Page 32 - LES DEUX BABYLONES
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                                     Fig. 7 – D'après Recherches sur la littérature et les antiquités étrusques, de Sir W. Betham. Le nom
                                     étrusque sur le revers de la médaille, Belathri, Seigneur des espions, est sans doute donné à Janus à cause
                                     de son nom bien connu, Janus Tuens, qu'on peut traduire par Janus le Voyant ou Janus qui voit tout.


          Dès lors, qu'on se rappelle le symbole de Janus (fig. 7) que les anciens appelaient Chaos, et l'on verra à quel
          degré elle s'accorde avec les actions de Cush, quand on l'identifie avec Bel celui qui confond. Ce symbole est
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          une massue, et le nom d'une massue en Chaldéen vient d'un mot qui signifie mettre en pièces, ou disperser .
          Celui qui produisit la confusion des langues fut le même qui brisa l'unité de la terre et en dispersa au loin les
          fragments (Genèse XI, 1). Quelle signification dès lors dans ce symbole de la massue, qui rappelle l'oeuvre
          de Cush ou Bel, celui qui confond! Ce sens n'apparaîtra que mieux encore si on lit le texte Hébreu (Genèse
          XI, 9) où le mot qui veut dire une massue est le même nom employé par l'auteur, lorsqu'il dit que par suite
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          de la confusion des langues les enfants des hommes furent dispersés au loin sur la terre ! Le mot qui dans
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          ce passage est employé pour disperser est Hephaitz, qui en grec devient Hephaizt  et de là vient le nom bien
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          connu  mais généralement mal compris de Hephaïstos, Vulcain, le père des dieux . Hephaïstos est le
          promoteur de la première révolte, celui qui disperse au loin, comme Bel est le nom du même personnage sous
          le  caractère de "celui qui confond les langues". Le lecteur peut donc voir maintenant l'origine réelle du
          marteau de Vulcain qui est aussi un autre nom de la massue de Janus ou du Chaos le dieu de confusion; il y
          a une allusion cachée à ce marteau qui brise la terre en pièces dans Jérémie L, 23, où le prophète apostrophe
          ainsi Babylone qu'il identifie à son ancien dieu: "Comment est-il rompu et brisé, le marteau de toute la terre?"
          – Or, comme la construction d'une tour après le déluge était le premier acte d'une rébellion déclarée, et que
          Bel, ou Cush en était le promoteur, ce fut naturellement le premier à qui on donna le nom de Merodach, le
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          grand rebelle , et selon le parallélisme ordinaire du langage prophétique, nous avons une allusion aux deux
          noms bien connus du dieu Babylonien dans cette prédiction du jugement sur Babylone: "Bel est confondu,
          Merodach est brisé" (Jérémie L, 2). Le jugement qui vient frapper le dieu Babylonien est conforme à ses
          propres actions. Bel a confondu la terre entière, à son tour il est confondu. Merodach, par la rébellion qu'il
          avait suscitée, a mis en pièces le monde jusqu'alors si uni, à son tour, lui aussi, il est mis en pièces. Voilà quel
          est le caractère historique de Bel, identifié avec Janus ou le Chaos, le dieu de confusion, avec sa massue
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          symbolique .
          En nous basant sur ces conclusions, nous voyons aisément comment on peut dire que Bel ou Belus, père de
          Ninus, fonda Babylone, tandis qu'en réalité ce fut Ninus ou Nemrod qui la bâtit. Or, quoique Bel ou Cush,
          spécialement désigné comme posant les premières fondations de Babylone, pût être considéré comme le
          premier roi de la ville, (c'est ainsi qu'il est représenté dans quelques copies de la "chronique d'Eusèbe"),
          cependant il est bien évident, d'après l'histoire sacrée et profane, qu'il n'aurait jamais pu régner en qualité du



                       37     Dans Proverbes XXV, 18, une massue ou marteau est "Mephaitz" dans Jérémie. LI, 20, le même mot
                              sans le Jod, est employé évidemment pour marteau.
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                              Genèse XI, 9.
                       39     Il y a plusieurs exemples d'un pareil changement. Ainsi Botzra devient en Grec Bostra, et Mitzraïm,
                              Mestraïm. Pour ce dernier, voir BUNSEN, tome. I, p. 606, 609.
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                              Vulcain dans le Panthéon classique n'avait pas d'ordinaire une si haute place, mais en Égypte Hephaïstos
                              ou Vulcain, était appelé le père des dieux, AMMIEN MARCELLIN, liv. XVII.
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                              Merodach vient de Mered, se révolter, et Dakh, pronom démonstratif, qui donne un sens emphatique
                              signifie ce ou le Grand.
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                              Tout en ayant l'origine ci-dessus indiquée, les noms de Bel et Hephaïstos n'étaient pas des noms
                              impropres quoique dans un sens différent, pour les dieux guerriers descendant de Cush, dont Babylone a
                              tiré sa gloire parmi les nations. Les dieux guerriers déifiés de la race et Cush se glorifiaient de pouvoir
                              confondre tous leurs ennemis et de mettre la terre en pièces par leur irrésistible puissance. C'est à ce fait,
                              aussi bien qu'aux exploits de l'antique Bel, que font allusion les jugements inspirés que prononce
                              Jérémie contre Babylone. Le sens littéral de ces noms était symbolisé dans la massue donnée au grec
                              Hercule (la même massue que Janus) lorsque sous un caractère tout différent de celui d'Hercule, il fut
                              représenté comme le grand réformateur du monde, grâce à sa force corporelle. Le Janus à double face et
                              à la massue doit sans doute représenter le vieux Cush et le jeune Cush ou Nemrod comme ne faisant
                              qu'un. Mais l'image à double face avec ses autres attributs, se rapporte aussi à un autre père des dieux
                              dont nous parlerons plus loin, et qui se rapportait spécialement à l'eau.
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