Page 113 - LES DEUX BABYLONES
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          actions de ses pénitents; et comme son pouvoir et son influence étaient fondés dans une large mesure sur le
          principe d'une crainte servile, il prenait ordinairement soin de faire pencher la balance du mauvais côté, afin
          qu'ils soient plus dociles à sa volonté en jetant dans l'autre plateau une dette assez ronde de bonnes actions.
          Comme il était le grand juge de la nature de ces actions, il était de son intérêt de désigner celles qui seraient
          le plus profitables à son élévation personnelle ou à la gloire de son ordre, et dès lors de peser les mérites et
          les démérites de telle manière qu'il y aurait toujours une balance à établir, non seulement par le pénitent lui-
          même, mais aussi par ses héritiers. Si un homme était autorisé à se croire à l'avance absolument sûr de la
          gloire éternelle, les prêtres auraient pu se croire en danger d'être volés de ce qui leur serait dû après sa mort,
          éventualité qu'il fallait prévenir à tout prix.

          Or,  les prêtres de Rome ont copié dans tous les détails les prêtres d'Anubis, dieu des balances. Dans le
          confessionnal, lorsqu'ils ont un but à atteindre, ils augmentent le poids des péchés et des transgressions et
          alors, quand ils ont affaire à un homme riche ou puissant, ils ne lui laissent pas le plus faible espoir, aussi
          longtemps qu'il n'a pas jeté dans le plateau des bonnes oeuvres de bonnes sommes d'argent, pour la fondation
          d'une abbaye ou quelqu'autre oeuvre qu'ils ont à coeur. Dans la fameuse lettre du Père La Chaise, confesseur
          de Louis XIV, roi de France, où nous trouvons le récit du système qu'il suivit pour décider ce licencieux
          monarque à la révocation de l'Édit de Nantes, par lequel ses innocents sujets huguenots souffrirent tant de
          cruautés, on voit combien la crainte des plateaux de Saint-Michel contribua à produire le résultat désiré: "Bien
          des fois depuis, dit ce jésuite si achevé, (faisant allusion à un odieux péché que le roi avait commis), bien des
          fois je lui ai agité l'enfer aux oreilles, je l'ai fait soupirer, craindre et trembler avant de lui donner l'absolution.
          Par là j'ai vu qu'il avait encore un faible pour moi, et qu'il voulait demeurer sous ma direction; aussi lui
          démontrai-je la bassesse de son action en lui racontant toute l'histoire, je lui montrai combien elle était vile,
          et lui dis qu'elle ne pourrait lui être pardonnée avant qu'il eût fait quelque bonne action pour la balancer et
          expier son crime. Là-dessus il me demanda ce qu'il devait faire! Je lui dis qu'il lui fallait extirper l'hérésie de
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          son royaume ." C'était là la bonne action qu'il fallait jeter dans le plateau de Saint-Michel l'archange, pour
          balancer son crime. Le roi, tout corrompu qu'il était, consentit à regret; la bonne action fut jetée dans le
          plateau, les hérétiques furent exterminés et le roi absous. Mais cependant cette absolution n'était pas de telle
          nature que plus tard, lorsqu'il prit "le chemin de toute la terre", il n'y eut encore bien des bonnes actions à jeter
          dans le plateau avant que l'équilibre ne pût s'établir. Ainsi le paganisme et la papauté trafiquent également des
          âmes (Apocalypse XVIII, 13). Ainsi l'un avec les plateaux d'Anubis, l'autre avec les plateaux de Saint-Michel,
          répondent exactement à la description divine d'Éphraïm dans son apostasie: "Éphraïm est un marchand; les
          balances de tromperie sont dans sa main" (Osée XII, 7). L'Anubis des Égyptiens est exactement le même que
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          le  Mercure des Grecs , c'est-à-dire le dieu des voleurs. Saint-Michel  dans le système  Romain répond
          exactement au même caractère. Grâce à lui, à ses plateaux et à la doctrine des mérites humains, ils ont fait
          de ce qu'ils appellent la maison de Dieu "une caverne de voleurs"! (Jérémie VII, 11; Luc XIX, 46; Marc XI,
          17). Voler aux hommes leur argent est déjà bien mal, mais leur voler leurs âmes, c'est bien pis encore!


          Dans  les plateaux  d'Anubis, les anciens païens, pour s'assurer de leur justification, devaient mettre non
          seulement les bonnes actions à proprement parler, mais des actions d'austérité et de mortification personnelle,
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          afin de détourner la colère des dieux . Les plateaux de Saint-Michel doivent être équilibrés exactement de
          la même manière. Les prêtres de Rome enseignent que lorsque le péché est pardonné, la punition n'est pas
          encore entièrement détournée. Aussi parfait que soit le pardon que pieu peut accorder par les prêtres, il reste
          cependant aux hommes un châtiment à subir plus ou moins grand et cela afin de satisfaire la justice de Dieu.
          Nous avons montré plus d'une fois que l'homme ne peut rien faire pour satisfaire la justice de Dieu; qu'il doit
          à cette justice une dette qu'il ne peut espérer de payer et qu'il n'a absolument rien pour la payer; et plus que
          cela, qu'il n'a pas besoin d'essayer de payer un denier, parce que pour ceux qui croient, Christ a expié la




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                              McGAVIN, Le Protestant, p. 841, c. 2.
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                              WILKINSON, Les Égyptiens, vol. V, p. 9-10.
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