Page 178 - LES DEUX BABYLONES
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          gouverner toutes les nations, pouvait-il être représenté par le serpent de feu? Rien, en effet, ne pouvait le
          dépeindre plus exactement.


          Parmi les nombreux seigneurs et les nombreuses divinités adorées dans la ville impériale, les deux grands
          objets  de culte étaient le feu éternel, qui brûlait toujours dans le temple de Vesta, et le serpent sacré
          d'Epidaure.  Dans la Rome païenne, ce culte du feu et ce culte du serpent étaient quelquefois séparés,
          quelquefois confondus, mais tous les deux occupaient une grande place dans l'estime des Romains. Le feu
          de Vesta était considéré comme l'un des principaux protecteurs de l'empire. On disait qu'il avait été apporté
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          de Troie par Énée à qui il avait été confié par les soins de l'ombre d'Hector , aussi était-il conservé avec le
          soin le plus jaloux par les vierges


          Vestales qui, en raison de leur charge, étaient entourées des plus grands honneurs. Le temple où elles le
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          gardaient, dit Augustin, était le plus sacré et le plus honoré de tous les temples de Rome . Le feu qui était
          gardé avec une telle sollicitude et dont dépendaient tant de destinées, avait les mêmes caractères que chez les
          anciens Babyloniens, adorateurs de cet élément. On le regardait comme purificateur et chaque année au mois
          d'avril, à l'époque des Palilia, ou fêtes de Pales, on faisait passer dans le feu, à cet effet, les hommes et le
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          bétail . Le serpent d'Epidaure que les Romains adoraient aussi bien que le feu, était regardé comme une
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          divine  représentation  d'Esculape, l'enfant du soleil . Esculape, représenté par le serpent sacré, était
          évidemment un autre nom du grand dieu Babylonien. Il eut exactement le même sort que Phaéton. Il fut, dit-
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          on, terrassé par la foudre pour avoir voulu rendre des morts à la vie . Il est évident que cela n'aurait jamais
          pu avoir lieu dans un sens littéral, et on l'aurait cru avec peine. Mais si on le considère dans un sens figuré,
          cela veut dire qu'on croyait qu'il rendrait à une nouvelle vie les hommes morts dans leurs fautes et leurs péchés.

          Or, c'est exactement ce que Phaéton s'efforçait de faire lorsqu'il fut terrassé pour avoir mis le feu sur la terre.
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          Il y avait dans le système Babylonien une mort symbolique  par laquelle tous les initiés devaient passer, avant
          d'avoir reçu la nouvelle vie qui était impliquée dans la régénération, et cela pour déclarer qu'ils étaient passés
          de la mort à la vie. Comme le fait de passer à travers le feu était en même temps une purification du péché
          et un moyen de régénération, c'était aussi pour avoir voulu ressusciter les morts que Phaéton fut terrassé.
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          Esculape était l'enfant du soleil, Phaéton l'était aussi . C'était pour symboliser cette parenté qu'on entourait
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          d'ordinaire de rayons la tête d'Esculape . C'est ainsi que le pape entoure les têtes des prétendues images du
          Christ;  mais la véritable origine de cet embellissement est évidente pour tous ceux qui connaissent la



                              avec puissance par sa victoire sur le tombeau, il se révéla comme le dieu-enfant né pour gouverner les
                              nations. Alors il dit à ses disciples: "Tout pouvoir m'est donné dans le ciel et sur la terre; allez donc et
                              enseignez toutes les nations." (Matthieu XXVIII, 18, 19) Le Seigneur fait allusion à cette glorieuse
                              naissance de la tombe et aux douleurs d'enfantement de l'Église la nuit avant sa trahison: "En vérité, en
                              vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez, mais le monde se réjouira et vous serez
                              attristés, mais votre tristesse se changera en joie. Lorsqu'une femme est en travail, elle a de la douleur,
                              car son heure est venue, mais dès qu'elle est délivrée de son enfant elle ne se souvient plus de son travail,
                              dans la joie qu'elle a de ce qu'un homme est venu au monde. Vous aurez donc maintenant du chagrin,
                              mais je vous verrai de nouveau et votre coeur se réjouira." (Jean XVI, 20-22). Comment douter du sens
                              du symbole quand la femme est présentée en travail et que l'homme-enfant fut élevé "jusqu'à Dieu et à
                              son trône"?
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                              VIRGILE, Enéide, liv. II, v. 296-297.
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                              AUGUSTIN, De Civitate Dei, liv. III, vol. IX, ch. 28, p. 110.
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                              OVIDE, Fastes, liv. IV, v. 722-743.
                       53     ibid. Métamorphoses, liv. XV, v. 736-745.
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                              ibid. et Enéide, liv. VII, v. 769-773.
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                              WILKINSON, vol. I, p. 267, et APULÉE, Metam., ch. XI.
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                              La naissance d'Esculape, d'après le mythe, était exactement celle de Bacchus. Sa mère fut brûlée par la
                              foudre, et l'enfant fut sauvé de l'éclair qui la consuma, comme Bacchus fut arraché aux flammes qui
                              brûlèrent sa mère (LEMPRIERE).
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                              DYMOCK, sub voce.
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