Page 97 - LES DEUX BABYLONES
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Article 4 - La fête de l'Assomption
Si ce que nous avons déjà dit montre la politique charnelle suivie par Rome aux dépens de la vérité, les
circonstances qui entourent la fête de l'Assomption montrent encore mieux l'audacieuse perversité et l'impiété
de cette Église; il faut noter que la doctrine à propos de cette fête, autant qu'il s'agit de la papauté, n'a pas été
établie dans les âges de ténèbres, mais trois siècles après la Réforme, au milieu de toute la lumière si vantée
du XIXe siècle. Voici sur quelle doctrine est fondée la fête de l'Assomption: la Vierge Marie, dit-on, n'a point
connu la corruption en chair et en os, elle fut élevée au ciel, et maintenant elle est investie de toute puissance
dans le ciel et sur la terre. Cette doctrine a été audacieusement exposée à la face du public anglais, dans une
récente lettre pastorale de l'archevêque catholique romain de Dublin. Elle a maintenant reçu le sceau de
l'infaillibilité papale, ayant été comprise dans le dernier décret blasphématoire qui proclame l'immaculée
conception. Or, il est impossible de faire reposer une pareille doctrine sur un seul passage de l'Écriture. Mais,
dans le système Babylonien la fable était déjà toute préparée. On y enseigne que Bacchus descendit dans
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l'enfer, arracha sa mère aux puissances infernales et l'emporta avec lui en triomphe dans les airs . Cette fable
s'est répandue partout où s'est répandu le système Babylonien; ainsi de nos jours comme aussi depuis un
temps immémorial, les Chinois célèbrent une fête en l'honneur d'une mère qui fut arrachée par son fils au
pouvoir de la mort et du tombeau. La fête de l'Assomption est célébrée dans l'Église Romaine le 15 août. La
fête des Chinois fondée sur une légende semblable, observée avec des lanternes et des candélabres, comme
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le montre Sir J. F. Davis dans sa remarquable description de la Chine, se célèbre aussi au mois d'août . Or,
lorsque la mère du Messie païen fut célébrée à cause de cette "Assomption", sous le nom de "colombe", elle
fut adorée comme l'incarnation de l'Esprit de Dieu 3 avec lequel elle fut identifiée. Comme elle, elle fut
regardée comme la source de toute sainteté et la grande purificatrice, et naturellement fut reconnue elle-même
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comme la Vierge mère, pure et sans tache . Sous le nom de Proserpine (avec laquelle elle fut identifiée
quoique la déesse Babylonienne se distinguât d'elle à l'origine), tout en étant chantée comme la mère du
premier Bacchus et comme étant la femme honorée de Pluton, elle est aussi invoquée, dans les hymnes
orphiques, comme: Associée aux saisons, essence lumineuse, Vierge toute-puissante revêtue d'une lumière
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céleste .
Quel que soit l'auteur de ces hymnes, plus on les étudie, plus il devient évident, quand on les compare à la
plus ancienne doctrine de la Grèce classique, que leurs auteurs comprenaient, et acceptaient en entier la
théologie pure du paganisme. Pausanias, décrivant le bois de Carnasius, nous dit que Proserpine était adorée
dans la Grèce païenne, quoiqu'on la connût comme femme de Pluton roi des enfers, sous le nom de la Sainte
Vierge: ce bosquet contient une statue d'Apollon Carneus, de Mercure portant un bélier, et de Proserpine, fille
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de Gérés, qui est appelée la "Sainte Vierge ". La pureté de cette Sainte Vierge ne consistait pas seulement à
ne point être coupable du péché actuel, mais elle se distinguait spécialement par sa conception immaculée,
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APOLLODORE, liv. III, ch. 5, p. 266. La déesse adorée à Babylone comme Mère, était la femme de
Ninus, le grand dieu, prototype de Bacchus. Un pendant à cette histoire est celle d'Ariadne, femme de
Bacchus. Le vêtement de Thétis, dit Bryant (vol. II, p. 99), contenait une description de cérémonies
célèbres dans les premiers siècles et un récit de l'apothéose d'Ariadne, dépeinte, qu'elle qu'en soit la
signification, comme enlevée au ciel par Bacchus. On raconte une histoire analogue à propos d'Alcmène,
mère du grec Hercule, distinct de l'Hercule primitif et une des formes de Bacchus: c'était un grand
buveur et ses coupes sont proverbiales (MULLER, Les Doriens, vol. I, p. 462). La mère d'Hercule
ressuscita Jupiter (père d'Hercule), dit Muller, releva Alcmène d'entre les morts et l'amena aux Îles des
bienheureux, pour être la femme de Rhadamante. (ibid. p. 443).
2 La Chine, vol. I, p. 354-355.
3
Voir p. 121.
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PROCLUS dans TAYLOR, Notes sur Jamblique, p. 136.
5 Hymnes Orphiques, H. 28, p. 109. "Ces hymnes, disent quelques critiques, ont été composés par des
Néo-Platoniciens après l'ère chrétienne; ils ont corrompu la doctrine de leurs prédécesseurs." J'en doute.
Dans tous les cas, je n'avance rien de ce que je leur emprunte qui ne soit confirmé par la plus haute
autorité.
6
PAUSANIAS, liv. IV, Messenica, ch. 33, p. 362.