Page 121 - LES DEUX BABYLONES
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          cette déesse de destruction, capable d'apaiser un dieu offensé par des moyens qu'on emploie d'ordinaire pour
          calmer  un entant capricieux. Si l'histoire Hindoue montre son dieu des dieux sous un jour si dégradant,
          l'histoire papale honore-t-elle mieux le Fils du Dieu béni, lorsqu'elle nous le représente comme ayant besoin
          d'être apaisé par sa mère qui lui présente le sein qu'il a sucé? Tout cela est fait uniquement pour exalter la
          mère, comme étant plus gracieuse et plus miséricordieuse que son glorieux Fils.

          L'hostie


          Or, c'était précisément le cas à Babylone, et les offrandes favorites de cette déesse correspondaient exactement
          à ce caractère. Aussi voyons-nous que les femmes de Juda sont représentées comme brûlant l'encens, versant
          des libations, et offrant des gâteaux à la reine du ciel (Jérémie XLIV, 19). Les gâteaux étaient le sacrifice non
          sanglant  qu'elle demandait. Non seulement ses sectateurs offraient ce sacrifice non sanglant, mais ils y
          prenaient part lorsqu'on les admettait à des mystères plus élevés et faisaient de nouveaux serments de fidélité.
          Au IVe siècle lorsque la reine du ciel, sous le nom de Marie, commença à être adorée dans l'église chrétienne,
          ce sacrifice non sanglant fut aussi introduit. Épiphane déclare que l'usage de manger et de boire ce sacrifice
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          commença parmi les femmes d'Arabie  et qu'à cette époque on savait fort bien qu'il avait été emprunté aux
          païens. La nature même de ce sacrifice non sanglant de Rome indique clairement son origine.

          C'est une petite hostie mince et ronde et l'église romaine attache tant d'importance à cette forme ronde, que,
          pour nous servir de l'énergique langage de John Knox à propos de l'hostie-dieu: "Si, en lui donnant la forme
          ronde, on brise la circonférence, il faut qu'un autre gâteau reçoive l'honneur d'être fait dieu, et le malheureux
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          gâteau, brisé ou fendu, qui avait l'espoir d'être fait dieu, doit être donné à un enfant pour lui servir de jouet ."
          Qu'est-ce  donc qui a pu amener la papauté à insister autant sur la forme de son sacrifice non sanglant?
          Évidemment ce n'est pas une allusion à l'institution divine du souper du Seigneur, car dans tous les détails
          qui nous sont donnés, il n'y a aucune allusion à la forme du pain que prit Notre Seigneur, lorsqu'il le prit, le
          rompit et le donna à ses disciples, en disant: "Prenez, mangez: ceci est mon corps, faites ceci en mémoire de
          moi." (Matthieu XXVI, 26; Marc XIV, 22; 1 Corinthiens XI, 24). On ne peut pas s'appuyer davantage sur la
          forme du pain de la Pâque Juive; car on ne trouve dans le livre de Moïse aucun commandement à cet égard.
          L'importance que Rome attache à la forme de l'hostie doit cependant avoir
          une  raison; cette raison, nous la trouvons en examinant les autels
          d'Égypte: "Le gâteau mince et rond, dit Wilkinson, se trouve sur tous les
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          autels ." Toutes les bagatelles, tous les riens du culte égyptien avaient
          une  signification symbolique. Le disque arrondi, si fréquent dans les
          emblèmes sacrés de l'Égypte, symbolisait le soleil. Or, lorsqu'Osiris, la
          divinité du soleil, s'incarna et naquit, ce ne fut pas seulement pour donner
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          sa vie en sacrifice pour les hommes , mais aussi afin d'être la vie et la                      Fig. 37
          nourriture des âmes. On admet généralement qu'Isis fut l'original de la    L'épi de blé est à côté de Cérès, qui
                                                                                 d'ordinaire le tient à la main. Le dieu de
          Gérés des Grecs et des Romains; mais Gérés, il faut le remarquer, était
                                                                                  l'autre côté est le même que cet épi (voir
          adorée  non seulement parce qu'elle avait  découvert le blé, mais aussi                      page 112).
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          comme étant la mère du blé . L'enfant qu'elle mit au monde était Hé-Siri,
          la semence, ou comme on l'appelait le plus communément en Assyrie Bar, ce qui veut dire à la fois le Fils et
          le blé (fig. 37).






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                              ÉPIPHANE, Adversus Hoereses, vol. I, p. 104.
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                              BEGG, Manuel de la papauté, p. 25.
                       20     WILKINSON, Les Égyptiens, vol. V, p. 353.
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                              Voir p. 152, note pour le sens symbolique de l'oie.
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                              Genitrix, ou mater frugum. Voir PYPER, Gradus ad Pamassum, Cérés, et aussi OVIDE,
                              Métamorphoses, liv. VI, v. 117-118.
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