Page 190 - LES DEUX BABYLONES
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Ichthys, le poisson étant ainsi identifié avec Dagon le dieu-poisson , et que depuis, s'avançant pas à pas,
suivant que les circonstances le permettaient, ce culte qui s'est introduit sous le nom de culte du Christ, a été
exactement le culte de cette même divinité Babylonienne, avec tous ses rites, ses pompes et ses cérémonies,
absolument comme dans l'ancienne Babylone. Enfin, il a vu que le souverain pontife de la prétendue Église
chrétienne de Rome, a si bien développé le titre qui lui fut donné vers la fin du IVe siècle, que maintenant il
a été décoré, comme il le fut pendant des siècles, du même nom blasphématoire décerné à l'origine aux
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pontifes Babyloniens .
Or, si le lecteur compare les circonstances dans lesquelles le pape s'est élevé à une si grande puissance et à
des prérogatives si blasphématoires, avec une prophétie de Daniel, qui, faute d'une vraie explication, n'a
jamais été bien comprise, je pense qu'il verra comment, dans l'histoire des papes, cette prédiction s'est
littéralement accomplie. La prédiction dont je parle se rapporte à ce qu'on appelle ordinairement le roi
volontaire, tel qu'il est décrit dans Daniel XI, 36, etc. Ce roi, pense-t-on généralement, est un roi qui s'élève
à l'époque de l'Évangile dans la chrétienté, mais on suppose que c'était un anté-christ infidèle, s'opposant, non
seulement à la vérité, mais à la papauté elle-même et à tout ce qui prend le nom de chrétienté. Mais
maintenant qu'on lise la prédiction à la lumière des faits que nous avons passés en revue, et on verra combien
le cas est différent: "Et le roi fera suivant sa volonté; il s'élèvera, il s'agrandira au-dessus de tout dieu, il
parlera insolemment contre le Dieu des dieux et prospérera jusqu'à ce que la colère de Dieu finisse; car ce qui
est arrêté s'accomplira. Il ne se souciera point des dieux de ses pères ni du désir des femmes, il n'aura aucun
égard à aucun dieu, car il se glorifiera au-dessus de tous." (Daniel XI, 36). C'est ainsi que ces paroles donnent
une description exacte de la papauté, avec son orgueil, avec son célibat et sa virginité obligatoires. Mais les
paroles qui suivent, d'après le sens que les commentateurs leur ont donné, n'ont jamais pu s'accorder soit avec
la théorie d'après laquelle il est ici question du pape, soit avec n'importe quelle autre. Traduisons-les donc
littéralement et comparons-les avec l'histoire de la papauté; alors tout sera clair, compatible, harmonieux. Le
prophète inspiré a déclaré que, dans l'église du Christ, quelqu'un s'élèvera qui non seulement aspirera à une
grande élévation, mais même l'atteindra de manière à faire suivant sa volonté; et cette volonté sera
entièrement opposée à toutes les lois divines et humaines.
Or, si ce roi doit être un prétendu successeur du pécheur de Galilée, voici la question qui se pose
naturellement: comment pourrait-il jamais avoir le moyen de s'élever à un pareil pouvoir? Les mots qui
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suivent répondent clairement à cette question: "Il n'aura aucun égard à aucun dieu , car il s'élèvera au-dessus
de tout dieu. Mais en s'établissant, il honorera le dieu des fortifications (Ala Mahozim) et un dieu que ses
pères ne connaissaient point, il l'honorera avec de l'or et de l'argent, des pierres précieuses et d'autres objets
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agréables. C'est ainsi qu'il se fera des enceintes fortifiées pour le peuple d'un dieu étranger; il le reconnaîtra,
et accroîtra sa gloire; il le fera dominer sur plusieurs et leur partagera le pays à prix d'argent." (Daniel XI, 37-
39). Telle est la prophétie. Or, c'est précisément là ce que le pape fit. S'agrandir, tel a toujours été le principe
32 Bacchus lui-même était appelé Ichthys. HESYCHIUS, p. 179.
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Dès la première édition de cet ouvrage, je signalais ne pas pouvoir prouver que Gratien ait établi le pape
comme Pontifex avec autorité directe sur les païens. Aujourd'hui encore la question demeure obscure. Le
révérend Booke, de Ceylan, m'a communiqué ses recherches: elles m'ont fait hésiter à affirmer que
Gratien ait accordé une autorité formelle à l'évêque de Rome. Feu M. Jones fait allusion à l'Appendix du
Codex Theodosianus pour le prouver et affirme que les fonctions de Pontife étaient en balance entre
deux candidats, l'un païen, Symmaque et l'autre, l'évêque de Rome (Journ. trim. de la Prophétie, oct.
1852). Je n'ai pu trouver cette déclaration, mais mettre en doute ce passage si détaillé, c'est attaquer la
véracité de l'auteur. Même sans nomination formelle de Damasus, celui-ci devint d'après le rescrit de
Gratien (pleinement authentique selon Gieseler), la première autorité spirituelle dans l'empire
d'Occident. En 400, quand les prêtres païens furent reconnus par l'empereur comme officiers publics
(Cod. Théod. XII), ils tombèrent sous la juridiction de l'évêque de Rome, qui seul tranchait les questions
religieuses. Dans le texte je n'y fais aucune allusion, l'argument étant assez concluant sans cela.
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Il n'est pas dit: "il n'adorera aucun dieu", le contraire est évident, mais: "il n'aura égard à aucun, parce
que sa propre gloire est son plus grand souci." (Daniel XI, 37).
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C'est le même mot qui plus haut est rendu par "fortifications".