Page 105 - LES DEUX BABYLONES
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          Nous  avons toute raison de croire que par l'arche et le déluge, Dieu donna aux saints patriarches et
          principalement au juste Noé une représentation typique, vivante, du pouvoir du sang et de l'esprit de Christ,
          comme sauvant de son courroux et en même temps purifiant de tout péché, représentation qui était le sceau
          et la confirmation la plus réjouissante de la foi des véritables croyants. Pierre semble y faire distinctement
          allusion lorsqu'il dit, parlant de cet événement: "C'est à cela que répond maintenant comme une figure le
          baptême qui nous sauve." (I Pierre III, 21). Les prêtres Chaldéens ont entièrement corrompu et dénaturé toutes
          les vérités primitives. Ils fermèrent volontairement les yeux sur ce fait, que c'est la justice par la foi que Noé
          avait avant le déluge qui lui permit de traverser sain et sauf les eaux vengeresses de cette terrible catastrophe,
          et l'introduisit du sein de l'arche, par une nouvelle naissance, dans un monde nouveau, lorsqu'arrêté sur le
          mont Ararat, il sortit de sa longue réclusion. Ils firent croire à leurs sectateurs qu'en passant seulement par les
          eaux du baptême et les pénitences qui s'y rattachaient, cela suffisait pour faire d'eux, comme du second père
          de l'humanité, de Diphueis, nés deux fois ou régénérés, pour leur donner tous les privilèges du juste Noé et
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          cette nouvelle naissance (palingenesia)  dont leur conscience leur faisait sentir le pressant besoin. La papauté
          agit  d'après le même principe, et c'est de cette source qu'elle a tiré sa doctrine de la régénération par le
          baptême, à propos de laquelle on a tant écrit et engagé tant de controverses, que l'on discute tant que l'on
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          voudra, c'est là et là seulement qu'on trouve la véritable origine de ce dogme anti-scripturaire .
          Le lecteur a déjà vu combien Rome a fidèlement copié l'exorcisme usité dans le baptême. Toutes les autres
          particularités  qui se rattachent au baptême Romain, comme l'emploi du sel, de la salive, du chrême ou
          l'onction avec l'huile, et la marque sur le front par le signe de la croix, sont également des usages païens.
          Quelques partisans de Rome sur le continent, ont convenu que certains de ces usages n'ont pas été empruntés
          à l'Écriture. Jodocus Tiletanus de Louvain, défendant la doctrine de la tradition non écrite, n'hésite pas à dire:
          "Nous ne sommes pas satisfaits de ce que l'Évangile ou les apôtres déclarent, mais nous disons avant comme
          après, qu'il y a plusieurs vérités graves et importantes qui sont acceptées et reçues par suite d'une doctrine qui
          n'est nulle part écrite. Car nous bénissons l'eau avec laquelle nous baptisons et l'huile dont nous oignons; et
          même nous bénissons celui que nous baptisons. Et, je vous le demande, dans quelle doctrine l'avons-nous
          appris?  Ne le tenons-nous pas d'une ordonnance secrète et non écrite? Et de plus, quelle écriture nous
          enseigne à oindre avec l'huile? Oui, je vous le demande, d'où vient l'usage de plonger trois fois les enfants
          dans l'eau? Cela ne vient-il pas de cette doctrine cachée et mystérieuse que nos maîtres ont reçue en secret
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          sans aucune autorité et qu'ils observent encore ." Ce savant théologien de Louvain maintient naturellement
          que  cette doctrine secrète et cachée dont il parle, était la parole non écrite, transmise par le canal de
          l'infaillibilité, depuis les apôtres du Christ jusqu'à son propre temps. Mais d'après ce que nous avons déjà vu,
          le lecteur aura une opinion différente sur la source de cette doctrine secrète et cachée. Le Père Newman admet
          pour l'eau sacrée (c'est-à-dire l'eau imprégnée de sel puis consacrée) et plusieurs autres choses qui étaient,
          comme il le dit lui-même, les instruments et les accessoires du culte du démon, que tous ces usages avaient
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          leur origine païenne et qu'ils avaient été sanctifiés par leur introduction dans l'Église . Quelle excuse, quel
          palliatif peut-il donc offrir pour une adoption si extraordinaire? Le voici: c'est que l'Église avait confiance
          dans le pouvoir du christianisme pour résister à l'infection du mal, et pour faire servir cette doctrine à la cause
          de l'Évangile. Quel droit avait l'Église à entretenir une pareille confiance? Quelle union pouvait-il y avoir
          entre la lumière et les ténèbres? Quel accord entre Christ et Bélial? Que l'histoire de l'Église témoigne de la
          vanité, que dis-je, de l'impiété d'une semblable espérance! Que la suite de nos recherches verse sa lumière sur
          ce sujet!









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                              PLUTARQUE, De Iside, vol. II, p. 36.
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                              On s'est livré à beaucoup de spéculations sur le sens du nom de Shinar, appliqué à la région dont
                              Babylone était la capitale. Les faits ci-dessus mentionnés, ne jettent-ils pas de la lumière sur ce point? Ce
                              qui paraît le plus probable, c'est que ce nom vient de shenè, répéter, et naar, enfance. La pays de Shinar,
                              d'après cela, est donc exactement le pays du Régénérateur.
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                              Revue du l'Épître du Dr. GENTIANUS HARVET, p. 19. B et 20. A.
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                              NEWMAN, Développement, p. 359-360.
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