Page 176 - LES DEUX BABYLONES
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Or, les anciennes traditions racontent que les apostats qui se joignirent à la rébellion de Nemrod firent la
guerre aux fidèles d'entre les enfants de Noé. La force et le nombre étaient du côté des adorateurs du feu. Mais
Sem et ses fidèles avaient pour eux la puissance de l'Esprit de Dieu. Aussi un grand nombre furent convaincus
de leur péché, arrêtés dans leurs funestes desseins, et la victoire, nous l'avons déjà vu, se déclara pour les
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saints. Le pouvoir de Nemrod fut détruit , et avec lui, pour un temps, le culte au soleil et du serpent de feu
qui lui était associé. Ce fut exactement ce qui est déclaré ici pour le système correspondant à Babylone: "Le
grand dragon ou serpent de feu fut jeté hors du ciel sur la terre, et ses anges furent chassés avec lui."
(Apocalypse XII, 9) C'est-à-dire, le chef du culte du feu avec tous ses associés et ses subalternes furent
précipités du pouvoir et de la grandeur où ils avaient été élevés. Il en fut ainsi lorsque tous les dieux du
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Panthéon classique de la Grèce s'enfuirent tout tremblants et se cachèrent devant la fureur de leurs ennemis .
Il en fut ainsi dans l'Inde, le jour où Indra, le roi des dieux, Surya, le dieu du soleil, Agni, le dieu du feu, en
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un mot toute la foule en déroute de l'Olympe Hindou, chassée du ciel, erra sur la terre ou se cacha dans des
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forêts , désespérée, et exposée à mourir de faim . Ainsi Phaéton, conduisant le char du soleil, faillit mettre
le feu sur la terre, et fut écrasé par le maître des dieux et précipité sur la terre, tandis que ses soeurs, les filles
du soleil, se lamentaient sur son sort sans écouter aucune consolation, comme les femmes se lamentaient sur
Tammuz. Ainsi, comme le lecteur doit être préparé à le voir, Vulcain ou Molk-Gheber, le dieu classique du
feu, fut ignominieusement précipité du ciel, comme il le raconte lui-même dans Homère, lorsqu'il parle de
la colère du roi du ciel, qui, dans cet exemple, doit signifier le Dieu Très-Haut:
"Il me saisit par les pieds et me précipita loin du seuil divin; je roulai pendant tout le jour; et comme le soleil
se couchait, je tombai, ayant à peine un souffle de vie, Lemnos, où les Sinthiens me recueillirent et prirent
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soin de moi ."
40 Les guerres des géants contre le ciel, mentionnées dans les écrivains de l'antiquité, avaient primitivement
trait à cette guerre contre les saints; car les hommes ne peuvent faire la guerre à Dieu qu'en attaquant le
peuple de Dieu. Un écrivain de l'antiquité, Eupolemus, cité par Eusèbe (Praeparatio Evangeli., vol. II,
liv. I, ch. 17, p. 19) déclare que les constructeurs de la tour de Babel étaient des géants; cela revient à la
conclusion à laquelle nous sommes arrivés: en effet les puissants de Nemrod étaient les géants de
l'antiquité (note 2, p. 86). Épiphane raconte (vol. I, liv. I, p. 7) que Nemrod était un chef parmi ces
géants et que sous lui la conspiration et la sédition étaient fréquentes. Par suite de cette circonstance
même, les fidèles doivent avoir beaucoup souffert, comme étant tout à fait opposés à ses desseins
ambitieux et sacrilèges. Que le règne de Nemrod se soit terminé par quelque catastrophe terrible, c'est
une conclusion en faveur de laquelle les preuves abondent. Voici un passage de Syncellus qui confirme
la conclusion quant à la nature de la catastrophe; parlant de la construction de la tour, Syncellus dit
(Chronographia, vol. I, p. 77): "Mais Nemrod voulait obstinément demeurer là (quand presque tous les
ouvriers étaient dispersés); on ne pouvait l'arracher de la tour où il avait encore le commandement d'une
troupe assez importante. Là-dessus, paraît-il, la tour battue par des vents impétueux, fut ébranlée, et par
un juste jugement, Dieu la mit en pièces." Quoique ce détail puisse être vrai, puisque la tour demeura
encore debout pendant plusieurs siècles, une grande part de tradition déclare que cette tour fut renversée
par le vent, ce qui nous fait penser que cette histoire, si on la comprend bien, avait une réelle
signification. Prenez-la d'une manière figurée, et si vous vous rappelez que vent signifie aussi l'Esprit de
Dieu, il devient fort probable que le sens est: ce dessein hardi et ambitieux par lequel, dans le langage
scripturaire, il cherchait à monter jusqu'aux cieux et à établir sa demeure parmi les étoiles, fut renversé
par l'Esprit de Dieu et c'est dans cette chute qu'il trouva la mort.
41 OVIDE,Métam, liv. V, fab. V. v. 321.
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Col. KENNEDY, Mythologie Hindoue, p. 336.
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COLEMAN, p. 87.
44 Col. KENNEDY, Mythologie Hindoue, p. 350.
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HOMÈRE, Iliade, livre I, v. 750-765.