Page 94 - LES DEUX BABYLONES
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         dépeint la supplication d'un de ces adorateurs du feu d'après les livres sacrés: "Salut! (Ô feu) toi qui t'empares
         des sacrifices, toi qui brilles, toi qui scintilles! Puisse ta flamme d'heureux présage consumer nos ennemis;
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         puisses-tu, toi le purificateur, nous être favorable !" Il en est qui gardent un feu continuel et lui font chaque
         jour leurs dévotions, et en terminant leurs serments à leur dieu, lui présentent ainsi leur prière quotidienne:
         "Ô feu! tu expies le péché contre les dieux, puisse cette offrande t'être agréable! Tu expies un péché contre
          l'homme; tu expies un péché contre les mânes; tu expies un péché contre ma propre âme; tu expies les péchés
          renouvelés, tu expies tous les péchés que je puis avoir commis volontairement ou involontairement; puisse
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          cette offrande être salutaire !" – Chez les Druides, le feu était aussi considéré comme un purificateur. Voici
          ce que dit une chanson druidique: "Ils célébraient les louanges des saints devant le feu purificateur, que l'on
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          faisait monter vers les cieux ." Si du temps des Druides, on attendait des bénédictions du feu qu'on allumait,
          et parce qu'on y faisait passer des jeunes gens ou des vieillards, des créatures humaines ou du bétail, c'était
          simplement parce qu'on croyait purifier ainsi des souillures du péché inhérent à tous les êtres humains et à
          tout ce qui les touchait de près. Il est évident que la même vertu purificatrice est attribuée au feu par les
          catholiques romains d'Irlande si zélés pour faire passer leurs enfants et pour passer eux-mêmes à travers les
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          feux de Saint-Jean . Toland affirme que ces feux sont allumés comme pour une lustration: et tous ceux qui
          ont examiné attentivement ce sujet doivent arriver à la même conclusion.

          Or, si Tammuz était, comme nous l'avons vu, le même que Zoroastre, le dieu des anciens adorateur du feu,
          et si la fête de ce dieu à Babylone correspondait si exactement à la fête de la nativité de Saint-Jean, quoi
          d'étonnant que cette fête soit encore célébrée par les feux éclatants de Baal, et qu'elle présente une image si
          fidèle de ce que Jéhovah condamnait autrefois chez son ancien peuple "quand il faisait passer ses enfants par
          le feu de Moloch"?  Mais quel  homme,  s'il connaît un  peu  l'Évangile, pourrait appeler  chrétienne une fête semblable?


          Les prêtres de Rome, s'ils ne l'enseignent pas ouvertement, trompent du moins leurs sectateurs en leur laissant
          croire aussi fermement que les anciens adorateurs du feu, que le feu peut purifier des souillures et des fautes
          du péché. Nous verrons plus loin combien cette erreur tend à consolider, dans l'esprit de leurs sujets tenus
          dans les ténèbres, l'une des fables les plus monstrueuses, mais aussi la plus utile, de tout leur système. Les
          initiés seuls pouvaient savoir que le nom de Oannes était celui du Messie païen; il fallut tout d'abord quelque
          prudence pour l'introduire dans l'Église. Mais peu à peu, et à mesure que l'Évangile s'obscurcissait et que les
          ténèbres devenaient de plus en plus épaisses, la même prudence ne fut plus nécessaire. Aussi voyons-nous
          que dans les époques d'ignorance, le Messie païen ne fut pas introduit dans l'Église d'une manière clandestine.
          C'est  sous les noms classiques  bien connus de  Bacchus  et de Denys  qu'il a été ouvertement canonisé et
          proposé au culte des fidèles. Oui, Rome qui prétend être l'épouse du Christ, la seule Église dans laquelle on
          puisse être sauvé, a eu l'impudente audace de donner une place dans son calendrier au grand adversaire du
          Fils de Dieu, et cela sous son propre nom! Le lecteur n'a qu'à consulter le calendrier romain, il verra que c'est
          là un fait incontestable: il verra que le 7 octobre est mis à part pour être observé en l'honneur de Saint-
          Bacchus-le-martyr. Or, sans doute, Bacchus fut un martyr; il mourut d'une mort violente; il perdit sa vie pour
          la cause de la religion; mais la religion pour laquelle il mourut était la religion des adorateurs du feu; car il
          fut mis à mort, comme nous l'avons vu dans Maimonide, pour avoir maintenu le culte de l'armée du ciel. Ce
          patron de l'armée céleste et du culte du feu (les deux marchaient toujours d'accord), Rome l'a canonisé; il est
          évident en effet, si on considère l'époque de cette fête, que Saint-Bacchus-le-martyr est absolument le Bacchus
          des païens, le dieu de l'ivrognerie et de la débauche; car le 7 octobre tombe bientôt après la fin des vendanges.
          À la fin des vendanges,en automne, les anciens païens célébraient ce qu'on appelait "la fête rustique" de
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          Bacchus , et c'est à peu près à cette même date que tombe la fête papale de Saint-Bacchus-le-martyr.



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                              COLEBROKE, Cérémonies religieuses des Hindous, dans Rech. Asiat., vol. VII, p. 260.
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                              COLEBROKE, Cérémonies religieuses des Hindous, dans Rech. Asiat., vol. VII p, 275.
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                              DAVIES, Les Druides, Hymne au Soleil, p. 369-370.
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                              J'ai vu des parents, dit feu lord John Scott, dans une lettre que j'ai reçue de lui, obliger leurs enfants à
                              passer par les feux de Baal!
                       26     Extraits de la Légende de la chaire de Saint-Pierre, par Anthony RICH, dans BEGG, Manuel de la
                              papauté, p. 114-115. SALVERTÉ, Essai sur les noms, tome II, p. 54. 27. Dionysus, comme on le sait,
                              est la forme latine du grec Dionusos.
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