Page 103 - LES DEUX BABYLONES
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manière évidente l'origine de la mythologie Mexicaine et aussi de la régénération baptismale que les
Mexicains avaient en commun avec les adorateurs égyptiens et perses de la reine chaldéenne du Ciel. Prescott,
il est vrai, doute de l'authenticité de cette tradition, comme étant trop exactement analogue avec l'histoire
scripturaire pour être digne de foi. Mais le célèbre Humboldt qui avait examiné soigneusement le sujet et qui
n'avait aucune raison pour le contredire, déclare qu'il croit entièrement à l'exactitude de cette tradition. Je dirai
même qu'on peut le prouver, d'après les pages si intéressantes de Prescott, pour chaque trait essentiel, à la
seule exception du nom de Wodan auquel il ne fait aucune allusion. Mais heureusement, le fait que ce nom
avait été porté par quelque illustre héros parmi les ancêtres supposés de la race Mexicaine est mis hors de
doute, par cette circonstance singulière que les Mexicains avaient un de leurs jours appelé Jour de Wodan,
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exactement comme les Anglais en ont un . C'est là, si on la rapproche de toutes les circonstances, une preuve
frappante à la fois de l'unité de la race humaine et de la large diffusion du système qui commença à Babylone.
Si l'on demande: comment les Babyloniens eux-mêmes ont-ils adopté cette
doctrine de la régénération par le baptême? C'est là une question qu'on peut
élucider. Dans les mystères Babyloniens la commémoration du déluge, de l'arche
et des grands événements de la vie de Noé, se mêlait au culte de la reine du ciel et
de son fils. Noé, pour avoir vécu dans deux mondes, le monde avant le déluge et
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le monde après le déluge, était appelé Diphues ou celui qui est né deux fois , et
était représenté sous les traits d'un dieu à deux têtes, tournées dans deux directions
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opposées, l'une jeune, l'autre vieille . Nous avons vu que Janus, le dieu à deux
têtes, se rapportait en un sens à Cush et à son fils Nemrod, considérés comme un
seul dieu, sous un double aspect, comme le dieu suprême, le père de tous les héros
déifiés; et cependant pour lui acquérir l'autorité et le respect essentiels à son titre
Fig. 34
futur de chef du grand système d'idolâtrie inaugurée par les apostats, il était
nécessaire de le représenter d'une manière ou de l'autre comme identique au grand patriarche qui était le père
de tous et avait une histoire si merveilleuse. Aussi dans les légendes de Janus, nous voyons, mêlées à d'autres
traits provenant d'une source tout à fait différente, des déclarations non seulement sur ce fait qu'il était le père
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du monde, mais sur celui-ci qu'il était l'inventeur des navires , ce qui est évidemment un emprunt à l'histoire
de Noé; c'est pour cela que la manière étonnante dont il est représenté dans cette gravure (fig. 34) que nous
mettons sous les yeux du lecteur, avait été inspirée par l'histoire du grand patriarche, à l'intégrité duquel
l'Écriture fait si particulièrement allusion quand elle parle du double aspect de sa vie: "Noé fut un homme
juste et intègre dans sa postérité" (Genèse VI, 9), c'est-à-dire dans sa vie avant et après le déluge.
Toute la mythologie de Grèce et de Rome, comme celle de l'Asie, est remplie de l'histoire et des exploits de
Noé auxquels il est impossible de se méprendre. Dans l'Inde, le Dieu Vichnou, le conservateur, qu'on honore
pour avoir miraculeusement sauvé une famille juste au moment où le monde fut submergé, offre l'histoire de
Noé enveloppée dans cette légende; il est même appelé par son nom. Vichnou est exactement la forme
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sanscrite du Chaldéen Ishnuh, l'homme Noé ou l'homme de repos . Quant à Indra, le roi des dieux et le dieu
de la pluie, ce qui n'est évidemment qu'une autre forme du même dieu, on trouve ce nom sous la forme exacte
d'Ishnu. Or, la légende même de Vichnou qui prétend faire de lui non une simple créature, mais le dieu
suprême et éternel, montre que cette interprétation de son nom n'est pas une imagination sans fondement.
Voici comment il est célébré dans le Matsya Puran: "Le soleil, le vent, l'air, tous les éléments immatériels,
étaient absorbés dans son essence divine et l'univers étant consumé, le Dieu éternel et tout-puissant, ayant
revêtu une ancienne forme, se reposa mystérieusement sur la surface du vaste océan. Mais nul ne peut savoir
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HUMBOLDT, vol. I, p. 319.
19
BRYANT, vol. XIV, p. 21.
20 ibid. p. 86.
21
BRYANT, vol. III, p. 78.
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Le mot même, Ish, homme, usité dans le sanscrit avec le digamma préfixe: par exemple Vishampati, le
seigneur des hommes. WILSON, L'Inde il y a 3000 ans, p. 59.