Page 181 - LES DEUX BABYLONES
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          déclaraient avoir le monopole, inspirèrent aux Romains le plus grand respect. Tout le monde s'accorde à
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          reconnaître que les Romains ont emprunté surtout aux Toscans , c'est-à-dire aux habitants de l'Étrurie, leur
          connaissance des augures, qui occupaient une place si importante dans toutes leurs entreprises publiques, et
          tout d'abord les indigènes de ce pays avaient seuls le droit d'exercer l'office d'Aruspex, qui concernait tous
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          les rites essentiellement compris dans le sacrifice . Des guerres et des disputes s'élevèrent entre les Romains
          et les Étrusques; mais cependant les plus distingués d'entre les jeunes nobles de Rome furent envoyés en
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          Étrurie pour être instruits dans la science sacrée qui y florissait . Aussi grâce à l'influence des hommes dont
          l'esprit était façonné pour ceux qui demeuraient encore attachés à l'ancien culte des idoles, les Romains furent
          ramenés  en  grande partie  à cette idolâtrie  qu'ils avaient autrefois répudiée et rejetée. Bien que Numa
          cependant, en érigeant son système religieux, se laissât guider par le sentiment qui dominait alors et défendit
          le culte des images, toutefois par suite de l'alliance existant entre Rome et l'Étrurie pour les choses sacrées,
          tout fut mis en oeuvre pour faire disparaître entièrement cette défense. Le collège de pontifes dont il posa les
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          fondements , devint avec le temps un collège essentiellement étrusque et le souverain pontife, qui présidait
          ce  collège et contrôlait tous les rites religieux publics ou privés du peuple romain dans tous les points
          essentiels, devint en esprit et en réalité un pontife étrusque.


          Cependant le souverain pontife de Rome, même lorsque l'idolâtrie eut été absorbée dans le système romain,
          n'était qu'un rejeton du grand système babylonien primitif. C'était un adorateur dévoué du dieu babylonien,
          mais ce n'était pas le représentant légitime de ce dieu. Le véritable pontife babylonien avait son siège hors des
          limites  de l'empire romain. Ce siège, après la mort de Balthazzar et l'expulsion  de Babylone du clergé
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          chaldéen par les rois Mèdes et Perses, était à Pergame, où fut plus tard l'une des sept églises d'Asie . Ce fut
          donc là que se maintint, pendant des siècles, le siège de Satan (Apocolypse II, 13). C'était, sous la protection
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          des rois déifiés de Pergame , sa demeure préférée. Là fut célébré le culte d'Esculape sous la forme d'un
          serpent, avec des orgies et des excès incroyables, tandis qu'ailleurs il y avait dans ces orgies une certaine
          mesure. Tout d'abord le pontife romain n'avait aucun rapport avec Pergame et sa hiérarchie, mais avec le
          temps, le pontificat de Rome et celui de Pergame furent identifiés. Pergame elle-même devint une partie et
          une  dépendance de l'empire romain, lorsqu'Attale, le dernier de ses rois, laissa en mourant, dans son
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          testament, toutes ses possessions au peuple romain, 133 av. J.-C. . Quelque temps après, le royaume de
          Pergame s'étant fondu dans les provinces romaines, personne n'aurait osé, ouvertement et de propos délibéré,




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                              KENNETT, Antiquités, P. II, liv. II, ch. 3, p. 67 et ADAM. Antiquités, Les ministères de la religion, p.
                              255.
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                              KENNETT, Antiquités, liv. II, ch. 4, p. 69.
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                              CICÉRON, De Divinatione, liv. III, vol. III, ch. 41, p. 34-35.
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                              TITE-LIVE, liv. IV, vol. I, ch. 4, p. 260.
                       73     BARKER et AINSWORTH, Lares et Pénates de la Cilicie, ch. VIII, p. 232. Barker dit: "Les Chaldéens
                              défaits s'enfuirent en Asie Mineure et fixèrent leur principal collège à Pergame." La Phrygie, si célèbre
                              pour le culte de Cybèle, formait une partie du royaume de Pergame comme la Mysie, et les Mysiens,
                              d'après la Chronique Paschale (vol. I, p. 10), descendaient de Nemrod. Voici ces paroles: "Nebrod, le
                              chasseur et géant, d'où descendaient les Mysiens." La Lydie aussi (voir SMITH, Dict. class., p. 512),
                              d'où venaient les Étrusques, d'après Tite-Live et Hérodote, formait une partie de ce même royaume.
                       74     Les rois de Pergame, où les mages Chaldéens trouvèrent un asile, étaient évidemment placés par eux et
                              par la voix unanime du paganisme qui sympathisait avec eux, dans le siège vide que Balthazzar et ses
                              prédécesseurs avaient occupé. Ils étaient salués comme les représentants du dieu Babylonien. Pausanias
                              cite d'abord les paroles suivantes d'un oracle de la prophétesse Phaënnis, à propos des Gaulois (liv. X,
                              Phocica, ch. 15, p. 233): "Mais la divinité affligera plus sérieusement encore ceux qui habitent près de la
                              mer. Cependant, bientôt après, Jupiter leur enverra un défenseur, le fils bien-aimé d'un taureau nourri par
                              Jupiter qui apportera la destruction sur toute la Gaule." Puis il fait ce commentaire: Phaënnis, dans cet
                              oracle, veut dire que ce fils d'un taureau est Attale, roi de Pergarme, que l'oracle d'Apollon appelait
                              Tauro Keron, ou celui qui a des cornes de taureau (ibid.). Ce titre prouve qu'Attale, dans les possessions
                              duquel les mage savaient leurs principaux sièges, avait été établi et reconnu sous le caractère même de
                              Bacchus, chef des Mages. Ainsi le siège vacant de Balthazzar fut occupé, et la chaîne brisée de la
                              succession chaldéenne renouée.
                       75     SMITH, Diction, classique, p. 542.
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