Page 52 - LA SEPTANTE MYTHIQUE
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de traduction quand ce qui est raconté dans le mémorandum du
bibliothécaire (Aristée 28-34) ou dans l’exposé du travail des
traducteurs (Aristée 308-317) semble davantage relever de
l’établissement d’une édition critique d’un texte grec ? (Cette
notion à elle seule indique que cette lettre serait plutôt l'œuvre d'Origène
d'Alexandrie ou d'un de ses disciples dans le but de donner de la
crédibilité à une supposée restauration du texte de la Bible que l'on
retrouve dans l'Hexaple). La lecture que les exégètes donnent de la
Lettre d’Aristée est aussi problématique que le texte lui-même.
L’invraisemblance historique de l’intervention de Démétrios de
Phalère dans le récit permet de s’en rendre compte. Démétrios de
Phalère est connu par Diogène Laërce comme philosophe péripatéticien,
conseiller de Ptolémée Sôter, disgracié pour une imprudence politique au
début du règne personnel de Ptolémée Philadelphe, quelques années
avant que ce dernier n’épouse sa sœur Arsinoé. Démétrios de Phalère
n’a jamais été responsable de la bibliothèque d’Alexandrie.
Toutes ces données sont incompatibles avec ce qu’en dit la Lettre
d’Aristée, ce qui a conduit les exégètes, dès les débuts de l’ère
moderne, à ne plus considérer son auteur comme contemporain des
événements qu’il est censé raconter comme témoin. Mais cela n’empêche
pas les exégètes contemporains de continuer à affirmer que la Lettre
d’Aristée est ancrée dans une tradition légendaire qui rapporte la
traduction des cinq livres de la Loi au règne de Ptolémée Philadelphe. Or
rien ne les y oblige car le nom de Philadelphe n’est mentionné nulle part
dans le texte. C’est par un raisonnement qu’ils n’explicitent pas
qu’ils aboutissent à cette affirmation. Et parce qu’ils n’explicitent
pas leur raisonnement, les exégètes ne se sont pas rendus compte que
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