Page 104 - LES DEUX BABYLONES
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si cet être était alors visible ou invisible, quel était son saint nom, ou la cause de son mystérieux sommeil. Nul
ne peut dire non plus combien il se reposa ainsi jusqu'à ce qu'il eût la pensée de créer; car nul ne l'a vu, nul
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ne s'est approché de lui, nul ne peut pénétrer le mystère de son essence réelle ." Conformément à cette
ancienne légende, Vichnou est encore représenté comme dormant quatre mois de l'année.
Maintenant rapprochez cette histoire du nom de Noé, l'homme du repos, et de son histoire personnelle pendant
le déluge, lorsque le monde fut détruit, lorsque durant quarante jours et quarante nuits tout n'était que chaos,
qu'on ne voyait ni soleil, ni lune, ni étoile scintillante, que la mer et le ciel étaient confondus et que tout n'était
qu'un océan universel, sur la surface duquel flottait le patriarche; qu'il n'y avait nul être humain pour
s'approcher de lui, sauf ceux qui étaient dans l'arche avec lui, et nous pénétrons aussitôt le mystère de son
essence réelle, nous discernons le saint nom de cette personne et nous connaissons les causes de ce mystérieux
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sommeil. Or, partout on célèbre le nom de Noé soit sous le nom de Saturne le mystérieux , car ce nom lui
était donné aussi bien qu'à Nemrod, parce qu'il fut caché dans l'arche, au jour de la terrible colère du Seigneur,
soit sous celui d'Oannes ou Janus, l'homme de la mer; et il est généralement dépeint de manière à non prouver
qu'on le regardait comme Diphues, celui qui est né deux fois, ou le régénéré. Les Babyloniens nés deux fois,
qui sont autant de dieux sur la terre, montrent bien par le titre qu'ils se décernent à eux-mêmes, que le dieu
qu'ils représentent et dont ils réclament les prérogatives avait été connu comme celui qui est né deux fois. Les
rapports de la régénération avec l'histoire de Noé éclatent avec force dans les récits qui nous sont faits des
mystères célébrés en Égypte. Les meilleurs savants versés dans les antiquités Égyptiennes, parmi lesquels
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nous citerons Sir Gardiner Wilkinson, admettent que l'histoire de Noé se mêlait à celle d'Osiris . Le vaisseau
d'Isis et le cercueil d'Osiris flottant sur les eaux, se rapportent exclusivement à cet événement remarquable.
On déplorait la mort d'Osiris à différentes époques, dans diverses parties de l'Égypte, et à l'une de ces époques
on célébrait plus particulièrement la mémoire du puissant chasseur devant l'Éternel, et à une autre, la
catastrophe terrible à laquelle Noé survécut. Dans la grande et solennelle fête appelée la disparition d'Osiris,
il est évident que c'est Noé lui-même qui était censé s'être perdu. L'époque où Osiris fut enfermé dans son
cercueil et où ce cercueil fut déposé à la surface de l'eau, d'après les déclarations de Plutarque, s'accorde
exactement avec l'époque où Noé entra dans l'Arche. Ce fut le 17 du mois d'Athyr, alors que le Nil cesse de
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déborder, lorsque les nuits allongent et que les jours diminuent . Le mois Athyr était le second mois après
l'équinoxe d'automne, époque à laquelle commençait l'année des juifs et des patriarches. D'après cette
déclaration donc, Osiris fut enfermé dans son cercueil le 17e jour du second mois de l'année patriarcale.
Comparez ce fait avec le récit scripturaire de l'entrée de Noé dans l'Arche, et vous verrez à quel point ils
s'accordent: "l'an 600 de la vie de Noé, le deuxième mois, au 17e jour du mois, toutes les fontaines du grand
abîme furent rompues,... ce jour-là Noé... entra dans l'Arche." (Genèse VII, 11, 12); L'époque à laquelle disait-
on, Osiris (ou autrement Adonis) avait été renfermé dans son cercueil, était exactement la même que celle où
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Noé fut relégué dans l'Arche pendant une année . Or, les déclarations de Plutarque démontrent que comme
Osiris à cette fête était régale comme mort et enseveli quand il fut renfermé dans son arche ou dans son
cercueil et confié à l'abîme, ainsi lorsqu'il en sortit, son nouvel état fut regardé comme celui d'une nouvelle
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vie, ou comme une régénération .
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Col. KENNEDY, La mythologie Hindoue, p. 228.
24 RYANT, vol. III, p. 75.
25 WILKINSON, vol. IV, p. 340.
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PLUTARQUE, De Iside et Osiride, vol. II, p. 366. D.
27 POLLODORE, liv. III, c. X, IV, vol. I, p. 356-357. THÉOCRITE, Idylle, XV, 1. 103-104, p. 190-191;
Poetoe Groeci minores. Théocrite parle d'Adonis, délivré par Vénus, des régions infernales, après y être
demeuré pendant un an, mais comme cette scène se passe en Égypte, il est évident qu'il fait allusion à
Osiris, qui était l'Adonis des Égyptiens.
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PLUTARQUE, De Iside et Osiride, p. 356, 367, etc. C'est sous les traits de Pthah-Sokari-Osiris, qu'il
était représenté comme ayant été enseveli sous les eaux (WILKINSON, vol. IV, p. 265). Sous son
caractère propre, simplement comme Osiris, il avait une tout autre sépulture.