Page 171 - LES DEUX BABYLONES
P. 171
169
Article 1 - Le grand dragon rouge
Ce formidable ennemi de la vérité est spécialement dépeint au verset 3 du ch. XII de l'Apocalypse: "Et
alors il parut dans le ciel un autre signe, c'était un grand dragon couleur de feu." (Apocalypse XII, 3). Tout
le monde admet que c'est le premier grand ennemi qui dans les temps évangéliques assaillit l'Église
chrétienne.
Si l'on considère les termes dans lesquels il est décrit et les actes qu'on lui attribue, on verra qu'il y a une
grande analogie entre ce dragon et le premier ennemi qui s'éleva contre l'ancienne église de Dieu quelque
temps après le déluge. Le mot dragon, suivant les idées auxquelles on l'associe d'ordinaire, est bien fait pour
égarer le lecteur en rappelant à son esprit les dragons fabuleux et ailés de l'antiquité. Quand cette divine
description fut donnée, l'expression de dragon n'avait point ce sens-là chez les auteurs sacrés ou profanes. Le
2
dragon des Grecs, dit Pausanias, n'était pas autre chose qu'un grand serpent , et le contexte montre que c'était
bien le cas ici; car ce qui est appelé dragon dans le 3e verset (Apocalypse XII, 3) est simplement appelé
serpent dans le 14e (Apocalypse XII, 14). Le mot traduit par rouge signifie proprement couleur de feu. Le
dragon rouge signifie donc dragon de feu, ou serpent de feu. C'est exactement le même qui, dans la première
forme de l'idolâtrie, sous le patronage de Nemrod, apparut dans l'antiquité. Le serpent de feu des plaines de
Shinar semble avoir été le grand objet de culte. Les preuves les plus solides montrent que l'apostasie
commença chez les fils de Noé par le culte du feu, et cela, sous le symbole d'un serpent.
Nous avons déjà vu, en diverses occasions, que le feu étaient adoré comme étant la lumière et la force purificatrice.
Or, il en était ainsi à l'origine. Toute l'antiquité, en effet, désigne Nemrod comme ayant inauguré ce culte du
3
feu . Nous avons déjà prouvé l'identité de Nemrod et de Ninus; on le représente aussi sous le nom de Ninus
comme introduisant la même coutume. Dans un fragment d'Apollodore, il est dit que Ninus apprit aux
4
Assyriens à adorer le feu . Le soleil, grande source de lumière et de chaleur, était adoré sous le nom de Baal.
Or, puisque le soleil était adoré sous ce nom aux époques les plus reculées, cela montre bien le caractère
audacieux de ces premiers commencements de l'apostasie. On a cherché à montrer que le culte du soleil et
des corps célestes était une pratique excusable dans laquelle la race humaine pouvait innocemment tomber.
Mais comment cela a-t-il pu se faire? Dans le langage primitif de l'humanité, le soleil s'appelait Shamesh,
c'est-à-dire le serviteur. Ce nom était sans doute donné d'en haut pour rappeler au monde cette grande vérité
que l'astre du jour, quelque glorieux qu'il fût, n'était après tout que le ministre de la bonté du grand créateur
invisible envers ses créatures terrestres.
Les hommes le savaient et néanmoins avec cette entière connaissance, ils mirent le serviteur à la place du
maître; ils l'appelèrent Baal, le seigneur, et l'adorèrent en conséquence. Aussi quelle signification dans ces
paroles de Paul: "Connaissant Dieu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu; mais ils ont changé la vérité en
mensonge, et ont adoré et servi la créature, au lieu du Créateur, qui est Dieu au-dessus de tous, béni
éternellement." (Romains I, 21-25). Le commencement du culte du soleil et du culte de l'armée du ciel était
donc un péché contre la lumière, un péché de présomption, de lèse-majesté contre le ciel. Comme le soleil
dans les cieux était le grand objet du culte, ainsi le feu était adoré comme son représentant sur la terre. Vitruve
fait allusion à ce culte primitif du feu, quand il dit que les hommes se formèrent tout d'abord en états et en
5
communautés en se réunissant autour des feux . Et ceci est exactement d'accord avec ce que nous avons déjà
vu (p. 174) à propos de Phoronée, que nous avons identifié avec Nemrod; on lui attribuait l'invention du feu,
2
PAUSANIAS, liv. II,Corinthiaca, ch. 28, p. 175.
3 JOHANN. CLERICUS, tome II, p. 199, et VAUX, p. 8.
4
MÜLLER, frag. 68, vol. I; p. 440.
5
VITRUVE, vol. II, liv. II, ch. I, p. 36, etc.