Page 96 - LES DEUX BABYLONES
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          manière à Limoges sur les portes de la cathédrale, et sur d'autres monuments. Le grand sceau du canton de
          Zurich  représente dans la même attitude Saint-Félix, Sainte-Regula et Saint-Exsuperantius." Voilà
          certainement l'origine de la pieuse fable qu'on raconte sur ces martyrs, tels que Saint-Denys et beaucoup
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          d'autres . C'est là l'origine immédiate de l'histoire du saint mort qui se lève et qui marche tenant sa tête à la
          main. Mais il paraît que cette manière de représenter est empruntée au paganisme, de telle sorte que le Saint-
          Denys catholique de Paris est semblable non seulement au Dionysus païen de Rome, mais encore à celui de
          Babylone. Dionysus ou Bacchus, dans une de ses transformations, était représenté comme un capricorne, "le
          poisson aux cornes de bouc"; et il y a lieu de croire que c'est sous cette forme qu'il avait le nom de Oannes.
          Dans l'Inde, sous cette forme, il a fait sous le nom de Souro, c'est-à-dire évidemment la semence, des choses
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          merveilleuses . Or, dans la sphère des Perses, il n'était pas seulement représenté sous les traits du capricorne,
          mais aussi sous une forme humaine, et cela exactement comme Saint-Denys est représenté par la papauté.
          Voici comment un ancien écrivain décrit cette figure de la sphère des Perses: "Le capricorne, le 3e Décan. La
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          moitié de la figure est sans tête parce que la tête est dans sa main ." Nemrod eut la tête coupée; et c'est en
          souvenir de cette mort que ses adorateurs déploraient si amèrement, qu'on le représentait ainsi dans la sphère.
          Cette tête séparée du tronc fit, d'après quelques versions de son histoire, des exploits aussi merveilleux que
          le tronc inanimé de Saint-Denys. Bryant a prouvé dans son histoire d'Orphée que c'est exactement une légère
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          variante de l'histoire d'Osiris . Comme Osiris fut déchiré en Égypte de même Orphée fut déchiré en Thrace.
          Et lorsque les membres mutilés de celui-ci eurent été jetés ça et là dans les champs, sa tête, flottant sur
          l'Hèbre, prouva le caractère merveilleux de celui à qui elle appartenait. "Alors, dit Virgile, alors que séparée
          de son cou aussi blanc que le marbre, la tête d'Orphée était entraînée par les eaux rapides de l'Hèbre, Eurydice,
          répétaient sa voix expirante et sa langue glacée. Ah! Malheureuse Eurydice, murmurait son dernier soupir,
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          et tous les échos du rivage redisaient: Eurydice !" Il y a là de la différence, mais sous cette différence il y a
          une unité évidente. Dans les deux cas, la tête séparée du tronc occupe le premier plan du tableau; dans les
          deux cas, le miracle s'accomplit sur un fleuve. Or, si les fêtes de Saint-Bacchus-le-martyr et de Saint-Denys
          Eleuthère s'accordent d'une manière si extraordinaire avec l'époque de la fête du dieu du vin chez les païens,
          sous le nom de Bacchus ou Dionysus, ou Eleuthère, et si la manière de représenter ce Dionysus moderne et
          l'ancien Denys est évidemment la même, tandis que leur légende s'accorde si extraordinairement, qui peut
          douter du caractère réel de ces fêtes de Rome? Elles ne sont pas chrétiennes; elles sont païennes; elles sont
          évidemment Babyloniennes.


















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                              SALVERTÉ, Des Sciences occultes, p. 47-48.
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                              HUMBOLT, Le Mexique, vol. I, p. 339-340. Pour Oannes et Souro, voir Appendice, note K.
                       36     SALVERTÉ, Des Sciences occultes, note p. 47.
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                              BRYANT, vol. II, p. 419, 423. Le nom même d'Orphée est précisément le synonyme de Bel, nom du
                              grand dieu Babylonien, qui, donné dans l'origine à Cush, devint héréditaire dans la race déifiée de ses
                              descendants. Bel signifie mélanger, et aussi confondre, et Orv, en hébreu, qui devient, en chaldéen, Orph
                              (PAR-KHURST, Grammaire chaldéenne dans Le Lexique, p. 40), signifie aussi mélanger. Mais Orv ou
                              Orph, signifie encore saule; aussi trouvons-nous, en parfaite concordance avec le système mystique, que
                              le saule était chez les Grecs le symbole d'Orphée. Aussi Pausanias, après avoir parlé d'un portrait
                              d'Actéon, ajoute: "Si l'on remarque les parties inférieures du tableau, on verra Orphée assis sur une
                              hauteur, tenant une harpe de la main gauche, et de la main droite les feuilles d'un saule pleureur"
                              (PAUSANIAS, liv. X, Phocica, ch. 30). Un peu plus loin, il dit encore: "On le représente appuyé sur le
                              tronc de cet arbre." Les feuilles de saule dans la main droite d'Orphée et le saule sur lequel il s'appuie
                              indiquent suffisamment le sens de son nom.
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                              Géorgiques, liv. IV, 523-527.
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