Page 132 - LES DEUX BABYLONES
P. 132

130

          processions romaines, on verra qu'il n'y a aucune analogie entre elles. Les deux faits dont je parle sont la
          marche  pendant sept jours autour de Jéricho (Josué  VI, 1-20; Hébreux  XI, 30), et la procession lors du
          transfert de l'arche de Kirjath-Jearim dans la cité de David (I Chroniques XIII, 5-8; II Chroniques I, 4). Dans
          le premier cas, les processions, quoique entourées des symboles du culte divin, n'étaient pas des actes du culte
          religieux, mais simplement une manière miraculeuse de faire la guerre à un moment où le peuple implorait
          l'intervention divine. Dans l'autre, il s'agissait uniquement de transporter l'arche, symbole de la présence de
          Jéhovah, d'un lieu où elle était demeurée longtemps dans l'obscurité, à un autre que le Seigneur lui-même
          avait choisi pour sa demeure, et dans une pareille occasion, il convenait que ce transfert s'opérât avec la plus
          grande solennité religieuse.

          Mais c'était là seulement des faits occasionnels, n'ayant absolument rien de commun avec les processions
          romaines  qui forment une partie ordinaire du cérémonial papal. Si l'Écriture ne dit rien des processions
          religieuses dans le culte approuvé de Dieu, elle parle plusieurs fois des processions païennes accompagnées
          de statues, et elle dépeint énergiquement la folie de ceux qui attendent du bien de ces dieux qui ne peuvent
          se mouvoir d'un lieu dans un autre à moins qu'on ne les y transporte. Parlant des dieux de Babylone, le
          prophète Ésaïe s'exprime ainsi: "Ils tirent l'or de la bourse, pèsent l'argent à la balance et louent un orfèvre
          pour en faire un dieu; ils l'adorent et se prosternent devant lui; ils le portent sur leurs épaules, ils s'en chargent,
          ils le mettent à sa place, il s'y tient immobile, il n'en remuera jamais." (Ésaïe XLVI, 6). Dans les sculptures
                                                                                              9
          de Ninive, ces processions d'idoles qu'on portait sur les épaules sont représentées avec éclat  et illustrent d'une
          manière frappante le langage du prophète sur la véritable origine des processions romaines. En Égypte, on
          observait la même pratique. Dans la procession des reliquaires, dit Wilkinson, on portait d'ordinaire la statue
          de la principale déesse en l'honneur de laquelle se faisait la procession, avec celle du roi et les statues de ses
                                                    10
          ancêtres  qu'on portait aussi sur les épaules . Mais ce n'est pas seulement à ce point de vue qu'on peut
          identifier les processions en général avec le système Babylonien. Nous avons la preuve qu'elles remontent à
          cet événement désastreux de l'histoire de Nemrod dont nous nous sommes déjà tant occupés. Wilkinson dit
          que  Diodore parle d'une fête Éthiopienne de Jupiter où la statue de ce dieu était portée en procession,
          probablement pour rappeler que les dieux se réfugièrent dans ce pays, selon la légende; peut-être était-ce là,
                                                                  11
          dit-il, un mémorial de la fuite des Égyptiens avec leur dieu .

          Le passage de Diodore, auquel Wilkinson fait allusion, n'est pas très décisif sur le motif du transfert annuel
          en Éthiopie des statues de Jupiter et de Junon (car Diodore mentionne la statue de Junon comme celle de
                                                                                          12
          Jupiter), qui après y avoir séjourné pendant quelque temps, étaient ramenées en Égypte . Mais si l'on compare
          ce passage à d'autres passages d'auteurs anciens, tout s'explique aisément. Eustathius dit qu'à cette fête-là, les
          Éthiopiens allaient chercher les statues de Jupiter et d'autres dieux qui étaient dans le temple de Jupiter à
          Thèbes. Avec ces statues ils allaient à une certaine époque en Lybie où ils célébraient une fête splendide en
                             13
          l'honneur des dieux . Comme la fête s'appelait une fête Éthiopienne, et comme c'était les Éthiopiens qui
          portaient et ramenaient les idoles, il est clair que les idoles étaient des idoles Éthiopiennes; or, comme nous
          avons vu que l'Égypte était au pouvoir de Nemrod et par conséquent des Cushites ou des Éthiopiens, quand
                                                       14
          l'idolâtrie  fut pour un temps abolie en Égypte , que serait ce transfert d'idoles en Éthiopie, le pays des
          Cushites, qu'on célébrait solennellement chaque année, sinon le résultat naturel de la suppression temporaire
          du  culte des idoles inauguré par Nemrod? Nous avons, au Mexique, la contrepartie exacte de cette fête
          Éthiopienne. À une certaine époque, on portait les statues des dieux hors de ce pays, dans une procession de
          deuil, comme si on se séparait d'eux, et au bout de quelque temps, on les ramenait avec toutes sortes de




                       9
                              LAYARD, Ninive et ses ruines, vol. II, p. 451.
                       10     WILKINSON, vol. V, p. 273.
                       11
                              ibid. p. 274.
                       12
                              DIODORE, liv. I, sect. 97, p. 62.
                       13
                              EUSTATHIUS, L'Iliade d'Homère, liv, I, v. 423-425 (SMITH, Dict., sub voce Ethiopia).
                       14
                              Voir p. 99-100.
   127   128   129   130   131   132   133   134   135   136   137