Page 125 - LES DEUX BABYLONES
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                                              Article 4 - Extrême-Onction



            La  dernière fonction que l'Église  de Rome remplit pour les vivants est l'extrême-onction; par cette
         cérémonie elle les oint au nom du Seigneur après les avoir confessés et absous, et elle les prépare ainsi pour
          leur dernier et mystérieux voyage. La raison de cette onction des mourants est ouvertement empruntée à
          l'ordre de l'apôtre Jacques au sujet de la visite aux malades; mais si on lit toute la péricope, on verra qu'un
          pareil  usage ne pouvait jamais provenir  d'un conseil apostolique, mais bien d'une origine entièrement
          différente: "Quelqu'un est-il malade parmi vous, dit Jacques, qu'il appelle les anciens de l'Église et qu'ils
          prient pour lui, l'oignant d'huile au nom du Seigneur, et la prière de la foi sauvera le malade et le Seigneur le
          relèvera." (Jacques V, 14). Or, il est évident que cette prière et cette onction avaient en vue la guérison des
          malades. Les apôtres, pour établir les fondements de l'Église chrétienne, étaient investis, par leur grand Roi
          et Maître, de pouvoirs miraculeux, pouvoirs qui n'étaient donnés que pour un temps et destinés à disparaître,
          comme les apôtres eux-mêmes le déclaraient en les exerçant (I Corinthiens XIII, 8). Ces pouvoirs étaient
          journellement exercés par les anciens de l'Église lorsque Jacques écrivait son épître, et cela pour la guérison
          des  corps, à l'exemple de Notre Seigneur lui-même. L'extrême-onction de Rome, comme le montre
          l'expression elle-même, n'a en vue aucun objet de ce genre. Elle n'a pas en vue la guérison des malades ou leur
          résurrection,  car on ne doit jamais l'administrer que lorsqu'il n'y a  plus aucun espoir, et que la mort est
          imminente. Le but de l'extrême-onction étant donc complètement opposé à l'onction scripturaire, elle doit
          venir d'une autre source. Cette source est la même que celle où la papauté a puisé tout le paganisme qu'elle
          contient dans son sein corrompu. Il est évident que l'extrême-onction vient des Mystères Chaldéens. L'un des
          nombreux  noms du dieu babylonien était Beël-Samen, le seigneur du ciel  1  qui est le nom du soleil, et
          naturellement aussi du dieu Soleil. Mais Beël-Samen signifie aussi le seigneur de l'huile et c'était évidemment
          un synonyme du nom divin, le Messie. Nous trouvons dans Hérodote une déclaration que ce nom explique
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          parfaitement.  Il nous y est dit qu'un individu a rêvé que le soleil a oint son père . Que le soleil ait oint
          quelqu'un, voilà une idée qui ne s'est certainement pas présentée toute seule; mais comme le nom Beël-Samen,
          seigneur du ciel, signifie aussi seigneur de l'huile, il est aisé de voir comment cette idée a été suggérée. Cela
          explique  aussi pourquoi le corps du Babylonien Bélus, flottant dans l'huile, avait été conservé  dans son
          sépulcre à Babylone jusqu'à l'époque de Xerxès. Et c'était pour la même raison sans doute, qu'à Rome la statue
          de Saturne était creuse et qu'on la remplissait d'huile.


          Le rameau d'olivier qui, nous l'avons déjà vu, était l'un des symboles du dieu chaldéen, avait évidemment eu
          la même signification hiéroglyphique, car de même que l'olive représentait l'olivier, ainsi le rameau d'olivier
          était un emblème qui signifiait le fils de l'huile, ou l'oint (Zacharie IV, 12, 14). Voilà pourquoi les Grecs
         venant devant leurs dieux dans l'attitude de suppliants cherchant à détourner leur courroux et implorant leur
         faveur, allaient au temple, en beaucoup d'occasions avec un rameau d'olivier à la main. Comme le rameau
         d'olivier était l'un des symboles consacrés de leur Messie dont la grande mission était de faire la paix entre
         Dieu et l'homme, de même en apportant la branche de celui qui était oint on venait pour obtenir la paix. Or,
          les adorateurs de ce Beël-Samen seigneur du ciel, ou le seigneur de l'huile, étaient oints au nom de leur dieu.


          Ce n'était pas assez de les oindre avec de la salive; on les frottait aussi avec des onguents magiques de l'espèce
          la plus efficace; et par ces onguents on introduisait dans leur corps des médicaments qui tendaient à exciter
          leur imagination et à augmenter le pouvoir des breuvages magiques qu'ils prenaient, afin de les préparer ainsi
          aux  visions et aux révélations des mystères. Ces onctions, dit Salverté, étaient très fréquentes dans les
          anciennes cérémonies. Avant de consulter l'oracle de Trophonius, on frottait tout le corps avec de l'huile. Cette
          préparation concourait certainement à produire la vision désirée. Avant d'être admis aux mystères des sages
          Indiens,  Apollonius et ses compagnons furent frottés d'une  huile si puissante qu'ils se sentaient comme
          trempés dans le feu. C'était là, ouvertement, une onction faite au nom du seigneur du ciel, et destinée à



                       1      Sanchoniathon le donne aussi comme le nom du seigneur de l'huile.
                       2      HÉRODOTE, liv. III, ch. 124.
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