Page 117 - LES DEUX BABYLONES
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          Ce n'est pas seulement sur un point; mais c'est sur plusieurs que les cérémonies de la Semaine Sainte (comme
          on l'appelle à Rome) nous remettent en mémoire le grand dieu Babylonien. Plus nous examinons ces rites,
          plus nous sommes frappés de la ressemblance merveilleuse qu'il y a entre eux et ceux qu'on observait en
          Égypte à la fête des lampes et d'autres cérémonies des adorateurs du feu dans diverses contrées. En Égypte
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          la grande illumination se faisait près du sépulcre d'Osiris, à Saïs . À Rome lors de la semaine sainte, il y a
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          un  sépulcre de Christ avec une illumination brillante de cierges allumés . En Crête où l'on  exposait le
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          tombeau de Jupiter, cette tombe était un objet de culte pour les Cretois . À Rome, si les dévots n'adorent pas
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          ce soi-disant sépulcre de Christ, ils adorent ce qu'il contenait .
          De même qu'il y a des raisons de croire que la fête païenne des lampes allumées était observée en souvenir
          de l'ancien culte du feu, de même il y a, à Rome, pendant la semaine de Pâques, une cérémonie qui est
          indubitablement un acte d'adoration du feu, car on y voit une croix de feu qui est un grand objet de culte.
          Voici comment cette cérémonie nous est dépeinte par l'auteur de "Rome au XIXe siècle": "Cette éblouissante
          croix de feu suspendue dans le dôme au-dessus du confessionnal ou de la tombe de Saint-Pierre était pendant
          la nuit, d'un effet saisissant. Elle est couverte de lampes innombrables qui simulent une gerbe de feu. L'Église
          entière était encombrée d'une immense foule de toutes les classes et de tous les pays, depuis le roi jusqu'au
          plus vil mendiant, tous fixant les yeux sur le même objet. Au bout de quelques minutes, le pape et tous ses
          cardinaux  descendirent dans la cathédrale, et les Suisses leur ayant réservé des places, le pontife aux
          vêtements  blancs s'agenouilla dans une adoration silencieuse devant la croix de feu. Une longue file de
          cardinaux s'agenouilla derrière lui, et leurs robes magnifiques, avec les bedeaux qui escortaient le cortège,
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          formaient un contraste frappant avec l'humilité de leur attitude ." Où trouvera-t-on un acte plus clair et moins
          équivoque du culte du feu? Maintenant rapprochez ceci du fait suivant extrait du même ouvrage et voyez
          combien l'un sert à éclairer l'autre: "Avec le Jeudi Saint commencent nos misères (c'est-à-dire, à cause de la
          foule). Ce jour-là, jour funeste, nous allâmes avant neuf heures à la chapelle Sixtine. Voici une procession
          menée par les ordres inférieurs du clergé, suivie par les cardinaux en vêtements superbes, portant dans leurs
          mains de longs cierges de cire, et terminée par le pape lui-même, qui marchait sous un dais cramoisi, la tête
          découverte, et portant l'hostie dans une boîte. Cette hostie, qui était, comme vous savez, la vraie chair et le
          vrai sang de Jésus-Christ, fut portée de la chapelle Sixtine à la chapelle Pauline, à travers la halle qui les
          sépare, et là elle fut déposée dans le sépulcre préparé pour la recevoir sur l'autel. Jamais je n'ai pu comprendre
          pourquoi le Christ était enterré avant d'être mort, car la crucifixion n'ayant eu lieu que le vendredi il semble
          bizarre de l'enterrer le jeudi. Cependant son corps est mis au sépulcre, dans toutes les églises de Rome où cette
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          cérémonie se pratique, dans l'après-midi du jeudi et il y demeure jusqu'au samedi, à midi , d'où, pour des
          raisons qu'ils connaissent sans doute, il est censé sortir ce jour-là, au milieu du fracas du canon, des sonneries
          de trompettes, du tintement des cloches qui ont été soigneusement attachées depuis l'aurore du Jeudi Saint,
          de peur que le diable n'y entrât." Le culte de la croix de feu explique sur-le-champ l'anomalie si embarrassante
          que Christ soit enterré le jeudi, et qu'il ressuscite le samedi. Si la fête de la semaine sainte est réellement,
          comme les rites le montrent, l'une des anciennes fêtes de Saturne, le dieu du feu des Babyloniens, qui, bien
          qu'étant un dieu infernal, était cependant Phoronée, le grand libérateur, il est bien naturel que le dieu de
          l'idolâtrie papale, bien que portant le nom de Christ, ressuscite le jour qui lui est propre, Dies Saturni, ou le
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          jour  de Saturne . La veille de ce jour, on chante le miserere avec un tel pathos, que bien peu peuvent


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                              WlLKINSON, vol. IV, p. 328.
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                              Rome au XIXe siècle, vol. III, p. 145-150.
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                              A vanis Cretensibus adhuc mortui Jovis tumulus adoratur. FIRMICUS, liv. II, p. 23.
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                              Rome au XIXe siècle, vol. III, p. 145.
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                              Rome au XIXe siècle, p. 148-149. Nous verrons encore que la croix est le symbole spécial de Tammuz,
                              le dieu soleil et le dieu du feu. Voir article 6 du chapitre suivant.
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                              Rome au XIXe siècle, vol. III, p. 144-145.
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                              Ce récit a trait à des cérémonies dont l'auteur fut témoin en 1817 et 1818. On pourrait croire que cela a
                              un peu changé depuis, sans doute par suite de l'attention même avec laquelle il signale cette grosse
                              anomalie; car le comte Vlodaiski, ancien prêtre catholique romain qui visita Rome en 1845, m'a appris
                              que cette année-là, la résurrection fut célébrée à neuf heures, le samedi soir, peut-être pour rendre moins
                              éclatante la contradiction entre les coutumes romaines et le fait scripturaire. Cependant, à Rome, la
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