Page 172 - LES DEUX BABYLONES
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         et on le considérait aussi comme le premier qui ait réuni la race humaine en communautés. En même temps
         que le soleil, le grand dieu du feu, le serpent eut aussi son culte et s'identifia avec lui (fig. 52).


         Dans   la mythologie du monde primitif, dit Owen, le serpent est
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          universellement le symbole du soleil . En Égypte, l'un des symboles les plus
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          communs du soleil ou du dieu soleil est un disque entouré d'un serpent . Voici
          croyons-nous, la raison première de cette identification: comme le soleil était
          la grande lumière du monde physique, ainsi le serpent était considéré comme
          la grande lumière du monde spirituel, qui donnait à l'humanité la connaissance
          du bien et du mal.

          Ceci implique naturellement une affreuse dépravation de la part des meneurs
          dans un pareil système, si on considère l'époque où il commença; mais c'est là,
          je le crois, le véritable sens de cette identification. En tout cas, nous avons des  Fig. 52
          preuves  scripturaires et profanes, pour établir que le culte du serpent
          commença en même temps que le culte du feu et du soleil. La déclaration inspirée de Paul sur cette question
          nous paraît décisive: "Ce fut, dit-il, quand les hommes connaissaient Dieu, mais qu'ils ne le glorifiaient pas
          comme   Dieu, qu'ils changèrent la gloire  de Dieu, non seulement en des images semblables à l'homme
          corruptible, mais en des images de bêtes rampantes, c'est-à-dire de serpents." (Romains I, 23) l'histoire profane
          s'accorde avec cette déclaration. Parmi les auteurs profanes, Sanchoniathon, le Phénicien, qui, dit-on, vivait
          à l'époque de Josué, s'exprime ainsi: "Thoth le premier attribua quelque chose de la nature divine au serpent
          et à la tribu du serpent, et il fut imité en cela par les Phéniciens et les Égyptiens." Cet animal, en effet, lui
          paraissait le plus spirituel de tous les reptiles: il est, dit-il, de la nature du feu; car il déploie une agilité
          incroyable, et se meut par le simple effet de sa volonté sans le secours de mains ni de pieds. En outre, il vit
          très longtemps et a la vertu de renouveler sa jeunesse, ainsi que l'a déclaré Thoth dans ses livres sacrés; c'est
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          pour ces raisons qu'on a introduit cet animal dans les mystères et dans les rites sacrés .
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          Or, Thoth, il faut se le rappeler, était le conseiller de Thamus, c'est-à-dire Nemrod . Cette déclaration nous
          permet donc de conclure que le culte du serpent formait une partie de l'apostasie primitive de Nemrod. La
          nature de feu du serpent à laquelle l'extrait ci-dessus fait allusion est partout chantée par les poètes païens.
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          Virgile, parlant de cette nature divine attribuée aux serpents, comme le remarque l'auteur des "Pompéiens" ,
          décrit le serpent sacré qui sortit de la tombe d'Anchise, lorsque son fils Énée a offert le sacrifice, en des termes
          qui  jettent une vive lumière sur le langage de Sanchoniathon, et sur le serpent de feu dont nous nous
          occupons. "À peine avait-il fini de parler que du fond de l'asile sacré sort un énorme serpent dont le corps
          déroule sept immenses anneaux, sept replis tortueux; il embrase mollement la tombe, et se glisse autour des
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          autels. Son dos est émaillé d'azur, et ses écailles tachetées étincellent de tout l'éclat de l'or ."

          Il  n'est donc  pas étonnant que le culte du feu et le culte du serpent aient été réunis. Le serpent aussi,
          renouvelant chaque année sa jeunesse, était sans doute représente à ceux qui voulaient une excuse pour leur
          idolâtrie, comme un emblème exact du soleil, le grand régénérateur, qui chaque année régénère et renouvelle
          la nature, et qui une fois divinisé, fut adoré comme le grand régénérateur des âmes.







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                              OWEN, dans DAVIES, Les Druides, note p. 437.
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                              BUNSEN, Hiéroglyphes, vol. I, p. 497.
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                              SANCHONIATHON, liv. I, p. 46-49.
                       9      Voir note 1, p. 88.
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                              Vol. II, p. 104.
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                              Virgile, liv. V, v. 84-88.
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