Page 108 - LES DEUX BABYLONES
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          Saint-Esprit et il verra clairement le blasphème contenu dans un pareil
          langage. Suivant la doctrine Chaldéenne, Sémiramis, la femme de Ninus
          ou Nemrod, divinisée sous le nom de Reine des cieux, fut adorée, nous
          l'avons vu, comme Junon la colombe, en d'autres mots, le Saint-Esprit
          incarné Quand son mari fut renversé à cause de sa révolte blasphématoire
          contre  la  majesté céleste, ce fut quelque temps pour elle un sujet de
          douleur. Les fragments de l'histoire ancienne venus jusqu'à nous racontent        Fig. 36
          sa frayeur et disent qu'elle s'enfuit, pour se sauver de ses ennemis. Dans
                                                                                  La figure du taureau coupé est un autre
          les fables de la mythologie, cette fuite était mystérieusement représentée  symbole de ce qui est représenté par le gros
          en harmonie avec les attributs de son mari. Les bardes grecs disaient que  arbre coupé (fig. 27, p. 147.), c'est-à-dire
                                                                                 Nemrod comme le puissant mis en pièces
          Bacchus,  vaincu par ses ennemis, se réfugia dans les profondeurs de   au milieu de sa gloire et de sa puissance.
          l'Océan (fig. 36).

                                                                                 L'homme-taureau le symbolise car, prince
          Voici ce que dit Homère:                                             et taureau ont le même nom. Le poisson au-
                                                                                          dessus du taureau indique la
                                                                                transformation qu'il devait subir à sa mort:
          "Ce héros jadis poursuivit les nourrices du délirant Bacchus sur le mont  l'histoire de Mélikerta, qui avec sa mère
                                                                                   Ino, fut jetée dans la mer et devint une
          sacré de Nyza; frappées par l'homicide Lycurgue, les Bacchantes laissent  déesse de la mer n'est qu'une autre version
          tomber leurs thyrses; le dieu effrayé se plonge dans les flots de la mer et  de l'histoire de Bacchus, car Ino était sa
          Thétis le reçoit tout tremblant dans son sein, tant les menaces d'un homme  nourrice. Or, sur la seconde médaille,
                                                                                     Mélikerta, appelée Paloemon, monte
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          l'ont saisi d'épouvanté ." En Égypte, nous l'avons vu, Osiris identifié à  triomphalement sur un poisson, après ses
          Noé était représenté comme passant au travers des eaux, alors qu'il fut  épreuves, avec un sapin ou un pin, symbole
          vaincu  par Typhon, son grand ennemi, ou le méchant. Les poètes          de Baal-Berith, dieu de l'alliance (voir
                                                                                                          p.147).
          représentaient Sémiramis comme partageant son malheur et cherchant de
          la même manière un refuge assuré. Nous avons déjà vu que sous le nom
                                                                                    Le nom Ghelas, au-dessus du taureau
          d'Astarté  elle était, disait-on, sortie de l'oeuf merveilleux qu'on trouve  coupé et du poisson est équivoque.
          flottant sur les eaux de l'Euphrate. Manilius nous dit, dans ses poésies  Appliqué au poisson, il vient de ghela, se
                                                                                     réjouir ou bondir de joie, comme les
          astronomiques, le motif qui la porta à se réfugier dans ces eaux. Vénus
                                                                                  dauphins font dans la mer. Appliqué à la
          plongea dans les eaux de Babylone, dit-il, pour éviter la colère de Typhon  divinité représentée par le poisson et le
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          aux pieds de serpent . Puisque Vénus, Uranie, ou Dioné  la colombe    taureau, il vient de gheda, révéler, car elle
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          céleste,  plongea par suite de son profond désespoir dans ces eaux de
                                                                                                           vérité.
          Babylone,  qu'on remarque, d'après la doctrine chaldéenne, à quoi cela
          revient. Cela veut dire, ni plus ni moins, que le Saint-Esprit incarné entra dans ces eaux, en proie à une grande
          tribulation, et cela, afin que ces eaux fussent propres à donner une vie nouvelle et la régénération par le
          baptême aux adorateurs de la Madone Chaldéenne, non seulement par le séjour temporaire du Messie au
          milieu  d'eux, mais  par l'efficace de  l'Esprit qui venait  ainsi s'y mêler. Nous avons la preuve que la vertu
          purificative des eaux, qui dans l'opinion païenne avaient le pouvoir de purifier l'âme de la corruption et de la
          régénérer, venait en partie de ce que le dieu médiateur, le dieu du soleil et le dieu du feu, passait dans ces
          eaux,  pendant son humiliation et son séjour au milieu d'elles; la papauté a gardé cette coutume  jusqu'à
          aujourd'hui, coutume qui vient de cette persuasion. Quant à ce qui concerne le paganisme, les extraits suivants
          de Potter et d'Athenasus sont assez éloquents. Chaque personne, dit Potter, qui venait aux sacrifices solennels
          (des grecs) était purifiée par l'eau.



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          À cet effet, on plaçait ordinairement, à l'entrée des temples, un vaisseau plein d'eau sacrée . Comment cette
          eau était-elle sanctifiée? On la consacrait, dit Athenasus, en y plongeant une torche enflammée qu'on prenait




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                              HOMÈRE, Iliade, VI, v. 133. Voir BRYANT, Mythologie, vol. IV, p. 157.
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                              MANILIUS, Astronom., liv. XV, v. 579-582, p. 146.
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                              OVIDE, Fastes, liv. II, p. 461.
                       47     POTTER, Antiquités, vol. I, p. 195.
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