Page 28 - LES DEUX BABYLONES
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                                             Section 1 - L'Enfant en Assyrie


            L'original de cette mère si généralement adorée était, nous avons des raisons de le croire, cette même
                                                                                 14
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          Sémiramis  dont nous avons déjà parlé. Elle était adorée par les Babyloniens  et d'autres peuples de l'Orient 15
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          sous le nom de Rhéa  la grande déesse Mère. C'était du fils, cependant, qu'elle tenait toute sa gloire et tous
          ses titres à la déification. Ce fils, quoique représenté comme un enfant dans les bras de sa mère, était une
          personne d'une grande stature, d'une immense force corporelle, et de manières séduisantes. Dans l'Écriture
          il est désigné sous le nom de Tammuz (Ézéchiel VIII, 14) mais les écrivains classiques l'appellent d'ordinaire
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          du nom de Bacchus. C'est-à-dire "le Regretté" . Le nom de Bacchus ne rappelle au lecteur ordinaire qu'une
          idée  de débauches et d'ivrognerie, mais on sait aujourd'hui que dans toutes les abominations qui
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          accompagnaient ses orgies, on poursuivait ouvertement ce grand but: la purification des âmes , c'est-à-dire
          leur délivrance du péché et de ses souillures. Le dieu Regretté qu'on exposait et qu'on adorait sous la forme
          d'un petit enfant dans les bras de sa mère paraît avoir été le mari de Sémiramis, dont le nom, Ninus, par lequel
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          il est ordinairement connu dans l'histoire classique, signifie littéralement le Fils . Comme Sémiramis, la
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          femme, était adorée sous le nom de Rhéa, dont le caractère distinctif était celui de la grande Mère Déesse ,
          la réunion de l'épouse avec l'époux sous le nom de Ninus ou le Fils, suffisait à expliquer l'origine du culte
          étrange de la Mère et du Fils, si répandu parmi les nations de l'antiquité; et c'est là sans doute l'explication
          de ce fait qui a tant embarrassé ceux qui se sont occupés de l'histoire ancienne, que Ninus est quelquefois
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          appelé  l'époux, et quelquefois le Fils de Sémiramis . C'est aussi ce qui explique l'origine de la  même
          confusion des rapports qu'il y avait entre Isis et Osiris, la Mère et l'enfant des Égyptiens; car, ainsi que le
          montre Bunsen, Osiris était représenté en Égypte à la fois comme le fils et le mari de sa mère, et portait
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          comme titre de dignité et d'honneur le nom de mari de la mère .



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                              Sir H. Rawlinson ayant découvert à Ninive les preuves de l'existence d'une Sémiramis, six ou sept siècles
                              avant J.-C., paraît la considérer comme la seule Sémiramis qui ait jamais existé. Mais c'est renverser
                              toute l'histoire. Il est hors de doute qu'il y a eu une Sémiramis aux premiers âges du monde. (JUSTIN,
                              Hist., p. 615). Voir l'historien CASTOR, dans les Fragments de Cory, p. 65, quoique des exploits de
                              celle-ci aient pu être évidemment attribués à celle-là. M. Layard n'est pas du même avis que Sir H.
                              Rawlinson.
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                              DIODORE DE SICILE, liv. II. p. 76.
                       15
                              ATHÉNAGORE, Legatio, p. 178, 179.
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                              Chronique Paschale, vol. I, p. 65.
                       17     De Bakhah, pleurer ou se lamenter. Chez les Phéniciens, dit Hesychius, Bacchos veut dire pleurant, p.
                              179. Comme les femmes pleuraient Tammuz, elles pleurèrent aussi Bacchus.
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                              SERVIUS, dans Géorg. liv. I, vol. II, p. 197 et Enéide, liv. VI, tome I, p. 400.
                       19     De Nin, en hébreu, un fils.
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                              Sous ce caractère, Rhéa était appelée par les Grecs, Animas, voir Hesychius au mot: Ammas. Ammas est
                              évidemment la forme Grecque du Chaldéen Ama, mère.
                       21     LAYARD, Ninive et ses ruines, tome II, p. 480.
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                              BUNSEN, tome I, p. 438-439. Mari, nom de la mère, donné à Osiris, semble être même usité parmi
                              nous, quoiqu'on ne puisse douter de son sens ou de son origine. Hérodote raconte qu'en Égypte il fut
                              surpris d'entendre le même chant triste mais délicieux de Linus chanté par les Égyptiens (sous un autre
                              nom), qu'il entendait d'ordinaire en Grèce, sa patrie (HÉROD. liv. II, ch. 79). Linus était le même dieu
                              que Bacchus en Grèce ou Osiris en Égypte: Homère décrit un enfant chantant le chant de Linus pendant
                              les vendanges (Iliade, liv. XVII, v. 569-571), et le scholiaste dit que c'était en mémoire de Linus qui fut
                              déchiré par des chiens. L'épithète de chien est prise dans un sens mystique et plus loin on verra à quel
                              point son autre nom, Narcisse, l'identifie au Grec Bacchus et à l'Égyptien Osiris. Dans certaines villes
                              d'Égypte, pour le chant de Linus ou Osiris, on avait une mélodie particulière. Savary dit que dans le
                              temple d'Abydos. le prêtre répétait les sept voyelles en forme d'hymnes et que les musiciens ne pouvaient
                              y entrer (Lettres, p. 566). Strabon que cite Savary, appelle le dieu de ce temple, Memnon, mais Osiris
                              était le grand dieu d'Abydos ce qui prouve qu'il s'agissait du même dieu (WILKINSON, tome IV, p. 344-
                              345). Le nom de Linus ou Osiris, en tant que mari de sa mère, en Égypte était Kamut (BUNSEN, tome I,
                              p. 373-374). Quand Grégoire le Grand introduisit dans l'Église Romaine les chants Grégoriens, il les
                              emprunta aux mystères Chaldéens longtemps établis à Rome. Eustache, prêtre Romain, prétend que ces
                              chants avaient été composés surtout d'airs Lydiens et Phrygiens (Tour classique, tome I, p. 377). La
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