Page 119 - LES DEUX BABYLONES
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                                           Article 3 - Le sacrifice de la messe


            Si  la régénération par le baptême, point de départ des croyances romaines, et la justification par les
          oeuvres, sont toutes les deux d'origine chaldéenne, le principe contenu dans le sacrifice non sanglant de la
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          messe ne l'est pas moins. Tacite  nous apprend qu'il n'était pas permis d'offrir du sang sur les autels de la
          Vénus de Paphos. On immolait des victimes pour les consultations de l'Aruspice, afin de tirer des présages
          pour  l'avenir, d'après l'inspection des entrailles  de ces victimes; mais les autels de la  déesse de Paphos
          devaient être gardés purs de tout sang. Tacite montre que l'Aruspice du temple de la Vénus de Paphos fut
          amené de Cilicie parce qu'il connaissait les cérémonies de cette déesse; c'était le moyen de les faire accomplir
          convenablement suivant la volonté supposée de Vénus, car les Ciliciens avaient une connaissance particulière
          de ces cérémonies. "Tarse", capitale de la Cilicie, fut bâtie par Sennachérib, roi d'Assyrie, sur le modèle de
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          Babylone . Les religions des deux villes correspondent naturellement, et lorsque nous trouvons à Chypre (dont
          le prêtre venait de Cilicie) des sacrifices non sanglants, c'est, dans ces circonstances, une forte présomption
          que le sacrifice non sanglant y parvint par la Cilicie depuis Babylone. Cette présomption est grandement
          confirmée quand nous lisons dans Hérodote que cette coutume extraordinaire et abominable de Babylone, la
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          prostitution des vierges en l'honneur de Mylitta, était observée aussi à Chypre, en l'honneur de Vénus . Mais
          le témoignage de Pausanias change cette présomption en certitude. "Tout près de là, dit cet historien, parlant
          du  temple de Vénus à Athènes, se montre le temple de la Vénus céleste, qui fut d'abord adorée par les
          Assyriens, puis par les Paphiens de Chypre, et enfin par les Phéniciens qui habitaient Ascalon en Palestine.
          Mais  les Cythéréens vénéraient cette déesse parce qu'ils avaient appris les rites sacrés par le moyen des
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          Phéniciens ." Ainsi la Vénus d'Assyrie c'est-à-dire la grande déesse de Babylone et la Vénus de Chypre,
          étaient une seule et même déesse, et les autels non sanglants de la déesse de Paphos montrent le caractère du
          culte particulier à la déesse de Babylone dont elle était dérivée.

          À cet égard, la reine déesse de Chaldée différait de son fils qu'on adorait dans ses bras. Il était, nous l'avons
          vu,  représenté comme heureux de   voir le sang répandu. Mais elle, comme mère de la grâce et de la
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          miséricorde, comme céleste colombe, comme espoir du monde , était opposée au sang et était représentée
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          avec un caractère doux et pacifique. Aussi à Babylone elle portait le nom de Mylitta , la Médiatrice  Celui
          qui lit la Bible, et sait qu'elle déclare expressément que de même qu'il y a un seul Dieu, il y a aussi un seul
          médiateur entre Dieu et l'homme (I Timothée II, 5), doit se demander comment il pût jamais venir à l'esprit
          d'un homme de décerner à Marie, comme le fait l'église romaine, le caractère de médiatrice. Mais le caractère
          de Mylitta donné à la déesse babylonienne l'explique facilement. Pour justifier ce caractère de médiatrice, elle
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          fut appelée Aphrodite, c'est-à-dire celle qui dompte la colère , celle qui par ses charmes pouvait calmer la
          colère de Jupiter, et apaiser les esprits les plus furieux des dieux ou des mortels. À Athènes on l'appelait










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                              Histoires, liv. II, vol. III, ch. 3, p. 106.
                       2      BUNSEN, vol. I,p. 718.
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                              HÉRODOTE, Histoires, liv. I,ch. 199, p. 92.
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                              PAUSANIAS, liv. I, Attica, ch. 14.
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                              BRYANT, Nonni Dionysiaca, vol. III, p. 226.
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                              HÉRODOTE, liv. I, ch. 199.
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                              Mylitta est le même que Malitta, féminin de Melitz, ou médiateur, qui, en Chaldée devient Melitt. Melitz
                              est le mot employé dans Job XXXIII, 23-28: "S'il y a pour cet homme-là quelque messager, quelqu'un
                              qui parle pour lui (Melitz, enhébreu, médiateur) un d'entre mille, qu'il fasse connaître à l'homme ce qu'il
                              doit faire. Alors Dieu aura pitié de lui et dira: Délivre-le afin qu'il ne descende pas dans la fosse. J'ai
                              trouvé une rançon." Pour plus de preuves, voyez Appendice, note J.
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                              Du chaldéen aph, colère, et radah, vaincre, radité est la forme emphatique au féminin.
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