Page 37 - LES DEUX BABYLONES
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                              Bientôt cependant apparut une idée nouvelle et plus haute, dont l'expression se montra
                              dans  le  symbole des trois cornes. Avec le temps, il semble  qu'une coiffure ait été
                              associée  aux cornes royales. Dans l'Assyrie la coiffure à trois cornes était l'un des
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                              emblèmes sacrés , comme gage de l'origine divine du pouvoir qu'elles représentaient:
                              les trois cornes désignaient évidemment le pouvoir de la Trinité. Nous avons de plus des
                              preuves que le bandeau à cornes sans aucune coiffure était autrefois la corona ou
                              couronne royale. La couronne que portait le dieu Hindou Vichnou dans son avatar du
                              poisson est précisément un cercle ouvert ou bandeau surmonté de trois cornes droites
                              terminées par une boule (fig. 12).

                              Tous  les avatars sont représentés  comme ornés d'une couronne qui paraît avoir été
                 Fig. 12      modelée là-dessus: elle consiste en une petite couronne à trois pointes dressées en l'air
                                                                                                              66
                              dans laquelle Sir William Jones reconnaît la couronne des Éthiopiens ou des Parthes .
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          La tiare ouverte d'Agni, dieu du feu chez les Hindous, porte à son bandeau inférieur la double corne  faite
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          de la même manière qu'en Assyrie  et qui prouve tout de suite l'ancienne coutume et son origine. Au lieu des
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          trois cornes, on porta trois feuilles en forme de corne  et ainsi la bande à cornes devint peu à peu la petite
          couronne moderne ou la couronne aux trois feuilles de fleur de lis, ou autres ornements à trois feuilles.


          Chez les Peaux-Rouges d'Amérique, on trouve un usage analogue à celui des Babyloniens. Dans la "danse
                                                                               70
          des buffles", en effet, chaque danseur avait sur la tête des cornes de buffle ; et ce qui mérite d'être remarqué,
          c'est que la danse des Satyres en Grèce, semblait avoir été la contrepartie de cette solennité chez les Indiens,
          car les Satyres étaient des divinités à cornes, et ceux qui imitaient leur danse devaient avoir la tête ornée
          comme la leur (fig. 13).


          Si donc une coutume fondée sur une parole qui caractérisait le pays où dominait
          Nemrod se retrouve dans tant de contrées différentes éloignées l'une de l'autre,
          où cette parole n'était jamais employée dans la vie ordinaire, nous pouvons être
          sûrs que cette coutume n'était pas le fait du hasard, mais qu'elle s'était répandue
          de  Babylone dans toutes les directions, à l'époque où Nemrod le   premier
          commença à être puissant sur la terre. Le pouvoir de Nemrod était représenté par
          un autre symbole. Il y a un synonyme de Gheber le puissant; c'est Abir. Aber,
          aussi, signifie une aile. Nemrod, chef et capitaine des soldats qui l'entouraient,
          et qui l'aidaient à établir son pouvoir, était appelé Baal-aberin, le seigneur des
                                                                                              Fig. 13 – Les Satyres,
          puissants. Mais Baal-abirin (qui lui est à peu près semblable) signifie celui qui  compagnons de Bacchus,
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          est ailé . Aussi était-il représenté comme un taureau portant à la fois des cornes  dansaient avec lui. L'épithète qui
          et des ailes; il montrait par là non seulement qu'il était lui-même puissant, mais  caractérisait Bacchus étant le
                                                                                       taureau à cornes, les cornes des
          qu'il commandait à des puissants toujours prêts à exécuter ses ordres et à vaincre
                                                                                     Satyres (pour une raison mystique,
          tous ses adversaires.                                                        c'étaient des cornes de bouc) se
                                                                                         montrent sous leur vrai jour.





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                              LAYARD, Ninive, vol. II, p. 446.
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                              Recherches Asiatiques, vol. I, p. 260.
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                              ibid. Agni, fig. 80.
                       68     LAYARD, Ninive, etc. vol. II, p. 451.
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                              KITTO, Comment, illust., vol. II, p. 301. La ramure semble indiquer une feuille.
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                              CATLIN, Les indiens de l'Amérique du Nord, vol. II, p. 128.
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                              Suivant un idiome oriental dont on a beaucoup d'exemples. Ainsi Baal aph, le seigneur de colère,
                              signifie un homme irrité; Baal lashon, le seigneur de la langue, un homme éloquent; Baal hatzim, le
                              seigneur des flèches, un archer et de même Baal aberin, le seigneur des ailes, signifie un homme ailé.
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