Page 164 - LES DEUX BABYLONES
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          une crosse surmontée d'un oeil . C'est ce qui se fait chez les nègres africains dont le dieu, appelé le Fétiche,
          est représenté sous la forme d'une crosse comme le montrent évidemment ces lignes de Hurd: "Ils mettent des
          fétiches devant leurs portes, et ces divinités sont faites sous la forme de ces grappins ou de ces crocs dont nous
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          nous servons d'ordinaire pour secouer nos arbres fruitiers ."

          Cela se fait aujourd'hui dans le Thibet, où les Lamas ou Theros portent, ainsi que le déclare le jésuite Luc,
          une crosse, comme emblème de leur fonction. C'est encore ce qui se fait même au Japon, si loin de nous;
          voici, en effet, la description des idoles du grand temple de Miaco, le dieu principal: "Leurs têtes sont ornées
          de rayons de gloire: quelques-unes ont à la main des crocs de berger pour montrer qu'elles sont les gardiennes
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          de l'humanité contre toutes les machinations des mauvais esprits ." La crosse que porte le pape, comme
          emblème de son office de grand berger du troupeau, n'est donc ni plus ni moins que le bâton recourbé de
          l'augure  ou le  bâton magique des prêtres de Nemrod. Or, que disent de tout ceci les adorateurs de  la
          succession apostolique? Que pensent-ils maintenant de leurs ordres tant vantés qu'ils font venir de Pierre de
          Rome? Ils ont raison, vraiment, d'en être fiers! Que diraient donc les anciens prêtres païens qui ont disparu
          de ce monde alors que les martyrs luttaient encore contre leurs dieux et qui plutôt que de se tourner vers eux,
          "n'aimèrent pas leur vie plus que la mort", que diraient-ils s'ils pouvaient voir l'apostasie de la soi-disant
          Église de la chrétienté d'Europe? Que dirait Belshazzar lui-même, s'il lui était permis de revoir "la clarté de
          la lune", d'entrer à Saint-Pierre de Rome, et de voir le pape dans ses attributs pontificaux, dans toute sa pompe
          et sa gloire? Certainement il dirait qu'il est entré dans l'un de ses propres temples, autrefois si célèbres, et que
          toutes choses continuent comme elles étaient à Babylone, cette nuit mémorable où il vit avec stupéfaction
          cette inscription si terrible: "Mané, mané, tekel, upharsin!" (Daniel V, 25).
















































                       40     PLUTARQUE, vol. II, p. 354. F.
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                              HURD, p. 374, c. 2.
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                              ibid. p. 104, c. 2.
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