Page 23 - LES DEUX BABYLONES
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          Non seulement les Hindous célébraient hautement les perfections naturelles de Dieu, mais il est certain qu'ils
          connaissaient parfaitement son caractère miséricordieux, tel qu'il se manifeste dans ses relations avec un
          monde coupable et perdu. C'est ce qui apparaît clairement dans le nom même de Brahm qu'ils ont donné au
          Dieu unique, éternel et infini. On s'est livré à bien des spéculations peu satisfaisantes sur le sens de ce nom;
          mais si l'on considère avec soin les différentes citations relatives à Brahm, il devient évident que ce nom n'est
          autre chose que l'Hébreu Rahm avec le digamma préfixe, très usité dans les mots sanscrits dérivés de l'Hébreu
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          ou du Chaldéen. Rahm en hébreu signifie "le miséricordieux ou le compatissant ". Mais Rahm signifie aussi
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          le ventre  ou les entrailles, comme siège de la compassion.
          Or on parle de Brahm, le seul Dieu souverain, dans un langage tel qu'on ne peut l'expliquer à moins de
          supposer que Brahm avait la même signification que le mot Hébreu Rahm. Ainsi, nous voyons que le dieu
          Crishna, dans l'un des livres sacrés des Hindous, affirmant sa dignité souveraine, sa divinité et son identité
          avec le Dieu suprême, se sert des expressions suivantes: "Le grand Brahm est mon sein, dans lequel je place
          mon foetus; c'est de lui que procèdent toutes choses. Le grand Brahm est le sein de toutes les formes diverses
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          qui sont conçues dans chaque sein naturel ." Comment aurait-on jamais pu appliquer un pareil langage au
          "suprême Brahma, le Dieu Très-Haut, l'Être divin, au-dessus de tous les autres dieux; sans généalogie, le
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          Seigneur tout-puissant, Dieu des dieux, le Seigneur universel " sinon à cause de cette analogie entre Rahm
          "les entrailles", et Rahm "le miséricordieux"? Nous voyons donc que Brahm est exactement le même que "Er-
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          Rhaman " le Tout miséricordieux, titre appliqué par les Turcs au Très-Haut, et que les Hindous, malgré leur
          profonde dégradation religieuse, avaient autrefois reconnu que le Très-Saint, le Très-Haut est aussi le Dieu
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          de miséricorde, en d'autres termes, qu'il est un Dieu juste et Sauveur . En développant cette interprétation
          du nom de Brahm, nous voyons que leur croyance religieuse concernant la création coïncidait exactement
          avec le récit de l'origine de toutes choses tel qu'il se trouve dans la Genèse. On sait que les Brahmanes, afin
          de se faire valoir comme une caste sacerdotale à moitié divine, devant laquelle toutes les autres devaient se
          prosterner, ont longtemps prétendu que, tandis que les autres castes venaient des bras, du corps, des pieds de
          Brahma (le représentant visible et la manifestation de l'invisible Brahm avec lequel il s'identifiait) eux seuls
          étaient issus de la bouche du Dieu Créateur. Or, nous trouvons dans leurs livres sacrés des déclarations qui
          prouvent  que jadis on enseignait une doctrine  toute différente. Ainsi, dans l'un des Védas, il est dit
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          expressément, à propos de Brahma: "toutes choses sont créées par sa bouche ". Dans ce passage on a essayé
          d'obscurcir le sujet: mais si on le rapproche du sens du nom de Brahm que nous avons déjà donné, qui peut
          douter du sens précis de cette citation, bien qu'elle soit opposée aux orgueilleuses et exclusives prétentions
          des Brahmanes? Elle veut dire évidemment que celui qui depuis la chute s'était révélé à l'homme comme étant
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          le Miséricordieux  et le Dieu qui fait grâce (Exode XXXIV, 6) était en même temps connu comme le Tout-
          puissant qui au commencement "parla, et la chose fut faite, commanda, et toutes choses comparurent, et qui
          fit toutes choses par sa parole puissante". – Après ce que nous venons de dire, tout lecteur qui consulte les
          "Recherches Asiatiques", vol. VII, p. 293, peut voir que c'est en grande partie par suite d'une falsification
          criminelle du titre divin de Seul Dieu vivant et vrai, titre qui aurait dû être si cher aux pécheurs, que surgirent
          toutes les abominations morales qui rendent si odieux au regard de la pureté les symboles païens des temples
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          Hindous .



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                              Voir PARKHURST, Lexique Hébreu, sub voce n/ V.
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                              ibid. n/ II.
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                              PARKHURST, Lexique Hébreu, sub voce n / IV.
                       16     MOOR, Le Panthéon, Crishna, p. 24.
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                              GITA, p. 68, apud Moor.
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                              Pour plus de clarté sur la croyance des Hindous à ce sujet, voir à la fin de l'article suivant.
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                              Recherches Asiatiques, vol. VII, p. 294. Londres, 1807.
                       20     Le mot de l'original dans l'Exode est exactement le même que Rahm niais sous la forme du participe.
                       21     Si tel est le sens du mot Brahma, le sens de Deva, nom générique de Dieu chez les Hindous lui est
                              presque identique. Ce nom vient du sanscrit Div, briller. C'est seulement une forme différente de Shiv
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