Page 36 - LES DEUX BABYLONES
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et d'un dieu prophète. Voici comment Kitto s'exprime à propos du passage Ésaïe XLVI, 1: "Bel est tombé sur
ses genoux, Nebo a été renversé." Ce dernier nom, dit-il, semble venir de Nibba, rendre un oracle ou
prophétiser; il signifierait donc "oracle" et dès lors comme le fait remarquer Calmet (commentaire littéral)
ne serait autre chose que Bel lui-même ou une épithète caractéristique qui lui est appliquée; il n'est pas, en
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effet, contraire à l'usage de répéter la même idée dans le même verset en termes équivalents .
Zernebogus, le grand rejeton du prophète Cush, était donc évidemment Nemrod, car Cush était le père de
Nemrod. Consultez maintenant Layard et voyez combien l'Angleterre et l'Assyrie sont mises ainsi dans un
rapport étroit. Dans la gravure précédente, dont nous avons déjà parlé, nous voyons d'abord l'Hercule
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Assyrien , c'est-à-dire le grand Nemrod, ainsi qu'on le désigne dans la version des septante, sans massue ni
éperons, ni armes d'aucune espèce attaquant un taureau. Lorsqu'il l'a terrassé, il met sur sa tête les cornes de
l'animal, comme trophée de victoire et symbole de puissance; puis on nous le montre avec les cornes, les
sabots et les jambes du taureau. Ainsi équipé, il se retourne pour attaquer un lion. Cette gravure est destinée
vraisemblablement à rappeler quelques traits de la vie de celui qui le premier commença à être puissant dans
la chasse et dans la guerre, et qui, selon toutes les traditions anciennes, était aussi remarquable par sa force
corporelle, car ce fut le chef des Géants qui se révoltèrent contre le ciel. Or Nemrod fils de Cush était noir,
en d'autres termes c'était un nègre. Cette parole scripturaire: "L'Éthiopien peut-il changer sa peau?" (Jérémie
XIII, 23) est ainsi dans l'original: "Le Cushite peut-il changer sa peau?" Si on ne perd pas ceci de vue, on verra
que dans cette figure découverte à Ninive, nous avons à la fois le prototype de l'Anglo-Saxon Zernebogus,
la semence du prophète Cush et le véritable original du noir, ennemi de l'humanité, avec des cornes et des
pieds fourchus. C'est sous un tout autre aspect que Nemrod fut tout d'abord adoré, mais chez un peuple au
teint clair, comme chez les Anglo-Saxons, il était inévitable, s'il était adoré, que ce fût généralement comme
un objet de crainte, et c'est ainsi que Kronos le Cornu, qui portait des cornes comme un double emblème de
sa force physique et de son pouvoir souverain, est devenu, dans la superstition populaire, le représentant
autorisé du démon. Dans bien des contrées éloignées les cornes sont
devenues l'emblème du souverain pouvoir. La couronne qui entoure
encore le front des monarques européens semble venir de l'ancien
emblème de puissance adopté par Kronos ou Saturne qui, d'après
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Phérécyde, fut le premier de tous qui ait porté une couronne . La
première couronne royale paraît avoir été simplement une bande dans
laquelle on plaçait les cornes. Par suite de l'idée du pouvoir indiqué par
la corne, des chefs secondaires paraissent avoir porté un cercle orné d'une
simple corne, comme emblème de leur pouvoir emprunté. Bruce, le
voyageur Abyssinien, parle de chefs qui étaient ainsi décorés (fig. 11); Fig. 11
il dit à ce propos que la corne attira son attention, lorsqu'il aperçut que les Les deux hommes sont des chefs
gouverneurs des provinces se distinguaient par cette coiffure. Quant aux Abyssiniens. Les deux femmes viennent,
elles, du Liban. Les coiffures à cornes,
souverains, la bande de la tête royale était parfois ornée d'une corne
sont, d'après Walpole (Ansayri), des restes
double, quelquefois triple. de l'ancien culte d'Astarté.
La corne avait été évidemment à l'origine le symbole du pouvoir et de la force chez les souverains: car sur les
monuments Égyptiens, les têtes des personnes royales divinisées n'ont en général pas plus de deux cornes pour
témoigner de leur pouvoir. Comme la souveraineté de Nemrod était fondée sur la force physique, les deux
cornes du taureau étaient le symbole de cette force corporelle – Et comme confirmation de ce fait, nous lisons
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Sanchoniathon qu'Astarté se mit sur la tête une tête taureau, comme emblème de la royauté .
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KITTO, Commentaire illustré, vol. XV, p. 53.
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Lares et Pénates de Cilicie, p. 151. Barker identifie l'Assyrien Hercule avec Dazyad le chasseur, il s'agit
évidemment de Nemrod.
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Saturnum Pherecydes ante omnes refert coronatum (TERTULLIEN, De Corona militis, ch. 7, vol. II, p.
85).
64 EUSÈBE, Proep. Evang. liv. I, ch. 10, vol. I, p. 45.