pas à trahir la cause qu'ils faisaient profession de servir. Le pouvoir spirituel qu'ils
          prétendaient avoir sur les âmes et le pouvoir temporel qu'ils acquirent sur les affaires du monde étaient tous
          les  deux employés  en opposition avec la cause de la religion pure et sans tache. Tout d'abord les faux
          prophètes, en séduisant les hommes et en cherchant à réunir le paganisme et le christianisme, travaillèrent
          mystérieusement,  minant  comme la taupe dans l'obscurité et pervertissant secrètement les simples,
          conformément à la parole de Paul: "le mystère d'iniquité travaille déjà." (II Thessaloniciens II, 7). Mais bientôt
          vers la fin du IVe siècle, quand les esprits furent bien préparés et que l'état des choses parut le plus favorable,
          les loups recouverts de peaux de brebis apparurent sur la scène, exposèrent peu à peu au grand jour leurs
          pratiques et leurs doctrines secrètes, et siècle après siècle, à mesure que leur pouvoir augmentait par le moyen
          de  "toutes les séductions de l'iniquité et par des signes et des faux miracles" trompèrent les esprits des
          chrétiens mondains, leur faisant croire que leurs anathèmes étaient équivalents à la malédiction divine; en
          d'autres termes, ils leur firent croire qu'ils pouvaient faire descendre le feu du ciel sur la terre, et ainsi amener
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          la terre et tous ses habitants à adorer la bête dont la blessure avait été guérie . Quand la blessure mortelle de
          la bête païenne fut guérie et que la bête sortit de la mer, il est dit que la bête qui montait de la terre devint
          l'exécuteur reconnu, accrédité, de la volonté de la bête qui montait de la mer (Apocalypse XIII, 12) et elle
          exerçait toute la puissance de la première bête devant elle, littéralement "en sa présence", sous ses regards.
          Si nous considérons qui est la première bête, l'expression "en sa présence" a beaucoup de force. La bête qui
          monte de la mer, c'est la petite corne qui a des yeux comme ceux d'un homme (Daniel VII, 8), c'est Janus
          Tuens, Janus qui voit tout, en d'autres termes, l'évêque universel ou le voyant universel, qui du haut de son
          trône sur les sept collines, par son système de confessionnal, voit et sait tout ce qui se fait, jusqu'aux limites
          les  plus reculées de  son vaste domaine.  Or, ce fut exactement vers le temps où le pape devint l'évêque
          universel, qu'apparut la coutume d'orner systématiquement les principaux évêques de l'empire d'Occident de
          la livrée papale qu'on appela le Pallium afin, dit Gieseler, de symboliser et de fortifier leur lien avec l'Église
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          de Rome .

          Ce pallium, que les évêques portaient sur l'épaule, était la livrée du pape, elle obligeait ceux qui la revêtaient
          à  agir comme fonctionnaires de Rome et c'était de leur chef qu'ils tiraient leur autorité, c'était sous son
          contrôle qu'ils l'exerçaient; d'un autre côté, ce pallium était l'ornement visible de ces loups revêtus de peaux
          de brebis. Que signifiait donc le pallium de l'évêque papal? C'était un vêtement de laine bénie par le pape,
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          prise aux agneaux sacrés que gardaient les nonnes de Sainte-Agnès et filée par leurs saintes mains . Il n'était
          donné  qu'à ceux que le pape voulait honorer, afin, comme le dit un d'eux, "de les faire entrer dans la
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          communion   de notre troupeau pastoral ." Avec une pareille  mission, avec une pareille ordination qu'ils
          tenaient de l'évêque universel, "ils travaillèrent en conséquence et entraînerent la terre et ses habitants à adorer
          la bête qui avait reçu la blessure faite par une épée et qui y survécut." Ce fut une partie de l'oeuvre prédite.
          Mais cette bête en fit une autre tout aussi importante: c'est celle-là qu'il nous reste à examiner.







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                              Bien que le pape soit le Jupiter Tonnant de la papauté et qu'il fulmine du Vatican comme son
                              prédécesseur du haut du Capitole, d'après la légende, ce n'est cependant pas lui qui fait descendre le feu
                              du ciel mais son clergé. Sans son influence, qui aveugle partout les esprits, la foudre papale ne serait
                              après tout que "bruta fulmina". Mais le symbole est très exact quand il attribue la descente du feu du ciel
                              à la bête qui sort de la terre plutôt qu'à la bête qui monte de la mer.
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                              GIESELER, vol. Il, 2 période, div. 2, sect. 117. Dès l'an 501, l'évêque de Rome avait posées fondements
                              de la corporation des évêques en leur accordant le pallium, mais c'est seulement vers 602, à l'élévation
                              de Phocas au trône impérial, que celui-ci fit du pape un évêque universel et que les papes commencèrent
                              à revêtir le palium, c'est-à-dire à le porter avec une règle établie et sur une large échelle.
                       27     Romeau XIX siècle, vol. III, p. 214. Aujourd'hui, le pallium n'est donné qu'aux archevêques. Selon
                              Gieseler, il était accordé alors aussi aux simples évêques.
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                              GIESELER, vol. II, La papauté, p. 225. Dans les premières lettres des papes, alors qu'ils donnaient le
                              pallium, le seul troupeau pastoral (uno pastorali ovili) a un sens différent du seul troupeau dont parle le
                              Seigneur. Ces lettres signalent l'organisation épiscopale comme corporation distincte, indépendante de
                              l'Église mais reposant sur la papauté, ce qui s'accorde merveilleusement à la prédiction.
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