Page 229 - Dictionnaire de la Bible J.A. Bost 1849
P. 229
soit que nous buvions, nous devons tout faire à la gloire du Seigneur, 1 Corinthiens 10:31, ainsi, depuis la
mort expiatoire de Jésus, ses disciples ne devaient plus perdre de vue ce grand sacrifice: tout devait le
leur rappeler; et toutes les fois en particulier qu'ils prendraient leur repas, qu'ils rompraient le pain, ou
qu'ils boiraient à la coupe comme ils le faisaient en ce moment, ils devaient se souvenir de la mort que le
Rédempteur avait subie, et l'annoncer jusqu'à ce qu'il revînt, Luc 22:19. Sans doute la Cène prit, dès les
premiers moments de la pratique, une forme un peu différente, mais ce fait n'est point en contradiction
avec l'institution telle que nous venons de la définir. Les développements ou les modifications que les
apôtres ont pu apporter à une institution du Christ, ont d'après les propres paroles du Seigneur, autant
d'autorité que les siennes mêmes. N'a-t-on pas vu déjà, sous l'ancienne alliance, une foule de lois données
par l'Éternel, subir au bout d'un temps plus ou moins long, des modifications, quelques-unes assez
importantes sans doute provoquées par l'Esprit même de Dieu, mais qui ne se présentent que comme des
faits, ou comme les idées du peuple, d'un roi, ou d'un prophète, auxquelles Dieu donne après coup son
approbation et le sceau d'une institution divine? Il y aurait une foule d'exemples à citer ici; nous
n'alléguerons que les modifications considérables que subirent nécessairement, soit le culte depuis
l'érection d'un temple, soit plusieurs lois civiles depuis l'établissement de la royauté. Disons encore le fait
singulier que, sous Moïse et en la présence de Moïse, le peuple entier des Israélites reste 38 ans sans
donner à ses enfants cette circoncision qui lui était si positivement commandée Josué 8:5!
Or ne serait-il pas permis de penser que Jésus ayant donné la règle générale et fondamentale, les apôtres
chargés de l'application, et les fidèles qui voulaient y participer, se sentirent pressés, dans le cas dont il
s'agit, de se réunir entre eux seuls, pour prendre en paix et sans obstacles ce repas commémoratoire, et
pour pouvoir célébrer sans trouble le bienfait de leur rédemption? Le pouvaient-ils toujours dans leur
repas ordinaire? Un mari chrétien avec une femme païenne, ou l'inverse; des enfants ou des parents, les
uns convertis, les autres non, n'auraient-ils pas été mille fois empêchés de prendre leur repas de la
manière que Jésus avait indiqué, c'est-à-dire de prendre le repas du Seigneur? Ils se réunirent donc à cet
effet; et différents endroits du livre des Actes nous le prouvent jusqu'à l'évidence. Les apôtres allaient de
maison en maison rompant le pain, tous les jours, 2:46. Les Corinthiens de même faisaient un repas
commun, et saint Paul ne blâme point chez eux ce fait, mais uniquement la manière dont il se passait, en
leur disant que s'ils se réunissaient uniquement pour manger, ils pouvaient le faire chez eux, tandis qu'ici
c'était le repas du Seigneur,
— mais un repas, 1 Corinthiens 11:20-22. De là les agapes ou repas de charité. Peut-être aussi la
modification apostolique eut-elle pour motif notre légèreté naturelle et ce besoin que l'homme, même le
plus pieux, éprouve d'être rappelé au sérieux par une cérémonie rare et imposante.
Sans doute, la Cène modifiée de bonne heure par des raisons du genre de celles qu'on vient d'indiquer,
n'est plus qu'un semblant de repas: mais cela suffit, l'idée est conservée. Seulement il faut que cette idée
primitive ne soit jamais perdue de vue, afin qu'on ne tombe pas dans les diverses superstitions, parfois
bien grossières, qu'a enfantées une interprétation littérale, matérielle de l'institution du Sauveur. Ce
principe est le seul qui unisse, et qui sépare dûment le symbole et son objet. On a vu, à l'article Baptême,
combien les symboles étaient naturels et parlants; on a vu en même temps qu'il ne fallait pas les
confondre avec l'objet même qu'ils représentent. La Cène n'a par elle-même aucune vertu intrinsèque: elle
a une profonde réalité à cause de la foi qu'elle nourrit et qu'elle ranime; par contre elle peut aussi très bien
produire des effets factices et trompeurs, à cause des idées dont l'imagination ou la superstition l'ont
entourée; voilà la messe.
Les mots de Jean, 6:48-58, n'ont aucun rapport à cette cérémonie. Jésus lui-même, après avoir parlé de
manger sa chair, et de boire son sang, ajoute que «ses paroles sont esprit et vie», et que «la chair ne sert de
rien».
6:63.
227