Page 174 - LES DEUX BABYLONES
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la même conduite . Vulcain était la tête et le chef des Cyclopes, c'est-à-dire des rois de la flamme . Nemrod
était le chef des adorateurs du feu. Vulcain forgeait les foudres qui servirent si bien à écraser les ennemis des
dieux. Nemrod ou Ninus, dans ses guerres contre le roi de Bactres, paraît avoir soutenu la lutte de la même
manière. Arnobe nous apprend que pendant la guerre de Ninus contre les Bactriens, la lutte ne se poursuivait
pas par l'épée et par la force physique, mais par la magie et par des moyens empruntés aux instructions
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secrètes des Chaldéens . Quand nous savons que les Cyclopes de l'histoire, d'après l'historien Castor,
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remontent au temps de Saturne ou de Bélus, le premier roi de Babylone , quand nous voyons que Jupiter (qui
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était adoré sous les mêmes caractères que Ninus l'enfant) fut aidé dans sa lutte contre les Titans, par les
éclairs éblouissants et les tonnerres des Cyclopes, nous avons une idée assez claire de ces arts magiques
empruntés aux mystères chaldéens que Ninus employa contre le roi Bactrien. Nous avons la preuve qu'à une
époque reculée, les prêtres des mystères chaldéens connaissaient la composition du feu formidable des grecs
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qui brûlait sous l'eau et dont on a perdu le secret ; or il n'y a pas le moindre doute que Nemrod en s'élevant
au pouvoir se servit de ces secrets scientifiques ou d'autres semblables, que lui seul et ses associés connaissaient.
À ces points de vue et à d'autres que nous avons encore à examiner, il y a une coïncidence exacte entre
Vulcain, le dieu du feu des Romains, et Nemrod le dieu du feu des Babyloniens. Quant au Vulcain de
l'antiquité, il est seulement représenté d'ordinaire sous son caractère de dieu du feu comme agent physique.
Mais ce fut surtout sous son aspect figuré, dans la purification et la régénération des âmes, que le culte du feu
agit efficacement sur le monde. Le pouvoir, la popularité, l'adresse de Nemrod aussi bien que la nature
séduisante du système lui-même, lui permirent de répandre au loin la trompeuse doctrine. Il fut représenté
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sous le nom bien connu de Phaéton , comme étant sur le point d'embraser le monde entier, ou (sans la
métaphore poétique) d'entraîner toute l'humanité dans le culte du feu. La prédominance extraordinaire du culte
du feu dans les premiers âges du monde est établie par des légendes qui existent sur toute la terre, et par des
faits qu'on trouve dans presque tous les pays. Ainsi au Mexique, les indigènes racontent que dans l'antiquité
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après le premier âge, le monde fut complètement embrasé par le feu . Comme leur histoire, semblable à celle
des Égyptiens, était écrite en hiéroglyphes, il faut l'entendre symboliquement. Dans l'Inde, il y a une légende
tendant au même but, quoique un peu différente dans la forme. Les Brahmanes disent qu'à une époque très
reculée de leur histoire, l'un des dieux brillait d'un éclat si insupportable, désolant l'univers par ses rayons
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éblouissants, plus éclatants que mille mondes , que sans un autre dieu plus puissant qui s'interposa et lui
coupa la tête, cette splendeur aurait eu les conséquences les plus désastreuses.
Dans les Triades Druidiques des anciens Bardes de la Grande-Bretagne, il y a des allusions évidentes au même
événement. Ils disent que dans l'antiquité "il s'éleva une tempête de feu qui fendit la terre jusqu'aux abîmes:
nul n'échappa, excepté la compagnie des élus, enfermés dans une enceinte par une porte solide, avec le grand
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Nemrod comme roi universel était Khuk-hold, le roi du monde. En tant que tel il portait les cornes d'un
taureau, qui étaient la représentation et aussi l'emblème de son pouvoir.
24 Kuclops, de Khuk, roi, et Lhob, flamme. L'image du grand dieu était représentée avec trois yeux, dont un
au front; de là l'histoire des Cyclopes avec un oeil au front.
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ARNOBIUS, liv. I, p. 327, c. I.
26 EUSÈBE, Chronicon, traduction arménienne, p. I, p. 81.
27
Voir fig. 35, p. 207.
28
SALVERTÉ, Des Sciences occultes, p. 415.
29 Phaéton est appelé Éthiopien, c'est-à-dire un Cushite. Pour l'explication de son histoire, voir Appendice,
note O.
30
HUMBOLDT, Le Mexique, vol. II, p. 21-22.
31 SKANDA PURAN et PADENA PURAN, dans KENNEDY, La Mythologie Hindoue, p. 275. Dans le
mythe, cette divinité est représentée comme la cinquième tête de Brahma; mais comme cette tête, dit-on,
avait obtenu la connaissance qui l'avait rendue si intolérablement fière en lisant les Védas produits par
les quatre autres têtes Brahma, cela montre qu'elle doit avoir été regardée comme ayant une individualité
distincte.