Page 168 - LES DEUX BABYLONES
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          pareille institution? Dans la religion du Messie Babylonien, elle existait depuis les temps les plus reculés. Il
          y avait en abondance dans ce système des moines et des religieuses. Dans le Thibet et le Japon, où le système
          Chaldéen fut de bonne heure introduit, on peut trouver encore des monastères, et ils y ont produit les mêmes
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          résultats funestes pour la morale que dans l'Europe papale . En Scandinavie les prêtresses de Freya, (c'étaient
          d'ordinaire  les filles du roi), qui avaient à veiller sur le feu sacré, et devaient observer une virginité
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          perpétuelle, étaient précisément un ordre de nonnes . À Athènes, il y avait des vierges maintenues aux frais
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          publics, qui étaient strictement vouées au célibat . Dans la Rome païenne, les Vierges Vestales qui avaient
          à remplir le même devoir que les prêtresses de Freya, occupaient une position semblable. Même dans le
          Pérou, pendant le règne des Incas, le même système prévalait, et cela avec une analogie qui prouve bien que
          les Vestales de Rome, les nonnes de la papauté et les saintes vierges du Pérou doivent être sorties de la même
          origine. Voici comment Prescott parle des nonnes Péruviennes: "Les Vierges du soleil, les élues, comme on
          les appelle, présentent une autre analogie avec les institutions catholiques romaines. Ces jeunes vierges étaient
          consacrées au service de la déesse; elles étaient enlevées à leur famille dès l'âge le plus tendre, et mises dans
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          des couvents où on les remettait aux soins de matrones d'un certain âge, mamaconas , qui avaient vieilli entre
          ces murs. Elles devaient veiller sur le feu sacré qu'on allumait à la fête de Raymi. Dès qu'elles entraient dans
          l'établissement, elles n'avaient plus de communication avec le monde, pas même avec leur famille ou leurs
          amis. Malheur à la pauvre jeune fille qui était reconnue coupable d'une intrigue! Elle était condamnée, d'après
          la terrible loi des Incas, à être enterrée vivante!" C'était exactement le sort de la Vestale romaine qui violait
          son voeu. Cependant ni dans le Pérou, ni dans la Rome païenne, le devoir de la virginité n'était aussi strict
          que dans la papauté. Il n'était pas perpétuel, aussi n'était-il pas si profondément démoralisateur. Après un
          certain temps, les nonnes pouvaient être délivrées de leur solitude, et se marier. Dans l'Église de Rome, elles
          sont absolument privées de ces espérances. Dans tous ces détails, néanmoins, il est facile de voir que le
          principe  sur lequel reposaient ces institutions est évidemment le même. "On est étonné, dit Prescott, de
          trouver une pareille ressemblance entre les institutions de l'Inde, de l'Amérique, de la Rome ancienne et de
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          la Rome catholique moderne ." Prescott a de la peine à expliquer cette ressemblance; mais elle s'explique
          aisément par un petit passage du prophète Jérémie, que nous avons cité au début de ce travail: "Babylone a
          été dans la main du Seigneur une coupe d'or, qui a enivré toute la terre." (Jérémie LI, 7). C'est là la pierre de
          Rosette qui a servi déjà à jeter tant de lumière sur les secrètes iniquités de la papauté, et qui est destinée à
          déchiffrer les sombres mystères de chaque système passé ou présent de la mythologie païenne. Il est facile
          de prouver la vérité littérale de cette parole: il est facile de prouver que l'idolâtrie de toute la terre est, la
          même, que le langage sacré de toutes les nations est purement Chaldéen, que les grands dieux de toutes les
          contrées  et de tous les climats sont désignés par des noms Babyloniens, et que tous les paganismes de
          l'humanité sont la corruption perfide et délibérée, mais cependant singulièrement instructive, du premier
          évangile annoncé en Éden et transmis plus tard par Noé à toute la race humaine. Le système élaboré d'abord
          à Babylone, et propagé plus tard jusqu'aux extrémités de la terre, s'est modifié et décomposé à différentes




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                              Voir note 4 p. 330, et aussi Hist. du Tonkin, PINKERTON, vol. IX, p. 766. Il en est, même chez les
                              protestants, qui commencent à parler de ce qu'ils appellent les bienfaits des couvents dans des temps
                              difficiles, comme si les couvents n'étaient nuisibles que lorsqu'ils tombent dans la décrépitude et la
                              corruption! Le célibat obligatoire, qui fait la base du système monastique, est de la véritable essence
                              d'apostasie, qui est divinement caractérisée comme étant "le Mystère d'iniquité" (II Thessaloniciens II,
                              7). Que ces protestants lisent I Timothée IV, 1-3, et ils ne diront plus que les abominations des couvents
                              viennent uniquement de leur décrépitude.
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                              MALLET, vol. I, p. 141.
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                              POTTER, Antiquités, vol. I, p. 369.
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                              Mama-cona, mère-prêtresse, est presque de l'hébreu pur, et vient de Am, mère et Cohn, prêtre, avec une
                              terminaison féminine. Notre nom Maman, comme celui du Pérou, n'est autre chose que Am redoublé, Il
                              est extraordinaire que le titre imaginaire de la dame abbesse en Irlande soit "Révérende Mère". Le mot
                              "nonne" lui-même est un mot chaldéen. Ninus, le Fils, est Nin ou Non en Chaldéen. Or, le féminin de
                              Non, un fils, est Nonna, une fille, ce qui est précisément le nom canonique pour désigner une nonne, et
                              Nonnus de même, était primitivement l'expression consacrée en Orient pour désigner un moine
                              (GIESELER, vol, II, p. 14, note).
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                              PRESCOTT, Le Pérou, vol. I, p. 103.
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